Cet OS est écrit dans le cadre d'un jeu du FoF sur le thème "Sur le vent du Nord". Contactez-moi si vous voulez plus d'informations, je ne mords pas ! :D
Victor s'assit sur un tronc d'arbre couché par terre et posa son sac à dos à ses pieds. Il en sortit ses patins qu'il enfila rapidement et laça attentivement avant de se redresser face au lac gelé devant lui. Il le connaissait suffisamment, il venait régulièrement y pique-niquer avec ses parents quand il était petit. En grandissant, sa mère lui avait appris à reconnaître une glace suffisamment solide pour patiner dessus. Depuis, il s'entraînait avec Yakov, ne rentrait chez ses parents que tous les six mois, était souvent trop épuisé ou avec les pieds trop en miettes pour trouver la force de conduire jusqu'ici pendant ses jours de repos. Mais parfois, quand l'envie se faisait trop forte, ou le découragement du quotidien trop persistant, il prenait ses patins, sa voiture, roulait pendant trois heures vers le nord de la Russie et arrivait ici. Dans cette forêt coupée du monde, devant un lac glacé et silencieux, où les seuls mouvements qui troublaient l'endroit étaient les branches d'arbre qui se secouaient sous le vent froid et vigoureux.
Il s'approcha de la surface du lac et, arrivé devant, enleva précautionneusement ses protège-lames en reposant aussitôt son pied sur la glace. Poser sa lame par terre en pleine forêt pourrait détruire ses patins et sa réputation, il ne pouvait pas se permettre d'y faire le moindre accroc qui provoquerait sa chute à la prochaine compétition. Une fois sur la glace, il s'élança, d'abord doucement, patinant en cercles dessus pour s'échauffer. Dix minutes plus tard, il revint au bord et enleva sa veste de jogging pour ne garder que son tee-shirt avant de repartir sur la glace, plus vite, en arrière, en faisant des enchaînements de croisés et d'arabesques.
Il savait pertinamment ce que Yakov dirait s'il le voyait ici. En tee-shirt dehors, par des températures négatives et un vent glacial, patinant seul sur un lac gelé coupé du monde. Qu'il était inconscient, qu'il pourrait tomber malade, qu'il pourrait traverser la glace et se tuer, qu'il pourrait se blesser. Mais Yakov râlait toujours de toute façon et à trop entendre ses vociférations, Victor n'en écoutait plus la moitié. Parce que s'il devait les écouter et les respecter à la lettre, il aurait arrêté de patiner depuis longtemps. Alors il ne lui disait rien, lui jurait qu'il restait chez lui pour son jour de repos hebdomadaire, et venait ici seul.
Le vent du nord lui frappait le visage et les bras avec une force rare mais cela ne faisait que l'inciter à patiner plus vite, à enchaîner encore plus ses pas, ses croisés, ses pirouettes, ses cross-rolls. Ses bras bougeaient aussi, reproduisant mécaniquement certains passages de ses précédentes chorégraphies, celles qu'il avait le plus apprécié de danser ou celles qui l'avaient marqué. Parce que c'était pour cela, surtout et avant tout, qu'il revenait ici. Pour se souvenir. Qu'il aimait patiner, qu'il aimait cette sensation de vent qui lui fouettait le visage jusqu'à lui faire se demander s'il s'en sortirait sans engelures, ce froid qui l'enveloppait et l'apaisait alors que ses muscles bouillaient sous l'effort.
Les sapins défilaient devant lui aussi vite qu'il glissait, tout autour de lui restait silencieux, un mélange de blanc et de vert naturel, sans artifice, sans lumière trop forte ou clignotante. Sans cri à part ceux de quelques oiseaux, sans éclairage à part le ciel aux nuages blancs. Sans pression. Surtout sans pression. Sans Yakov qui réussirait à pointer les défauts de ses figures, sans ses coéquipiers qui guettaient chacun de ses enchaînements pour réussir à faire mieux à la prochaine compétition, sans journalistes ou interviews dans laquelle chacun de ses mots serait épié.
Ses jambes ralentissaient d'elles-mêmes. Il était essoufflé, assoiffé. Le froid n'était plus apaisant, il redevenait glacial, mordant, insoutenable. Presque avec regrets, il revint au bord du lac et remit ses chaussures et sa veste dont il apprécia le confort. Il était trop épuisé pour continuer sans risquer de se blesser. Contrairement à ce qu'aurait dit Yakov, il n'était pas insouciant. Il ne sautait jamais sur ce lac, ne s'y acharnait jamais, renonçait à patiner s'il y avait le moindre signe que la glace était trop fragile. Il regrettait toujours de devoir abandonner ce lac et il savait que le pincement au cœur n'en serait que plus intense quand il serait de retour à Saint-Pétersbourg, sur la glace artificielle, sous les cris de Yakov, sous les projecteurs et entouré de ses coéquipiers avec qui il devrait partager la piste. Il se consolait en sachant qu'il reviendrait. Qu'il reviendrait sur ce lac, sur ce coin du bout du monde qui lui faisait se souvenir de pourquoi il aimait patiner, pourquoi il ne voulait pas prendre sa retraite ou renoncer à la glace. Pourquoi il pouvait supporter la pression, les cris, la musique et les spots lumineux, tant qu'il avait l'assurance qu'un jour, il reviendrait patiner avec le vent du nord comme unique compagnie.
En espérant que ça vous ait plu !
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