Mengloth mentirait s'il prétendait ne pas trouver la situation actuelle des Asgardiens délicieusement karmique – privés de leurs beaux palais dorés et de leurs guerriers si fiers, réduits à mendier la pitié d'autrui s'ils voulaient survivre et espérer redevenir un peuple digne de ce nom, exactement le sort qu'ils avaient voulu infliger à Jotunheim et à tous les sujets d'Ymir.
Et le plus beau, c'était que la responsable de leur malheur n'était autre que leur princesse première-née, la fille du boucher ayant bâti leur empire avec du sang et des cadavres en guise de mortier et de briques. Vraiment, les Nornes avaient un sens de l'humour délicieusement tordu.
Il s'abstenait néanmoins de formuler son opinion à haute voix, cela n'aurait guère été diplomatique après tout. Bon, il s'en fichait de la diplomatie, mais il se rappelait de ses bonnes manières, et vivre parmi ces sauvages ne le feraient pas oublier.
Alors il ne disait rien pendant qu'il aidait Eir et le peu de guérisseuses rescapées du Ragnarök à s'occuper des réfugiés. D'accord, sa maîtrise demeurait le soin des jötnar, mais après plusieurs années à vivre entourés de créatures roses et poilues diminutives, il avait fini par intégrer une ou deux astuces. Au moins c'était davantage que le berserker midgardien.
Un cas assez intéressant, celui-ci, capable d'adopter une forme pas si différente d'un jotunn si on oubliait la couleur. Peut-être serait-il ouvert à passer quelques soirées ensemble ?
Enfin, cela attendrait l'arrivée sur Midgard. À la vitesse atteinte par leur vaisseau – assez respectable pour un transport civil qui n'était plus de la dernière jeunesse et avait pris quelques coups lors de l'évacuation – cela devrait leur prendre une ou deux semaines, un mois au maximum.
À condition que leur route soit libre d'embûches, forcément.
