Noah attendait en silence, assis dans une salle dédiée à cet effet. Derek se trouvait à côté de lui, debout contre un mur, en pleine réflexion. Son cerveau tournait à plein régime. Plusieurs fois, son regard bleu-vert dériva vers le shérif. Ses mains recouvertes de sang séché, ses vêtements tâchés eux aussi. Le sang de Stiles. Les images lui revenaient sans cesse et tournaient en boucle dans son esprit : le corps sans vie de l'adolescent, ses énormes blessures, son poignet mutilé, son cœur qui battait de moins en moins vite, cette peau blanchâtre. Jamais Derek n'avait vu l'hyperactif avec de telles blessures. Rectification : il n'avait jamais vu quelqu'un de la meute avec des plaies aussi importantes. Même les loups n'avaient jamais pris aussi cher. Toutefois, ils pouvaient cicatriser rapidement, ce qui n'était pas le cas du jeune homme.

Après l'horreur, venaient les hypothèses et les doutes. Comment le shérif avait-il réussi à tous les alerter d'un coup ? Avait-il réellement parlé dans leur tête ou bien avait-il trouvé une autre technique ? Derek se promit de vérifier tout ça plus tard. En tous les cas, grâce à cet appel à l'aide inattendu, Stiles était entre les mains des meilleurs médecins de la clinique.

Peu de temps après, Melissa, la mère de Scott, vint les voir pour leur apporter un chocolat chaud à chacun. Derek dut garder les deux boissons car l'infirmière, en voyant l'état des mains de Noah, l'emmena avec elle pour les lui faire nettoyer. L'homme la suivit en silence, le regard vide. L'ancien alpha resta là, à attendre l'arrivée d'une partie de la meute, qu'il avait contactée dès que Stiles avait été pris en charge deux heures plus tôt.

Maintenant, il ne restait plus qu'à attendre qu'il sorte du bloc.

Il fallait être honnête, Derek était anxieux. Ne pas savoir, ne pas avoir de nouvelles, redresser la tête à chaque passage d'un médecin… Cela faisait déjà deux heures que Stiles avait été emmené par les équipes médicales et il avait du mal à tenir en place. Il se demandait même si le jeune homme avait une chance de survie. De si grosses blessures sur ce corps si fin…

- Derek !

La voix de Scott permit à l'ancien alpha de trouver une échappatoire à son surplus d'énergie contenue. Il fallait qu'il bouge, qu'il parle, qu'il fasse quelque chose pour ne pas devenir fou. Il se tourna aussitôt vers le fils de Melissa, qui avait les larmes aux yeux. Malia lui tenait la main, tandis que Liam se trouvait en retrait, accompagné de Jackson. Les autres étaient retournés chez eux ou bien au loft, Derek ne savait plus très bien ce qu'il leur avait dit.

Au cas-où, Derek déposa les deux chocolats chauds sur une petite tablette entre deux chaises car il savait ce qui risquait de se passer. Au vu du visage décomposé de Scott, il allait avoir besoin de soutien. Et qui de mieux placé qu'un ancien alpha pour l'aider à remonter la pente, en plus de sa copine et de ses amis ?

- Il… Il va bien ? Osa demander l'adolescent d'une voix enrouée.

- Je sais pas, Scott. Ça fait deux heures qu'ils l'ont emmené, finit par répondre Derek.

Il en faisait des efforts, pour tenter de garder la face devant eux. Il avait beau s'être endurci au fil des années avec tout ce qu'il avait traversé dans sa vie, notamment la perte d'êtres chers, il n'en restait pas moins un être sensible et touché par ce qui arrivait. De plus, il avait vu l'état de Stiles de ses propres yeux, ce qui n'était pas le cas de Scott et les autres. Le pire était sans doute pour Noah Stilinski. Voir son fils presque mourir dans ses bras devait l'avoir détruit. Jamais un père ne devrait avoir à vivre ça.

Ce fut à ce moment-là que le shérif revint dans la salle, l'air sombre. Ses mains nettoyées ne gardaient presque plus aucune trace de sang, mais ce n'était pas le cas de ses vêtements. Son haut en était maculé. Scott, les yeux écarquillés par l'horreur et la stupeur, recula d'un pas, avant de légèrement tituber. Malia et Liam l'aidèrent à tenir debout correctement. Jackson fixait intensément les éclaboussures de sang sur le t-shirt du père de l'hyperactif, comme hypnotisé. Comme s'il n'y croyait pas.

Noah Stilinski n'eut l'air qu'à moitié surpris par la présence de ces adolescents qu'il connaissait bien. Son air à la fois sombre et las toucha tous les membres de la meute présents.

- Il est encore en vie, pour le moment, leur dit-il pour les rassurer.

- On… On vous l'a dit ? Demanda fébrilement Scott.

- Non, je le sens.

- Monsieur Stilinski.

Tout le monde se retourna vers Deaton, qui venait d'arriver, l'air grave. Tout le monde, même Derek, sembla surpris par sa présence.

- Il faut y aller, continua le vétérinaire.

Sans avoir l'air plus expressif, Noah hocha la tête. Jackson sembla sortir de sa torpeur :

- Aller où ? Vous allez partir avant même de savoir s'il va s'en sortir ?

- Je le saurai dans tous les cas, Jackson.

- Monsieur, excusez-moi… Intervint Liam alors que le shérif semblait commencer à partir vers Deaton. Comment… Comment vous avez fait votre truc, tout à l'heure ? On n'a pas rêvé, vous… On vous a entendu…

- Il vous expliquera plus tard, allez, on y va, conclut Deaton, l'air pressé.

Le vétérinaire fit enfiler une veste à Noah avant de le pousser vers la sortie, sous les regards hébétés des membres présents de la meute. Au dernier moment, le shérif s'arrêta et se retourna vers eux, une lueur nouvelle dans le regard.

- Si Stiles survit, il faut que quelqu'un reste avec lui lorsqu'il sera en chambre. L'un deux pourrait venir terminer le travail.

Si cette intervention de la part du shérif fit frissonner Scott, Derek et les autres, c'était parce que la menace sous-jacente était claire et en même temps, incompréhensible. Ils n'avaient pas assez d'éléments. Scott s'avança, l'air de vouloir le retenir, plein de question en tête, mais Malia le retint, un air désolé collé au visage. Elle avait capté l'odeur du shérif, pleine de tristesse et de lassitude. Sous leurs yeux à tous, Noah Stilinski s'en alla aux côtés de Deaton qui, comme toujours, semblait tout savoir.

Ce fut à ce moment-là que Scott flancha complètement, à tel point que ses jambes se dérobèrent sous son poids et que Malia et Liam durent le rattraper et l'installer de force sur l'une des chaises. Jackson resta interdit, de son côté. Finalement, Derek se laissa tomber à son tour contre un siège. Mentalement, il était fatigué, très fatigué par cette soirée riche en émotions. Trop de questions allaient et venaient dans son esprit tourmenté. Qu'était-il arrivé à Stiles ? Que lui voulait-on ? Comment son père avait-il fait pour contacter toute la meute ? Pourquoi s'en était-il allé avant de connaître les résultats de l'intervention pratiquée sur son fils ? Et… Quel rôle Deaton jouait-il dans cette histoire ? Comme toujours, il semblait savoir ce qu'il se passait, avait sa longueur d'avance habituelle. Derek se rappela soudain d'un détail qui avait, pour lui, son importance. Noah, à la décharge, semblait au bord du gouffre, ce qui était compréhensible. Comment avait-il pu autant changer d'attitude et paraître simplement las à l'hôpital ? Il s'en était allé sans être sûr de savoir si Stiles irait bien. Tout cette histoire était trop étrange et pourtant, Derek ne pouvait que le croire lorsqu'il avait dit que quelqu'un pourrait revenir attenter à la vie de Stiles. Ses battements de cœur étaient restés réguliers tout du long.

Les minutes passèrent, lentement. Plus personne ne parlait, tout le monde avait fini assis et la meute se retrouvait comme unique occupante de la salle d'attente.

Au bout d'un bon quart d'heure, un homme en blouse blanche pénétra dans la petite salle, une pile de papiers à la main. Toute l'attention des loups se tourna vers le nouveau venu et Liam écarquilla les yeux en reconnaissant son père, chirurgien de profession. Scott, quant à lui, se leva précipitamment.

- J'imagine que vous êtes là pour Stiles Stilinski, dit-il simplement. L'opération est terminée.

- Comment va-t-il ? Demanda aussitôt Scott, les yeux rougis par les larmes qu'il peinait à retenir depuis son arrivée.

- On a failli le perdre, avoua le docteur Dunbar. On peut dire que vous l'avez amené à temps.

Son regard fixait Derek, qui avait effectivement conduit Stiles à l'hôpital, Noah avec son fils sur le siège passager. La banquette arrière de sa précieuse Camaro était désormais tachée de sang mais peu lui importait, il s'occuperait de ce détail plus tard.

- Son père m'a parlé et transmis quelques directives que j'aurais pris soin d'ignorer en temps normal. Dans son état, Stiles devrait rester seul, mais au vu de la situation actuelle, il vaut mieux que l'un d'entre vous passe la nuit à ses côtés. Non, pas toi, Liam. Toi, tu rentres à la maison.

Le jeune homme s'indigna, mais son père le fit vite taire d'un geste.

- Cela vous dérangerait-il, monsieur Hale ?

- Pas du tout, répondit Derek sans hésiter une seconde.

Scott regarda le père de Liam, surpris de son choix avant de réfléchir et de finalement comprendre. Derek Hale était actuellement le seul véritable adulte présent, les autres êtres surnaturels présents étant des adolescents et plus précisément des lycéens. De plus, Derek était un loup de naissance entraîné. Bien sûr, Scott aurait aimé rester à sa place, Stiles étant quand même son meilleur ami. Meilleur ami en question qui avait failli mourir. Scott ne comprenait toujours pas la raison pour laquelle Stiles avait été pris pour cible et ça le tuait. Même là, debout, accompagné de ses amis, il risquait de s'effondrer. Les larmes commençaient à lui monter aux yeux et sa gorge était plus serrée que jamais. Son frère ne pouvait pas mourir, pas comme ça. Il repensa ensuite au mystère de Noah Stilinski, qui lui fit momentanément ravaler sa tristesse. Il ne leur avait toujours pas dit comment il avait accompli ce miracle, ce subterfuge, ce… Ce truc.

Et c'était sacrément frustrant.

Finalement, il s'effondra tout de même et Liam le rattrapa juste à temps. La tête de Scott tournait, ses jambes ne le tenaient plus. Il était trop bouleversé, trop chamboulé pour continuer à essayer de garder contenance. Le louveteau, l'un de ses bêtas les plus dévoués, l'obligea à se rassoir et la couva de son regard inquiet. Le docteur Dunbar voulut s'approcher mais d'un regard, son fils lui fit comprendre que ça allait. Il était juste… Encore sous le choc.

xxx

Il était très tard lorsque Derek pénétra pour la première fois dans la chambre d'hôpital de Stiles. Le docteur Dunbar ne l'y avait autorisé que lorsque le jeune homme était sorti de la salle de réveil et avait été mis en chambre. Le loup avait appris qu'à peine réveillé, Stiles s'était rendormi. Au moins, il était sauf.

La vision de Stiles fut un choc pour Derek. Perfusé, le visage crispé, un bandage autour du poignet. Sa pâleur cadavérique lui donnait l'air déjà mort et c'était terrifiant. Tout de suite, Derek étendit ses sens et ne fut soulagé que lorsqu'il capta les battements du cœur de Stiles. Leur régularité le rassura et le fit soupirer de soulagement. Il ne s'était même pas rendu compte qu'il avait retenu sa respiration le temps de les entendre. Derek se laissa tomber sur une chaise à côté du lit de Stiles et se prit la tête dans ses mains. Stiles était vivant, mais pour combien de temps ? Allait-il survivre à ses blessures ? Théoriquement oui, sinon le docteur Dunbar aurait dit que son pronostic vital était toujours engagé. Disons que l'aspect fragile du corps de Stiles faisait peur à Derek. Il avait l'air si simple de le casser… L'adolescent était si fin et puis… Il était humain. Il ne pouvait pas guérir de la même manière. Là tout de suite, Derek aurait aimé que Stiles soit un loup-garou, ne serait-ce que pour que toutes ces blessures ne soient qu'un mauvais souvenir.

Derek passa les deux premières heures à surfer sur son téléphone, assis sur cette chaise en plastique inconfortable au possible. Il vérifiait assez régulièrement les battements de cœur de Stiles qui restait inconscient. En même temps, ses blessures étaient importantes, si bien que le docteur Dunbar était venu au bout d'une heure et demi vérifier si tout allait bien à ce niveau-là. Derek se souvenait de ce moment durant lequel le médecin avait partiellement décollé l'un des pansements. Il avait failli avoir un haut-le-cœur tant la plaie était moche. Grande, la forme tout sauf nette, du sang coagulé tout autour malgré les points de suture. Une fois qu'il eut vérifié que tout allait bien, il s'en alla, laissant Derek seul avec le bel endormi.

Derek dut cependant prendre une décision au bout de la quatrième heure de sa surveillance. Cela faisait depuis ce midi qu'il n'avait rien mangé par manque de temps, son ventre se permettait finalement de crier famine. De plus, il commençait sérieusement à fatiguer à cette heure avancée de la nuit. En cas d'attaque, il se devait d'être en forme. Il hésita durant de longues minutes mais finit par céder alors que ses yeux commençaient à se fermer tous seuls. De toute manière, il reviendrait vite. Il devait absolument se prendre un café et une barre protéinée ou quelque chose du style. Par expérience, il savait qu'il en trouverait dans certains distributeurs de l'hôpital. Par chance, il y en avait deux dans le couloir d'à côté. Il se leva alors et regarda longuement Stiles avant de sortir de la chambre. Il allait se dépêcher, il le fallait. Et même si ce n'était que pour deux petites minutes, Derek stressait de laisser Stiles seul. Il n'oubliait à aucun moment qu'on avait tenté de le tuer et que ça avait failli marcher. Il se dépêcha et, une fois qu'il eut ce qu'il voulait, s'empressa de retourner dans la chambre. Il ne fut soulagé que lorsqu'il eut posé son cul sur la chaise près du lit de Stiles. Le loup but son café en espérant qu'il fasse vite effet et engloutit ses trois paquets de Twix.

Durant sa dégustation rapide, il ne put empêcher ses pensées de divaguer. Ces dernières heures de surveillance, il les avait passées l'esprit plus ou moins vide. Pour lui, il valait mieux éviter de céder à ses émotions ou bien il perdrait de vue son objectif initial : surveiller et protéger Stiles en cas d'attaque. Et pourtant, il céda. La colère et la tristesse le submergèrent d'un coup, ses barrières cédèrent sous le poids de ses émotions. Les larmes ne lui montèrent pas aux yeux, mais c'était tout comme. Il connaissait Stiles depuis plusieurs années, maintenant. Savoir qu'il avait manqué de disparaître lui faisait quelque chose, peut-être plus que ça ne le devrait, mais c'était un fait. Il avait vu ses blessures, constaté leur gravité et se rendit compte que l'adolescent aurait pu mourir dans cette putain de décharge, s'il n'était pas arrivé à temps. Il aurait également pu mourir dans sa voiture, s'il n'avait pas roulé comme un taré et grillé quelques feux rouges.

Stiles avait manqué de mourir.

Et Derek ne chercha même pas à imaginer ce que serait la meute sans lui. Parce que c'était impossible. Malgré son humanité, Stiles était un des piliers de leur bande. Il était là depuis le début, aidant le plus possible ses amis. Il n'hésitait pas non plus à prendre des risques, quitte à se mettre en danger. Stiles ne pouvait pas laisser la meute.

La barbarie de ses blessures faisait purement et simplement enrager Derek. On avait voulu le tuer, mais pas seulement. Le faire souffrir, tout en s'assurant qu'il n'en réchapperait pas. Et dire que ça avait failli marcher… Derek remercia les cieux concernant le fait que Stiles avait miraculeusement tenu. C'était improbable et inattendu, mais impressionnant. Nul doute que s'il retrouvait les coupables, il leur ferait subir ce qu'ils avaient fait à Stiles. Il avait beau ne pas le porter particulièrement dans son cœur, il faisait partie de sa meute. Et on ne touchait pas à sa famille, pas une deuxième fois. Car oui, cette meute était devenue tout pour Derek. Même s'il la méprisait un peu au départ, il avait fini par s'y attacher et voir ses membres comme une nouvelle famille. Il avait besoin de présence et de soutien et c'est ce que lui offrait la meute de Scott McCall. Tout le monde se serrait les coudes même si certains s'appréciaient moins que d'autres. Alors, personne ne devait mourir, encore moins Stiles.

Derek fut sorti de ses réflexions par l'arrivée impromptue d'un infirmier à l'air complètement inexpressif. Il fronça légèrement les sourcils et déposa son gobelet en carton ainsi que ses paquets vides sur la petite table à côté du lit. L'odeur que dégageait cette personne était extrêmement fade, dans le sens où il n'y sentait aucune espèce d'émotion, même pas infime. Derek relégua ce détail au second plan, préférant se concentrer sur les gestes de l'infirmier. Il se méfiait. Si Stilinski voulait que quelqu'un reste avec Stiles cette nuit, il devait bien avoir une raison, et la menace qu'il avait énoncée trottait toujours dans sa tête.

- Vous ne devez pas être ici, monsieur. L'état du patient oblige à un repos exemplaire, sans distraction.

Une voix neutre, monocorde, complètement dénuée d'émotion, tout comme son regard. À croire que cet homme était un automate.

- Je l'empêche pas de se reposer, répondit tout naturellement Derek, qui commençai à se tendre.

- Vous ne devez pas rester là.

- C'est le docteur Dunbar qui m'a demandé de rester, donc je reste.

« Et personne ne me fera partir », pensa-t-il, décidé.

- Très bien.

Ces deux mots et cette absence d'hésitation étaient étranges. Derek garda toutefois son calme, attendant avant de sauter aux conclusions. Peut-être était-ce un nouveau, qui s'efforçait de respecter les règles qu'on lui avait inculquées.

L'infirmier s'approcha de Stiles et entreprit de défaire avec précaution le léger bandage entourant son poignet, ce qui accentua le froncement de sourcils de Derek. Cherchait-il à vérifier si les mutilations sur son poignet ne s'infectaient pas ? Ce fut à cet instant que le loup vit les, ou plutôt la mutilation en question. Aussitôt, l'horreur le gagna.

La lettre « E », ancrée dans la peau de Stiles. Cette même lettre qui se trouvait inscrite dans la peau des victimes de ces derniers jours. Ces gens au cerveau explosé. Stiles, lui, n'avait pas le cerveau explosé. « C'est quoi ce bordel ? Qu'est-ce que ça veut dire ? » se demanda-t-il avec horreur. Il ne voulait pas faire le lien, ne voulait pas comprendre ce qui arrivait. Il n'en avait pas envie, désirait croire que c'était autre chose. Que Stiles… N'était pas victime d'un tueur en série ou quelque autre idiotie de ce genre. Car malgré son hyperactivité qui le rendait agaçant au possible, il n'avait jamais fait de mal à personne. Alors pourquoi chercher à le tuer ?

- Monsieur, je vais vous demander de sortir quelques minutes.

Derek reporta son attention sur l'infirmier, qui n'avait pas bougé et tenait le poignet de Stiles dans sa main gauche. Il ressentit aussitôt un sentiment d'urgence, d'alerte.

- Je ne sortirai pas, répondit-il sur un ton ferme.

Derek ne devait pas sortir, il le sentait. Il ressentait le danger de manière instinctive, ça le prenait aux tripes. Hors de question qu'il laisse Stiles seul ou il risquerait de s'en vouloir.

L'infirmier se retourna vers lui et son air inexpressif commença à lui faire peur.

- Très bien.

Toujours cette voix monocorde qui, étrangement, eut l'air menaçante malgré l'absence d'émotions dans ces deux mots, encore une fois.

Soudain, la porte se ferma et se verrouilla toute seule, sous les yeux de Derek, qui ne chercha pas le moins du monde à cacher sa stupéfaction, qui était plutôt de l'ordre du choc. Rêvait-il ou venait-il de voir… La porte de la chambre bouger sans qu'aucun humain ne la touche ? Il n'eut pas le temps de penser ni de se poser plus de question. Une immense douleur le prit à la tête, tant et si bien que sa respiration se coupa. C'était si fort qu'il ne put ni geindre, ni crier, ni rien du tout. Il était impossible pour lui de parler ou de produire un seul son. Ses yeux exorbités étaient la seule chose qui montrait sa souffrance. Il s'effondra sur le sol, paralysé par la douleur. On aurait dit une vague, quelque chose d'extrêmement fort, qui venait de déferler à l'intérieur de son crâne et qui le fit vriller. C'était douloureux, trop douloureux, si bien qu'il ne fut même pas capable de porter ses mains à sa tête. Impossible de penser, de réfléchir, de bouger, de parler. Derek était prisonnier de lui-même, de la douleur.

Et pourtant, cela ne dura que trois petites secondes.

La douleur disparut aussi vite qu'elle était apparue, et le loup gémit enfin, comme si cette absence de souffrance avait libéré ses cordes vocales.

- Je vous avais bien dit que vous deviez sortir.

Derek arriva à peine à tourner la tête dans la direction de l'infirmier. Là, son absence totale d'émotion était désormais terrifiante. Il voulut se redresser, se lever, éloigner cet homme de Stiles, mais la douleur déferla à nouveau plus forte, plus puissance, plus entêtante. Cette fois, un cri déchirant s'échappa de la bouche de Derek avant que ses cordes vocales ne soient à nouveau muselées de force. Il fallait que quelqu'un entende, vienne l'aider. Il fallait qu'il arrive à passer outre, qu'il se lève. Cette enflure ne devait pas toucher à Stiles ! Et pourtant, Derek était incapable de se relever tant les réminiscences de la douleur étaient présentes. L'impression d'être cassé, bloqué, enchaîné ne le quittait pas. Il vit avec horreur l'infirmier se rapprocher de Stiles et sortir un canif de sa poche. Non… Non ! Ça ne pouvait pas se passer comme ça. Stiles ne pouvait pas mourir là, maintenant, sous les yeux impuissants de Derek.

- Ar… Arrêtez… Articula-t-il péniblement.

- Encore vivant ? Impressionnant, lâcha l'homme, l'air sinistre. Il vaudrait mieux que je m'occupe de votre cas ou vous risquez de poser problème.

Il tourna alors les talons et se dirigea vers Derek, toujours au sol, incapable de se relever. C'était à peine s'il arrivait à bouger ses doigts. Allait-il mourir de cette façon, lui aussi ? Poignardé par un faux infirmier, qui s'en prendrait ensuite à Stiles ? Stiles qu'il était venu protéger ? Derek ne voulait pas croire que c'était ce qui était sans doute en train d'arriver.

- Non…

Un faible chuchotement, que Derek eut bien du mal à entendre malgré ses sens surnaturels qui semblaient bien affaiblis. Pourtant, Stiles avait parlé. Il s'était réveillé.

- Stiles… Souffla-t-il douloureusement.

Le jeune homme allait mourir par sa faute. Parce qu'il avait été trop faible, impuissant. Lui, le loup de naissance, ancien alpha, avait été mis au tapis sans même avoir été touché par son ennemi, laissant l'adolescent à sa merci. Une fois de plus, il tenta de se lever et ne réussit qu'à peine à se redresser, avant qu'un violent coup de pied dans le dos le cloue au sol. Il gémit, comme si les réminiscences de sa douleur à la tête n'étaient pas assez. Comment pouvait-il être aussi impuissant ? Jamais il ne s'était senti aussi faible, incapable de se battre contre qui que ce soit. Que lui arrivait-il ? Il vit l'infirmier s'accroupir devant lui et sentit sa tête se surélever brusquement vers l'arrière, dégageant sa gorge. Horrifié, Derek tenta bien de reprendre le contrôle de la situation, mais bouger lui demandait un effort inconsidérable, presque trop important, même pour un loup-garou. Il n'avait aucune idée de ce que cette ordure lui avait fait, mais aucun doute que c'était bien efficace. Tellement que le grand Derek Hale allait finir égorgé sans autre forme de procès, sans pouvoir se défendre. A-t-on déjà vu situation plus surréaliste que ça ?

Alors que l'infirmier approchait la lame argentée de son canif de la gorge presque offerte de Derek, il se mit soudainement à hurler de douleur. Il lâcha instantanément Derek dont la tête se cogna durement contre le sol avant de lui-même s'écrouler et se rouler par terre, le visage déformé par la douleur. C'est à ce moment-là que Derek les vit, après avoir repris ses esprits. Des flammes incandescentes légèrement teintées de bleu par endroits s'élevaient de son dos et consumaient son uniforme d'infirmier. Le cœur de Derek rata plusieurs battements tant ce qu'il voyait était si… Impensable. C'était tel qu'il se demanda s'il était en train de rêver, mais les réminiscences de sa douleur lui hurlait qu'il n'en était rien. C'était la réalité.

Et Stiles était debout, près de son lit, la main tendue vers l'infirmier à terre. Son regard de jais était constellé d'étoiles blanches et c'était un regard qu'il ne lui avait jamais vu. Ses yeux n'étaient-ils pas couleur noisette ? Whisky ? Miel ? Tout ça à la fois, peut-être. Il n'en savait rien, il était complètement abasourdi par ce qu'il se passait. Les flammes se stoppèrent d'un coup, comme soufflées soudainement par une force invisible et Derek tenta péniblement de se redresser. Une poigne ferme l'aida à se remettre debout et le loup vit les bras de Stiles l'entourer. D'où lui venait une telle force ? Ce n'était pas… Celle d'un humain. Pas celle du Stiles qu'il connaissait.

- Il va pas rester longtemps comme ça alors il faut… Il faut s'en aller, vite, souffla Stiles avec difficultés.

Il passa un bras autour de Derek et passa un des siens autour de ses épaules, pour l'aider à marcher, alors qu'ils sortaient déjà de la chambre et qu'ils se dirigeaient vers la sortie de l'hôpital. Par chance, à cette heure avancée de la soirée, peu d'infirmiers passaient dans cette section du couloir. L'attaque surprise envers Stiles devaient avoir joué là-dessus, libérant les alentours pour laisser libre court au crime qui avait failli avoir lieu et qui avait manqué de peu de se transformer en double-meurtre. Assurément, il y avait des infiltrés dans le personnel.

Derek ne sembla reprendre pied dans la réalité que lorsque l'air frais de la nuit frappa son visage de plein fouet. Il prit alors conscience de ce qu'il venait de se passer et du fait que c'était Stiles qui, mortellement blessé, l'aidait à marcher. Cela ne devrait-il pas être l'inverse ? N'était-ce pas Derek qui était censé protéger Stiles, le transporter à l'extérieur en cas de besoin ? Pourquoi était-ce le contraire qui s'était passé ? Il sentait sa faiblesse, cachée sous sa forte poigne. Cette dernière n'était pas naturelle, il le sentait au plus profond de lui. Cette force physique n'était pas celle de Stiles, c'était autre chose. L'adolescent, qui paraissait sûr de lui lorsqu'il avait… Fait cette « chose » à l'infirmier, n'était qu'un masque : le voilà qui haletait, semblant souffrir et avoir du mal à respirer. Un peu de sang coulait de son avant-bras gauche, où se trouvait auparavant un cathéter relié à une perfusion.

- Stiles ? Souffla Derek.

Sa douleur à lui, il ne l'oubliait pas non plus, mais il se concentrait surtout sur celle de l'hyperactif, qui n'avait plus prononcé un mot depuis qu'il l'avait aidé à se relever. Petit à petit, Derek retrouvait sa force et sa mobilité, mais c'était encore loin d'être ça. Les yeux aussi noirs que la nuit avec autant d'étoiles blanches que le ciel sans aucun éclairage se posèrent sur lui. Le plus perturbant, outre cette « couleur » inédite était sans doute le fait que le loup était incapable de déchiffrer ce regard. Seule son odeur lui permettait de deviner certaines de ses émotions. Il était encore difficile d'utiliser ses sens lupins à cause de sa faiblesse, si bien qu'il reconnut seulement la peur et la douleur. Le reste, il n'arrivait pas à reconnaître. Ce qu'il retenait surtout était la terreur qui étreignait Stiles ainsi que sa souffrance. Si Derek n'avait pas été à deux doigts de s'écrouler, nul doute qu'il la lui aurait prise pour le soulager. Bordel, pourquoi était-il si faible ? Que lui avait-on fait ? Et pourquoi… Pourquoi Stiles, malgré sa peur tangible, semblait-il si… Neutre ? Comment faisait-il seulement pour se tenir debout, seulement quelques heures après son opération ? Ses blessures étaient si graves… Par quel miracle Stiles tenait le coup ?

- Tu… T'es venu en voiture ? Haleta-t-il.

Il avait du mal à respirer, à parler également. Comment pouvait-il presque porter Derek en ayant l'air aussi faible ? Qu'était-ce donc que ce miracle ? Le loup hocha la tête et tacha de se rappeler d'où il l'avait garée, ce qui fut difficile. Néanmoins, le souvenir en question se rappela à sa mémoire et il parvint à guider Stiles, qui le soutenait étonnamment bien. Cependant, il commençait réellement à avoir l'air de pouvoir flancher à tout moment, ce qui était grandement compréhensible. Se déplacer en tenue de patient n'était pas non plus très pratique, autant dire qu'il n'était pas aidé.

Derek finit par se retrouver assis au volant de sa rutilante Camaro, largement tachée de sang sur la banquette arrière. Stiles, lui, se trouvait sur le siège passager, à sa droite. Impossible pour lui de mettre sa ceinture de sécurité il avait essayé, ça lui faisait trop mal, elle passait en plein sur ses plaies.

- Démarre, articula difficilement Stiles. J'peux pas… Faire plus.

L'adolescent ferma les yeux, complètement épuisé. Derek, dans un état pas beaucoup mieux, dut utiliser toutes ses forces pour s'exécuter et se concentrer sur la route. Lui non plus n'attacha pas sa ceinture.

Derek utilisa ses dernières forces pour emmener Stiles au loft, là où il avait plus de chances d'être en sécurité.

xxx

C'était Peter qui avait envoyé un message groupé à l'ensemble des membres de la meute pour leur signifier qu'ils devaient expressément venir au loft, soit en urgence, peu importe l'heure à laquelle ils verraient ledit message.

« Bougez tous votre fessier. RDV au loft le plus vite possible. Urgence. » - 4h14.

Mais, voyant qu'aucun de ces foutus adolescents ne lui répondaient, le loup avait soupiré d'impatience et était passé à l'étape supérieure. Sans aucun regret, il avait appelé Scott, puis Isaac, puis Liam et leur avait ordonné de réveiller et réunir tout le monde au loft, précisant que la situation était urgente. Ces trois loups, dont l'ouïe était particulièrement développée, avaient tout de suite entendu leur téléphone respectif sonner et répondu à l'appel.

À cinq heures du matin, toute la meute était donc réunie au loft.

Ce qui frappa tout de suite chacun d'entre eux fut la faiblesse apparente de Derek, allongé sur l'un des deux canapés, une poche de glace sur la tête. Le loup avait l'air de souffrir, ne le cachait pas le moins du monde et c'était inédit.

- Derek ! S'exclama Scott en se précipitant à son chevet. Qu'est-ce que… Qu'est-ce qui t'est arrivé ?

- Qui te remplace pour surveiller Stiles ? S'alarma Liam.

- Stiles est ici, souffla le loup en se pressant un peu plus fort.

Jackson, accroché au bras d'Ethan, fronça les sourcils.

- Ils étaient combien pour te mettre dans cet état-là ? Demanda-t-il, étonné.

Les autres hochèrent la tête, d'accord avec lui. Derek avait sa réputation dans la meute et elle n'était plus à prouver depuis longtemps puisqu'ils l'avaient souvent vu à l'œuvre le loup était puissant, une vraie bête sauvage quand il le voulait, solide comme un roc, que ce soit au niveau du physique ou du mental. Alors le voir allongé sur le canapé, l'air de souffrir, les yeux entrouverts, une poche de glace qu'il pressait sur sa tête. En somme, le lycan se montrait exceptionnellement faible.

- Il n'y en avait qu'un seul, leur apprit Peter, répondant à la place de Derek qui venait de fermer les yeux, épuisé.

Il ne dormait pas, mais ses paupières étaient lourdes. Quant à son oncle, il avait les bras croisés sur son torse, l'air à la fois sérieux et préoccupé. Il se souvenait de son choc lorsqu'il avait vu Derek et Stiles entrer, se soutenant l'un l'autre pour s'aider à marcher. Puis, le plus jeune s'était effondré et Derek, sans plus aucun appui, avait plus vu que senti ses jambes se dérober sous son poids. Le plus vieux des Hale avait dû se débrouiller pour monter un hyperactif blessé et inconscient dans la chambre de Derek, à l'étage. Hors de question de salir ses draps à lui. Ceux de son neveu ? Ce n'était pas ses affaires. Lorsqu'il était revenu dans le salon, Derek s'était péniblement hissé sur le canapé et Peter s'était occupé de lui.

- Et il t'a mis K.O ? S'enquit Malia, un sourcil haussé.

- Il était pas… Pas comme tous les types qu'on a affronté jusqu'à maintenant, haleta Derek.

- Au moins, tu l'as vaincu, fit Isaac.

- Stiles l'a vaincu, le corrigea le loup de naissance avec une difficulté notable à articuler.

Alors que Scott s'asseyait près de Derek et lui prenait sa douleur, la plupart des membres de la meute présents poussèrent un hoquet de surprise collectif. Stiles, blessé à mort, aurait vaincu un homme et plus précisément quelqu'un qui avait pu mettre hors d'état de nuire quelqu'un de la trempe de Derek ? C'était tout bonnement impensable, incroyable, impossible. Déjà, entendre Derek dire qu'il avait eu l'air de se tenir debout sans aucun problème était trop improbable pour que le reste soit vrai. Pourtant, ses battements de cœur étaient réguliers, le lycan ne mentait pas. Il avouait même, malgré sa honte, son incapacité à se défendre, décrivant le plus précisément possible ce qui lui était arrivé. Grâce à la manipulation de Scott, Derek semblait aller un peu mieux, si bien qu'il réussit à se redresser jusqu'à se mettre en position assise et à raconter cette histoire. L'ancien alpha mit l'accent sur ce qu'il n'avait pas vraiment compris, autrement dit, la manière dont Stiles avait neutralisé le faux infirmier. Oui, l'homme avait eu l'air de souffrir et il y avait eu la présence de ces flammes, aussi soudaine que brève. Derek était certain que c'était l'œuvre de Stiles, sans pour autant savoir comment il avait fait.

- Lorsqu'on a fui l'hôpital… C'était presque lui qui me portait, avoua-t-il ensuite.

- Derek, ce n'est pas possible ça, lui dit doucement Lydia. Il était blessé à mort, toi-même tu nous as parlé de la gravité de ses blessures, tu…

- Je peux t'assurer que c'est la vérité, la coupa l'ancien alpha. Oui, ses blessures étaient très grave mais… Il marchait et me soutenait parce que je pouvais à peine marcher.

Peter confirma ses propos en leur parlant du fait que lorsque Derek et Stiles sont arrivés, c'était effectivement le plus jeune qui semblait le mieux se porter.

- Mais… Il a failli mourir de ses blessures ! Il ne peut pas manquer de mourir et marcher tranquillement la minute d'après, s'exclama Scott, effaré.

- Je sais pas ce que c'est, mais il y a un truc, fit Derek en grimaçant légèrement.

Sa tête lui faisait mal, à nouveau. À croire qu'il n'était pas encore remis.

- Ce qui est sûr, reprit-il durement en pressant à nouveau la glace contre son crâne, c'est que ces gens… On en a jamais affronté de pareils et je sais pas… Je sais pas ce qu'on peut faire contre eux. Il ne m'a même pas touché et je me sens comme si ma tête allait exploser…

Jamais Derek n'avait parlé autant en présence de la meute alors autant dire que son débit de parole étonna. Par décence, aucun loup ne fit de commentaire à ce sujet, bien qu'ils en pensèrent tout autant. Cependant, chaque membre de la meute décida de rester au loft après que Derek ait énoncé le fait que, si on avait essayé de terminer le travail à l'hôpital, peut-être viendrait-on réessayer de tuer Stiles ici. Et même si le loup leur fit bien comprendre qu'ils n'arriveraient sans doute pas à faire grand-chose, les jeunes n'en démordirent pas. Scott contacta même sa mère pour qu'elle vienne à la fin de son service examiner Stiles parce que, l'air de rien, il était un peu livré à lui-même au niveau médical et Deaton était injoignable. Scott surveillait depuis son arrivée ses battements de cœur et mourait d'envie d'aller le voir, mais se retenait. Stiles avait besoin de calme pour se reposer et encore, le fait qu'il soit encore vivant l'étonnait un peu. Comme quoi, l'hyperactif était plus combatif et solide qu'il ne le pensait… Et parce qu'il était son meilleur ami, Scott décida de ne pas aller à l'étage, d'attendre un peu, restant auprès de Derek, qu'il aida à se rallonger.

On effectua des tours de garde jusqu'au lever du jour. Pendant que le premier groupe désigné dormait, le second restait éveillé, de manière à pouvoir agir en cas de problème. Même si une seule personne avait réussi à venir à bout de Derek, contre une meute, ce serait sans doute différents.

Quelle naïveté.

xxx

Melissa arriva aux alentours de huit heures moins le quart, une mallette métallique à la main.

- J'ai fait aussi vite que j'ai pu, dit-elle alors qu'elle avait pu sortir de l'hôpital seulement dix minutes plus tôt. Où est-il ?

- À l'étage, lui indiqua Lydia.

L'infirmière ne manqua pas de remarquer l'état de Derek qui avait fini par s'endormir, mais savait qu'il était en bien meilleure forme que Stiles. L'important, c'était l'hyperactif, parce qu'il était humain et ne pouvait pas se régénérer comme un loup-garou.

Humain, n'est-ce pas ? Lydia, toujours en avance sur les autres, se posait sérieusement la question. Derek était quelqu'un qui, malgré son caractère parfois merdique, restait honnête. De plus, son mensonge aurait été détecté par la meute le Hale avait beau être un loup de naissance, il ne pouvait pas maîtriser ses battements de cœur, sans oublier que les autres bêtas avaient des sens plutôt affutés, en particulier Scott, depuis qu'il était l'alpha. Donc, en partant du principe que Derek dirait la vérité, Stiles ne pouvait pas être un simple humain. Si tel était le cas, il serait mort, assurément. Si Derek avait peiné à marcher, Stiles avait dû le soutenir et aucun humain grièvement blessé pourrait marcher en quelques heures, tout en soutenant un loup massif. Parce qu'on ne pouvait pas dire que Derek était pauvre en muscle il faisait son poids. Stiles, lui, était frêle et si l'on ajoutait à cela des blessures qui avaient manqué de peu de le tuer, il avait forcément quelque chose en plus. Autrement, il n'aurait rien pu faire. Si l'on ajoutait à cela l'épisode étrange de la voix de Noah Stilinski dans leur tête… Lydia soupira. Malgré son intelligence et sa smart-attitude, elle ne comprenait pas grand-chose à ce qu'il se passait et c'était sacrément frustrant.

xxx

Lorsque l'infirmière redescendit, les têtes du petit groupe éveillé pour monter la garde, à savoir Scott, Liam, Lydia et Jackson, se relevèrent. Les autres dormaient soit à l'étage dans la chambre de Peter qui avait dû céder, soit sur des matelas improvisés, entre la cuisine et le salon. L'air exténué de Melissa n'échappa à personne, elle aussi avait besoin de dormir après cette nuit au boulot et ce passage improvisé. Scott l'invita à s'assoir et personne ne manqua les quelques gouttes de sang sur les gants en latex qu'elle portait, y compris sur sa tenue d'infirmière.

- J'ai changé ses pansements et l'ai recousu à certains endroits, expliqua-t-elle en soupirant. Je ne suis pas très douée pour ça mais puisque Deaton est toujours injoignable, j'ai dû m'y coller.

Sa lassitude s'entendait parfaitement dans sa voix fatiguée.

- Tu l'as recousu ? S'étonna Scott.

- Certains points avaient sauté, il a dû faire trop d'efforts, trop bouger, même si… Il n'aurait même pas dû être capable de bouger dans cet état, fit-elle, effarée parce que son fils l'avait briefée un peu plus tôt quant à ce qu'avait raconté Derek. Le fait qu'il ait survécu à ça, c'est déjà un miracle !

- C'est trop bizarre, commenta Liam, les yeux cernés de fatigue.

- Toute cette affaire est bizarre, soupira Lydia.

Melissa leur expliqua qu'elle avait dû fabriquer une perche à perfusion improvisée pour faire circuler un médicament dans ses veines, couplé à un antidouleur car il était impossible que Stiles ne souffre pas. Elle l'aurait bien ramené à l'hôpital mais puisqu'on avait essayé de l'y achever, il valait mieux tout faire ici.

- Merci pour tout maman, tu… Tu devrais rentrer, lui dit doucement Scott. Il faut que tu dormes.

- Et toi, mon chéri ? S'enquit-elle, inquiète pour son bout de chou.

- Je vais dormir à la fin de mon tour de garde, promit-il en souriant faiblement.

Sur ce fait, sa mère se leva et lui fit un doux bisou sur le front, sa marque d'affection préférée, avant de souhaiter à tout le monde bon courage et ne manqua pas de leur conseiller de se reposer. Puis, elle partit et Scott retrouva un visage sombre et un air concentré. Il écoutait, analysait le moindre bruit autour de l'immeuble pour ne pas se laisser submerger par ses émotions, pour ne pas penser au fait qu'il avait failli perdre son meilleur ami.

Qu'on avait tenté de le tuer et ce, à deux reprises.

Bien sûr, tout le monde s'était posé la question : pourquoi vouloir supprimer Stiles ? Mis à part son hyperactivité quelque peu agaçante et son sarcasme indéniable, l'adolescent n'était pas méchant, bien au contraire. Évidemment, la seule hypothèse plus ou moins probante que l'on avait imaginée était que, peut-être, Stiles avait vu ou découvert quelque chose qu'il n'aurait pas dû savoir. Après tout, c'était un fouineur dans l'âme. Et pourtant… Ça ne tenait pas. Rien ne tenait. Parce qu'on ne l'aurait pas massacré de cette façon, une balle dans la tête suffisait. Et puis Lydia avait pensé à quelque chose. Melissa et Derek leur avait plus ou moins décrit ses blessures.

- Je ne veux pas paraître pessimiste ou vous alarmer, mais… Ça ressemble beaucoup à la manière dont ont été tués ces gens, avait-elle rappelé.

Elle faisait bien évidemment référence aux cadavres aux cerveaux explosés et à l'horrible lettre « E » gravée sur le poignet. Son hypothèse à elle avait été confirmée lorsque Melissa leur avait appris que Stiles avait effectivement cette lettre, inscrite dans sa peau par une lame et qu'à l'IRM qu'il avait passée, on avait eu l'impression de voir un cerveau un peu « compressé » mais en parfait état. Néanmoins, même avec ça, on ne voulait pas y croire. Il fallait une preuve concrète même si celle-là en était déjà une belle. Que signifiait ce « E » ? Pourquoi tuait-on ces gens et pour quelle raison leur affublait-on cette lettre dans la peau ? Pourquoi tant de cruauté de d'horreur ?

Pourquoi Stiles ?

Le jour se leva et le second groupe prit le relais du premier tandis qu'à l'étage, les battements du cœur de Stiles commençaient à s'accélérer.

Il se réveillait.