Il allait falloir agir vite, et Stiles en était plus que conscient. Il agonisait toujours, mais la guérison de ses blessures et de ses os brisés lui permettait de profiter des dernières minutes qu'il lui restait pour faire quelque chose. Son dernier acte sur cette terre.

Il voyait le regard froid de ce père qui n'avait plus de père que le corps et le nom. Parce qu'à l'intérieur, Noah Stilinski n'était plus. Et c'était la douleur de savoir cela qui poussait Stiles à se dépasser. Grâce à Moira, il allait y arriver.

Lorsqu'il avait entendu la voix de la M dans sa tête, Stiles n'y avait tout d'abord pas cru. Elle disait qu'elle allait l'aider… Et puis quoi encore ? Mais c'était pourtant ce qu'elle avait fait. Alors même qu'elle parlait au Conseiller qui avait pris possession du corps de Noah Stilinski, elle réparait à distance et sans que personne ne s'en doute, son corps malmené. Ainsi, bouger était bien plus facile, même si son esprit étouffait. Moira lui avait conseillé de ne pas chercher à lui répondre et de n'utiliser ni sa télépathie, ni sa télékinésie, qui lui crameraient le peu d'énergie psychique qu'il lui restait. Pour ses pouvoirs de X, c'était une autre affaire. Ce n'était pas psychique, c'était quelque chose qui continuait de grandir en lui et qui n'usait rien d'autre que ce que produisait son corps. En conséquence, il s'agissait de sa dernière carte, qu'il n'avait pas eu l'occasion d'abattre et c'était tant mieux. Le Conseiller le pensait faible, tant mieux. Il allait le surprendre.

Et lui faire payer pour ce qu'il avait fait.

La famille Stilinski allait s'éteindre, oui, mais pas sans se battre une dernière fois.

- Je vais te…

En cet instant, c'était simple, si simple ! Parce que s'il y avait bien une uniquement chose que Stiles comptait faire, c'était de le…

- … Faire sortir de ce corps ! Hurla-t-il d'une voix brisée.

Son bras gauche s'embrasa d'un seul coup, puis ce fut au tour du droit. Moira darda un regard des plus sérieux dans sa direction. Et elle était là, la différence. Toute froideur semblait l'avoir désertée, elle semblait simplement concentrée et tendue.

Parce que la suite déterminerait également son avenir à elle, qui avait osé désobéir à un Conseiller. Ce dernier tenta de lui envoyer un meuble en bois dans la tête, espérant en cela lui briser des os comme il l'avait fait quelques minutes plus tôt, mais sitôt que le meuble fut à portée de Stiles, il fut instantanément carbonisé.

En cela, Stiles était sérieux. Elle était là, sa puissance, bien que minime. Y aller à fond, dans ce loft, c'était du suicide. Mais il avait de quoi se défendre. Les flammes, partiellement orangées, partiellement bleutées, étaient plus lumineuses que jamais. Et il s'élança dans la direction du corps de son père… Mais se cogna durement contre un mur invisible érigé par le Conseiller.

- Tu ne devrais pas gaspiller ton énergie ainsi, double cardinal ! Contente-toi de mourir sans un bruit !

La voix du Conseiller était plus forte et ressemblait de moins en moins au timbre du shérif, comme si le possesseur chassait tout souvenir du posséder dans ce corps qu'il manipulait à sa guise.

Mais Stiles, motivé par la colère et la douleur, se raccrochait à celles-ci. Il ne pouvait pas disparaître. Pas maintenant. Pas alors que cette ordure souillait le corps de son père de la sorte.

Il faut que tu le blesses !

Stiles jeta un rapide coup d'œil à la M. Elle s'était reculée et placée devant les membres de la meute qui, terrifiés, étaient tétanisés. Elle les protègerait en cas de problème, mais contrairement à lui, elle n'était rien face à un Conseiller.

Les paroles de Moira lui parurent logiques, parce qu'il vit tout de suite où elle voulait en venir. Il savait ce qu'elle comptait faire. Et ça le tuait de l'avouer, mais elle avait raison. De toute manière, dans sa situation réfléchir trop longtemps ne pourrait que lui nuire et ainsi, l'empêcher de l'accomplir ce qui s'avèrerait sans doute sa dernière action. Pour être honnête, Moira avait eu beau guérir toutes ses blessures physiques, elle ne pouvait toucher à la douleur lancinante et insupportable que son esprit tankait comme il le pouvait. La coupure avec le Psinet avait été brutale et l'absence de renouvellement d'énergie psychique le tuait déjà. C'était comme un enchaînement de décharges électriques en continu et dont l'intensité était telle qu'il était impossible pour lui de passer outre. Ainsi, il allait s'en servir. De ça, et de ses émotions. Parce que c'était tout ce qu'il lui restait. Dans son état et coupé ainsi de ce qui lui permettait de vivre, Stiles savait qu'il ne pouvait pas utiliser la télépathie et la télékinésie. Cette fois, il se déplaçait à l'aide de sa seule force. Au diable son épuisement. L'adrénaline lui donnait l'énergie nécessaire pour faire ce qu'il avait à faire.

Expulser ce Psi du corps de son père.

D'un coup d'un seul, alors qu'il se mettait à courir, la couleur des flammes de son bras gauche devint entièrement bleue, d'un cyan aussi brillant que meurtrier. Faisant front devant la meute, Moira afficha un air incrédule et les autres, horriblement captivés par la scène, ne firent pas attention à ce changement drastique d'expression.

Ainsi, le mur invisible fondit instantanément et pour la première fois, le visage de Noah se déforma au point de faire ce qui ressemblait à une grimace, comme s'il souffrait. Comme si, par exemple, juste par exemple, cet édifice immatériel était un allongement de lui-même…

Sans que personne ne le voie venir, le bras droit du Conseiller fut sectionné net et ce, sans que Stiles ne soit assez près pour le toucher. La frappe de feu lancée par Stiles sans aucune hésitation avait visé juste. Les flammes, d'une chaleur inimaginable avaient fait fondre les chairs instantanément.

Et le hurlement de la voix de Noah emplit la pièce tandis que les regards horrifiés ne savaient pas où se mettre. Dans un état d'urgence absolue, Stiles ne se laissa pas submerger. Il n'avait pas fini. Il jeta un rapide coup d'œil à Moira, qui leva la main en direction du Conseiller… Dont la chair brûlée devint noire. Pourrie. Elle faisait naître sur sa blessure des nécroses profondes d'une seule pensée.

Et si le cri trahissait la douleur immense que ressentait le corps de son père, Stiles savait parfaitement qu'elle avait atteint le Conseiller. Une possession Psi était complète : l'on ressentait tout du corps que l'on empruntait. Mais Stiles n'avait pas fini. On avait touché à son père, sa dernière famille. Mû par son ire magistrale, il fit une chose à laquelle Moira ne s'attendait pas. Ses flammes redevinrent partiellement orangées et par conséquent, moins chaude. Stiles envoya son poing dans le visage de son père en luttant contre son cœur qui, s'il l'écoutait, l'aurait paralysé sur place.

Parce que si Stiles était parfaitement conscient qu'il frappait son père, il savait également qu'il ne s'agissait plus que de son cadavre. Car Noah avait rendu l'âme dès que ce Psi avait réussi à prendre possession de lui. Ainsi, il savait n'avoir pas assez de temps à accorder aux scrupules qui le torturaient déjà mentalement. Alors, il passait outre. Il allait mourir et s'il laissait la souffrance de la perte de son père l'atteindre, il serait fini avant même d'avoir éloigné le danger. Et si ça arrivait… Moira ne serait pas la seule à passer l'arme à gauche. Le Conseiller, sans aucun obstacle, tuerait froidement la meute sans aucune forme de pitié.

Par chance, les nécroses progressèrent extrêmement vite, au point de s'infiltrer dans le corps du shérif et se colorer certaines parcelles de peau en noir. Par les cris qui s'échappaient de cette bouche, Stiles savait qu'il tenait le bon bout.

- Continuez ! Hurla-t-il à Moira sans tourner la tête vers elle.

Au fond, il pleurait. Il pleurait des larmes de sang. Souffrait de profaner le corps de son père décédé, possédé, massacré. S'efforçait d'ignorer cette voix qui restait la sienne, celle qui l'avait accompagné tout au long de sa vie. S'empêchait d'arrêter pour le prendre dans ses bras tout en sachant qu'il lui en avait sectionné un de sang-froid. Se retenait d'arrêter et de juste… Pleurer contre lui, en s'excusant pour tous les malheurs qu'il lui avait causés dans sa vie et pour cette deuxième mort qu'il lui donnait de ses propres mains. Mais il n'avait pas le choix.

Le monde Psi était dur, plus encore que le monde métamorphe.

Stiles s'enferma ainsi dans sa dernière demeure mentale. Vide et froide. Paf. Son poing de moins en moins enflammé avait à nouveau touché la peau constellée de taches brunes dues tout autant au soleil qu'au début de vieillesse qui menaçait Noah. Le regard de Stiles, si particulier, n'exprimait plus rien. Lui aussi était mort, dans un sens. Parce qu'il n'avait plus personne, s'était vu condamné par un Conseiller via le corps de son père et sentait sa vie s'égrener au fil des secondes qui passaient. Seul son dernier objectif le maintenait debout.

Un hurlement strident paralysa tout le monde sur place et Stiles fut le seul à ne pas l'entendre tant il était enfermé profondément dans son propre esprit. Ses oreilles se mirent à saigner, ses yeux, à rougir.

La banshee avait hurlé. Une fois.

L'on se prit à penser qu'il s'agissait de Noah, sans réellement savoir qu'il était déjà mort. Au même moment, le poing de Stiles partit, encore, s'écrasa contre la joue noircie qui se décomposait doucement alors que le cœur du shérif, battant artificiellement grâce à la présence du Conseiller, s'arrêtait lentement de battre.

Finalement, le corps du shérif cessa de fonctionner et s'effondra sans autre forme de procès. Les flammes de l'hyperactif s'éteignirent alors qu'il reculait et se mettait à reprendre son souffle, semblait-il. Sans perdre de temps, Moira accourut vers Noah et vérifia ses signes vitaux ainsi qu'un autre détail. Médusés, aucun des membres de la meute n'esquissa le moindre mouvement.

- Le Conseiller s'en est allé, dit-elle soudainement d'une voix blanche. On l'a eu…

Toute indifférence l'avait quittée. Elle avait beau avoir les preuves sous les yeux, elle n'arrivait pas à croire que le X et elle avaient vaincu un Conseiller. Enfin, pas vraiment. Mais le forcer à quitter le corps d'un Psi qu'il avait en sa possession était une victoire en elle-même. Pour l'instant, elle oubliait que le pauvre Tp ayant servi d'enveloppe au Conseiller était le père du double-cardinal. Tout se bousculait dans sa tête et à vrai dire, elle n'était pas la seule à ressentir cela. Personne ne réagissait de la bonne manière, n'arrivait à redévelopper un sens des priorités suffisantes.

Le premier à bouger du côté de la meute fut Derek, qui baissa les yeux vers le corps inerte et en grande partie nécrosé du shérif. Un violent haut-le-cœur manqua de le faire vomir. Derrière lui, Lydia ne se retint pas. Mais Derek ne l'entendait pas, et pas juste parce que son cri lui avait percé les tympans. Non. Il était sous le choc. De ce qu'il avait vu, de ce qu'il avait compris.

De ce dont il était témoin.

- Le… Le shérif… Balbutia-t-il.

- Déjà mort depuis longtemps, répondit la M du tac au tac, un léger trémolo dans la voix. Des heures, peut-être des jours.

Passée la surprise, elle avait désormais un air sombre. N'était-elle pas censée être Silencieuse ? Derek ne se posait même pas la question. Il ne savait même pas à quoi il réfléchissait. Tout ce qu'il se passait le dépassait. Un peu plus loin, Jackson aidait Lydia à se relever tandis qu'Isaac avait tout simplement balancé un coussin sur son vomi. Tout le monde était perturbé, si bien que tout le monde oublia un instant l'essentiel…

… Qui se rappela à eux de la pire des manières qui soit.

Les genoux de Stiles entrèrent brusquement en contact avec le sol. Les bras ballants, le regard terne, du sang coulait de son nez, de sa bouche, de ses yeux. Plus aucune vie n'animait ces orbes censées être tricolores, mais qui cette fois étaient noires, sans aucune étoile pour venir les éclairer. L'on se mit à crier son nom, à se précipiter vers lui, mais l'on ne put empêcher son corps de s'effondrer sur le parquet dans un bruit aussi lugubre que sourd.