Jormungandr effectue ses premiers pas dans un monde réduit au silence par le désarroi.

Enfin, c'est l'impression que ça fait. C'est difficile à décrire, surtout pour un bambin – même un bambin moitié Asgardien, moitié Jotunn, deux races qui tendent à grandir vite pour devenir une cible moins vulnérable dans la limite des délais possibles.

Le monde est silencieux, le genre de silence qui existe parce que les gens se sentent tellement mal qu'ils n'ont plus la force de pleurer ou de crier.

Hrym – qui s'occupe de Jormungandr – ne pleure pas, ne crie pas. Il dit qu'il a mieux à faire.

Papa – le gros monsieur blond qui vient ou qui ne vient pas en fin de journée pour une bise et pour le dîner – pleure beaucoup. Sans crier gare, il se met à pleurer, et puis il ne s'arrête plus pendant longtemps. Un peu comme le robinet laissé ouvert.

Jormungandr se demande si sa mère et sa grand-mère pleurent beaucoup, là où elles se trouvent. Il ne les a jamais vues, mais Hrym lui en a parlé, lui a dit qu'elles ne sont plus là. Pourquoi ? Il n'a pas voulu expliquer.

Tous les gens qu'il croise quand Hrym l'emmène au parc ou à la fontaine connaissent quelqu'un qui n'est plus là, et souvent penser à cette personne les fait pleurer. Jormungandr ne peut pas s'empêcher de penser que quelqu'un devrait ramener toutes ces personnes absentes. Peut-être que les gens pleureraient moins. Ce serait une bonne idée, non ?

Il explique ça à Hrym, et Hrym le regarde longtemps avant de soupirer, et de dire que ce n'est pas si simple, les personnes absentes sont parties très loin, plus loin que la ville, plus loin que la montagne à l'horizon, plus loin que le soleil. Tu ne peux pas ramener quelqu'un qui s'en est allé si loin, du tout.

Pourtant, ça avait l'air d'une bonne idée.