Chaque purge avait pour Stiles deux effets récurrents mais bien distincts. En premier lieu, un soulagement intense l'envahissait, allant jusqu'à friser avec une forme de plaisir qu'il ne pouvait réprimer. Libérer son pouvoir était une chose qu'il faisait si rarement que chaque fois lui donnait l'impression d'un renouveau. C'était comme si ses flammes les plus anciennes et les plus envahissantes disparaissaient, brûlées par leurs consœurs, toujours plus chaudes, toujours plus puissantes.

Toujours plus mortelles.

Il évacuait le surplus de son pouvoir, celui qui n'en finissait jamais. Stiles avait passé un certain temps sans avoir à se purger et ça, ça se ressentait. Mais jusqu'à présent, il n'en avait pas réellement ressenti le besoin tant il avait passé ces derniers temps dans un état de faiblesse tel que son pouvoir lui avait surtout servi à recouvrer ses forces. Maintenant, il en avait assez. Peut-être un peu trop.

Et de toute façon, il n'avait pas fini. C'était mal connaître Stiles que de s'imaginer qu'il allait s'arrêter à une simple purge. Lui, ce qu'il voulait, c'était transmettre un message. Un message de taille. Quelque chose que l'on n'oublierait pas de sitôt. Qui aurait un impact.

A l'intérieur de son esprit, la cage de sa Dissonance perdit en solidité. Parce que sa purge lui faisait ressentir une forme de plaisir, oui. Le plaisir de se vider. De se laisser aller. De ne pas sans cesse se réprimer. Car son côté X, c'était une partie de lui. Le pire dans tout ça, et c'était également pour cette raison que sa Dissonance était bien partie pour ne pas durer, c'était… Que son action partait d'une pulsion émotionnelle. L'envie de protéger ceux qu'il aimait.

Le fond du problème qui l'empêchait d'être totalement sous le contrôle de sa Dissonance se trouvait bien là. Il aimait son ancienne meute. Il aimait chacun de ses membres. Il aimait beaucoup trop un certain loup mal léché qui fut longtemps un fantasme vivant à ses yeux, parce qu'il lui rappelait sans arrêt ce qu'il n'aurait jamais.

Stiles aimait de tout son être et aucun conditionnement de quelque sorte que ce soit ne pourrait effacer cela.

Son empathie Psi mise à part, c'était bien cet amour multiple qui brisait sa Dissonance à petits feux. Cette carapace qu'il s'était créée pour survivre, pour… Supporter l'insupportable.

Au centre de sa colonne de feu, Stiles commença à baisser ses barrières. Il savait que sa puissance ne reposait pas uniquement dans ces flammes qui naissaient de son âme : elles pouvaient tirer un plus grand pouvoir encore de ses émotions. Et s'il voulait marquer les esprits Psis, il fallait que sa démonstration soit grandiose.

Alors il commença à bouffer les barreaux de la cage contenant ses émotions et, dans un soupir, quitta le sol. Laissa les flammes lui faire remonter la colonne flamboyante, l'emporter haut dans le ciel. Si haut qu'une chute potentielle serait forcément mortelle.

Stiles laissa son esprit se retirer un instant à l'intérieur du Psinet. Juste un instant. Laissa son étoile prendre de l'ampleur. Déclama quelques mots. Se retira de la Toile mentale Psi. Prit son courage à deux mains.

Et détruisit complètement sa Dissonance.

xxx

Le masque de Silence de Moira tomba dès l'instant où elle entendit une voix claire dans son esprit. Une voix jeune. Pleine de vigueur.

Et pas vraiment Silencieuse.

« A tous ceux de la Toile qui m'entendent, écoutez-moi bien. Je suis Mieczyslaw Stilinski et je suis un double cardinal. Je prierais tous les Psis proches ou à l'intérieur de Beacon Hills de cesser toute chasse aux Empathes, ou vous en paierez le prix fort. Chaque vie d'un E que vous prendrez sera une promesse d'un jour sans lendemain de votre côté.

Levez les yeux et regardez le ciel.

Ceci est un avertissement.

Il n'y en aura pas d'autre. »

Son cœur se mit à battre à tout rompre. Qu'est-ce que tout cela signifiait ? Qu'avait-il en tête ? Une chose était certaine, le double cardinal se mettait en danger en s'exposant ainsi, en dévoilant son identité de cette manière. Il y avait sa purge, aussi. Stiles n'avait pas pris la peine de la faire dans un endroit reculé, loin des yeux indiscrets de son peuple. Il la réalisait à Beacon Hills, centre névralgique de la chasse aux Empathes en ce moment. Le pire dans tout ça ? Il utilisait son pouvoir de X… Et elle savait qu'il n'avait pas fini.

L'horreur de la situation la transcenda. Se rendait-il compte des risques qu'il prenait ? Un Conseiller l'avait tué. C'était un fait. Il l'avait déconnecté du Psinet en un claquement de doigts. Si elle n'était pas intervenue, si elle n'avait pas réussi à réaliser ce miracle, Stiles n'aurait définitivement pas survécu. Mais voilà. Pendant un court, très court laps de temps, il était mort. Des Conseillers, il y en avait plusieurs. Des Psis chargés de traquer les E, des tas.

Moira n'oubliait pas non plus les Flèches.

Ce qu'était en train de faire Stiles, c'était du suicide. Il était en train d'attirer l'attention sur lui. Cela avait beau être son but, c'était l'exact inverse de ce qu'il devait faire. Alors, elle essaya de le contacter mentalement. De par leurs précédentes discussions, ils avaient construit un canal télépathique privé et elle n'avait par conséquent pas besoin de le chercher.

Elle le retrouva complètement détruit. Coupé net.

Son cœur s'affola davantage. La M-Psi se retourna brutalement vers Derek. Comme les autres, il regardait avec un effarement certain la colonne de X-feu. Elle prit la décision de lui expliquer… Plus tard, la situation. Il était clair que lui, comme le reste de sa meute, avaient besoin d'éclaircissements pour, ainsi, arrêter de fixer bêtement ce phénomène qui, s'il était cette fois-ci intentionnel, deviendrait de plus en plus récurrent. Stiles avait presque dix-huit ans. Des purges, il allait en faire de plus en plus souvent et elle le voyait rien qu'à la couleur de son feu des plus ardents.

- Des vêtements, commença-t-elle. Où est-ce que je pourrais lui trouver des vêtements ?

Elle eut droit à un nombre effarant de regards curieux. Si celui de Derek était pareil aux autres, il eut l'intelligence d'esprit de ne poser aucune question et monta à l'étage avec elle. Il n'avait pas de vêtements à lui à proprement parler. En fait, Derek et Peter avaient laissé quelques affaires pour les travaux en sachant qu'ils iraient y passer peut-être parfois plusieurs nuits. Le destin faisait que c'était effectivement le cas… Mais pas pour cette raison-là. Ainsi, Derek ouvrit un placard dans ce qui avait l'air d'être sa chambre et en sortit un pantalon, un haut…

- Besoin d'un sous-vêtement ? S'enquit-il.

Même s'il ne comprenait rien à la situation, il se fiait complètement à elle sur ce coup-là. En cet instant, elle était tout sauf inexpressive. Quelle que soit la raison précise de ce changement, il faisait confiance à ses émotions. Si elles s'étaient manifestées, ce n'était pas pour rien. Outre le caractère extraordinaire de la colonne de feu, Derek savait qu'elle devait avoir perçu autre chose pour être dans cet état-là.

Moira le toisa une seconde avant de répondre :

- C'est fort possible.

Derek piocha donc au hasard parmi ses boxers et referma les placards qu'il avait ouverts à la hâte.

- Je ne sais pas s'il a pris la peine de se déshabiller, expliqua-t-elle rapidement.

Le loup-garou ne comprit pas vraiment où elle voulait en venir, mais il hocha tout de même la tête. Moira lui annonça alors qu'elle allait s'absenter quelques minutes, le temps d'aller voir plus près ce qu'il se passait et hypothétiquement lui passer les vêtements. Elle voulait également savoir ce qui était advenu des Psis qu'il avait repérés : s'en était-il déjà occupé, ou se servait-il de sa purge pour les localiser ? Attirer l'attention pour les faire venir à lui… Oui, Stiles Stilinski en était capable. Sur ce terrain-là, il pouvait parfaitement avoir l'avantage, même contre plusieurs Psis.

- Je t'accompagne, déclama Derek en descendant l'escalier à ses côtés.

Moira vit dans son regard qu'il n'accepterait aucun refus et dans un sens... Ça l'arrangeait. Se retrouvait seul avec cet homme qui semblait la comprendre lui permettrait de lui révéler quelques petites choses sans alarmer tout le monde.

Lorsqu'ils pénétrèrent tous deux à nouveau dans la pièce à vivre, Derek annonça ce qu'ils comptaient faire même si on avait dû les entendre et donna des consignes précises. Tout le monde devait, au cas-où, se confiner à l'étage. Ils devaient rester groupés, unis. Veiller les uns sur les autres. L'appeler sur son téléphone au moindre problème – avec sa vitesse surnaturelle, il pourrait revenir au manoir en un rien de temps.

Il n'y eut pas la moindre objection, pas la moindre remise en question face à cette décision. Parce qu'on savait qu'il n'y avait pas de temps à perdre et surtout… On avait besoin de quelqu'un qui gérait la chose. Qui leur donnait un cadre. Pour cette fois-ci, ce serait Derek.

Pour la suite, on aviserait.

Une fois à l'extérieur du manoir, Moira ne prit pas la peine d'attendre et fit aussitôt un scan télépathique. Avec ses capacités à elle, ça allait et elle repéra effectivement cinq traces psychiques de Psis… Qu'elle sentait immobiles. La jeune femme leva les yeux et jeta un œil à la colonne. Elle était bleue, trop bleue. Et elle durait. Nul doute que sa présence allait attirer des curieux. Derek et elle devaient donc se dépêcher… Et faire en sorte d'éviter les cinq Psis. Mais leur immobilité la chiffonnait… Si bien qu'elle changea légèrement de direction sous le regard perplexe de Derek, qui la suivit sans aucune hésitation. Il lui demanda ce qu'elle cherchait et elle le lui expliqua sans essayer de lui mentir. Comme il leur faudrait toutefois quelques minutes de marches pour atteindre le Psi le plus proche, Moira décida de profiter de la distance qu'ils prenaient avec le manoir pour lui révéler ce qui l'avait poussée à sortir précipitamment.

- Le double cardinal a émis un message sur le Psinet, lui apprit-elle, les traits particulièrement tendus. Un avertissement. Une menace à peine voilée visant à faire cesser la chasse aux Empathes. Ce feu… Je pense que ce n'est pas tout ce qu'il compte faire.

- S'il les intimide, c'est bon pour nous, argua Derek, qui espérait gagner un peu de temps pour pouvoir en apprendre davantage les jours suivants et, par la même occasion, apprendre que les exécutions de E-Psis auraient cessées.

- Dans l'idée, ça l'est.

Derek devina qu'il y avait un « mais » quelque part. Et il eut raison.

- Mais ça reste stupide, continua-t-elle d'un ton rageur, dans la mesure où il a décliné son identité. Tout le monde sur le Psinet doit le connaître, maintenant. C'est le meilleur moyen pour lui qu'on le retrouve et qu'on le tue pour éliminer la menace qu'il représente. Le Psinet, c'est une base de données en constante augmentation. Avec son nom, il sera facile pour le Conseil de retrouver son visage.

Le loup-garou devait avouer que si la démarche avait beau partir d'une bonne intention, la quantité d'informations qu'il avait révélées à son sujet était une erreur. Une erreur qu'il sentait étrangement calculée. Il connaissait Stiles : l'hyperactif ne laissait jamais rien au hasard. Il avait forcément commis cet impair pour une raison.

- C'est complètement suicidaire, lâcha Moira, qui se montrait étonnamment expressive.

Derek sentit son cœur rater un battement. Ce mot lui semblait étrangement juste et… Résonnait en lui. Il fronça les sourcils en continuant d'avancer, sans poser de questions. Le pire, c'est que Stiles pouvait être animé de pulsions suicidaires. Elles seraient en accord avec l'attitude qu'il avait eue à plusieurs reprises au loft après que sa véritable nature ait été découverte. Et puis il y avait les propos qu'il avait tenus, aussi. Nouveau coup d'œil sur la colonne de feu. Impressionnante, majestueuse. Une bizarrerie qu'il ne comprenait pas mais qui, pour le loup-garou, était une incroyable démonstration de puissance. Si Stiles voulait faire peur et stopper la chasse aux Empathes, ce genre d'actions suffisait… A ses yeux à lui. Pourquoi donc décliner son identité ?

Et puis il y avait Moira, aussi. Elle était trop expressive par rapport à ce qu'elle avait l'habitude de montrer. Si elle s'affolait de la sorte, c'est qu'il devait y avoir quelque chose d'autre, quelque chose en plus. Derek eut envie de lui poser mille et une questions, mais la M-Psi ne lui en laissa pas le temps :

- Il faut que je te dise quelque chose. N'en parle pas à ta meute pour l'instant, mais je pense que tu dois savoir.

Derek eut un air de déjà-vu. Il hocha la tête tout en continuant de la talonner. Elle marchait vite, même pieds nus, et ne semblait pas faire cas des blessures qu'elle pouvait se faire. Moira n'avait pas l'air d'être une femme qui avait l'habitude de marcher en forêt. C'était plutôt le genre de personnes sans cesse tirée à quatre épingles, à faire un boulot dans lequel elle n'avait pas besoin de se salir les mains. Tout dans son corps et son attitude lui criait qu'il avait raison sur ce fait.

- La banshee, fit-elle en lui jetant un œil pour s'assurer qu'il la suivait toujours. Fais très attention à la banshee. Fais en sorte qu'elle n'utilise jamais ses capacités devant un Psi.

Derek haussa un sourcil et jeta un nouveau coup d'œil à la colonne. Bientôt, il y aurait des curieux. Il fallait qu'ils se dépêchent. Stiles était-il à l'intérieur des flammes ? A côté de cela, il réfléchit rapidement aux propos de la M-Psi. Oh oui, des questions, il en avait, mais il choisit de les contenir pour l'instant. Moira semblait extrêmement concentrée et il sentait qu'il devait éviter de l'importuner. Mieux que cela, il la couvrit, la protégea en étendant ses sens à leur maximum. Même s'il se doutait qu'elle devait d'ores et déjà assurer leurs arrières, il tenait à faire sa part du boulot. Il y avait forcément un domaine dans lequel il pouvait être utile dans leur avancée. Elle tenait à faire un détour avant de s'approcher de la colonne de feu… Et avec ses explications, il comprenait pourquoi. Il espérait juste pouvoir faire quelque chose en cas d'attaque. Avec les précédentes démonstrations de Stiles, Derek savait qu'il ne pourrait jamais réellement affronter un Psi en tant que tel. S'il pouvait aider un peu, détourner l'attention d'un hypothétique ennemi, il le ferait.

C'est alors qu'il sentit une odeur qu'il ne s'attendait pas à sentir, du moins… Pas maintenant, pas si tôt. Une odeur qui lui fit imaginer quelque chose.

- On y est presque, lui apprit Moira sur un ton bas.

Oui, il le sentait. Plus qu'une vingtaine de mètres à franchir, des immenses murs d'arbres à traverser. Son corps fut parcouru d'un frisson et il attrapa le bras de la M pour l'arrêter. Elle se retourna et le regarda, perplexe. Derek profita de cet instant d'arrêt pour se concentrer au maximum sur ce qu'il sentait. Son cœur rata un nouveau battement. L'odeur lui parvint avec davantage de netteté maintenant qu'il y accordait son entière attention. Le doute n'était plus possible.

- Derek ? finit par l'appeler Moira après avoir plus ou moins sèchement dégagé son bras.

- La signature psychique du Psi est toujours immobile ? Demanda-t-il.

En lui, quelque chose de déplaisant commençait à émerger. Il n'aimait pas les conclusions auxquelles il était doucement en train d'arriver.

Moira hocha la tête et la question qu'elle se retint de poser se lut dans ses yeux. Si Derek hésita à lui répondre ? Pas une seule seconde.

Ça sentait le sang… Et le brûlé.