CHAPITRE 4 : Une Percée au Terrier
La vie au Terrier rendait Drago fou. Il ne savait pas combien il pourrait supporter encore. Avec Potter, Weasley et Granger, il avait quatre Weasley supplémentaires à supporter. Les parents avaient toujours l'air exténués, et le visage cicatrisé de Bill faisait se retourner l'estomac de Drago. Ginny n'arrêtait pas de lancer des regards si désireux après Potter que cela donnait à Drago la nausée. Et puis, pour couronner le tout, il y avait Fleur Delacour, qui se promenait partout, livrant un monologue interminable sur le mariage et les traitant tous comme des serviteurs. À un moment donné, elle a demandé à Drago de l'aider avec les banderoles. Comme s'il était un elfe de maison. Il la regarda simplement, consterné, jusqu'à ce que sa mère le saisisse par le bras et le fasse sortir de la cuisine.
La majeure partie de la journée, Drago et ses parents passaient leur temps dans le jardin infesté de nains et de mauvaises herbes, aussi loin que possible des autres. Il y avait là une certaine satisfaction. Drago aimait s'asseoir à l'ombre d'un arbre pendant que Potter et Weasley lui lançaient des regards crasseux, versant de la sueur en disposant des chaises blanches sous le soleil battant.
Les repas, cependant, devaient être pris à l'extérieur, et par souci de décorum, les Malefoy étaient obligés de s'asseoir à la même table à tréteaux que tout le monde. Ces heures étaient si incroyablement gênantes que Drago délirait presque à cause de l'inconfort. Arthur Weasley en particulier semblait incapable de regarder les Malefoy, encore moins de leur parler comme une personne normale. « Est-ce que quelqu'un pourrait passer les pommes de terre, s'il vous plaît », annonçait M. Weasley à haute voix sans s'adresser à personne, les yeux fixés sur le crépuscule. Quand Lucius les mettait dans sa main, M. Weasley faisait comme si le bol était apparu là via une mystérieuse conjuration.
Drago avait conclu une sorte de pacte silencieux de non-agression avec Potter, Weasley et Granger. Weasley lui lançait toujours des regards furieux et méfiants chaque fois que cela était possible, mais Potter semblait beaucoup plus préoccupé par la présence de Lucius que celle de Drago. Cela a d'abord intrigué Drago, jusqu'à ce qu'il se souvienne que son père les avait combattus tous les trois, ainsi que Ginny, au Département des Mystères.
Quant à Granger, Drago s'était méfié au début qu'elle puisse agir différemment envers lui après leur dispute chez elle. Il se surprit à réfléchir à la possibilité qu'elle puisse le coincer et essayer de le faire parler de Dolohov ou de son père. Il a passé du temps à réfléchir à des réponses aux questions de plus en plus invasives qu'il imaginait qu'elle poserait.
C'était du temps perdu. Elle ne l'a jamais approché. En fait, de tous les gens du Terrier, elle se comportait de la manière la plus tolérable envers lui : elle était vive mais polie, sans longs regards inquisiteurs suggérant qu'elle s'attendait à ce qu'il appuie sur sa Marque des Ténèbres et invoque les Mangemorts. C'était quelque chose que les Weasley, Potter et parfois même Fleur faisaient.
Dans l'ensemble, l'ambiance était loin d'être géniale. Drago espérait qu'il n'aurait pas à supporter ça trop longtemps, et deux jours après leur arrivée, son souhait se réalisa. Peu après le dîner, Mme Weasley lui fit signe de venir.
— « Ouais ? » dit-il, incapable de retenir une note maussade dans sa voix. Avec son air sévère, il se demanda ce qu'il avait fait.
Elle prit une profonde inspiration.
— « Arthur en a discuté avec le reste de l'Ordre », dit-elle. « Kingsley Shacklebolt a accepté de t'aider à faire sortir ta famille hors du pays. Nous commencerons les préparatifs après le mariage. »
— « Pourquoi pas maintenant ? » demanda Drago.
Elle poussa un soupir exaspéré.
— « Tu as peut-être remarqué que nous sommes un peu occupés ici en ce moment. Et les choses au Ministère se sont détériorées très rapidement depuis… depuis Dumbledore… » La voix de Mme Weasley trembla, et elle secoua la tête, clignant rapidement des yeux. « Nous pensons que plusieurs membres du Ministère sont aux pieds de Tu-Sais-Qui. Vous avez de la chance qu'Hermione ait pu vous amener ici, si rapidement. Le réseau de cheminette est déjà fortement surveillé, et ils ont mis en place une trace sur l'utilisation des Portoloins. Et évidemment, le transplanage internationale est… »
— « … impossible, ouais, je sais ». Drago fit une pause. « Où allez-vous nous envoyer ? »
— « Nous ne le savons pas encore. Votre famille est connue même à l'étranger, ce qui rend difficile de trouver un endroit où vous pourrez vivre comme vous-même, très difficile en effet. Mais Kingsley s'occupera de tout, j'en suis sûre. »
Elle scrutait son expression. Drago n'aimait pas l'expression de son visage, qui frôlait la pitié. Il aimait encore moins les visions qui lui traversaient la tête, celui de lui et de ses parents seuls sur une île déserte, rongeant les rats sur des bâtonnets de kebab.
— « Ne t'inquiète pas », dit-elle. A ses paroles, elle y joignit un étrange de sa main, comme pour toucher son épaule. Heureusement, elle s'est arrêtée. « Comme je l'ai dit, Kingsley va tout régler. »
— « Il ferait mieux, » marmonna Drago. « Dumbledore a promis de nous aider. Voilà sa protection impénétrable. »
Mais Mme Weasley n'écoutait clairement pas. Ses yeux s'étaient plissés sur un point par-dessus son épaule. Drago jeta un coup d'œil en arrière et vit Potter, Granger et Weasley parler ensemble devant la fenêtre de la cuisine, baignés par la lumière orangée du coucher du soleil.
— « Tu le dis à tes parents, chérie, » dit distraitement Mme Weasley.
Sans attendre de réponse, elle sortit à grands pas, et il la regarda briser le trio, envoyant Granger s'enfuir au fond du jardin. Quelques instants plus tard, Potter et Weasley entrèrent péniblement et dépassèrent Drago, se dirigeant vers l'étage. Drago perçut un soupçon de mutinerie dans leur conversation :
— « …ne jamais avoir la chance de… »
Drago ressentit un élan de curiosité. Ce n'était pas comme s'il voulait passer du temps à spéculer sur les secrets sordides que Potter, Weasley et Granger cachaient au reste du monde, mais il n'avait rien d'autre à faire dans cet endroit perdu. De plus, au cours des 48 heures qui s'étaient écoulées depuis son arrivée ici, ils avaient tous les trois agi de manière trop manifestement louche. Ils essayaient de parler de quelque chose, et la mère de Weasley les en avait empêchés. Mais quoi ?
Drago hésita, puis monta les escaliers en suivant Potter et Weasley. Il réalisa presque immédiatement que se faufiler dans cette maison nécessiterait des précautions supplémentaires. Chaque lame de plancher craquait comme si elle était sur le point de casser en deux.
Il sortit sa baguette, la pointa sur ses propres pieds et murmura « Silencio ». Bientôt, il monta les escaliers sans un bruit.
Les escaliers bifurquaient vers de petits couloirs branlants qui se divisaient en petites chambres exiguës, mais Drago pensait pouvoir entendre les voix de Potter et Weasley plus haut. Il continua de grimper et s'arrêta finalement en haut des marches, à la croisée des toilettes et d'une porte fermée. Il se pencha en avant et il entendit la voix basse de Weasley.
— « …retourne à Poudlard. Elle essaie juste de te faire culpabiliser, mon pote. »
— « Ouais, eh bien, ça marche, » dit sombrement Potter. « Si vous vous faites prendre, alors cela les met tous en danger, n'est-ce pas ? Et Ginny va être à Poudlard, juste sous le nez de Rogue »
— « Ouais. » Weasley avait l'air sombre. « Une réponse facile, alors, n'est-ce pas ? »
— « Quoi ? »
— « Nous ne pouvons pas nous faire prendre. »
Des pas bruyants résonnaient plus loin dans la cage d'escalier.
— « Oh, putain, c'est elle, » dit Weasley.
Avant que Drago ne puisse faire autre chose que de reculer d'un pas, Weasley ouvrit une porte, révélant une pièce en désordre recouverte de souvenirs des Canons de Chudley.
— « Toi ! » Weasley grogna. Lui et Potter furent tous deux debout devant lui en un instant.
— « Qu'as-tu entendu, Malefoy ? » dit Potter.
— « Je cherche une salle de bain, » dit froidement Drago. « Tu penses que je me soucie de ce dont toi et Weasley parlez pendant vos soirées pyjama ? » Et il entra dans les toilettes en fermant la porte derrière lui.
Mais cet extrait de conversation avait fait tourner les roues dans son esprit. Ginny va être à Poudlard, avait dit Potter. Donc lui et Weasley n'allaient pas retourner à l'école. Et cela incluait probablement Granger aussi.
Drago supposait qu'il aurait dû le deviner plus tôt. Poudlard n'était plus sous la protection de Dumbledore. Potter aurait dû être vraiment idiot pour y retourner pour sa septième année, invitant essentiellement le Seigneur des Ténèbres dans un endroit abritant tous ses amis. Si Potter partait en fuite, il ne fait aucun doute que Weasley et Granger le suivraient comme ils l'ont toujours fait.
Pourtant… pourquoi la mère de Weasley serait-elle en colère à ce sujet ? Potter, Weasley et Granger seraient sûrement transportés d'un refuge de l'Ordre à un autre ? L'Élu bénéficierait sûrement de la plus grande protection ? Non, quelque chose n'allait toujours pas.
Drago fut sorti de ses pensées par la voix de Mme Weasley.
— « Ronald Weasley ! Ne t'ai-je pas dit mille fois de nettoyer l'abri de jardin ? Les Delacour arrivent dans moins d'un jour, et s'ils le voient dans cet état… ».
— « Maman, » gémit la voix de Ron, « s'il te plait, dis-moi pourquoi les Delacour en aurait quelque chose à faire de cet … »
— « Descendez de là, maintenant ! » tonna Mme Weasley.
Drago regarda la porte d'un air vide. Les explosions constantes de Madame Weasley constituaient encore un autre aspect déroutant de la vie au Terrier. Sa mère serait morte avant de montrer ainsi sa colère. Drago se souvenait qu'il avait huit ans et qu'il avait brisé porcelaine au vernis enchanté, un héritage familial, une Chinoiserie, très rare. Sa mère n'avait pas crié. En fait, elle n'avait pas émis de bruit. Elle était devenue très pâle, et l'avait regardé d'un air qui le transperçait, et ne lui avait pas parlé pendant une semaine. Elle n'avait plus jamais évoqué l'incident. Drago non plus, mais quelque chose se tortillait encore honteusement en lui quand il y pensait.
Il entendit Ron descendre les marches et Potter dire quelque chose, semblant désolé.
— « Oui, merci, Harry chéri, tu serais d'une grande aide, » répondit Madame Weasley, même si elle avait toujours l'air vive. Deux autres séries de pas descendants plus tard, le sommet du Terrier était silencieux.
Drago sortit furtivement des toilettes, jeta un coup d'œil en bas des escaliers pour s'assurer qu'il n'y avait personne et se glissa dans la chambre de Ron. Il ferma la porte derrière lui et marmonna : « Colloportus ». La porte verrouillée lui donnerait une seconde ou deux supplémentaire.
Il parcourut la pièce du regard, ne sachant pas ce qu'il cherchait. Même s'il avait su ce qu'il cherchait, la pièce était dans un tel bordel qu'une analyse rapide n'aurait rien fait. La chambre était minuscule et chaque surface était recouverte de vêtements, de livres ou de joueurs de Canons de Chudley en plein effort.
Puis Drago repéra un sac à dos à côté du lit de camp. Il n'avait pas l'air d'avoir été fabriqué par un sorcier, ce qui signifiait qu'il devait appartenir à Potter. Drago s'accroupit à côté d'une pile de chemises et commença à le fouiller.
Au début, le contenu semblait assez normal pour un sac à dos, des vêtements de rechange, un kit de préparation de potions, un vieil album photo, mais lorsqu'il atteignit la poche avant, il ralentit. Il y avait un éclat de miroir sur lequel il faillit se trancher le doigt. Il le plaça avec précaution sur le lit de camp. En dessous se trouvait un morceau de parchemin vieilli soigneusement plié. Drago pouvait dire à sa texture délicate qu'il datait de plusieurs décennies, mais lorsqu'il l'étala à plat sur le lit de camp, il était vide.
— « Aparecium, » marmonna-t-il en le tapotant avec sa baguette.
Rien ne s'est passé. Il plissa les yeux, certain qu'il y avait quelque chose de caché juste hors de vue. Un indice sur ce que pensaient les Gryffondors ? Une liste longue et détaillée de leurs projets ?
Il reviendrait, plus tard, au parchemin. Il fouilla jusqu'à la poche avant du sac à dos et sa main rencontra du métal froid. Il en sortit un médaillon doré scintillant.
Drago le souleva pour l'examiner. Il était légèrement terni. Il prit le temps de le regarder plus en détail et son cœur battit plus vite lorsqu'un morceau de parchemin tomba dans sa paume.
Au Seigneur des Ténèbres,
Je sais que je serai mort bien avant que vous lisiez ceci, mais je veux que vous sachiez que c'est moi qui ai découvert votre secret.
J'ai volé le véritable Horcruxe et j'ai l'intention de le détruire dès que possible. J'affronte la mort dans l'espoir que lorsque vous vous redeviendrez mortel.
R.A.B.
Drago regarda le parchemin. Son cœur avait arrêté de battre si vite. En fait, il ne semblait plus battre du tout.
Horcruxe. Il n'avait jamais entendu ce mot de sa vie, mais le reste de la note lui donnait une bonne idée de ce que cela pouvait être. Mortel une fois de plus… quel qu'ait été cet Horcruxe, c'était quelque chose qui donnait au Seigneur des Ténèbres un certain pouvoir sur la mort. Un élixir de vie, peut-être ? Drago avait entendu parler de dérivés de la pierre philosophale, qui n'étaient pas aussi puissants ou efficaces que la vraie Pierre, mais pouvaient prolonger la vie au-delà des limites.
Et Potter avait ce médaillon. Potter avait des informations sur les secrets du Seigneur des Ténèbres et sur la façon de le réduire à l'état d'homme mortel.
Ce que Potter, Granger et Weasley préparaient devait avoir quelque chose à voir avec ça. Bien sûr, Madame Weasley serait terrifiée à l'idée que son fils soit directement impliqué dans la mortalité du Seigneur des Ténèbres mais cela soulevait une autre question. Pourquoi, au nom de Merlin, Potter, Granger et Weasley faisaient-ils cela, plutôt que les membres supérieurs de l'Ordre du Phénix ? Drago savait que Potter avait un lien privilégié avec Dumbledore, mais il n'aurait jamais pensé que Dumbledore lui confierait ce genre d'informations. Cela semblait insensé et ridicule de remettre cela entre les mains de Potter. Il n'y avait sûrement aucune chance qu'ils soient tombés dessus eux-mêmes.
Drago réalisa seulement combien de temps il était resté assis là, immobile, à regarder la note, lorsqu'il entendit des pas monter les escaliers. Il laissa tomber le message et le médaillon et commença à remettre les affaires de Potter dans le sac à dos, mais avant qu'il puisse mettre le message dans le médaillon, il entendit la voix impatiente d'Hermione Granger dire « Alohomora », et la porte s'ouvrit brusquement.
— « Ron, je… »
Elle s'interrompit, regardant Drago bouche bée. Ses yeux descendirent lentement vers le médaillon et le billet dans ses mains, et ses yeux devinrent ronds.
Elle bougea si vite qu'il n'eut presque pas le temps de la bloquer. « Obliviate ! » s'écria-t-elle en pleurant.
— « Protego », grogna-t-il, et elle se retourna tandis que son propre sort rebondissait sur la porte, laissant une ligne d'éclats se décoller du vieux bois.
Elle était troublée maintenant, et il la devança jusqu'au sort suivant d'une milliseconde :
— « Expelliarmus, » crièrent leurs deux voix presque à l'unisson, mais Drago se précipita sur le lit de camp, à l'écart, et Granger, murée près du lit de Ron, n'avait nulle part où esquiver. Le sort la frappa et sa baguette sortit de sa main et tomba dans celle de Drago.
— « Bien essayé, Granger, » haleta Drago en se levant. Il ferma violemment la porte de la chambre, puis s'avança vers elle. « Qu'est-ce que c'est ? Dis-moi. » en levant le médaillon au niveau des yeux de Granger.
Son air de panique s'accentua, ses yeux passant du médaillon au message.
— « Je… c'est… » Elle recula d'un demi-pas pour se retrouver dos au mur.
— « Dis-moi, » répéta-t-il.
— « Rien ! Ce n'est rien ! C'est juste... »
Puis ses yeux se tournèrent ailleurs. La journée était étouffante et Drago avait remonté ses légères robes d'été jusqu'aux coudes. Il avait jeté un charme sur son avant-bras, mais sous certains angles, on pouvait encore le voir : le serpent rouge et le crâne, comme un tison, prêts à tout moment à brûler.
Les yeux de Granger revinrent vers les siens, et Drago se retrouva désorienté lorsqu'il reconnut l'expression de son visage. À ce moment-là, elle était terrifiée par lui.
L'idée n'a pas immédiatement eu de sens. C'était la fille qui avait maudit Marietta Edgecombe avec une défiguration quasi permanente, la fille qui l'avait giflé quand ils avaient treize ans, la fille qui – quand Ombrage les avait tous retenus captifs à la fin de la cinquième année – avait réussi à se frayer un chemin vers la liberté. Granger n'était pas une personne craintive. Et pourtant, maintenant, elle regardait Drago comme si elle s'attendait vraiment à ce qu'il lui fasse du mal.
Il s'éloigna si rapidement d'elle qu'il faillit trébucher sur le lit de camp. Lorsqu'il reprit pied, ils respiraient tous les deux avec difficulté.
Une partie de la peur avait quitté le visage de Granger, remplacée par de la confusion.
Drago fourra leurs deux baguettes dans sa poche, se sentant de plus en plus désorienté. Le pouvoir de provoquer la peur était la première et la plus simple arme d'un Mangemort. Même quand Drago était jeune, son père lui avait parfois décrit ce genre de pouvoir avec une froide satisfaction. Il existe des méthodes de persuasion plus efficaces que l'or, avait-il dit, même si de nos jours, ce n'est pas approprié de les utiliser, Drago.
D'après la façon dont son père en avait parlé, et de la façon dont le Seigneur des Ténèbres appréciait toujours ressentir la terreur de ses partisans, Drago avait pensé que cela devait être excitant de pouvoir effrayer les gens, de contrôler leur peur. Mais ça, tout à l'heure, ça ne l'avait pas du tout enthousiasmé. C'était comme de la panique, comme une accusation. Son regard effrayé lui disait ce qu'elle pensait de lui, de quoi elle pensait qu'il était capable.
Il parla pour empêcher ses pensées de le submerger. « Et bien ? » dit-il, essayant de retrouver son calme. « Quelle est cette note ? Qu'est-ce qu'un Horcruxe ? »
Granger pâlit. « Garde ta voix basse », murmura-t-elle en jetant un coup d'œil à la porte.
— « Pourquoi ? »
— « Mme Weasley monte et descend ces escaliers toute la journée. Elle pourrait vous entendre. »
Cela l'a pris de court. « Tu veux dire qu'elle n'est pas au courant ? »
Un léger désespoir revint sur le visage de Granger. « Personne ne le sait. C'est juste Harry, Ron et moi, donc tu ne peux le dire à personne, tu comprends ? Tu ne dois pas. C'est plus important que tu ne peux l'imaginer. »
Drago baissa le médaillon, plissant les yeux. « Explique-moi, alors. »
Granger hésita. La réticence était inscrite sur son visage.
— « Granger, » dit Drago, « tu réalises que tu n'as rien à négocier ici. »
— « Oui, oui, très bien. » Elle soupira, secoua la tête et s'assit au bord du lit. « Un Horcruxe est un morceau d'âme humaine enfermé dans un objet. Tant que cet objet reste en sécurité, cette personne ne peut pas mourir. »
Drago examina le médaillon, digérant l'information. Les pièces se mettaient lentement en place dans son esprit.
— « Donc ça … »
Mais il y eut encore des grincements venant des escaliers, et bientôt Potter et Weasley franchirent la porte.
Drago était prêt pour eux. « Expelliarmus ! » D'un mouvement de baguette, leurs deux baguettes volèrent de leurs poches et tombèrent dans sa main.
— « Oh !» dit Weasley, cherchant à attraper sa baguette alors qu'elle s'éloignait de lui.
— « A quoi joues-tu, Malefoy ? » dit Potter. « Donne… »
Puis la couleur disparut de son visage. Il recula d'un pas vers Weasley, qui s'était figé. Il avait aussi vu le médaillon.
— « Il fouillait dans tes affaires quand je suis arrivé ici, » dit Granger désespérément. « Je… j'ai essayé de modifier sa mémoire, mais je ne pense pas que cela suffirait. Voldemort peut briser ces charmes. »
— « Ouais, c'est vrai, » dit Drago, « alors ne pensez même pas à… »
— « La modification de la mémoire serait pour ta sécurité, pas la nôtre, » dit Granger avec impatience. « Tu n'as aucune idée de ce sur quoi tu viens de tomber »
Weasley ferma la porte. « Que devrions-nous faire ? » murmura-t-il à Potter.
— « Qu'est-ce que tu lui as dit ? Jusqu'où t'es allé ?» demanda Potter à Granger.
— « Pas grand-chose », dit-elle. « Je lui ai dit ce que c'était, c'est tout. »
— « Peut-être que ça va, alors, » dit lentement Weasley. « De toute façon, il est censé partir à l'étranger, n'est-ce pas ? Si nous le laissons disparaître... »
— « Oh, Ron, tu penses vraiment qu'il ne le dira pas à ses parents dès qu'il en aura l'occasion ? »
Drago leva les yeux vers le ciel. C'était comme s'il n'était même pas dans la pièce.
— « Excusez-moi », dit-il, « pouvons-nous en revenir au fait, s'il vous plaît ? » Il leva le médaillon. « Potter, Granger, Weasley, peu m'importe lequel d'entre vous, dites-moi ce que c'est. »
— « Je te l'ai dit, » dit Granger. « Je t'ai déjà dit ce qu'est un Horcruxe. »
— « Mais ce n'est pas un Horcruxe. »
— « Oui, parce que quelqu'un s'en est occupé en premier », dit-elle avec une patience exagérée. « Nous ne savons pas qui, mais quelqu'un travaillait clairement contre Voldemort et voulait détruire l'Horcruxe, alors ils ont pris le vrai et l'ont remplacé par ce leurre. »
Drago les regarda tour à tour, se demandant si c'était une blague. « Vous… vous ne savez pas qui ? »
— « Putain, » dit Weasley à Potter avec une fausse tristesse, « six années d'études à Poudlard et il ne sait même pas lire. » Il regarda Drago, dégoulinant d'aversion. « Quoi, tu penses que les lettres R.A.B. sont le nom complet de quelqu'un ? »
C'était trop bon. Drago referma le message dans le médaillon et rit.
— « Vous ne savez vraiment pas, n'est-ce pas ? »
Ils le regardèrent tous un long moment.
— « Qu'est-ce que c'est censé vouloir dire ? » dit Potter.
— « Que penses-tu que cela signifie, Potter ? Je sais qui a écrit cette note. »
Weasley et Potter échangèrent des regards incrédules.
— « Arrête, » se moqua Weasley, même s'il semblait légèrement incertain.
Mais Granger regardait Drago, les yeux perçants. « Je pense qu'il est sérieux, » dit-elle doucement.
C'était exaspérant, décida Drago, de parler comme si chaque petite chose qu'il disait devait être vérifiée. Mais ça valait le coup de voir la frustration sur les visages de Potter et Weasley tandis que leurs yeux voyageaient du médaillon au visage et au dos de Drago.
— « Qui ? » Potter grogna. La simple syllabe semblait demander beaucoup d'efforts.
— « Eh bien, eh bien, » dit Drago, s'amusant maintenant. « Si c'est le ton que tu vas prendre... »
— « Dit-le-nous, » rétorqua Weasley. « Tu ne sais même pas ce que cela pourrait signifier. »
— « C'est ce qu'elle n'arrête pas de dire, » dit Drago, laissant ses yeux glisser sur Granger. « Tu ne sais pas ce que cela pourrait signifier, tu n'as aucune idée de ce sur quoi je suis tombé, tu ne sais pas à quel point c'est important. Voici une idée. Pourquoi ne me dites-vous pas de quoi il s'agit exactement, et alors je saurai pourquoi, exactement, je devrais m'en soucier ? »
— « Je t'ai déjà dit que c'était pour ta propre sécurité, » dit chaudement Granger. « Je pensais que c'était la seule chose qui t'intéressait. »
Drago réfléchit un instant.
— « Très bien, alors, » dit-il avec un haussement d'épaules, laissant tomber le médaillon sur le lit de camp. « Je suppose que je vais poser la question à mes parents sur ce sujet. Peut-être que nous pourrons trouver une solution ensemble. Peut-être que nous pourrons enrôler tes parents aussi, Weasley. »
— « Non, » dit Weasley en se déplaçant devant la porte. Il regarda tour à tour Potter et Granger, secouant la tête. « Je pense que nous devrions lui dire. »
— « Oui. Dites-lui, » dit Drago. « J'attends »
Granger et Weasley regardèrent tous les deux Potter, lui cédant la conversation de cette façon étrangement silencieuse qu'ils avaient eue.
— « Très bien, » dit Potter, même s'il avait l'air furieux. « Nous… nous traquerons le véritable Horcruxe cette année. Nous ne retournerons pas à Poudlard. Nous allons le trouver et nous assurer qu'il est détruit, pour que Voldemort redevienne mortel, comme le dit la note. »
Drago hésita. Il avait l'impression que Potter ne lui disait pas tout, mais peut-être était-ce simplement parce que Potter avait l'air d'être sur le point de frapper quelque chose.
— « Très bien, » dit lentement Drago. « Alors, pourquoi vous trois ? Pourquoi pas quelqu'un avec, je ne sais pas, d'autres qualifications ? »
— « Dumbledore a laissé le travail à Harry à cause de la prophétie », a déclaré Granger. « Et nous ne pouvons le dire à personne d'autre. Plus les gens en savent, plus c'est risqué, parce que si Voldemort découvre que son secret a été compromis, alors il peut prendre plus de mesures pour le protéger. »
Drago comprit son erreur. « Les protéger », répéta-t-il. « Il y en a plus d'un, alors, n'est-ce pas ? »
Potter jeta un regard exaspéré à Hermione, qui lui rendit un regard d'excuse.
— « Ouais, » dit brutalement Potter. « Il y en a plus d'un. C'est tout ce que tu voulais savoir ? Peux-tu nous dire qui est R.A.B., maintenant ? »
Drago fit une pause, se demandant s'il devait insister, mais Potter et Weasley semblaient tous les deux proches de basculer dans la violence, alors il dit :
— « J'aurais pensé que tu le saurais, Potter. C'était le frère de ton parrain, n'est-ce pas ? »
Même s'il détestait les voir tous les trois, Drago devait admettre qu'il y avait quelque chose de satisfaisant à voir leurs expressions se transformer, passant de l'aversion et de la frustration à l'excitation et à la compréhension.
— « Regulus, » souffla Potter. « Regulus Arcturus… »
— « Tout l'été avant la cinquième année, nous étions là-bas, » dit Weasley en se frappant le front, « et nous ne nous souvenions pas de… »
— « Pourquoi Dumbledore n'a-t-il pas pensé à lui ? » dit Granger.
— « Sirius détestait parler de son frère, » dit Potter. « Il ne m'a parlé de lui qu'une seule fois, et il a changé de sujet assez rapidement. Il n'aurait pas voulu parler à Dumbledore de son frère Mangemort décédé, pas pendant qu'il vivait dans cette maison. » Il fit une pause. « De plus, Regulus n'a été un Mangemort que pendant un an ou deux avant qu'il ne meure. Sirius n'aurait probablement pas pensé que cela valait la peine d'être mentionné. »
Drago se souvenait des coupures de presse sur l'activité des Mangemorts qu'il avait vues dans la chambre de Regulus pendant qu'il y dormait. Il se souvint des photographies du petit Serpentard, un attrapeur comme lui, excité par l'idée de rejoindre le Seigneur des Ténèbres, une cause pour la fierté des sorciers. Et si les coupures suggéraient que le groupe était trop violent, c'était uniquement parce que les journalistes n'avaient pas compris l'importance de la cause.
— « Il a rejoint les Mangemorts, alors ? » se surprit à demander Drago.
Les trois Gryffondors le regardèrent comme s'ils avaient oublié sa présence.
— « Ouais, » dit Potter. « Avant de quitter Poudlard. »
Quelque chose se trouvait dans la poitrine de Drago qui semblait à la fois lourd et vide.
— « Et il… il s'est retourné contre le Seigneur des Ténèbres pour détruire cet Horcruxe ? »
— « C'est ce que dit la note, n'est-ce pas ? » dit Weasley.
— « Comment sais-tu qu'il est mort ? » dit Drago.
Ils ont tous hésité. Puis Potter dit : « Eh bien, il a disparu. »
— « Ensuite, ils n'ont pas trouvé de corps. Il pourrait être encore en vie. »
Drago n'aimait pas la façon dont ils le regardaient tous, soudainement : Weasley et Potter avec une légère maladresse, Granger avec le regard qu'elle avait porté ce soir-là chez elle, le regard qui suggérait qu'elle comprenait trop.
— « Il est mort, Malefoy, » dit doucement Granger. « S'il était vivant et juste caché, il serait revenu quand Voldemort avait perdu son corps. »
Elle avait raison, bien sûr, mais Drago la détestait pour avoir dit cela. Pendant une brève seconde, il crut avoir entendu parler d'un Mangemort – un Mangemort de son âge, rien de moins – qui avait réussi à s'échapper.
Mais ensuite, Regulus Black a accepté sa mort, pensa Drago. La note disait tout. Black s'en était pris à l'Horcruxe du Seigneur des Ténèbres, il s'en était chargé lui-même. S'il avait été plus intelligent, peut-être qu'il aurait survécu.
— « Pensez-vous que le médaillon est toujours à Grimmauld Place ? » dit Granger en se rasseyant sur le lit.
— « Malefoy, tu vivais là-bas, » dit Weasley. « Qu'est-ce que tu en penses ? »
Drago regarda Weasley avec ressentiment, mais ne trouva aucune raison réelle de ne pas répondre.
— « Non, » dit-il. « J'ai vécu dans sa chambre quand j'y étais, je n'ai pas quitté cette maison pendant quatre semaines, et je n'avais rien de mieux à faire que de regarder chaque centimètre carré de l'endroit. Il n'y avait de médaillon nulle part. »
— « Regulus aurait pu le ranger où il voulait, » marmonna Potter. « Il n'avait aucune raison de le laisser dans la maison. »
— « Ouais, » dit Weasley. « Sa maison était pleine de trucs sombres, n'est-ce pas ? Cela aurait été la cachette parfaite. Si j'étais lui, je l'aurais mélangé à toutes ces cochonneries que nous avions sorties avant la cinquième année. »
— « C'est un bon point, » dit Granger. « Cela aurait parfaitement fonctionné avec… avec… »
Elle s'est arrêtée. Ses yeux se sont à nouveau arrondis, non pas avec peur cette fois mais avec révélation.
— « Il y avait un médaillon », murmura-t-elle.
— « Quoi ? » dit Potter.
— « Dans le meuble du salon. Un lourd médaillon doré que personne ne pouvait ouvrir… tu te souviens ? Nous l'avons tous fait circuler. »
Maintenant, Weasley et Potter semblaient également stupéfaits.
— « Mais ensuite… » Potter se tourna vers Drago, qui recula. « Malefoy. Tu as dit que ce n'était pas là maintenant. »
— « Non, » dit Drago, ne sachant pas vraiment ce qu'il ressentait à l'idée d'être impliqué dans tout cela. Quoi qu'il en soit, il était difficile de s'empêcher de les regarder tous les trois essayer de résoudre leur mystère, pour une raison quelconque.
— « Attends, » dit Weasley. « Kreattur a volé plein de trucs cet été-là ! Malefoy, tu es sûr que le médaillon n'était pas dans cette pièce au fond de la cuisine ? Près de la chaudière ? Il a une sorte de nid immonde. »
— « Ron, » dit Granger avec reproche.
— « Oh, c'est ce que c'était, » dit Drago avec dégoût. « Non, il n'y avait qu'un vieux livre là-dedans. »
— « Mais nous devons lui demander, » dit Potter, les yeux brillants. « Peut-être qu'il l'a vu à un moment donné, ou peut-être qu'il sait avec quel tas de choses il a été jeté. » Il regarda autour de lui, comme s'il s'attendait à ce que l'elfe surgisse de derrière une affiche des Canons de Chudley. « Krea… »
— « Non ! » Drago et Granger crièrent en même temps. Granger se précipita et attrapa le poignet de Potter.
— « Quoi ? » dit Potter, surpris. « Qu'est-ce qu'il y a ? »
— « Les Mangemorts sont entrés à Place Grimmauld, Potter ! » dit Drago, son corps se sentant réellement froid à cause du presque accident. « Si tu penses qu'ils n'ont pas encore laissé de trace magique sur cet elfe, tu es aussi fou que lui »
— « Je suis sûr qu'ils le surveilleront tout le temps, Harry, » dit Granger, lâchant son poignet. « Je suis désolé, mais je ne pense pas que nous puissions demander quoi que ce soit à Kreattur. »
— « Alors… alors qu'est-ce qu'on fait ? » dit Potter furieusement. « Fouiller toutes les décharges de Londres ? »
Il y eut une minute de silence complet. Le visage de Weasley était déformé par la concentration, et Granger avait fermé les yeux, ses lèvres bougeant légèrement. Après un long moment, Drago réalisa qu'il essayait également sérieusement de trouver une réponse au dilemme de Potter. Il essaya de s'en sortir car s'impliquer sur le sujet des Horcruxes avait tué Regulus Black, pour le bien de Merlin, mais la suggestion lui échappa avant qu'il puisse s'en empêcher :
— « Il y a la Guilde des Charognards. »
— « La quoi ? » dirent Granger et Potter en même temps. Tous deux le regardaient avec une légère surprise.
— « La Guilde des Charognards, » dit Weasley. Il avait l'air méfiant, à contrecœur, mais il y avait de l'excitation dans ses yeux. « C'est une idée, en fait. »
Potter et Granger semblaient toujours perplexes, alors Weasley continua.
— « Parfois, les Moldus ramassent des objets magiques et ne réalisent pas ce qu'ils sont, car beaucoup d'objets sorciers sont façonnés pour ressembler à des déchets si un Moldu entre en contact avec eux. Les gallions, les mornilles et les noises sont tous comme ça. Si vous en laissez tomber un et qu'un Moldu le ramasse, ça ressemblera à un vieux centime moldu, n'est-ce pas ? »
— C'est vrai ? » dit Potter, l'air surpris.
— « Eh bien, ouais, » dit Weasley. « Donc, de toute façon, les Moldus finissent par jeter beaucoup de trucs magiques à la poubelle, et cela finit dans les décharges. Les Charognards passent par-là, récupèrent tout ce qui est magique, les réparent un peu et revendent tout ce qui est bon. Ils ont un stand sur le Chemin de Traverse. Ils viennent environ une fois par mois. Fred et George m'ont dit l'année dernière qu'ils avaient récupéré un bon morceau de plomb léger. »
— « Très bien, » dit Potter avec une excitation croissante. « Très bien, alors. Nous allons essayer ça. » Il se tourna vers Drago, ouvrit la bouche et n'émit aucun son.
Drago savait que Potter était sur le point de le remercier instinctivement pour sa suggestion, mais Potter n'arrivait clairement pas à prononcer les mots.
— « Eh bien, » dit Drago avec raideur. « Amusez-vous dans vos recherches. »
Lorsqu'il fut à mi-chemin de la porte, Granger dit « Malefoy ».
Il se retourna.
— « Tu… tu ne vas le dire à personne, n'est-ce pas ? » demanda-t-elle timidement.
Il observa son expression anxieuse. La fille avait l'air si effrayée la moitié du temps. C'était comme si elle s'attendait à ce qu'il lui morde le nez pour avoir posé une simple question.
— « Pourquoi le ferais-je ? » demanda-t-il.
— « Ce n'est pas une vraie réponse, Malefoy, » dit Potter.
Drago soupira. « Oui, c'est bon ». Il roula des yeux. « Gryffondores. Posez une simple question sur les motivations et vous êtes tous complètement perdus. »
Sur ce, il redescendit et se dirigea vers la cour. Comme chambre à coucher, Drago et ses parents avaient reçu une tente sale qui s'ouvrait sur un misérable petit appartement. La première fois qu'ils y étaient entrés, sa mère était restée momentanément sans voix d'horreur.
— « Incroyable, » avait dit Drago. « Ils ont trouvé un endroit encore moins propice à l'habitation humaine que l'espèce de maison elle-même. » Mais aucun de ses parents n'a même esquissé un sourire. Drago ne savait pas pourquoi il se donnait de la peine, parfois.
Drago taquinait Ron Weasley à propos de sa maison depuis si longtemps que c'était stupide d'être vraiment surpris par ce à quoi ressemblait le Terrier. Pourtant, il ne pouvait pas imaginer grandir dans un endroit comme celui-ci, sans jamais avoir d'intimité, avec tout qui a été utilisé, utilisé et utilisé jusqu'à ce qu'il n'en reste plus rien. Cela lui faisait au moins apprécier la sensation de sortir dehors le soir, lorsque le ciel s'ouvrait au-dessus de sa tête et qu'il pouvait respirer.
Et c'était vrai aussi, pensa-t-il à contrecœur, que la cuisine de Mme Weasley était délicieuse. Il se sentait un peu traître de penser cela. Merlin savait que sa propre mère n'aurait pas pu en faire autant que faire bouillir une pomme de terre. Bien sûr, elle n'avait jamais eu à le faire, puisqu'elle n'était pas une Elfe de Maison.
Lorsqu'il entra dans la tente, ses parents prenaient une tasse de thé sur la table centrale de la pièce principale. Ils se saluèrent doucement, puis Drago, déjà fatigué, se prépara à se coucher.
Alors qu'il s'installait sous le mince drap, sa maison lui manquait. Les nombreuses pièces spacieuses et calmes du manoir, ses jardins luxuriants et odorants, ses fontaines et ses ailes décorées avec goût lui manquaient. Poudlard lui manquait aussi : le velours luxuriant et le cuir sombre de la salle commune des Serpentard, la bibliothèque et ses imposantes étagères, les vastes pelouses. Maintenant qu'ils étaient à la moitié des vacances d'été, il commençait à ressentir la démangeaison habituelle de vouloir y retourner. Il se demandait si cette sensation disparaîtrait après le 1er septembre.
Alors que ses yeux se fermaient, il se demanda si ses amis s'étaient déjà habitués à l'idée de sa mort. Pansy avait-elle pleuré pour lui ? Sûrement qu'elle l'avait fait. Elle pleurait souvent et vigoureusement. Cela aurait probablement gâché son été. Normalement, elle ne pouvait pas se taire à propos des vacances d'été, elle les aimait tellement : les événements que les Parkinson organisaient dans leur propriété, les journées passées à bronzer au bord de leur piscine, les voyages luxueux dans les avant-postes sorciers près de New York et de Hong Kong. Sa famille était particulièrement proche des Goyle, alors parfois ils partaient en voyage ensemble, et Crabbe venait aussi, et Pansy passait les vacances à défier le duo dans des escapades de plus en plus scandaleuses, et elle racontait somptueusement leurs aventures dans le Poudlard Express, le jour de la rentrée.
Les souvenirs étaient clairs et nets pendant un moment. Puis ils disparurent comme de vieilles photographies, et Drago se retrouva à penser à un médaillon doré et à un attrapeur de Serpentard, regardant avec incertitude hors d'un cadre photo, dont le corps n'avait jamais été retrouvé.
Le jour du mariage, Hermione avait l'impression que son crâne était rempli d'un essaim d'abeilles. Elle aimait beaucoup les Delacour – elle s'entendait certainement mieux avec les trois membres de la famille de Fleur qu'avec Fleur elle-même – mais les Malefoy étaient déjà trois personnes de trop pour vivre au Terrier, et les Delacour ont aggravé la situation jusqu'au point de rupture.
Peut-être qu'elle ne se serait pas sentie aussi humiliée si elle n'avait pas secrètement mis toutes ses affaires, celles d'Harry et de Ron dans son petit sac de perles. Elle avait finalement perfectionné le sortilège d'extension indétectable la veille et avait perdu plusieurs heures de sommeil en y mettant ses propres biens : une bibliothèque de livres, un catalogue de livres, des ingrédients de potion, et encore plein d'autres choses.
La cérémonie de mariage était le moment où pour la première fois, Hermione se sentait détendue depuis des jours. L'éclat de Fleur semblait rendre l'ensemble du chapiteau anormalement silencieux, et les yeux d'Hermione piquaient alors que le couple échangeait ses vœux, puis, finalement, s'embrassait.
C'était une sorte de catharsis, pensa-t-elle, alors que le groupe démarrait. Demain, ils se rendraient tous à Poudlard pour les funérailles de Dumbledore, mais pour l'instant, ils avaient de la musique, de la famille et des amis. Elle s'est même autorisée à discuter avec Luna des efforts de conservation de Ronflak Cornu.
De temps en temps, elle apercevait Harry, déguisé en Barney Weasley, et les trois Malefoy, qui avaient pris du Polynectar pour se transformer en la famille d'un boucher du village. Les Weasley avaient discrètement mais assidûment fait circuler l'idée que les Malefoy étaient un trio d'amis de la famille distants, qui vivaient sur une île isolée au large des côtes de l'Islande depuis plusieurs années et avaient perdu la capacité de se socialiser. Jusqu'à présent, cela avait assez bien fonctionné, même si Viktor avait entamé une brève conversation avec Lucius Malefoy à propos de l'élevage de moutons islandais.
C'était étrange de revoir Viktor. La quatrième année semblait incroyablement lointaine maintenant ; le retour de Voldemort l'avait séparé en une vie antérieure qu'elle ne pourrait jamais retrouver. Hermione pouvait encore ressentir des bribes de ce qu'elle avait ressenti pour Viktor si elle se concentrait sur ses souvenir, comme fermer les yeux et essayer de recréer une image exacte sur ses paupières. Mais elle savait que c'était du passé.
Quand Ron lui a demandé de danser, elle n'a pas pensé une seule fois à Viktor. Ça y est, pensa-t-elle, alors qu'ils tournoyaient et tournoyaient avec la foule qui riait. C'est à ce moment-là que je comprendrai ce que je ressens. C'est à ce moment-là que tout devient clair.
Pourtant, lorsqu'une chanson lente commença et que Ron se rapprocha pour lui tenir la taille et prendre une de ses mains dans la sienne, elle fut surprise de ressentir une sensation de plomb dans son estomac, plutôt que les battements excités et nerveux qu'elle avait ressentis au début de l'été. Une boule se forma dans sa gorge. Incapable de regarder Ron, elle posa sa tête sur sa poitrine, regardant vers le bord de la tente, où Harry avait une conversation apparemment intense avec la tante de Ron, Muriel et Elphias Doge.
Mais elle ne pensait pas non plus à Harry. Elle pensait aux funérailles de Dumbledore. De la manière dont Dumbledore était tombé du ciel, passant au travers des bords irréguliers des nuages. Elle avait tellement peur, et toucher Ron comme ça, étant aussi proche d'elle, ne faisait qu'exacerber ce sentiment. Elle ne voulait pas le perdre. Elle ne voulait pas perdre Harry.
À ce moment-là, elle craignait de confondre la peur de la perte et l'amour. Elle s'inquiétait de ne pouvoir ressentir rien d'autre que la peur de la perte et que, jusqu'à ce que tout cela soit fini, c'était la seule émotion qui lui serait permise, avec diverses intensités.
Pire encore, c'était la sensation du cœur de Ron qui battait vite contre son oreille, et – quand la chanson s'est terminée et qu'ils se sont éloignés – le regard intensément tendre sur son visage couvert de taches de rousseur. A cette expression, elle savait que pendant qu'ils dansaient, il avait ressenti ce qu'elle avait voulu ressentir : une sorte de ravissement, d'euphorie, d'effet sédatif et du sentiment que tout allait enfin bien dans le monde. Mais tout ce qu'elle avait pu ressentir, c'était la menace imminente de la mort et de l'attaque. Cela la faisait se sentir incroyablement seule de réaliser à quel point ils avaient été éloignés l'un de l'autre pendant ces quelques minutes, même s'ils s'étaient tenus l'un à l'autre. Ron a dû s'en rendre compte, car il a dit :
— « Quelque chose ne vas pas ? »
— « J'ai juste un peu soif », répondit-elle. « Je reviens dans un instant. »
Il était trop tard, pensa-t-elle alors qu'elle se tenait aux abords du chapiteau, croisant ses doigts chauds autour d'une tasse de jus de citrouille froid. L'idée que Ron la prenne à part et l'embrasse ne lui faisait plus ressentir de frisson, seulement une nouvelle sorte d'anxiété. Ces premières semaines de juillet avaient été leur chance, et cette chance était passée et la porte s'était refermée.
Elle ne pouvait pas dire si la mort de Dumbledore avait changé les choses ou les avait clarifiées. Peut-être que sa mort l'avait tellement secouée qu'elle ne ressentait plus aucun enthousiasme concernant des sentiments ou des possibilités impliquant du romantisme. Ou peut-être que sa mort avait éliminé toutes les complications, toute la culpabilité, et lui avait fait comprendre que ce qu'elle ressentait pour Ron et Harry était le besoin désespéré et élémentaire qu'il reste en vie.
Quoi qu'il en soit, elle ressentait ce qu'elle ressentait maintenant, et elle ne pensait pas pouvoir revenir en arrière. Elle s'installa sur un siège sans y prêter attention.
— « Granger, » dit une voix inconnue.
Elle leva les yeux pour voir Malefoy sous Polynectar à la même table. C'était un garçon costaud avec des cheveux noirs à peu près de leur âge, légèrement plus petit que Malefoy mais presque deux fois plus large au niveau des épaules.
— « Oh. Salut, » dit-elle faiblement. « Jus de citrouille ? »
— « Je ne peux pas, » dit-il avec amertume. « Je suis censé m'en tenir à ça. Et une autre dose dans quelques minutes. » Il leva un flacon opaque contenant son Polynectar. Il était affalé sur la chaise, les jambes allongées, regardant la piste de danse avec un désintérêt évident.
— « J'espère que tu seras content de partir quand tout sera fini, » dit Hermione, incapable de cacher une note de désapprobation.
Elle pensait que les Weasley, et tous les membres de l'Ordre, avaient été remarquablement accommodants envers les Malefoy, tout bien considéré.
— « Content ? » dit Malefoy, avec un tel dédain que, d'une manière ou d'une autre, cela ressemblait exactement à lui, même avec la voix d'un autre garçon. « Oh, absolument. Je serai ravi de laisser derrière moi chaque parcelle de ma vie. »
— « Tu donnes l'impression que vous avez été forcé »
— « Est-ce que j'ai le choix ? »
Elle soupira. « De toute évidence, tu as un… »
Elle s'interrompit brusquement. Quelque chose d'argenté était apparu au centre de la piste de danse. Un messager Patronus, un lynx, s'était installé au sol, et il parlait avec la voix de Kingsley Shacklebolt :
— « Le Ministère est tombé. Scrimgeour est mort. Ils arrivent. »
Puis il y eut des cris, et puis – tout à coup – ils entendirent les cracs de multiples apparitions.
Avant même qu'Hermione n'ait complètement compris ce qui se passait, les sorts volaient. Un jet de lumière blanche vola vers leur table. Hermione l'avait à peine remarqué avant que quelque chose ne lui frappe violemment le côté, l'envoyant voler hors de sa chaise. Puis, …
BAM
Elle leva les yeux, haletante. Leur table fumait et s'était brisé. Malefoy était affalé à côté d'elle. Il les avait tous deux projetés hors du rayon d'impact, et maintenant il se relevait, baguette à la main. Hermione le suivit, cherchant autour d'elle Harry et Ron. Elle les vit presque immédiatement, déjà en train de trébucher vers elle, en sortant de la poussière. Et là – derrière eux – des personnes masquées avaient transplané. Ils portaient des masques, immobilisant tous ceux qu'ils pouvaient voir. Les Mangemorts, ici, sous le chapiteau du mariage.
Malefoy recula en chancelant, le visage empli de peur. Et Hermione, les yeux fixés sur ses cheveux noirs et bouclés, vit qu'ils commençaient à changer et à retrouver leur couleur d'origine.
Elle courut quelques pas à ses côtés, le saisit par le bras et attrapa le coude de Ron avec son autre main.
— « Attends, Harry, » cria-t-elle, lui laissant une seconde pour saisir le bras de Ron avant de se mettre à tourner sur place.
Ils se faufilèrent dans l'espace sombre. Puis ils se précipitèrent sur un sentier de montagne sauvage qui surplombait le village de Pré-au-lard.
