Cette fic est écrite dans le cadre de la 96ème nuit écriture du FoF (Forum Francophone) pour le thème "Câlin". Le FoF est un forum regroupant tous les francophones de ffnet où l'on peut discuter, demander de l'aide ou s'amuser entre nous. Le lien se trouve dans mes favoris. Rejoignez-nous !


D'un geste du doigt, Chris fit défiler sur son écran de téléphone les derniers articles des journaux à scandale. Les titres étaient tous différents, mais donnaient tous la même information. Victor Nikiforov et Christophe Giacometti : Ils ont une aventure ensemble !

Il a lu le premier article sur le sujet, par curiosité. Le dégoût qu'il en a ressenti l'a dissuadé de lire les autres. Il n'en veut pas spécialement aux journalistes d'avoir supposé qu'ils couchaient ensemble, n'importe qui aurait déduit ça en les voyant finir systématiquement les soirées de compétition dans la même chambre d'hôtel. Il leur en veut parce qu'ils auraient mieux fait de se taire plutôt que de supposer ou de déduire. Il leur en veut parce qu'il sait que Victor ne s'en remettra jamais s'ils venaient à apprendre la véritable raison de leurs soirées ensemble.

Il se souvenait encore de leur rencontre, de cette admiration avec laquelle il l'avait regardé en lui adressant ses félicitations pour sa victoire. A l'époque, il le voyait encore comme tous les autres : Une star du patinage, bien dans sa peau, fier de ses performances et à l'aise avec ses fans. C'est vrai, Victor était tout ça en apparence. Mais, au fil des compétitions, ils avaient appris à se connaître et Chris avait rapidement compris que ce n'était qu'un masque. A travers des bribes de mots, à travers quelques moitiés de phrases censées expliquer pourquoi les médias ne parlaient jamais de la famille de Victor, il avait compris qu'en réalité, le russe demeurait un adolescent mille fois trop jeune et trop seul pour endurer ce qu'il avait enduré et pour continuer à sourire quand même. Il l'avait compris quand, à l'issue de sa victoire aux Jeux Olympiques, un journaliste l'avait interrogé sur sa famille et les raisons de leur absence à ces Jeux qui avaient marqué son triomphe ultime. Il avait vu Victor esquiver la question et balancer une plaisanterie censée détendre l'atmosphère avant de changer de sujet. Il avait vu le regard de Victor s'assombrir dès que le reporter a eu le dos tourné, il l'avait vu se diriger d'un pas rapide vers les toilettes et s'effondrer en larmes avant même que la porte ne soit refermée.

Il aurait dû être choqué de voir son idole se comporter comme ça. Il s'est contenté de bloquer la porte pour être sûr que personne d'autre ne le verra et de lui proposer un peu maladroitement du chocolat suisse pour lui remonter le moral. Il n'a pas été choqué, juste profondément attristé pour lui. Et déterminé à tout faire pour l'aider à aller mieux, parce qu'il le mérite, parce qu'une star et un type aussi génial que lui mérite d'aller bien et d'être heureux et qu'il était alors devenu évident qu'il ne faisait que semblant de l'être. Ce soir-là, il s'est assis à côté de lui sur le carrelage des toilettes et, quand les larmes de Victor se sont séchées, ils ont discuté en mangeant du chocolat.

Ils ne s'étaient plus quittés depuis. Enfin si, ils y étaient bien obligés car ils restaient respectivement suisse et russe et qu'ils habitaient dans des pays différents que leurs carrières leur interdisaient de quitter. Mais ils avaient continué à discuter, par téléphone, par Skype, parfois même par lettres manuscrites ou par email. Pendant leurs vacances, ils se rejoignaient, chez l'un ou chez l'autre, et le soir de leurs retrouvailles se déroulait toujours de la même manière. Ils revenaient de l'aéroport, s'étalaient dans le canapé devant des bières et commençaient à parler. Victor parlait beaucoup. En public, il souriait, il distribuait des clins d'œil assurés et se pavanait parfois. En privé, il parlait, déballait tout ce qu'il ressentait, tout ce qu'il aimait, tout ce qui l'étouffait, et Chris l'écoutait parce qu'il savait que c'était la meilleure chose qu'il pouvait faire pour l'aider à aller mieux. Ils restaient des heures dans ce canapé devant leurs bouteilles de bières désormais vides et, quand le sommeil commençait à leur piquer les yeux, ils se motivaient à bouger vers la chambre. Ils s'étalaient côte à côte sur le lit deux places et continuaient à parler. Rapidement, leurs corps se resserraient et, quand ils cédaient à la fatigue et s'endormaient au milieu d'une phrase, ils étaient blottis l'un contre l'autre dans une étreinte qui achevait de les réconforter tous les deux.

Quand ils se retrouvaient en compétition, c'était la même chose. Ils n'avaient pas le temps de boire des bières sur un canapé, alors en rentrant à l'hôtel, ils se rendaient directement dans la chambre de l'un ou de l'autre et se laissaient tomber sur le lit. Ils parlaient moins, et Chris attirait Victor dans ses bras plus rapidement que d'habitude. Il savait que, derrière ses airs assurés, Victor restait un ancien enfant maltraité psychologiquement par des parents qui n'ont jamais réussi à l'aimer. Il ne pouvait pas imaginer mais se doutait d'à quel point le manque d'amour pouvait détruire quelqu'un, alors il essayait de panser ses blessures autant qu'il le pouvait en lui faisant tous les câlins que l'enfant au fond de lui n'avait jamais eus.

C'était devenu une habitude, à chaque fois qu'ils se retrouvaient, et aucun d'eux deux n'aurait désormais pu s'en passer. Quand Chris l'attirait dans ses bras, Victor oubliait tout, l'amertume de son enfance, la pression des compétitions, les entraînements épuisants, les reproches permanents de Yakov. Il oubliait tout parce que seuls les bras de Chris comptaient à cet instant et il savourait juste ces câlins qui lui avaient manqué pendant tant d'années. Chris, lui, savourait l'amitié de Victor, savourait cette présence d'un ami tel qu'il n'en avait jamais connu. Il ne pouvait pas nier qu'il se sentait seul lui aussi, trop seul, et c'était d'autant plus inconcevable que, contrairement à Victor, il avait toujours été entouré. Ses mamans, ses amis, avaient toujours été là pour lui et pourtant, il n'avait jamais eu cette relation si particulière, celle qui permettait de partir dans les plus gros délires comme de s'entraider dans les pires situations. Avec Victor, c'était tout simplement différent, il avait cette certitude inébranlable qu'ils seraient toujours là l'un pour l'autre et c'était ce qui rendait cette relation unique.

Son regard se reposa sur l'article affirmant qu'ils couchaient ensemble. Les journalistes seraient particulièrement déçus s'ils apprenaient qu'ils ne faisaient rien d'autre que des câlins chastes lors de ces nuits. Et pourtant, aucun d'eux deux n'avait jamais imaginé la possibilité que ces câlins deviennent plus entreprenants qu'ils ne l'étaient en réalité. Parce qu'ils n'auraient juste pas eu la même saveur, pas eu le même réconfort. Parce qu'au fond d'eux-mêmes, ce câlin seul suffisait à gommer, pour une durée plus ou moins longue, toutes leurs angoisses et tous leurs ressentiments.


Un petit disclaimer avant de boucler cet OS : Le fait que Chris a deux mamans vient de KartenK et sa fabuleuse fic "Je ne suis pas amoureux" que vous pouvez retrouver dans mes favoris. Filez vite la lire, elle en vaut carrément le coup !

Les allusions à l'enfance de Victor viennent de mon propre OS écrit dans le cadre du Secret Santa "Être digne d'elle". N'hésitez pas à venir faire un tour si le sujet vous intéresse !

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