Yo ! Je reviens, encore et toujours pour la Nuit du FoF, mais les OS 12 et 13 sont en-dehors de ça. Je dois juste les poster pour pouvoir poster le 14 qui est, lui, écrit pour la Nuit. Bref, c'est de très peu d'importance pour vous.

Bonne lecture !

Lubie

« Je ne sais pas … C'est un drôle de sentiment ? Je … J'ai toujours du mal à me souvenir, d'avant ? Enfin, de comment je me sentais ?

— Vous voulez dire, de votre état émotionnel ?

— Oui ! Voilà, c'est ça. De mon état émotionnel. Quand ça ne va pas, je n'arrive même pas à concevoir que j'ai été heureuse à un moment donné, ni que je pourrai aller mieux un jour. Et, là, par exemple, ça va plutôt bien et ? J'ai l'impression que j'exagère. Que je vais pas aussi mal que ça, vous comprenez ? Et que … que je me suis menti. Que je vous ai menti. Que j'avais juste … Juste besoin d'attention et … et je sais pas quoi faire de ça ? D'un côté, je le sais, intellectuellement, je suis capable de me revoir sur mon balcon, avoir envie de tout casser, je me souviens me demander, quand je saute haut avec mon yo-yo, ce que ça ferait, au final, si je décidais de lâcher et de me laisser tomber par terre mais ? J'ai quand même l'impression que c'est faux. Que j'ai tout inventé.

— Si je peux me permettre : vous n'avez pas tout inventé. Ce que vous rencontrez maintenant, c'est des difficultés avec votre permanence émotionnelle. »

Marinette fronce les sourcils. Elle croise les bras sur sa poitrine et s'appuie contre le dossier de son fauteuil. Elle voit sa psychiatre depuis deux mois et demi, une fois par semaine, et elle sent qu'elle avance. Parfois. Souvent, elle a l'impression qu'elle est incapable d'avancer. Qu'elle sera toujours au même endroit, au même moment. Mais là, tout de suite, dans le cabinet à appréhender un nouveau concept psychiatrique, elle sent qu'il se passe quelque chose.

Elle a commencé le Prozac un mois plus tôt, et elle se sent un peu moins fragile, aussi. C'est peut-être une impression, ou peut-être un effet Placebo. Mais elle reprend confiance. Elle a aussi des anxiolytiques, en cas de besoin. Elle les utilise quand elle a trop pleuré et que la migraine l'empêche de dormir.

« … d'oublier que les émotions que vous ne vivez pas en ce moment existent. L'absence ou le manque de permanence émotionnelle est un trait autistique courant et –

— Vous pensez que je suis autiste ? »

Marinette ouvre de grands yeux. Est-ce que c'est possible ? Non, elle pense. Elle s'en serait rendu compte. Elle garde la bouche ouverte, attend une réponse.

« Non, ce n'est pas ce que je pense. Vous ne présentez pas beaucoup d'autres traits autistiques, en tout cas pas dans une mesure qui indiquerait un trouble de cette famille. L'absence de permanence émotionnelle, comme beaucoup de traits autistiques, est commune à plusieurs troubles psychiatriques, notamment en l'occurrence des troubles borderline, ou bien … des troubles bipolaires.

— Un trouble bipolaire. Mais … Je veux dire, ce n'est pas … plus grave ? Plus grave que moi ? »

La psychiatre a un sourire patient, et elle dit lentement :

« Vous avez besoin, selon moi, d'accorder plus d'importance à votre état. Je sais que c'est difficile. Mais non, la bipolarité n'est pas forcément aussi spectaculaire qu'on le montre au cinéma ou dans les livres, c'est plus courant qu'on ne l'imagine, et il est tout à fait possible de vivre avec. J'ai avec moi plusieurs patients et patientes atteints de troubles du spectre bipolaire qui sont heureux, et qui vivent une vie qui leur plaît. »

Le sourire est toujours là, et comme elle ne poursuit pas, Marinette demande :

« Mais ? »

La psychiatre opine sérieusement du chef, roule des épaules avant de poursuivre.

« Mais, reprend-elle, c'est un diagnostic compliqué à poser. Nous nous voyons depuis un certain temps déjà, et je pense avoir trouvé le modèle selon lequel votre cerveau fonctionne. Cependant, dans ce genre de cas, je vous recommanderai d'avoir recours à un second avis médical. Si vous le voulez, je peux vous recommander des confrères ou consœurs spécialisés dans ces troubles.

— Non. Ce n'est pas possible. Je … Je prends déjà beaucoup de risques, en vous dévoilant mon identité, je ne peux pas me permettre de voir un autre psychiatre. Docteur, il faut que vous soyez la bonne. »

La femme prend l'information en note, et se pince les lèvres. Marinette s'est prise à espérer voir ce genre de tics chez la médecin. Elle la trouve plus humaine comme ça. Plus à même de comprendre comment les émotions se forment, le malaise, la dualité, la peur.

« Je comprends. Dans ce cas … Je vais vous recommander des ouvrages, des blogs, des vidéos et des sites où vous pourrez vous renseigner sur la bipolarité de type 3 : la cyclothymie. C'est le trouble que je soupçonne chez vous, et j'ai besoin de savoir où vous vous situez par rapport à ce qui caractérise cette maladie avant de penser à adapter votre traitement. C'est quelque chose que je ne peux ni ne veux faire sans vous. »

Marinette reste pensive un moment. Elle voudrait pouvoir se laisser guider, ou choisir, ou savoir, pas cet étrange mélange d'incertitude et de confiance. Elle inspire fort. Expire lentement.

« Euh, vous auriez des choses … Courtes, ou faciles à lire ? Je m'emmêle vite les pinceaux.

— Bien sûr. Pour commencer, je peux vous recommander une bande dessinée qu'un patient cyclothymique m'a fait découvrir. Elle s'appelle Goupil ou face, c'est de l'autrice Lou Lubie. Je vous l'écris en haut de la liste. »

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Et voilà ? J'ai posé le diag. Je l'avais en tête depuis presque le début de cette histoire, et ça fait du bien d'avoir enfin pu le sortir, même si j'ai fait un saut dans le temps pour ça.

Je sais pas si c'était vraiment intéressant à lire pour vous, mais c'était important de poser le diagnostic pour faire avancer l'histoire. Alors, voilà.

Toute façon le prochain chapitre arrive vite !

Alors à bientôt !