Yo ! Cet OS est écrit, toujours pour la Nuit du FoF, en une heure sur le thème Presque.
Bonne lecture !
À cinq, on saute
Adrien en est presque sûr. Marinette et sa Lady ne font qu'une personne, qu'un être. Il en est tellement presque sûr qu'il se demande comment il na pu ne pas faire le lien avant.
La berceuse en Chinois.
Les boucles d'oreilles qu'elle ne retire jamais.
La brioche.
La passion pour la mode et la couture.
Mais il y a toujours quelque chose qui cloche. Quelque chose qui fait qu'il ne peut être que presque sûr. Il l'a vu, il l'a entendu, et il croit même qu'il a commencé à comprendre que Ladybug ne va pas aussi bien qu'on pourrait le croire. Et Marinette va bien. Alors ça n'est pas possible.
Il l'a observée, pour être sûr. Elle déborde d'énergie. Elle a des périodes de fatigue, parfois, mais entre ses nuits blanches à coudre et sa vie de super-héroïne, il y a de quoi. En somme, elle n'a pas changé. Et elle est toujours allée bien. Sinon, il l'aurait vu. Ils sont amis. Qu'il ne voie pas la détresse de sa Lady est impardonnable mais compréhensible. Il ne la voit pas tout le temps, elle l'évite quand elle va mal, et quand ils se battent, elle s'oublie parfois. Mais Marinette ? Il la voit tous les jours de la semaine. Il est avec elle à chaque pause. Elle est assise juste derrière lui. Si quelque chose clochait, il le saurait.
Pourtant, il est sûr à quatre-vingt-quinze pour cent que Marinette est Ladybug. Il a eu besoin de chiffrer, pour se donner une mesure, quelque chose de tangible.
Quatre-vingt quinze pourcent de chances que l'amour de sa vie soit une de ses amies les plus chères.
Cinq pourcent de chances qu'il soit tellement obsédé par sa Lady qu'il la voie partout.
Quatre-vingt quinze pourcent de chances qu'il voie Ladybug tous les jours, tout le temps.
Cinq pourcent de chances que Marinette aille bien.
Quatre-vingt quinze pourcent de chances qu'il soit le pire ami de la Terre, en plus d'être le pire partenaire de la Terre.
Il ne veut pas y croire. Il ne veut pas raccorder Marinette à ses conversations avec Ladybug. Il ne veut pas la mêler à ça.
« Chat Noir ? Tu as envie de mourir, parfois ?
— Ben … Comme tout le monde, j'imagine ? Ça arrive. Mais ça passe vite. Tu as envie de mourir ?
— Pas vraiment. Mais, comme tu dis, ça arrive. Sauf que depuis quelques temps, quand ça arrive, ça arrive de plus en plus fort, et ça revient tout le temps. Je peux me lever, tout va bien, je prends le métro et l'envie de me jeter sur les rails pourrit ma journée. Tu comprends ? »
Il ne veut pas que Marinette aille mal. Mais il serait heureux qu'elle soit Ladybug. Est-ce que ça veut dire qu'il serait heureux qu'elle aille mal ? Non, non. Il mise sur les cinq pourcents. Marinette va bien. Marinette, la parfaite, la douce, sa Princesse. Pas elle. Pas elle. Il veut la protéger. L'emmener loin. Mais si elle est Ladybug. Si elle est Ladybug, il ne peut pas l'emmener loin d'elle-même. Si elle est Ladybug, il ne peut pas la protéger.
« Je suis pas sûr …
— C'est normal. Ça me ressemble pas, hein ? C'est pas l'impression que je donne ?
— Non, en effet.
— C'est pour ça que c'est compliqué mais … »
Cinq pourcents. Adrien s'y accroche comme il ne s'est jamais accroché à quoi que ce soit.
Un pourcent, pour le merveilleux exposé de Marinette sur son père en Espagnol.
Deux pourcents, pour ses rires mêlés à ceux d'Alya pendant tout le cours de Maths.
Trois pourcents, pour sa façon d'aider Mylène à travailler son discours pour le « Concours de la Paix ».
Quatre pourcents, pour ses nouvelles boucles d'oreilles et sa nouvelle robe cousue main.
Cinq pourcents, pour …
Cinq pourcents, pour …
Presque, presque.
Cinq pourcents, pour son sourire éclatant quand il a complimenté ses boucles d'oreilles.
Mais Ladybug le dit elle-même. Ça ne lui ressemble pas. Ce n'est pas l'impression qu'on a d'elle. Adrien aurait voulu voir. Il n'est pas encore sûr mais il regrette déjà. Il est presque sûr, et c'est horrible, de ne pas pouvoir vérifier. Comment lui dire sans lui dire ? Comment lui poser la question sans lui avouer qu'il était dans sa classe, quand elle a crié « Je suis axiologue en mécanique cantique ! » ? Juste de lui dire ça, elle saurait. Il est le seul de sa classe à ne pas avoir été akumatisé. Le seul, avec Marinette.
« … mais je crois que je fais peut-être une dépression ? Ou un épisode dépressif.
— Le psy a dit quelque chose dessus ?
— Pas encore. Mon premier rendez-vous est demain, et … j'ai un peu peur.
— Pourquoi ? »
Marinette ne s'est jamais fait akumatiser, parce qu'elle est forte. Parce qu'elle va bien. Sans doute. Quatre-vingt seize pour cent, Adrien pense.
Tout repasse dans sa tête. Hier, Marinette semblait aller bien. Aujourd'hui aussi. Elle a failli détruire le matériel de sport, mais rien d'inhabituel. Elle s'est aplatie en excuses. Elle était rouge, rouge, rouge, et tout le monde riait.
« J'ai peur … qu'il me dise que … je vais bien ? C'est un peu bizarre, non ?
— Je … Explique, peut-être ? Parce que …
— J'ai peur qu'il me dise que c'est normal. Que je suis juste … comme ça. Si c'est un épisode dépressif, je peux me soigner et en sortir, tu vois ?
— Je … Je crois que je vois. Mais tu sais … Si tu penses que tu es en dépression, même si tu ne l'es pas, c'est quelque chose d'assez fort ? Tu as pas toujours été comme ça ?
— Pas à ce point. Mais toujours à fleur de peau. Trop sensible. »
Elle est allée aux toilettes juste après, et elle y est restée longtemps. Elle a dit qu'elle allait boire et se rafraîchir le visage. C'est Alya qui est allée la chercher là-bas. Quatre-vingt dix-sept pourcents. Trois pourcents de chances que Marinette ne soit pas en pleine souffrance. Et il ne voit pas. Il ne voit rien.
« Et justement, comme j'ai toujours été très sensible, s'il me dit que c'est juste ma personnalité … Je sais pas ce que je vais faire, Chat. Je sais pas.
— Tu pourras en parler avec lui. Il est là pour ça.
— Ah bon ? Tu penses plus qu'ils sont juste là pour donner des antidépresseurs et des calmants ?
— J'ai pas eu une très bonne expérience. Mais si tu penses que ça peut t'aider, j'y crois. Tu sais prendre les décisions, ma Lady. »
Marinette sait prendre des décisions. Elle est juste. Ou, parfois, elle se laisse emporter, comme quand elle a crié contre Sabrina l'autre jour. Elle était hors d'elle. Elle est revenue s'excuser juste un peu après.
« Ah bon ? J'ai l'impression de faire gaffe sur gaffe. Je m'énerve pour rien, je suis irritée tout le temps … J'aime pas être comme ça. »
Quatre-vingt dix-huit pourcents, et Adrien désespère. Il ne veut pas. Il ne veut pas comprendre – mais ça veut peut-être dire qu'il a déjà compris.
« Je t'assure, ma Lady. Aux moments critiques, tu sais toujours réagir.
— C'est parce que tu es là. Et si je ne sais pas, toi, tu sais. On se complète. »
Marinette défend toujours Chat Noir. Répète à qui veux l'entendre que Ladybug ne serait rien sans lui, qu'il a des qualités où elle a des défauts et inversement. Qu'ils se complètent. Quatre-vingt dix-neuf pourcents. Adrien est sonné quand la fin des cours est annoncée. Il veut parler à Marinette, espère l'observer encore, mais elle part en vitesse, parle d'un vêtement à terminer. Elle a des cernes, mais on ne dirait pas qu'elle est fatiguée. Elle sautille. Il arrête Alya.
« Dis … Marinette, elle va bien en ce moment ? »
La jeune fille marque un temps. Adrien veut n'avoir jamais posé le pied là. Dans le vide. Il était prêt à tomber, et il a carrément sauté. Le presque va disparaître, et il ne croit pas être préparé à ça.
« Ah … Toi aussi, tu as remarqué, alors ? »
Cent pourcents. Une de ses meilleures amies, sa partenaire, sa voisine, son soutien, son soleil va mal. Et il ne peut rien faire. Et il n'a rien vu. Il en est sûr. Pas presque sûr, sûr de chez sûr. Il est un ami profondément mauvais.
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Voilà ? Le reveal, du côté d'Adrien, est accompli. Mais pas aussi drôle que dans l'OS précédent ? Bref.
J'espère que ça vous aura plu quand même, j'ai déjà des idées pour la suite j'espère y revenir vite !
Des bisous !
