Hrym est désormais le seul Jotun présent sur Midgard, si l'on excepte l'enfant de son prince – et encore le bambin n'est-il Jotun qu'à moitié.

Tous les autres – ses camarades l'ayant accompagné en Asgard, son prince qu'il voulait servir au point de se laisser déraciner deux fois – ils sont partis.

L'hallucination n'en finit pas, et à voir les têtes des Midgardiens et des Asgardiens qui l'entourent, eux aussi sont perdus dans le même cauchemar, un cauchemar où l'univers a subitement décidé de marcher à l'envers.

L'univers. Yggdrasil. Les Neuf Mondes. À quoi ressemble la situation sur Jotunheim, le monde de glace et de givre ? Hrym veut subitement vomir alors que son imagination s'emballe, lui montre sa planète natale vidée de toute civilisation, de vie intelligente, abandonnée aux vargr et aux beorns pour n'être plus qu'un immense tombeau où sont disséminées des villes ruinées, bientôt ensevelies sous la neige et les congères, pour que plus personne ne puisse deviner que les Jötnar ont jamais vécu là.

Le Tempétueux – qui semble complètement détruit et en temps normal, Hrym apprécierait le spectacle mais pas maintenant, pas pour ce prix-là – marmonne une histoire de Titan fou, de rééquilibrage, mais ce n'était pas de ce rééquilibrage que Jotunheim avait besoin. Le monde des Géants des Glaces souffrait depuis la fin de la guerre avec Asgard, l'invasion ratée de Midgard, souffrait de la pénurie et du climat trop rude pour leur permettre de rebâtir leur population.

Avec tant de morts, comment leur peuple peut-il espérer encore échapper à l'extinction ?

Hrym voudrait rejeter la tête en arrière et hurler à la mort, parce que certainement ce sont les griffes de la mort qui se referment autour de son cœur, lui broient si implacablement les côtes.

Ce n'est pas possible de souffrir autant et de rester vivant, tout simplement.