Au cours de sa longue, tellement longue vie, Odin a porté d'innombrables noms. Certains flatteurs, certains injurieux, certains menaçants.
Il se rappelle la curiosité de ses fils par rapport à ces noms. Après tout, pourquoi un roi aussi aimé, aussi respecté serait-il nommé parjure et seigneur des pendus ? Ça n'a aucun sens, ou bien c'est ironique.
Sauf qu'Odin connaît son propre passé, et il sait qu'il a mérité chacun de ces noms, même les pires, ceux crachés comme du vitriol et des pointes de flèches imbibées de poison.
Il connaît chacun de ses crimes, chacun de ses péchés, et maintenant que la Mort vient lui souffler son haleine fétide dans le cou, le pire de tous s'apprête à le rattraper. Non, même pas lui, mais sa femme, ses fils, son royaume. Tout ce qu'il a construit et espère voir lui survivre, mis en péril.
Personne n'est préparé. Personne ne pourra jamais l'être, face à ce qui est sur le point de déferler sur Asgard. Après tout, c'est dur de combattre la monstruosité à laquelle on a renoncé, qu'on refuse de regarder dans les yeux car on a peur de voir son propre visage reflété dans les prunelles de l'adversaire.
Odin peut seulement donner des conseils, et espérer que cela sera suffisant. Il n'a pas grand espoir, peut-être pas d'espoir du tout, de voir toute l'affaire s'achever sans larmes. Néanmoins… il faut qu'il essaie.
Car si rien de ce qu'il accomplit ne compte, alors tout ce qui compte est ce qu'il accomplit, maintenant et à jamais.
