Cette fic est écrite dans le cadre de la 98ème nuit écriture du FoF (Forum Francophone) pour le thème "Obéir". Le FoF est un forum regroupant tous les francophones de ffnet où l'on peut discuter, demander de l'aide ou s'amuser entre nous. Le lien se trouve dans mes favoris. Rejoignez-nous !
Cet OS se passe pendant l'épisode 5, lorsque Yuri réalise pour la première fois son programme libre dans la compétition contre Minami. J'espère qu'il vous plaira !
Tu es tendu, Yuri. C'est ma première compétition à tes côtés, pourtant, j'ai l'impression de te connaître suffisamment bien pour savoir que tes angoisses ont recommencé à t'envahir dès l'instant où j'ai desserré mon étreinte pour te laisser t'engager sur la piste. Détends-toi, Yuri. Ce n'est que le début, tu peux t'amuser aujourd'hui. Je sais que tu appréhendes de ne pas réussir à passer cette étape-là, que tu penses un peu trop au magnifique programme que Minami vient de boucler à la perfection. Tu es plus beau, plus doué que lui, il n'aurait jamais dû te battre sur vos derniers nationaux. Détends-toi. Souviens-toi de ce qu'on a dit, ne fais qu'un quadruple au début, donne tout le reste de tes forces sur les composantes que tu serais capable de réaliser les yeux fermés. Charme-moi autant que tu l'as fait en dansant l'Eros hier.
Je sais que tu es stressé. Que les journalistes qui s'agglutinent autour de la piste pour voir ta première représentation publique de ton programme libre te stressent. Mais les premières notes de ta musique résonnent et tu parais te détendre un peu pendant que tes bras s'étirent dans ce mouvement que tu connais désormais si bien. On ne voit plus rien d'autre que de la détermination sur ton visage pendant que tu prends de la vitesse pour ta première combinaison, quadruple et triple boucle piqué. Tu t'envoles et tournes toi-même impeccablement avant d'atterrir et de t'élancer à nouveau. Cette fois, tu ne tournes que deux fois avant que ton patin ne claque parfaitement sur la glace sans même que ton pied ne tremble. Deux fois ? Est-ce que tu avais perdu trop de vitesse, est-ce que tu n'as pas réussi à tourner assez ?
Mes yeux se reposent sur ton visage qui me donne ma réponse : Non. Tu as l'air trop confiant, trop déterminé et, si ce saut avait été un échec, il t'aurait ébranlé. Je te connais Yuri. Pourquoi tu n'as fait que ce double, alors ? Est-ce que tu veux placer un autre triple dans ta deuxième partie pour récupérer quelques points en plus ? Ou est-ce que… Bon sang, Yuri. Ou est-ce que tu veux passer trois quadruples, comme prévu initialement. Je n'ai même pas besoin de me poser la question, je connais déjà la réponse. Bien sûr que tu vas essayer de passer ces trois quadruples. Je te l'avais déconseillé, interdit même, et pourtant tu vas le faire.
Je te l'avais interdit, pourtant, maintenant que tu es sur la glace et moi au bord, je ne peux pas faire grand-chose d'autre que de te souhaiter de réussir. Pourtant, ta décision me travaille. Ça se voit que tu es tendu, que ta décision de faire ces quadruples t'obnubile et t'empêche de donner tout ce que tu as sur le reste de tes composantes. Détends-toi et concentre-toi. Tu en es capable, on le sait tous les deux. Tu n'aurais même pas essayé de faire ces sauts si tu pensais ne pas pouvoir y arriver, alors maintenant que tu as pris cette décision, prouve-nous, prouve-moi que c'était la meilleure chose à faire.
Tu es impatient, trop impatient, et ça se voit. Tous les sauts que tu rates le sont parce que tu tournes trop, parce que tu mets trop d'énergie, trop de rage de revanche dedans. Le Grand Prix n'est pas encore commencé Yuri, tu n'as rien à prouver ici, à personne, alors pourquoi tu fais ça ? Le public semble complètement happé par ta performance, ta danse illumine la piste comme tu l'illuminais il y a quelques mois pendant le bal. Tes sauts sont loin d'être les meilleurs, mais ça ne change rien au fait que c'est toi que le public préfère parmi toutes les performances d'aujourd'hui. Parce que tu sais ce que tu fais. Parce que la pression que tu te mets et tes imperfections dans tes sauts ne changent rien au fait que tu es à l'aise sur cette piste, que tu donnes tout ce que tu as et que tes composantes n'auraient pas pu être plus belles. Est-ce que c'est pour ça que tu as décidé de me désobéir ? Parce que la raison de ne pas sauter que je t'ai donnée était de privilégier tes composantes, et que tu savais qu'elles ne pâtiraient de toute façon pas des sauts que tu ferais ?
Tu tournes à nouveau trop et trop loin sur ton triple et, en tombant, ton visage heurte violemment le bord de la balustrade. Je grimace en même temps que toi, mais j'ai presque honte en camouflant le sourire qui me vient par la suite. Heureusement que ce triple était censé être le bouquet final de ton programme… Ça n'a pas l'air de te perturber tant que ça, finalement, ni d'ébranler ta motivation à faire ton troisième quadruple. De qui tu tiens ça, Yuri ? D'où te vient cette assurance, cette désobéissance qui te paraît si naturelle sur la glace et si improbable en dehors ? Est-ce que c'est Célestino qui t'a appris à te comporter comme ça, à faire ce que tu pensais être le meilleur, peu importe ses conseils ? Non, bien sûr que non. Le peu que tu m'as dit sur lui m'a permis de comprendre que beaucoup de tes angoisses venaient de ta peur de le décevoir. Ses choix de musiques et de programmes qu'il t'imposait, la rapidité avec laquelle tu avais abandonné quand tu avais essayé de lui proposer ta propre musique… Impossible que ce soit avec lui que tu aies trouvé cette autorisation d'indépendance. Alors avec qui ?
Les dernières notes de ton programme résonnent et tu t'immobilises, le bras et le regard tendus vers moi. Moi ? Est-ce que tu viens de répondre à ma question ? Est-ce que c'est de moi dont tu t'es inspiré pour désobéir ainsi ? Peut-être, après tout. Tu ne me connaissais pas, mais tu étais là dans mes compétitions, dans les gradins ou derrière ta télé. Tu voyais mes sauts changer de compétition en compétition, tu voyais le regard de Yakov se fermer de plus en plus, tu le voyais m'incendier dès la sortie de la piste. J'avais toujours trouvé ça normal. Le coach parle, le patineur obéit. Ça faisait partie du jeu, et les engueulades et les punitions qui suivaient mes programmes en faisaient partie aussi. J'acceptais de payer ce prix pour faire ce que je pensais être le mieux, c'est tout. Est-ce que c'est aussi ce que tu viens de faire ? Est-ce que vraiment, tu t'es inspiré de ce que tu as capté de moi dans ces moments-là pour tenter de m'égaler et de me surprendre, de la même façon que je surprenais ainsi le public et le jury ?
Tu as salué le public mais tu es toujours sur la glace, immobile, ton regard incertain vers moi. Tu sais que tu m'as désobéi, et tu te demandes comment je vais réagir. N'importe quel patineur se poserait cette question. Je me la pose aussi, d'ailleurs. Comment je dois réagir à ça ? Je sais comment Yakov réagirait. Si j'appliquais son modèle, je te passerais un savon dès que tu m'aurais rejoint, je continuerais à te réprimander durant tout le trajet du retour à la maison et je te ferais terminer la journée par des séries de pompes qui t'épuiseraient suffisamment pour te dissuader de me désobéir pendant les trois ou quatre prochains jours. Est-ce que c'est comme ça que je dois réagir, est-ce que vraiment, un coach ne doit jamais se dérober à cette règle ultime : Le coach parle, le patineur obéit ? Est-ce que je suis en droit d'exiger de toi une obéissance aveugle et soumise, est-ce que c'est ainsi que j'aurais une chance de t'emmener sur le podium du Grand Prix ?
Ton regard tremble de plus en plus pendant que tu cherches à capter le mien et je sais que ma réaction est en train de te perturber. Que mon hésitation te fait déjà t'effondrer et que tu achèveras de t'écrouler si je te punis pour ce que tu viens de faire. Je pourrais te réprimander pour ne pas m'avoir obéi. Je sais que ça marcherait, que tu ne recommencerais plus et que tu te tiendrais strictement à ce que je t'aurais dit de faire lors des prochaines compétitions. Mais les applaudissements du public derrière moi me hurlent que ce serait contre-productif. Que ton pari a été payant et que tu vas effectivement rafler beaucoup plus de points que si tu t'en étais tenu à un seul quadruple. Est-ce que ce n'est pas le principal, le seul objectif que nous sommes tous les deux censés rechercher ? Tes composantes et ton interprétation étaient sublimes, tu as mis tout ton cœur dans tes pas et tu as assumé jusqu'au bout ta décision. Alors pourquoi est-ce que je te réprimanderais pour ça ? Quel intérêt j'aurais à briser la confiance en toi que tu viens de prendre ? Te punir maintenant reviendrait à te briser les ailes, à faire de toi une marionnette sublime sur la glace mais dépourvue de volonté et dont le seul objectif serait de faire ce que j'attends de toi. C'est comme ça que Yakov fonctionnait. Parce que c'est une tradition des coaches russes, parce qu'il a été formé comme ça et que ça marchait. Je lui en ai fait baver, bien sûr, mais, malgré la preuve que ma décision était la bonne, il n'a jamais remis son modèle en question.
Je soupire en comprenant que je viens de trouver ma réponse. Tu as pris la bonne décision, et je refuse de t'interdire de le faire à nouveau. Parce que c'est comme ça que je fonctionnais, que je sais que ça marche, et que c'est comme ça que tu fonctionneras également le mieux. Alors je me redresse vers toi et ouvre mes bras dans une proposition silencieuse pendant que je te souris avec tout l'amour et la fierté que j'éprouve pour toi. Ton regard s'éclaire de joie et d'un soulagement net, avant de briller de bonheur. Tu t'élances vers moi et, pendant que je te vois te rapprocher, je ne peux m'empêcher de constater que j'ai pris la bonne décision. Que tu as pris la bonne décision. Tu as émerveillé le public et le jury, tu m'as émerveillé moi, et je refuse que tu arrêtes. Continue, Yuri. Continue à briller sur la glace, continue à mettre tout ton cœur dans tes pas, à danser comme tu le fais si bien. Continue à me désobéir. Parce que c'est ça qui te rendras aussi magnifique, aussi sûr de toi et aussi surprenant.
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