C'est si compliqué de régner. Frigga sait cela, elle le vit depuis tant de siècles, mais jamais encore ça ne l'a autant frappée, alors qu'elle s'efforce de transmettre les bons réflexes, les informations cruciales à son fils, tout ce dont Loki aura désespérément besoin quand lui et son frère se retrouveront à gouverner Asgard seuls.
Frigga ne sait pas encore si elle survivra à la tempête qui s'approche. Elle ne veut pas abandonner ses enfants et son peuple, bien sûr, mais elle se sent si fatiguée, usée par le pouvoir et par la mort prochaine de l'homme avec lequel elle a tant partagé, y compris sa vie. Elle ne sait pas de quel côté penchera son destin, elle hésite à creuser la question.
La lâcheté, c'est l'un des signes avant-coureurs de la vieillesse de l'âme. Frigga suppose qu'elle a succombé au temps, elle aussi – maintenant que la fin s'annonce, son unique désir est de passer tout le temps qu'elle peut à ne s'occuper que de dorloter son petit-fils, et tant pis pour le reste des Neuf Mondes.
Quand la vieillesse s'installe, la mort est une bénédiction. Peut-être que cet ultime cataclysme tombe à point après tout, qu'il permettra à Asgard de faire peau neuve, se dépouillant pour émerger plus beau à la manière des serpents-gemmes, ces bêtes gracieuses ayant donné leur nom à l'enfant de ses fils.
Tel est la définition du Ragnarök, la mort des Anciens Dieux. Car c'est seulement une fois l'ancien ordre détruit que de nouveaux dieux peuvent s'élever.
Mais dans l'intervalle, Frigga ne peut qu'avertir, elle ne peut que préparer son entourage. Avec de la chance, cela suffira.
Elle n'ose pas imaginer que ses mesures feront plus que cela.
