Un poète elfe avait écrit voilà longtemps que les funérailles étaient davantage une affaire de vivants que de morts ; pour quelle raison les défunts se soucieraient-ils encore des affaires matérielles, eux que le trépas avait arraché à l'emprise du monde incarné ? Force était donc de conclure que c'étaient les vivants laissés derrière qui nécessitaient les obsèques, ce afin de pouvoir faire la paix avec leur mort.

Loki se devait de reconnaître une certaine sagesse à ces paroles, maintenant que la brute bleue – Angrboda – l'avait contraint à lui pleurer dessus et à lui rendre les derniers hommages. Quel sournois, alors.

Mais c'était fait, et il se sentait… pas mieux, ce serait trop hâtif, mais moins mal. Un peu plus léger – il pleuvait toujours, mais plus à verse, pour employer une métaphore qui plairait à Thor. Plus capable de se concentrer.

C'était obligé qu'il se remette, de toute façon. Asgard avait beau proclamer le contraire, rien n'était éternel ; Yggdrasil flétrissait et fleurissait tour à tour, c'était inscrit dans le mythe du Ragnarök. La vie continuerait, vaille que vaille, d'un univers à l'autre.

Il n'y avait qu'à regarder Jormungard pour en avoir la confirmation : toute morte que fusse sa nounou par intermittence, le bambin persistait à grandir et se développer, jusqu'à devenir adulte puis vieillard, et le jour de sa mort il y aurait d'autres enfants qui continueraient le cycle.

C'était étrangement apaisant – étrangement rassurant et réconfortant, d'avoir pareille certitude.