Cette fic est écrite dans le cadre de la 98ème nuit écriture du FoF (Forum Francophone) pour le thème "Atmosphère". Le FoF est un forum regroupant tous les francophones de ffnet où l'on peut discuter, demander de l'aide ou s'amuser entre nous. Le lien se trouve dans mes favoris. Rejoignez-nous !

Note de l'auteur : Cette idée m'a été inspirée par Saad Maia, et, passé le fou rire de consternation que j'ai eu en entendant ça, j'ai été forcée d'admettre qu'il y avait quelque chose à tenter. Donc même si je l'ai beaucoup haïe sur le coup et que j'ai envie de crier très fort que tout est de sa faute, on peut quand même la remercier pour m'avoir soufflé cette idée :p


Soyons honnêtes un instant, OK ? Il y a des tas de prénoms qui me seraient mieux allés que Yuri. N'importe lequel des centaines de prénoms russes existants me serait mieux allé que Yuri. De toute façon, j'ai jamais pu blairer ce prénom. Bon, je m'y suis fait, hein. A force de se faire appeler comme ça cent fois par jour, on finit par se faire à l'idée et se retourner quand on entend ce prénom. Même si c'est un prénom de merde.

Bon, OK, mon avis est peut-être influencé par les raisons pour lesquelles ma mère m'a filé ce prénom. Allez-y, on prend les paris. Un truc lu dans un dictionnaire ou un magazine et qu'elle a trouvé cool ? Le prénom d'un vieil ancêtre de la famille à qui elle a voulu rendre hommage ? Le prénom de la dernière popstar à la télé ? Non non, rien de tout ça. Quoi que, la dernière s'en rapproche un peu. Vous commencez à comprendre de quoi je veux parler ? Ouais, c'est bien ça. Elle était restée en admiration devant Youri Gagarine et son récit de son voyage dans l'espace. Parce qu'un mec, il y a cinquante ans, est sorti de l'atmosphère dans un bout de métal, moi, il faut que je me tape le même prénom que ce gars pendant une vie entière. Sérieusement, si vous avez un prénom de merde mais que vous envisagez de faire un truc qui vous rendra célèbre, je vous en supplie, réfléchissez-y à deux fois. Vous épargnerez un petit paquet de souffrance à un nombre incalculable de gosses, croyez-moi.

Bref, Youri Gagarine. Ce mec qui a eu une enfance de misère et de guerre, qui est mort à 34 ans, mais qui, entre temps, est sorti de l'atmosphère et qui est devenu un héros pour ça. Vous la sentiez, l'enfance prédestinée, là ? Bien sûr, la seule chose que ma mère a retenu, c'est que le mec a été célèbre et qu'elle-même était célèbre et qu'elle voulait que son fils soit célèbre et donc qu'elle m'a filé le nom de quelqu'un de célèbre. Avant de m'abandonner pour redevenir célèbre. L'avantage, c'est qu'elle n'a jamais été là pour que je puisse lui reprocher de m'avoir appelé comme ça, et vous pouvez pas imaginer à quel point ça m'a démangé, pourtant. Mais bref, le mal était fait, elle s'est barrée pour retourner à sa célébrité, et moi, je n'avais plus qu'à supporter ce prénom de merde. Ne serait-ce que pour les surnoms. Tenez, prenons un autre prénom, genre Victor. Il se tape un vrai surnom lui, Vitya, un truc suffisamment court pour remplir le rôle d'un surnom, et pas moche quand même. Moi, je vous le donne en mille, c'est quoi que les groupies hystériques hurlent dans les aéroports ou les patinoires ? Yourishka. Parce que Yuri ne devait pas être suffisamment moche, non, tout le monde a décidé de le rallonger de façon encore plus moche.

Alors ouais, dans un prénom, y a pas que les surnoms, OK. Il y a… Tiens, la signification. C'est important, la signification d'un prénom. On en parle, de la signification du prénom Yuri ? Ça signifie « Être à l'écoute ». Arrêtez de rire, je suis sérieux, je me fous pas de vous ! Bon, on est d'accord, j'ai absolument pas une gueule à être à l'écoute, hein ? Alors oui, il y a d'autres pays où ça signifie un truc un peu plus fun, genre celui qui maîtrise le feu ou des trucs classes comme ça. Mais bon, la signification que tout le monde retient, c'est qu'avec mes cheveux coupés au carré et ma bouille de chaton sauvage, je dois être à l'écoute. Au moins, ça me permet de savourer la tronche que tirent les gens qui attendent ça de moi et qui se confient en s'attendant à ce que je les soutienne. Donc oui, pour la signification du prénom aussi, on repassera.

Pourtant, il a bien fallu que je m'y fasse. Un prénom, on n'a pas le choix, tout le monde nous appelle comme ça, et, dans les compétitions, c'est parce qu'il est prononcé et associé à vous que le public se met à hurler des encouragements. Il faut avouer que ça aide considérablement à apprécier ce prénom. Et puis ouais, qu'on le veuille ou non, on finit par s'y habituer. Ça devient une partie de nous, quoi. Comme un détail physique qu'on n'aime pas et pour lequel, après avoir cherché des milliers d'alternatives pour le cacher, on finit par se faire une raison et admettre qu'il n'y a rien à en tirer.

Donc voilà. Un prénom inspiré d'une célébrité dont l'exploit d'aller dans l'espace a éclipsé la vie de merde qu'il a pu avoir à côté de ça, une mère qui avait trop honte de son choix pour l'assumer jusqu'au bout, un surnom ridicule, une signification encore plus ridicule – ce qui n'était pas censé être possible, et par-dessus tout ça, une fatalité parce que je suis encore censé supporter ce prénom pendant un petit paquet d'années. J'avais fini par m'y faire. Jusqu'à la finale du Grand Prix.

Oui, cette finale du Grand Prix. Celle où j'étais encore chez les juniors pour la dernière année, celle où Victor a patiné et gagné sur Stay Close to Me et celle où un autre Yuri a débarqué de nulle part pour se taper la honte en foirant tous ses sauts. Genre, un autre Yuri. Alors oui, au début, je l'ai beaucoup plaint, ne serait-ce que pour ce prénom de merde – je sais suffisamment bien ce que c'est d'avoir à se le traîner. Et le problème aurait pu s'arrêter là, si je n'avais pas été censé rejoindre les séniors l'année suivante. Parce qu'on a le même prénom et qu'on sera dans la même catégorie et que par conséquent, on sera forcément comparés l'un à l'autre, c'est obligatoire. Sauf qu'il est hors de question qu'on soit comparés, je refuse d'être assimilé à un porcelet qui finit par terre chaque saut qu'il entreprend, peu importe à quel point il met tout son cœur dans ses pas. C'est juste hors de question.

Alors j'ai tenté le tout pour le tout, j'ai profité de le voir chialer dans les toilettes pour venir l'achever et lui lancer cette vérité implacable : L'année prochaine, chez les séniors, il y aura un Yuri de trop. Et ce sera lui qui devra partir, et moi qui restera. Parce que je suis le seul Yuri digne de ce nom dans ce monde et que je refuse de voir ce prénom être entaché par les échecs d'un autre patineur qui n'a rien à voir avec moi.


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