Depuis le jour où elle a quitté Vanaheim pour le Royaume d'Or, Frigga a su que la vie qu'elle s'apprêtait à mener ne serait pas une partie de plaisir. Car une famille royale, ce n'est pas là pour faire joli – la lignée régnante se doit d'incarner le pays, de défendre le pays, de le faire prospérer. Le Roi et le Royaume ne doivent faire qu'un.

Après le désastre de la Convergence, elle considère que la descendance de Buri reflète parfaitement l'état actuel d'Asgard : épuisée, mise en sale état par l'invasion des svartalfar, incertaine de la route à suivre.

Odin a encaissé ce nouvel aléa bien moins qu'il ne l'aurait fait il y a dix ans. Même la catastrophe diplomatique avec Jotunheim ne l'a pas éreinté à ce point. Les signes l'ayant poussé à vouloir introniser Thor sont toujours là, et de plus en plus insistants : le Père de Tout ne pourra plus continuer à endurer la charge de Neuf Royaumes encore très longtemps.

Et Thor n'est toujours pas prêt à assumer la relève. Oh, il l'est certainement plus que lors de son couronnement inachevé, mais sa récente maturité l'a paradoxalement rendu plus fragile. Il sait quel mal il aurait à être un bon roi. Un homme bon, il l'est déjà et Frigga est si fière de lui pour ça, mais un bon roi… c'est très différent d'un homme bon.

Voilà pourquoi le souverain d'Asgard nécessite un parèdre – quelqu'un qui saura prendre les décisions aussi cruelles que nécessaires, ou bien capable de tempérer la brutalité du trône par la douceur. Un royaume seul suffit à briser l'échine d'un homme seul.

Loki et Thor ont toujours été en opposition, toujours en équilibre tous les deux. Brun et blond, sorcier et guerrier, finesse et force. C'était évident que tous deux étaient en mesure de régner sur Asgard – à condition de le faire ensemble.

Frigga ne s'attendait pas tellement à ce que ça se fasse par un mariage, mais en attendant, c'est fait et c'est la situation avec laquelle il leur faut vivre, même si ça a manqué leur exploser à la figure.

Loki doit bien être le seul à être ressorti de la débacle des elfes noirs plus en paix avec lui-même qu'avant, et ce malgré la perte de son garde du corps (comment s'appelait-il déjà ? Angrboda, voilà). Il est plus calme, plus posé. Ça se sent. Ça se voit, quand elle lui rend visite.

Peut-être à cause de Jormungard – un bébé, c'est si simple de s'en occuper, c'est si simple de centrer sa vie autour. Ça réclame tellement de place que le chagrin se retrouve obligé de plier bagage, il n'y a tout bonnement pas le temps de déprimer. Il y a trop important à faire, trop important à aimer.

Peut-être qu'au bout du compte, Asgard aussi parviendra à se relever. Il y a tellement à faire, après tout.