Au bout du compte, le vaisseau de réfugiés fut autorisé à se poser dans un coin isolé du Canada – probablement parce que le gouvernement avait décidé que parce que la culture asgardienne avait majoritairement influencé la sphère scandinave, ça voulait dire qu'ils ne pourraient être heureux que dans un pays où il était supposé faire froid.
Bon, ce n'était pas le Pôle Nord ni même l'Islande, mais Bruce ne pouvait quand même pas s'empêcher de penser qu'il s'agissait de délit de faciès.
Enfin, les réfugiés ne se plaignaient pas : à peine autorisés à débarquer, chacun avait été parcourir en long et en large le lopin attribué aux extraterrestres en mal de logement, examinant les bois alentours d'un œil critique et se demandant visiblement où ils installeraient les latrines pour éviter que les voisins se plaignent trop des odeurs.
Une fois le repérage effectué, on était passé à la construction. Bruce avait regardé des vidéos de survivaliste à une ou deux reprises sur Youtube et s'était toujours senti un peu émerveillé, un peu intimidé devant le savoir-faire de ces bonhommes qui réussissaient à vous bâtir un bunker souterrain sans rien de plus qu'une pelle et plusieurs seaux d'eau. Les Asgardiens…
Les Asgardiens étaient bien plus intimidants que n'importe quel survivaliste terrien endurci, parce que leur constitution était adaptée à des conditions de vie beaucoup plus rudes. Mine de rien, voir un aimable vieux vous porter un épais tronc d'arbre sur l'épaule et l'entendre expliquer qu'il avait abattu l'engin du tranchant de la main, et rire parce que l'arbre n'avait même pas essayé de se défendre… et bien, ça vous ouvrait l'esprit.
Tout le monde participait, y compris la famille royale – Bruce avait carrément vu Frigga aider à monter l'infirmerie – et les géants bleus qui observaient les travaux d'un air dédaigneux mais n'en produisaient pas moins des rampes de glace pour faciliter le déplacement des troncs et créer des piquets provisoires le temps que de plus solides en soient confectionnés.
Très franchement, les Asgardiens n'avaient pas du tout besoin d'aide pour se constituer de nouvelles maisons – très simples au demeurant, à peine une pièce ou deux dans lesquelles étaient rangées les maigres possessions sauvées du désastre. Là où ça devenait plus épineux, c'était la question du ravitaillement.
Les États-Unis étaient prêts à fournir un mois de soutien alimentaire aux réfugiés dont les provisions s'étaient amenuisés au cours du voyage, et qui ne pouvaient vraiment pas refuser l'aide peu importe à quel point le cadeau ne cachait pas les obligations venant avec – l'attente d'un remboursement, en monnaie ou en service, l'Amérique n'était pas regardante en la matière.
Il fallait toujours payer. Bruce espérait que Thor et les survivants de sa planète parviendraient à négocier un prix qui leur permettrait de conserver leur âme plus ou moins indemne.
