ALORS. Cet OS était supposé être grave du fluff. Au final pas trop. Mais y a des trucs chou.
Du coup je mets quand même un warning pour dire que c'est pas que joyeux, parce que je sais pas si ça vous touchera à la lecture autant que ça a pu me toucher à l'écriture, mais pour moi ça a appuyé sur des zones sensibles alors voilà.
Écrit en une heure, pour la Nuit du FoF sur le thème Grelot. Si vous êtes intéressé.e.s par les Nuits, hésitez pas à m'envoyer un MP, ou sinon le lien vers le topic de discussions est sur mon profil !
Bonne lecture !
Course à l'impossible
Marinette les a vues, et elle n'a pas pu s'en empêcher. Elle a eu un coup de cœur immédiat. Elle n'a même pas réfléchi, et elle met la faute sur la vendeuse qui lui a dit pile au bon moment « Les folies sont les seules choses qu'on ne regrette jamais. », alors elle les a prises.
Ça scintille et ça tinte, ça carillonne juste à ses oreilles quand elle marche. Le son est familier et doux, léger. Un drelin qui la caresse à chaque mouvement. Elle les garde tout le trajet de la boutique à chez elle. Elle se sent fébrile, de se permettre un interdit pareil. Oui, c'est une folie. En un instant, elle se prend de culpabilité. Elle inspire un bon coup. C'est juste cinq minutes. Quand elle sera dans sa chambre, elle les retirera. La cloche de la boulangerie chante quand elle entre et son père lui sourit.
« Marinette, ma puce ! Oh, ce sont de nouvelles boucles d'oreille ?
— Oui ! »
Elle tourne sur elle-même, pour le plaisir de les faire tinter, les deux grelots qui pendent là, séparés du crochet par des rubans noirs noués. Elle file dans sa chambre. Elle les retire à regrets, retrouve la sensation habituelle de ses boucles d'oreille de Ladybug. Immédiatement, la voix de Tikki retentit.
« Mais à quoi est-ce que tu pensais ?
— Désolée désolée, je –
— Il n'y a rien pour ta défense, Marinette ! Et s'il y avait eu une attaque ? Si tu t'étais fait voler tes boucles d'oreille ? Enfin !
— Je sais, Tikki je – Je – Je suis désolée. Je voulais juste. Je voulais juste.
— Des boucles d'oreille. Tu te rends compte de tout ce que tu as mis en danger pour une fantaisie ? »
Marinette ne sait pas quoi répondre. Elle se dit que la vendeuse avait tort. On peut regretter une folie. On ne peut que regretter une folie quand on porte le poids d'une ville sur les épaules. Tous les jours. Tout le temps. Pendant les combats, et quand elle dort, quand elle est en cours, et quand elle est dans une boutique. Marinette n'a pas le temps d'aller mal, d'être malade ou triste. Elle doit être Ladybug tout le temps. Elle ne peut pas partir en vacances sur un coup de tête. Elle ne peut pas éteindre son téléphone et se couper du monde, faire un pause, pendant vingt-quatre heures. Elle ne peut pas s'acheter de boucles d'oreilles.
« Je n'arrive pas à croire que tu fasses encore preuve d'autant d'insouciance par rapport à ta –
— J'ai quatorze ans !
— Quoi ?
— J'ai quatorze ans. »
Quatorze ans, c'est l'âge de la crise d'adolescence, des premiers amours, des amis, des sorties, de la découverte de son corps, des premières dépressions, d'un monde qui s'écroule et qui se reconstruit en permanence, l'âge des premières clopes pour certains et des premières déceptions pour d'autres, des premières bières et des premières cuites, des premières folies qu'on racontera plus tard, c'est l'âge, très précisément, de l'insouciance. Si on n'est pas insouciant à quatorze ans, quand est-ce qu'on l'est ? C'est ce que Marinette veut dire. Mais elle n'y arrive pas. Elle sait que dans le fond, Tikki a raison. Elle imagine tout le discours qu'on peut opposer au sien. Il y a des moments pour être insouciante. Elle n'est pas privée de tout. Des amis, elle en a, des amours plus que de mesure, elle s'amuse, mais les boucles d'oreille, c'est autre chose. C'est une ligne qu'elle ne peut pas franchir. Mais elle les voulait. Elle les voulait tellement. Elle les voulait comme elle n'avait pas voulu quelque chose depuis bien trop longtemps. Elle essaie de parler mais elle réalise que les larmes et la boule qui lui serre la gorge l'en empêchent. Ce qu'elle dit ne ressemble à rien. Pas un gramme d'articulation. Rien. C'est pitoyable, et ça ne s'arrête pas.
« Marinette …
— Je, je … Je suis désolée … Je les … elles sont …
— Je sais, Marinette. Je sais. Je suis désolée. »
Désolée de quoi ?, Marinette veut demander. D'avoir crié, alors qu'elle avait raison ? Ou alors, Désolée que tu sois Ladybug ? Désolée pour ta vie qui ne sera jamais normale. Parfois, Marinette voudrait tout plaquer. Ça lu revient d'un coup, elle a tout laissé s'accumuler trop longtemps en elle. Elle veut qu'on lui rende son droit à l'insouciance. Elle sait que ce n'est pas possible, et c'est précisément ce dont il s'agit : d'une course à l'impossible. C'est à ça que ressemble sa vie. À ce qu'on attend d'elle. L'impossible. Ou alors c'est elle. Elle qui est incapable.
« Marinette. On va trouver une solution, d'accord ?
— T-Tikki … Je suis … désolée … tellement désolée …
— Ça va aller.
— Nan, nan, je … désolée. »
C'est presque ferme cette fois. Marinette jette un dernier regard coupable à Tikki. Elle retire ses boucles d'oreilles. Les sanglots redoublent quand le kwami disparaît, mais Marinette enfile les boucles aux grelots, et comme le métal tinte à chaque soubresaut, elle se sent respirer, vraiment respirer.
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Marinette a dormi avec les boucles d'oreilles de Ladybug serrées dans son poing et les grelots accrochés à elle. Elle n'a pas rêvé, mais quand elle s'est réveillée elle se sentait plus reposée que jamais. Elle a enfilé ses boucles d'oreilles habituelles et Tikki n'a rien dit cette fois. Elle a essayé, juste, de savoir comment Marinette allait. Marinette n'a pas voulu répondre. Elle voulait être seule.
L'important, c'est que quand une attaque est survenue, elle les avait sur elle et elle a pu se transformer. Son costume n'a jamais semblé si lourd contre sa peau. Elle fait ce qu'elle doit faire et ça lui pèse. À la fin du combat, elle frappe mollement le poing de Chat Noir, sourit un « Bien joué ! » fatigué.
« Ça va ma Lady ? T'as pas l'air dans ton assiette ?
— C'est rien. Un peu de fatigue. C'est tout. »
Elle se détourne, va pour partir. La voix de Chat Noir la retient, une seconde.
« Ladybug ! Tu étais là quand j'allais pas bien. Alors, hésite pas. Même si c'est juste être là. »
Elle ouvre la bouche pour répondre, mais le bip de son miraculous la coupe. Elle préfère le drelin des grelots. Chat Noir balance d'un pied sur l'autre.
« On se retrouve au QG ? »
Sa bague sonne aussi, et Marinette n'a pas le temps de répondre – il est déjà sur le départ.
« Que tu viennes ou pas, j'avais l'intention de passer mon après-midi là-bas ! Au plaisir de te voir, peut-être ! »
Il a dit pile. Pile ce qu'il fallait. Ladybug court se détransformer, pis se transformer à nouveau. Direction la serre.
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« J'ai cru entendre un grelot m'appeler. »
Marinette sursaute en voyant Chat Noir se poser sur son balcon. Elle ne l'a pas vu depuis leur conversation dans la serre, après la dernière attaque. Elle n'a pas bien réussi à lui expliquer ce qui n'allait pas, mais il lui a montré qu'il était là, et ça lui a fait du bien. Le reste de la semaine s'est déroulé bizarrement, mais plutôt bien, quand elle y pense. Jeudi, en rentrant du collège, elle s'est arrêté à Claire's pour se faire percer les oreilles. Elle a remplacé les prothèses en acier chirurgical par son miraculous, et à ses premiers trous, en bas, sont suspendus les grelots.
« Tu as l'ouïe fine, dis-moi.
— Parfaitement. Alors, Princesse ? Comment va la vie au château ? »
Marinette fait un tour sur elle-même. Les boucles tintent. Elle ne s'en lassera jamais. Elle adore ce bruit, comme un secret. Et puis il lui a coûté tellement cher, en temps, en questionnement, en argent et en confiance. Elle est fière de les porter.
« Vois par toi-même. »
Pour conclure la symphonie de ses grelots, elle tend le bras, tout naturellement, fait tinter celui qui décore le cou de Chat Noir. Elle regrette presque, parce que c'est trop Ladybug de faire ça, mais Chat Noir sourit simplement.
« Je suis content de voir ça. C'est en hommage à moi ?
— Évidemment. Tous les grelots du monde chantent ton nom, tu n'entends pas ? »
D'un doigt elle bouscule une boucle, avant de prendre une voix claironnante pour dire :
« Chat Noir, Chat Noir ! »
Il rit et elle soupire, finalement soulagée. Ces nouveaux trous signent quelque chose de plus léger, de plus beau et de plus libre, elle en est certaine. Elle a envie d'en faire partout, maintenant. À la lèvre. Sur le cartilage de l'oreille. L'arcade sourcilière. La langue. La joue. Elle a l'impression qu'un monde s'est ouvert.
« Et à quoi je dois ta précieuse visite, Maître Grelot ?
— Des envies de balcon, sans doute. Je vivais un grand moment de comédie musicale dans ma chambre et j'avais besoin de le partager. Ce serait trop égoïste de garder tout ce talent pour moi-même.
— Oh, je vois. Tu viens me chanter la sérénade, alors ?
— Pas exactement. Mais presque. Her name is Noel … And I have a dream aboute her …
— Ce n'était pas un défi, tu sais ? Personne ne te force à chanter.
— She rings my bell … »
Chat Noir lui fait un clin d'oeil, et Marinette roule des yeux.
« … I got gym class in half an hour …
— C'est pas possible. Tu inventes ces paroles, ça n'existe pas.
— Oh how she rocks, in keds and tube socks. But she doesn't know who I am … »
Chat Noir laisse la dernière phrase en suspens, et ç'aurait été un véritable moment émotion s'il n'avait pas dit :
« Attention, moment émotion. »
Marinette éclate de rire, se reconnaît dans les paroles malgré elle.
« And she doesn't give a damn about me, 'cause I'm just a teenage dirtbag baby ! »
Il chante et Marinette n'arrête pas de rire, parce que visiblement cette chanson existe vraiment, et c'est beaucoup trop incongru pour qu'elle ne se sente pas transportée. Elle secoue la tête en rythme, et ça tinte au bon moment. Elle se laisse oublier tous ses soucis.
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« Oh ! Tu t'es re-percé les oreilles ! Ça te va bien ! »
Marinette claque une bise sur la joue d'Alya, son sourire un peu forcé. Le réveil a été dur ce matin, elle peine à se sentir à l'aise.
« Merci. »
Elle secoue les boucles, et elle a l'impression que Chat Noir est là, à nouveau, à chanter sur son balcon. C'est peut-être pour ça qu'elles lui ont plu. Si elle doit assumer d'être Ladybug à chaque instant, alors, elle a besoin que Chat Noir, lui aussi, soit là à chaque instant.
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Voilà ? J'espère que ça vous aura plu et que ça vous semble pas OOC pour Marinette ? C'était pas du tout prévu comme ça mais en y réfléchissant y a des trucs qu'ont commencé à faire sens pour moi, et qui seront plus développés par la suite !
En tout cas je serais très curieuse de vos retours !
À très vite !
