Yo ! Alors, cette histoire est une suite alternative d'un des précédents OS de ce recueil « Pretty Little Thing ». Si vous n'avez pas lu, c'est un remake de Peau d'Âne sauf que c'est Chloé Peau d'Âne et qu'elle épouse son père donc gros TW sur tout ce qui est inceste, viol conjugal et relations pas saines, trauma etc.
Et donc … A la fin de cet ancien OS, Chloé décide d'avorter. C'était un peu ce que je pouvais avoir qui ressemblait le plus à un « Happy end », parce que ça signifiait un futur potentiel pour Chloé, dans ma tête. Parce que j'avais déjà hypothésé « Et si elle a une fille, et sa fille après on fait Blanche-Neige mais c'est triste » et donc voilà. La courgette était plantée. Et les 24h du FoF n'ont pas aidé. Sur le thème Maman a dit. Ecrit en une heure trente.
S.L.U.T 1/2
(Sweet Little Unforgettable Things)
Il y a des douleurs qui saignent. Il y a des douleurs qu'on ne peut ressentir que quand on ne saigne plus.
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« Sabrina ?
— Oui, Votre Majesté ?
— Dans mon ventre. Dans mon ventre il y a ma petite sœur. »
Les yeux de la servante grossissent comme des plats ronds, et la reine poursuit.
« C'est une fille, je le sais. Elle sera plus intelligente, plus jeune et plus belle que moi. Elle m'admirera, comme j'ai admiré ma mère. Je serai jalouse d'elle. Et, un jour, elle me détestera comme je déteste ma mère. Alors j'ai quelque chose à te demander.
— Tout ce que vous voudrez, ma Reine.
— Sois mon miroir qui ne ment jamais. Dis-moi toute la vérité, toujours, sans fard et sans jugement. Tu es la seule personne qui m'aime. Si tu me trahis, je n'aurai plus rien.
— Je serai votre miroir, Majesté.
— Promets-le moi.
— Je vous le promet. Pour toujours et à jamais. »
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Le roi a fêté ses cinquante-ans ce matin. Il est vieux et sale et tout le temps fatigué, mais il ne meurt pas. On croirait qu'il ne mourra jamais, et la pensée répugne Chloé. Elle tient bon. Elle a utilisé tout son art, l'a perfectionné. Elle sait les remèdes pour avoir la plus belle peau, les huiles pour faire briller ses cheveux et les fards pour ne jamais sembler vieillir. Elle sait les tours des sorcières et des couturières pour la taille plus fine que celle d'une guêpe, ces secrets qui passent de femme en femme et qui ne doivent jamais être révélés. Elle est la fille la plus belle du royaume, et de partout des artistes viennent pour la supplier de peindre son portrait.
Belle, c'est tout un métier. C'est permanent, il n'y a jamais de pause, seulement des instants où elle espère que personne ne peut la voir à part Sabrina. Elle se regarde dans le miroir. Elle se souvient les paroles de sa mère.
La valeur d'une fille se mesure au nombre d'hommes qui l'aiment et la désirent : celle d'une femme au nombre d'hommes qui la craignent et la respectent.
Chloé a dix-neuf ans, et elle entend dans les couloirs que sa fille parle de mieux en mieux, fait des phrases et que bientôt on pourra lui apprendre la lecture, le Latin. Elle est maladroite mais travailleuse. Chloé la trouve embarrassante, avec ses grands yeux bleus ébahis et ses pieds qui se trémoussent, alors elle l'évite du mieux qu'elle peut. Chloé est encore une fille, elle est une fille qui a une fille de quatre ans. Elle n'a pas de rides, et ses pieds savent encore danser, ses dents savent encore rire. Le soir, avant de se coucher dans la chambre qu'elle ne partage plus depuis longtemps avec son mari elle demande à Sabrina :
« Miroir, mon beau miroir, dis-moi qui est la plus belle. »
Et avec un sourire tendre, fidèle, Sabrina lui répond :
« Vous êtes la plus belle de ce royaume et de cette terre, Majesté, car seule vous connaissez la beauté parfaite et pure. C'est en vous voyant que le soleil rougit à son coucher et que la lune pâlit la nuit, elles sont jalouses. »
Et seulement après, la Reine peut s'endormir.
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Marinette travaille aux cuisines depuis aussi loin qu'elle se souvienne. Elle est la princesse, pourtant, on le lui a dit maintes fois, mais sa mère ne veut pas la voir, et son père est trop malade. Elle lui rend visite le soir, pour le prendre dans ses bras.
Elle fêtera ses douze ans au printemps, et les jours qui s'allongent lui donnent des envies d'escapade. L'équinoxe approche.
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« Sabrina ! Sabrina ! »
Chloé a couché sa fille, après que celle-ci a embrassé son père pour lui dire bonne nuit. Elle a fêté ses douze ans aujourd'hui, et le roi a offert à la petite une robe de soie chinoise légère pour l'été. Elle est blanche, sans tâche, douce et luisante. Les hanches de la petite s'y accrochent comme des épingles, sa poitrine trébuche contre le tissu et sa gorge est déployée. Elle est si pâle que l'on distingue à peine sa peau du tissu.
Chloé respire fort, assise sur son lit. Elle retire le peigne qui lui tient les cheveux, et puis les épingles serties de bijoux, défait son corsage. Sabrina accourt d'un pas silencieux, et vient en face de sa Reine.
« Vous m'appelez ?
— Tu as vu ma fille aujourd'hui. Miroir. Miroir, mon beau miroir, miroir qui ne saurait mentir, je t'en prie, dis-moi qui est la plus belle.
— Ma Reine …
— Tu m'as promis !
— Reine Chloé, Reine Soleil. Vous êtes d'une incontestable beauté, mais il y a au château une jeune fille dont les traits sont plus doux encore que les vôtres. Sa jeunesse porte une peau pâle comme la neige, et ses cheveux sont une masse sombre et souple sur sa petite tête : là, ses yeux bleus et ses lèvres rouges sont des tentations affreuses pour les yeux des humains. Majesté, votre fille est la plus belle.
— J'aurai besoin de toi. Douze ans ? C'est jeune. C'est bien trop jeune.
— Le temps ne presse pas.
— Tu ne peux pas me mentir. J'ai vu comme il la regardait. J'ai vu comme mon père qui est aussi mon mari regarde ma fille qui est aussi ma sœur, j'ai vu comme le roi regarde sa propre petite-fille, il la regarde comme il regardait sa fille quand il l'a violée, comme il regardait sa femme quand il l'a humiliée. Cette lignée doit cesser. Apporte-moi du lait d'ânesse à la lavande.
— Tout de suite, Majesté. »
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Le roi reprend de la vigueur, il est pourtant si vieux. Mais il est en retard : quand il se lance en guerre contre sa femme, elle a déjà préparé ses armes. Il est bien plus petit qu'elle, plus rabougri et plus bête. Il est un homme.
Elle, depuis que sa fille n'est plus une enfant mais une fille, elle est une femme. Il est fini le temps où le royaume l'admirait. Dorénavant elle sera crainte de tous et de toutes. Quand elle entrera dans une pièce, les yeux ne se fixeront plus sur elle mais sur le sol, et tout le monde fera silence. La première à la craindre sera la princesse Marinette. Elle craint ses colères, ses insultes, son jugement, ses yeux perçants. Chloé avait raison. Marinette l'aime autant qu'elle aimait sa mère. A présent elle devra la détester.
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« Le mot est passé. »
Chloé surveille ce qu'elle mange. Elle sait que le roi manigance contre elle, et il lui serait facile de la faire tuer. Elle guette. Elle n'a confiance en personne, à part en Sabrina, et dans une moindre mesure en le Prince Adrien. Elle l'a aimé, comme elle l'a aimé. Elle l'a aimé comme une fille aime un garçon, comme une princesse aime un prince. Elle l'a aimé comme on aime dans les contes de fées, et l'inviter à sa table lui rappelle tout ce qu'elle ne vivra jamais. Elle est amère comme un poison. Elle plie la bouche dans une grimace affreuse, opine du chef en direction de Sabrina. En quelques jours, il devrait parvenir aux oreilles de Marinette que la Reine veut sa mort. La petite est intelligente, plus intelligente que Chloé qui déjà est plus intelligente que sa propre mère qui est déjà bien plus intelligente que le roi, alors elle s'enfuira. Elle a appris à travailler : elle trouvera quelque chose, un endroit où vivre loin de tout ça. Se mettre à l'abri, jusqu'à ce que le roi meure.
Chloé sent son cœur battre la chamade. Elle est jalouse. Elle se demande : Maman, dis, est-ce que toi aussi, tu étais jalouse de moi ? Est-ce que tu m'as vue comme une rivale ? Est-ce que c'est toi, vraiment, qui m'a jetée dans les bras de ton mari que tu n'aimais pas ?
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« La peau blanche comme la neige, les cheveux noirs comme les corbeaux et les yeux bleus comme le ciel d'été. Quelle pitié. Quelle pitié, vraiment. Prince Adrien, votre coupe est vide ! Garçon ! Vous jouez à regarder vos pieds ? C'est amusant pour vous ? »
La Reine rit, et comme le garçon s'embarrasse en servant du vin, en renverse sur la nappe, Chloé se lève. Elle ne dit rien. Pas un mot. Le serviteur est emmené par des gardes et immédiatement remplacé. Il a un an de moins que Chloé, mais il est assez beau pour son âge, et encore très naïf. Parfois, Chloé se demande ce qu'elle a pu aimer chez lui. Il est faible d'esprit, incroyablement gentil et manipulable. Son humour est atroce, il est poli et il obéit à son père. Chloé n'aime pas la complaisance. Mais elle sait qu'il l'aidera, comme Marinette rougit sous les insultes de sa mère et qu'il lui offre un regard compatissant. Chloé a discuté avec le roi Gabriel, et elle sait qu'Adrien ne rencontre jamais de filles. Il est si facile de le faire tomber amoureux que c'en est ridicule.
Le prince et sa suite restent dormir la nuit. Quand ils se réveillent, la Princesse a disparu et le Roi est en larmes. La Reine, seule sur son trône en peau d'âne, sourit.
