Un de ces jours, Loki trouverait le moyen de parvenir jusqu'aux Nornes. Et une fois en présence des Tisseuses du Destin, il leur secouerait les puces aussi longtemps qu'il le faudrait pour annihiler entièrement leur sens de l'humour des plus douteux – et il était certain qu'il ne manquerait ni d'aide ni de soutien dans cette entreprise.

Non satisfaites d'avoir ruiné sa vie, ces trois garces trouvaient maintenant divertissant de tirer une troupe d'elfes noirs – pourquoi n'avaient-ils pas crevé avec le restant de leur race, ceux-là – dirigée par le même frappadingue ayant combattu Bor pour la lancer contre Asgard. En d'autres termes, c'était la guerre.

Preuve du Ragnarök plus qu'imminent, cette perspective était loin de réjouir Thor, lequel avait couru rejoindre son quatuor d'acolytes favori pour repousser la racaille aux oreilles pointues, abandonnant Loki – quoique, pas si négatif que ça, en fait – aux mains de sa brute de surveillant slash nourrice.

Lequel avait décidé que le palais n'était plus sûr et que mieux valait déplacer Loki et Jormungard de la chambre vers un endroit mieux défendu.

Comme si le sorcier avait besoin de davantage de raisons de détester le moment présent.


Aux yeux de Jane, la princesse jotunn ressemblait moins à ses compatriotes qu'aux Asgardiens eux-mêmes. Pour commencer, elle n'était pas grande – d'accord, à moins d'être suédoise ou norvégienne, une femme ne mesurait normalement pas près de deux mètres, mais par rapport à la moyenne de quatre mètres soixante observée chez les autres Géants, c'était nettement petit. Affaire de dimorphisme sexuel, peut-être ?

Ensuite, plutôt que de ne porter qu'un chiffon de cuir et de laine autour de la taille, avec tout juste assez de longueur pour cacher les parties intimes, la princesse était habillée. Plutôt à la diable, comme si elle avait été arrachée du lit – Hrym n'avait-il pas précisé qu'elle était souffrante ? – mais tout de même habillée, une robe jaune un peu coupée dans le style que portait Jane elle-même, juste un soupçon plus couvrante.

Depuis son arrivée dans le refuge, elle n'avait pas dit un mot, préférant visiblement se concentrer sur le poupon au creux de ses bras – un adorable bébé à la peau de pêche, tout à fait différente du teint bleu cobalt de sa mère. Les gènes Asgardiens étaient-ils dominants ? Sans doute pas tant que ça, ces aliens si humanoïdes paraissaient tous plus ou moins blonds et la touffe de cheveux sur le crâne du petit était d'un noir aussi éclatant que les boucles pleuvant sur les épaules de la princesse. Comment est-ce que ça marchait ?

Jane aurait bien voulu poser des questions, mais l'expression vide de la pauvre femme ne laissait que trop bien deviner qu'elle mourait intérieurement de peur. La première fois qu'elle était confrontée à la violence, sans doute – les monarchies tendaient à couver leurs femmes. Ajoutez à cela le risque encouru par son enfant, et le facteur crainte s'en démultipliait.

La scientifique aurait bien voulu la consoler, mais l'autre femme n'avait pas l'air vraiment en état de recevoir de l'attention. Peut-être plus tard ?

Et une fois la crise passée, elle accepterait probablement de répondre à quelques questions posées de manière suffisamment polie.


Alors qu'elle se levait ce matin, Frigga ne se doutait certainement pas qu'il lui faudrait dépoussiérer ses talents de manieuse de bouclier pour affronter des elfes noirs supposés éradiqués au côté d'un jotunn, et ce dans le but de protéger l'hôte midgardienne de l'Éther.

Parfois, elle se demandait si les Nornes buvaient avant de s'atteler à leur ouvrage.

Enfin, ce n'était ni l'heure ni le lieu pour se lamenter sur son sort. Malekith ne pouvait s'emparer à nouveau de l'Éther, il y avait fort à parier qu'il ne comptait pas s'en servir pour faciliter les rapports entre les Neuf Mondes. Et mine de rien, Frigga aurait mauvaise conscience de laisser périr une fille aussi peu capable de se défendre que l'était actuellement son petit-fils nouveau-né.

S'il fallait tirer une leçon du Ragnarök, c'était que dans l'éventualité d'une mort imminente, on pouvait tout aussi bien approcher cette dernière le sourire aux lèvres et l'obliger à se donner du mal pour vous prendre. La Reine d'Asgard ne comptait pas s'y dérober – une reine se devait de montrer l'exemple, après tout.