Cette fic est écrite dans le cadre de la 102ème nuit écriture du FoF (Forum Francophone) pour le thème "Merci". Le FoF est un forum regroupant tous les francophones de ffnet où l'on peut discuter, demander de l'aide ou s'amuser entre nous. Le lien se trouve dans mes favoris. Rejoignez-nous !


Tu t'es endormi, depuis longtemps déjà. Je n'ai jamais compris comment tu faisais pour t'endormir instantanément à la seconde où tu éteignais la lumière, Victor. Moi, il me faut en moyenne deux heures, vingt-cinq positions différentes et trois pactes avec le diable pour trouver le sommeil. Encore plus ce soir. Depuis une semaine, j'imaginais cette nuit comme la plus reposante de ma vie. La première nuit après le Grand Prix, celle où toute la pression serait retombée, où aucune angoisse ni aucune interrogation ne pourrait plus changer quoi que ce soit. Pourtant, je me sens encore plus tracassé et anxieux qu'avant. J'ai mis un moment à trouver ce qui me dérangeait, mais j'y suis finalement arrivé.

La phrase que tu m'as dite quand je suis descendu du podium a été le déclencheur. Je refuse d'embrasser cette médaille si elle n'est pas en or. Je suis tellement déçu... Qu'est-ce que tu pourrais faire pour te faire pardonner, tu aurais une idée ? Ne t'inquiète pas, Vitya, je sais très bien que tu plaisantais, que tu restes fier de cette médaille d'argent et heureux que je te l'ai offerte. Mais ta plaisanterie a soulevé autre chose, quelque chose de bien plus grave et plus angoissant. Je ne peux rien faire pour me faire pardonner de n'avoir eu que l'argent. Je ne peux rien faire non plus pour te remercier de m'avoir fait atteindre cette médaille. Les règles entre un coach et son élève sont censées être claires : Le coach entraîne l'élève parce que c'est son métier et l'élève passe la quasi-totalité de l'argent qu'il remporte en compétition dans le paiement du salaire du coach. Point. Pas d'interrogations, pas d'inégalités.

Mais toi, tu as débarqué chez moi du jour au lendemain en décrétant que tu allais m'entraîner. Tu m'as tout donné, sans compter. Ma confiance en moi, elle vient de toi. Mes capacités et ma technique en patinage, c'est toi. Mon classement en finale du Grand Prix, c'est toi, et cette médaille d'argent, c'est encore toi. Même la possibilité de continuer à tes côtés sans pour autant t'empêcher de revenir sur le devant de la scène, c'est toi. Et moi, qu'est-ce que j'ai fait pour te remercier ? Rien. Strictement rien. La seule fois où tu as évoqué le prix de ton coaching, tu as lancé dans une de tes plaisanteries habituelles que tu m'enverrais la facture quand j'aurais gagné l'or du Grand Prix. Inutile de dire que aujourd'hui, tu n'as pas soulevé cette question à nouveau, parce que ça te paraît si simple et si évident pour toi que je ne te dois rien. J'aimerais que ça le soit autant pour moi.

L'espace d'une seconde, je m'imagine ta réaction si j'osais t'en parler. Je n'ai pas de mal à trouver. Je peux presque t'entendre me dire que je ne te dois rien, que je t'ai apporté énormément de choses, que j'ai changé ta vie et que je t'ai rendu heureux... J'ai presque envie d'y croire. J'y croirais, en fait, si je ne savais pas que l'amour fou qui nous lie finira tôt ou tard par s'épuiser. Soyons clairs, je t'aime comme un fou Victor et je donnerais tout pour pouvoir passer le reste de ma vie à tes côtés. Mais j'ai été proche de suffisamment de couples différents pour savoir qu'un jour, la passion disparaît et devient soit de la haine, soit de la raison et de la complicité. Dans les deux cas, ce jour-là, le jour où notre amour s'essoufflera et se transformera en quelque chose de plus stable et plus durable, tu ne te contenteras plus de dire que ma présence te suffit en paiement de tout ce que tu m'as donné. Ça ne suffira pas, ça ne pourra jamais suffire.

Rien ne pourra jamais suffire à te payer, à te remercier. Tu comprends maintenant pourquoi cette situation m'angoisse de plus en plus au fur et à mesure que les jours passent ? Je pourrais me dire qu'il me reste du temps pour me préparer, pour mettre de côté l'argent que tu serais en droit de me réclamer pour tes frais de coaching, pour trouver autre chose à te donner et qui pourrait avoir une valeur de paiement et de remerciement digne de ce nom. Mais ça n'existe pas, je l'ai compris depuis longtemps. Aucune somme ne peut payer ce que tu m'as apporté, aucune chose au monde ne suffira jamais à te remercier. Ma présence te suffit et je ne comprends pas vraiment pourquoi. Je ne vois pas ce que j'ai de si exceptionnel pour ça. Je ne suis que moi, un patineur parmi tant d'autres qui a eu un coach unique qui l'a emmené au plus haut niveau. Un type de 24 ans qui ignorait tout de l'amour et de tout ce qui va avec avant de te rencontrer. Un type qui ne sera jamais à la hauteur de tous les autres petits-amis que tu pourrais avoir. Et pourtant c'est pour moi que tu as tout lâché, pour moi que tu as renoncé à ta carrière et à une vie glorieuse, pour moi que tu vas devenir le premier patineur de haut-niveau qui coachera en même temps.

Je n'ai toujours pas compris ce que tu me trouvais de si particulier. Je l'ai accepté, bien sûr, et j'en suis profondément heureux et soulagé. Je t'aime Victor, je n'ai jamais aimé quelqu'un aussi profondément que toi et j'aimerais croire que notre histoire sera la seule et unique de ma vie. Que cette situation, qui me met mal à l'aise quant à la façon dont elle va finir, ne va en fait jamais finir. J'ai envie d'y croire, mais je n'ose pas le faire. Je n'arrive pas à accepter que tu fasses tout ça pour moi sans rien en échange, je n'arrive pas à te comprendre quand tu dis que je t'ai moi-même apporté énormément de choses. Je n'arrive pas à oublier que, le jour où tu exigeras à juste titre que je te remercie pour tout ce que tu as fait pour moi, j'en serais purement incapable.


Ce n'est bien sûr que le point de vue très biaisé et très subjectif de Yuri, je tenais à le préciser. Je suis quand même contente d'avoir pu écrire sur ce sujet qui me faisait de l'oeil depuis mon premier visionnage de l'anime !

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