Titre : Le pouvoir des mots
Auteur : Lady Zalia
Rappel du chapitre précédent : Harry s'est désartibulé après s'être fait attaquer par une créature, mais William est parvenu à le sauver. Il passe le weekend à ses côtés et traduit une nouvelle partie du grimoire, au cours de laquelle Paul de Tudèle découvre que le village vénère Cthulhu. De son côté, Hermione montre une méfiance grandissante pour William.
Chapitre 10
Harry reprit brutalement conscience de la réalité alors qu'une sensation de déséquilibre l'incitait à se rattraper à la première chose venue. William l'avait soulevé de sa chaise pour le serrer contre lui. Quelque chose d'humide coulait sur son visage, et il eut une seconde de stupeur en se rendant compte qu'il s'agissait de sang.
- Qu'est-ce qu'il s'est passé ?
- À toi de me le dire. Tu t'es soudainement mis à pleurer et à saigner du nez. Quoi que ce soit, je ne voulais pas t'imposer ça plus longtemps.
- Merci… Je… je ne me souviens plus bien. J'étais dans une caverne et les habitants du village… ils priaient devant une statue gigantesque… ils vénéraient une sorte de monstre…
Alors qu'il tentait de se remémorer ce qu'il venait de vivre, son environnement direct se mit à tourner autour de lui, l'incitant à fermer les yeux. Il sentit deux doigts frais pincer l'arête de son nez, le faisant haleter sous la douleur. Bientôt, le saignement s'arrêta et il s'accrocha à la robe de son amant, tandis que ce dernier raffermissait son emprise autour de son corps.
- N'y pense plus. Je jetterai un coup d'œil à ce que tu as écris, mais pour l'instant il vaut mieux que tu te reposes. On dirait que ce que tu as vécu était assez violent.
Dans un état second, le libraire se laissa porter jusqu'au salon, puis une tasse de thé lui fut servie.
- Merci. Heureusement que tu es là. Je n'arrive même pas à m'en souvenir précisément, c'est comme si mon cerveau avait… censuré l'information. C'est dingue.
- C'est peut-être le début du rituel. Il y a manifestement quelque chose qui t'a causé un grand choc. Mais pour l'instant je ne bougerai pas d'ici. Je reste avec toi.
Toujours serré entre les bras du Serpentard, Harry sentit peu à peu son corps se détendre. Il se sentait en sécurité, bercé par son odeur, sa chaleur… Il soupira et embrassa la gorge offerte.
- Je me sens tellement bien quand je suis contre toi. Tu es mon chevalier, tu ne cesses de me sauver.
À cette distance, Harry put percevoir le visage de son amant se transformer légèrement en une expression qu'il ne parvint pas à identifier.
- C'est de ma faute si tu vis cela, c'est pour moi que tu traduis ce grimoire.
- Tu m'as dit que c'était important pour ton travail. J'ai décidé de t'aider de moi-même et puis si je ne le faisais pas, on passerait beaucoup moins de temps ensemble.
- C'est vrai mais… S'ils connaissaient la vérité, tes amis penseraient sans doute que tu n'es pas très rationnel. Ces risques que tu prends…
Le libraire lâcha un soupir amusé.
- Que veux-tu, je suis un pur produit de Gryffondor. Absurdement courageux et borné. Quand je m'accroche à quelque chose… ou à quelqu'un, je vais jusqu'au bout.
- Tu ne comptes pas me quitter alors ?
- Jamais !
Cette fois, Harry se redressa pour sceller leurs lèvres et le baiser fut empreint de tendresse. Même si son amant était peut-être un peu trop mystérieux, il avait cette étincelle dans son regard, cette magie qu'il percevait à son contact… Quelque chose qui l'attirait irrémédiablement. Comme une flamme incandescente aux yeux d'un papillon de nuit.
Mais ce qui le rassurait, c'est que l'alchimiste semblait tout aussi fasciné que lui. Il ne pouvait s'empêcher de le toucher, comme s'il avait peur qu'il se volatilise d'un seul coup, ou comme si sa présence à ses côtés avait quelque chose d'inespéré.
- C'est une promesse ?
Les iris carmins brillaient de cette habituelle lueur de convoitise, mais Harry y décela aussi quelque chose qui ressemblait à… de l'espoir ?
- William, je n'ai aucune intention de te quitter. Je me sens bien avec toi, tu me rends heureux… je t'aime !
Oui, il le croyait, et son petit cœur battait follement la mesure pour le lui confirmer. Cette chaleur qui l'envahissait chaque fois qu'il était à ses côtés, ce besoin irrépressible de l'embrasser, de vouloir l'aider… Cette peur de le voir disparaître, lui aussi il la connaissait. En quelques semaines, l'alchimiste était devenu le centre de son existence.
Il lui procurait tout ce qui semblait faire défaut à sa vie auparavant. La douceur et le plaisir intense d'une relation amoureuse, l'adrénaline d'une véritable aventure… Ce qu'il recherchait jusqu'à présent dans ses voyages, il le trouvait au quotidien dans sa relation avec le Serpentard. Il savait que s'il s'en retrouvait brutalement privé, il le vivrait extrêmement mal. Cette idée l'effrayait, alors non, il n'était pas prêt de le quitter !
Ils s'embrassèrent longuement, jusqu'à ce que leurs lèvres en soient rougies et que le grimoire ne soit plus qu'un lointain souvenir. Puis ils firent l'amour, avec la même ferveur que la veille.
William n'avait pas répondu à sa déclaration, cependant l'expression de stupeur qui était apparue sur son visage avait ému Harry. Comme s'il ne s'attendait pas à ce mot, ou comme s'il ne concevait pas mériter l'amour de qui que ce soit. Plusieurs heures après, il y pensait encore, et il ne put s'empêcher de le questionner à ce propos.
- William ? Tu as déjà vécu avec quelqu'un ?
- Non. Je vivais seul avec Nagini avant que tu ne viennes t'installer à temps partiel.
Il avait souri en disant cela, et Harry profita de sa bonne humeur pour le questionner davantage.
- Tu n'avais jamais eu envie de t'installer avec une personne… humaine je veux dire ?
- Non. Je ne suis pas quelqu'un de très patient ni de très conciliant. J'ai des idées très arrêtées sur certaines choses et je n'ai pas beaucoup de limites.
- Mais avec moi c'est différent ? Est-ce que cela voudrait dire que je pourrais éventuellement venir vivre ici… même après avoir traduit le grimoire ?
L'alchimiste avait relevé les yeux de sa lecture pour l'observer.
- Tu es différent. Tu es… proche de moi par certains aspects. Mais je crains qu'au quotidien, tu ne finisses par me haïr.
Harry haussa les épaules.
- Pour l'instant, je trouve que la cohabitation se passe plutôt bien. Nous verrons avec le temps. Il suffit que chacun d'entre nous garde des moments qui n'appartiennent qu'à lui. En tout cas pour l'instant, l'expérience me plait !
Ils passèrent une agréable soirée, presque collés l'un à l'autre, perdus dans la lecture de vieux grimoires.
Le lundi matin, Harry se réveilla de bonne heure, prêt à reprendre le travail. Sa peau était encore un peu sensible à l'endroit où elle s'était régénérée mais de toute façon, il ne comptait pas courir le 100 mètres aujourd'hui.
William était déjà levé, et il le rejoignit dans la cuisine pour le petit déjeuner tandis que son amant ne se contentait que d'un thé.
- Bonjour !
- Tu sembles être en forme.
- Je suis heureux de pouvoir remarcher sans avoir mal, et tu sais combien l'inactivité m'ennuie. Je préfère largement être au travail.
- Même si c'est loin de moi ? Je ne serais pas présent aujourd'hui. On se retrouvera ce soir.
- Je survivrais.
Il lui avait répondu avec un sourire espiègle, et l'alchimiste l'avait embrassé avant de disparaître.
Le libraire était donc d'excellente humeur en arrivant à sa boutique, mais alors qu'il ouvrit le rideau de fer, quelle ne fut pas sa surprise de trouver sa meilleure amie, campée devant l'entrée.
- Harry ! Je suis tellement soulagée que tu ailles bien !
Elle lui avait sauté dans les bras, à peine la porte ouverte, et il l'avait accueilli sans comprendre, lui tapotant maladroitement l'épaule.
- Bonjour Hermione, moi aussi je suis heureux que tu ailles bien. Mais que me vaut ta visite ? J'espère que tu n'étais pas aussi inquiète à cause de ce stupide désartibulement ? Je me sens bien assez ridicule comme ça. Tu n'as pas reçu ma lettre ?
La jeune femme ouvrit la bouche pour répondre mais s'immobilisa, regardant derrière lui avant de le pousser en arrière.
- Si mais… tu es seul ?
- Oui, je suis seul, pourquoi cette question ?
- Harry… il faut que je te parle de William.
- William mon petit ami ?
- Euh oui… Ce n'est pas facile à dire, alors voilà… Tu sais qu'il m'arrive d'aider l'Ordre du Phénix ? Sainte-Mangouste est relativement épargné des magouilles de Tu-Sais-Qui, mais, on ne peut jamais en être certain… Parfois des membres de l'Ordre ont besoin de soin, mais aller à l'hôpital risquerait de dévoiler leur identité au ministère, donc c'est moi qui les soigne et leur fournit du matériel médical. Ce n'est pas comme si je prenais vraiment part à la résistance, mais je ne peux pas rester sans rien faire alors que des personnes souffrent, tu comprends ?
- Oui, je comprends. Je ne t'ai jamais jugé pour cela, Hermione, mais quel rapport avec William ?
- Tu devrais peut-être t'asseoir… Samedi matin, j'ai rencontré le professeur Dumbledore, et il m'a parlé de toi. Il m'a dit qu'il pensait que des Mangemorts t'avaient approché pour traduire quelque chose. Apparemment Tu-Sais-Qui aurait volé un morceau de grimoire pour réaliser un rituel très sombre… Le Grimoire d'Eldritch, est-ce que ça te dit quelque chose ? Je n'ai pas pu m'empêcher de penser à ce William Peverell avec qui tu es. Vendredi soir, tu nous as dit que tu l'aidais sur une traduction… Alors j'ai demandé au professeur Dumbledore s'il le connaissait. Il se souvient de tous les élèves qui sont passés dans son école, tu sais… Et il m'a dit qu'il n'existait aucun William Peverell à sa connaissance. Ni à Serpentard, ni ailleurs. Pas depuis les 100 dernières années, en tout cas. Il a me l'a confirmé par hibou dans la journée, et quand je suis allée à ta boutique samedi, je suis tombée sur lui… Tu n'étais pas là et j'ai cru… j'ai cru qu'il t'avait fait du mal ! J'ai eu tellement peur pour toi…
Au fur et à mesure de son explication, Hermione s'était mise à pleurer, ses nerfs lâchant sous le coup du soulagement. Harry, de son côté, avait senti ses jambes céder sous son poids. Le regard vide, il entendait à peine la litanie d'excuses et de justifications de sa meilleure amie. Ses propos étaient devenus un bourdonnement sourd à ses oreilles. Quelque chose enflait en lui, l'étouffant presque par son intensité, pourtant il refusait de le verbaliser. Le sentiment de trahison, la colère, la tristesse, tout se mélangeait dans son corps pour former une sorte de magma bouillonnant lui rongeant les entrailles et contaminant chacune de ses cellules, lui donnant envie de tout détruire... d'exploser, de cracher le tout.
Mais il ne voulait pas craquer. Pas ici. Pas maintenant. Parce que ça aurait été reconnaître qu'il s'était attaché à lui malgré les mises en garde. Qu'il avait ignoré l'élémentaire bon sens et était tombé amoureux d'un mensonge.
Dans son esprit, il ne pouvait s'empêcher de revoir leurs discussions, toutes les fois où il avait cru voir des sentiments… Tout cela semblait désormais souillé. Corrompu par la tromperie et l'hypocrisie. Ses espoirs piétinés, son cœur lacéré…
Il reprit soudain conscience de la réalité alors que la Gryffondor le secouait vigoureusement.
- Harry !
Il se rembrunit, peinant à soutenir son regard. Parler était difficile tant sa voix était étranglée, et tout son corps raidi par le maelstrom d'émotions en lui.
- Je… Ça va Hermione. Je vais lui dire que c'est terminé… que je ne ferais plus rien pour lui.
- Non, Harry ! Tu ne peux pas retourner le voir ! Il faut que tu t'enfuies ! L'Ordre peut te cacher…
Le regard suppliant, elle s'empara de ses mains, se mordant la lèvre en constatant les poings serrés de son ami.
- Il est hors de question que j'abandonne cette boutique pour me terrer quelque part, encore moins sous la protection du vieux timbré ! Je n'ai pas peur de lui, je sais me battre. Je vais juste récupérer mes affaires et mettre les choses au clair.
Se levant brusquement au milieu de sa tirade, il se détacha d'elle et se mit à faire les cents pas dans la pièce, cherchant à maîtriser le flot de sentiments qui le traversait.
- Harry, cet homme est dangereux. Qui sait de quoi il serait capable ? Il pourrait appeler d'autres Mangemorts…
- Je ne sais pas, il n'a pas l'air d'être un Mangemort. Peut-être qu'il est juste un sympathisant…
Il venait de s'arrêter, le regard maintenant dans le vide, fixant sa boutique sans la voir, le cœur serré.
- Si c'était le cas, pourquoi aurait-il inventé cette fausse identité ? C'est forcément qu'il a quelque chose à cacher !
Elle insistait... Et c'était douloureux. Parce qu'elle anéantissait tout espoir d'une autre explication. Une autre réalité…
- Hermione… S'il te plait, j'ai besoin de faire ça. Et seul.
- Alors viens chez moi une fois que ce sera fait, d'accord ? Je ne supporterai pas de rester dans l'incertitude. Ce soir tu récupères tes affaires et tu me rejoins. Si à 20h tu n'es pas revenu, je préviendrais le professeur Dumbledore.
Il soupira, ne supportant pas l'idée de voir le vieil homme interférer dans cette affaire. Il avait été humilié par un homme qui s'était joué de lui en lui offrant l'illusion d'un amour sincère. La déception était un bien trop faible mot pour représenter ce qu'il ressentait. La douleur était à la hauteur de ses sentiments. Une chute vertigineuse avant de s'écraser sur le sol, son âme réduite en charpie par la violence du choc. L'idée de vengeance fit son chemin dans son esprit.
- Demain. Je ne veux pas qu'il intervienne, je veux que personne n'intervienne. Si je ne reviens pas avant le lever du jour, fais ce que tu veux. Mais laisse-moi la nuit.
La rage brûlait dans son regard et ses mains s'étaient mises à trembler, cependant il inspira longuement pour se contenir. Encore un peu… Il ne voulait pas que sa meilleure amie le voit comme ça. Si prêt à sombrer du côté obscur.
Manifestement aux prises avec ses propres sentiments, elle posa sa main sur son épaule en un geste d'apaisement futile.
- Très bien. Je suis désolé de t'avoir annoncé ça, mais je ne pouvais pas le garder pour moi. Sois prudent, surtout. Ne me laisse pas angoisser toute la nuit.
Elle avait les larmes aux yeux alors que ceux de Harry étaient eux, étonnement secs. Pire. Il était à peu près certain qu'ils brûlaient de colère...
- Ne t'inquiète pas. Il le fallait. Je ne me laisserai pas abattre.
Il laissa son amie repartir et s'aperçut qu'il s'était appuyé sur le rebord de son bureau, comme s'il n'était plus capable de se tenir debout par lui-même. Il se sentait faible… épuisé.
Avec un halètement douloureux, il se laissa tomber à genoux sur le sol de sa boutique, réprimant difficilement les larmes qui menaçaient de déborder. Il refusait de céder à la tristesse. William n'existait pas, et celui qui lui avait menti ne les méritait pas.
Il l'imaginait déjà éclater de rire face à sa colère. Sans doute s'était-il bien amusé…
Inspirant longuement, il prit le temps de réfléchir. Faire taire ses émotions tourmentées. Il voulait le faire souffrir autant qu'il souffrait actuellement mais il devait prendre en compte la situation. Il avait prévenu William qu'il ne rentrerait que le soir, et il ne s'attendrait sans doute pas à le voir débarquer en pleine journée. Peut-être même ne serait-il pas chez lui ?
Malgré sa promesse à sa meilleure amie, sa rationalité ne tint pas longtemps alors que son sang semblait bouillir dans ses veines et que sa magie était prête à incendier tout ce qui l'entourait. Il ne pouvait pas se calmer et encore moins attendre la fin de journée. Il avait besoin de le confronter maintenant.
De quelques coups de baguette, il referma la porte et baissa les rideaux avant de transplaner.
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Voldemort haussa un sourcil perplexe en sentant le libraire revenir sur son domaine. Il n'était même pas midi et sa présence ne pouvait que signifier un incident dans son quotidien.
Pourtant, il avait relu la traduction faite la veille, et après une nuit parfaitement calme, il n'avait vu aucune raison de l'accompagner. Peut-être aurait-il dû…
Intrigué, il s'empressa de venir à sa rencontre, mais alors qu'il arrivait au bout du couloir, la lueur meurtrière dans le regard du jeune sorcier le frappa. Immédiatement, il devina la raison de sa présence : Il savait.
Calfeutrant ses émotions sous son masque de Seigneur des Ténèbres, il descendit sa baguette jusqu'à sa main. Il ne devait pas le tuer, il avait encore besoin de lui pour la traduction, cependant il n'allait certainement pas lui laisser le temps de détruire sa demeure.
- Harry ! Que se passe-t-il ?
Il avait feint l'inquiétude, juste pour conserver son rôle encore un peu, mais cela ne sembla pas apaiser le Gryffondor le moins du monde.
- TOI ! Tu… Tu m'as menti ! Tout ça… C'était juste une mascarade ! Tu t'es bien foutu de ma gueule, pas vrai ?!
- En effet, et tu y as cru. Tu es tombé tout droit dans le panneau. Exactement là où je le désirais.
- Tu es vraiment un connard ! Et dire que j'ai cru… en tes belles paroles. Dis-moi au moins ton nom…
Avec un sourire cruel, le mage noir s'approcha de sa victime malgré la baguette tendue.
- Allons, tu n'as pas deviné ? Je t'ai dévoilé beaucoup de choses sur moi en vérité… Tu avais la réponse sous les yeux, depuis le début.
Harry hurla un Incendio qu'il dissipa d'un vague mouvement de baguette tout en continuant à s'avancer vers lui. Il n'était plus qu'à quelques mètres à présent. Suffisamment proche pour sentir son parfum, cette fragrance à laquelle il s'était habitué, qui hantait sans doute encore ses draps… Il bloqua sa respiration, refusant de se laisser déconcentrer.
À défaut de pouvoir encore profiter de son corps, il allait au moins s'amuser avec lui… Il attendit un instant pour voir s'il parvenait à la conclusion de lui-même, mais il semblait refuser l'évidence.
- Non je n'ai pas deviné et tu sais quoi ? En fait je m'en fous ! Tu ne mérites même pas que je me souvienne de toi. Tu n'es rien qu'un crétin égocentrique qui a cru pouvoir jouer avec moi. Mais maintenant c'est fini. Je m'en vais, je ne reviendrais plus jamais et tu vas pouvoir te trouver un autre pigeon pour traduire ton sale grimoire !
Il pouvait presque voir la magie s'échapper du corps du Gryffondor, prête à le frapper, le mordre et le griffer. Ses iris verts brillaient d'une lueur sauvage et ses mèches de cheveux semblaient s'agiter sous le coup d'une brise surnaturelle. Loin de chercher à l'apaiser, le mage noir eut envie de l'attiser.
- Ah oui, vraiment ? Pourtant, quand je t'ai dit que je n'étais pas Mangemort, je t'ai dit la vérité. Le fait que je parle fourchelang, que je ne doive rendre des comptes qu'à moi-même… Tu n'as vraiment pas une petite idée ?
Ces nouvelles affirmations firent vaciller la détermination du libraire qui se stoppa.
- Non… C'est… Tu n'es pas… ?
- Si. Tu voulais connaître mon identité, Harry ? Je suis Lord Voldemort. Le seul et l'unique. Et tu crois encore que je te laisserai partir ? Il n'a jamais été question que tu m'échappes. Tu aurais dû fermer les yeux. J'ai essayé la manière douce, mais à présent tu vas goûter la manière forte. Je ne suis pas sûr que tu éprouves le même genre de sensation…
Il avait cru qu'il se mettrait à reculer, à paniquer face à la menace qu'il représentait… Mais loin de manifester le moindre sentiment de peur, il avait serré les poings et l'avait attaqué au contraire, hurlant, rugissant les formules à une vitesse effrénée. Même lui avait du mal à suivre le rythme.
Le couloir n'était certainement pas un champ de bataille idéal. Il était exigu et le mage noir voyait déjà les murs se fendre sous les assauts des sortilèges qu'il devait dévier. Malgré sa jeunesse, Harry ne manquait pas de puissance, et lui qui détestait jouer la défense n'eut bientôt d'autre choix que d'invoquer un bouclier pour gagner du temps.
Il était temps de lui montrer ce que signifiait "affronter le seigneur des ténèbres".
D'un sort, il se désillusionna avant de transplaner juste derrière lui. Puis, sans lui laisser le temps de se retourner, il l'attrapa avant de transplaner à nouveau jusqu'à son jardin où il le projeta au sol d'un geste brusque. Cela ne sembla pas calmer le Gryffondor le moins du monde. Il se releva d'un bond, prêt à reprendre le combat.
- Salaud ! Ça ne te suffisait pas de me prendre autant de monde dans ta stupide guerre ! Il fallait que tu joues avec mes sentiments !
On aurait dit que sa magie se nourrissait de sa rage. Il ne jetait que des sortilèges bénins, mais avec un débit suffisant pour l'empêcher de contre-attaquer, d'autant que lui-même ne voulait ni le tuer ni le torturer. Il avait besoin qu'il soit encore en état de traduire le grimoire à la fin du combat, chose dont il n'avait guère l'habitude.
À présent qu'ils étaient dans le jardin, il pouvait cependant laisser libre court à sa magie. Esquivant de peu un Diffindo vicieux, il pointa sa baguette vers le sol pour provoquer un tremblement de terre. Immédiatement, le sol se fendilla et se souleva juste sous les pieds du Gryffondor qui tomba à la renverse, sa cheville encore maladroite du fait de son désartibulement.
Sans lui laisser le temps de se relever, Voldemort le désarma avant de bondir sur lui pour le plaquer au sol, sa propre baguette pointée sur sa gorge.
- Tu es à moi, Harry, et maintenant tu vas m'obéir bien gentiment.
- Lâche-moi !
Il avait rugi et sa magie avait immédiatement répondu, projetant le mage noir à quelques mètres. Manifestement, le combat n'était pas encore tout à fait terminé.
Voldemort sourit face au challenge. Cela faisait bien longtemps que plus personne ne s'était mesuré à lui. Harry s'était redressé et avait tendu la main en direction de sa baguette tombée à terre.
- Accio baguette ! Je ne me laisserai pas faire !
Le mage noir n'avait pas eu le temps de s'en saisir pour empêcher son propriétaire de la reprendre, mais ce n'était pas grave. Le libraire commençait à s'essouffler, et il savait qu'il serait bientôt en position de force.
Il jeta plusieurs sortilèges de découpe informulés qui furent immédiatement bloqués par Harry, cependant ce dernier ne fut pas assez rapide pour esquiver le Flipendo qui le projeta à nouveau à terre.
Cette fois Voldemort ne perdit pas son temps. Il se rua sur sa victime pour lui arracher sa baguette des mains et le saucissonna d'un sort.
- Tu feras ce que je te dis.
Loin de s'avouer vaincu, le Gryffondor grogna et tenta de lui mettre un coup de tête, heureusement il l'avait vu venir, et il se contenta de l'écraser de tout son poids. Cela n'empêcha pas Harry de reprendre la parole avec un regard insolent.
- Et sinon… quoi ?!
Le mage noir lui offrit un sourire cruel, repoussant ses réels désirs face au corps comprimé sous le sien.
- Sinon je rendrais visite à tous tes amis un par un, à commencer par cette Sang de Bourbe. J'imagine que c'est elle qui a fait voler en éclat ma belle mascarade ? Et je vais les torturer longuement. Jusqu'à ce qu'ils me supplient de les tuer. Puis j'irais voir ta chère mère et je ferais pareil. Qu'en penses-tu ? À moins bien sûr que tu ne traduises le reste du grimoire sans rechigner. Je pourrais même oublier ta pathétique tentative de me tenir tête.
Satisfait de l'avoir à nouveau sous son emprise, il passa un doigt sous ces lèvres qu'il avait tant de fois embrassées, mais Harry le fusilla du regard, le visage tordu par la haine.
- Très bien. Je le ferai. Et j'espère que tu crèveras en utilisant ce foutu rituel.
Voldemort se redressa et tira le libraire par le col de sa tunique pour le maintenir contre lui.
- Parfait, tâche de ne pas oublier notre accord. À présent, tu vas pouvoir découvrir l'envers du décor.
Profitant que l'autre sorcier soit dos à lui, le mage noir s'autorisa une seconde à exprimer son amertume. Terminé les merveilleuses parties de sexe, les sourires radieux et les douces étreintes. Désormais, Harry Potter ne serait plus qu'un prisonnier… un de plus à le haïr…
Il le fit transplaner jusqu'à sa résidence secondaire, là où il réunissait habituellement ses Mangemorts. Il avait des choses à faire mais il serait dommage de laisser le libraire dans l'oisiveté…
Il le conduisit jusqu'au sous-sol où se trouvaient plusieurs cellules côtes à côtes, et eut un minuscule sentiment de satisfaction lorsque le Gryffondor se mit à trembler. La température y était glaciale en ce mois de janvier, et le sol était encore poisseux de sang et de mictions diverses. L'odeur fit grimacer le jeune sorcier qui eut un haut-le-cœur en voyant un cadavre en putréfaction dans l'une des cellules.
- Par Merlin…
Sa voix était plus aigüe qu'à l'ordinaire et il se rapprocha instinctivement du mage noir avant de sursauter et s'éloigner à nouveau. Voldemort eut un rictus amusé.
- J'ai passé beaucoup de temps à m'occuper de toi ces dernières semaines et je crains avoir oublié un prisonnier. Tu vas m'attendre ici le temps que je mette mes affaires en ordre. Ne t'inquiète pas, il ne risque pas de t'arriver la même chose.
Il le poussa au bout du couloir, là où les cellules étaient les plus propres et les plus éloignées du corps, et l'enferma sans détacher ses mains pour autant. Puis il fit demi-tour et quitta les lieux. Il n'avait pas de temps à perdre. Il devait récupérer le grimoire d'Eldritch et le début de traduction chez lui, et convoquer des Mangemorts pour protéger Harry Potter.
Une fois de nouveau seul, il resta quelques secondes à observer son jardin dévasté. Il s'était bercé d'illusions en pensant que peut-être il pourrait maintenir la mascarade jusqu'au bout et désormais il ne pouvait s'empêcher d'en être déçu. C'était stupide, car il était évident qu'une rapide enquête permettrait de découvrir que William Peverell n'existait pas, mais il l'avait réellement espéré. Pouvoir mener ses activités de Seigneur des Ténèbres le jour et retrouver les bras de son amant chaque soir…
Son humeur définitivement ruinée, il fila jusqu'à son bureau pour récupérer le grimoire et faire demi-tour. Il prendrait le temps de réparer les dégâts plus tard. Pour l'instant il voulait aller de l'avant, se prouver qu'il n'avait pas fait tous ces efforts pour rien. Harry Potter allait lui traduire le grimoire d'Eldritch, puis il utiliserait le rituel pour prendre le contrôle du temps et devenir véritablement tout puissant. Une fois Dumbledore tué et Poudlard en son pouvoir, il chercherait un moyen de reconquérir le libraire. Et en attendant il ne verrait que lui…
Satisfait de ce nouveau plan, il retourna dans sa résidence secondaire et invoqua ses 4 plus fidèles lieutenants : Lucius et Drago Malefoy ainsi que Bellatrix et Viconia Lestrange. Ils ne mirent pas plus de quelques minutes à arriver, et à peine étaient-ils entrés qu'ils s'inclinèrent à ses pieds tandis qu'il était assis sur son trône.
- Monseigneur.
Les quatre voix avaient retenti de concert et Voldemort eut un sourire en constatant une fois de plus leur obédience. Ils avaient immédiatement abandonné tout ce qu'ils étaient en train de faire pour le rejoindre, bien qu'ils soient en plein milieu de journée.
- Mangemorts. J'ai une nouvelle mission à vous confier, qui pourrait éventuellement prendre plusieurs jours. Harry Potter a percé mon secret, je n'ai donc eu d'autre choix que de l'enfermer ici, cependant il doit continuer la traduction à tout prix. Vous allez devoir le surveiller, d'une part pour ne pas qu'il s'échappe mais surtout pour le protéger. Le grimoire renferme une ancienne magie capable de s'en prendre physiquement à celui qui le lit. J'ai déjà été témoin de plusieurs de ces manifestations et elles ne sont pas à prendre à la légère. Les créatures qui en sont sortis ont été capables de détruire trois Inferi, d'apparaître dans une pièce fermée ou de se téléporter et c'est bien pour cela que j'ai fait appel à vous. Le libraire ne doit mourir sous aucun prétexte. Me suis-je bien fait comprendre ?
- Oui, maître. Par ailleurs, je vous ai trouvé un nouvel elfe de maison. Il se prénomme Flamby et est prêt à vous servir.
C'était Lucius qui avait parlé, et il pointa l'entrée du doigt et Voldemort remarqua pour la première fois la petite créature qui se tenait là. Il hocha la tête avec satisfaction.
- Parfait. Je l'emmènerai chez moi dès cet après-midi. Et qu'en est-il des informations que je t'avais demandées ? J'ai menacé Harry Potter de torturer chacun de ses amis s'il rechignait à faire son travail et je veux qu'il sache que je suis sérieux.
- Le voici.
Son Mangemort s'avança, un épais dossier à la main, et il s'empressa de le faire disparaître dans l'une des poches de son sac enchanté.
- Bien. Le libraire sera installé dans mon bureau et vous vous positionnerez aux 4 coins de la pièce de manière à l'avoir en vue en permanence. Mettez vos masques. Je vais le chercher.
Dans la cellule, le Gryffondor s'était agenouillé sur le sol, l'épaule appuyée contre le mur. Ses bras attachés dans son dos ne lui permettaient pas de trouver une position plus confortable et son visage était penché en avant, ne permettant pas à Voldemort d'y lire une quelconque expression. Il ne releva pas la tête en l'entendant approcher, ni même lorsqu'il ouvrit la porte. Cependant, à peine avait-il pénétré dans la cellule qu'il s'était redressé sur ses jambes avec une souplesse surprenante.
Il le suivit sans faire d'histoire, devinant sans doute la nature de la tâche qu'il comptait lui confier, cependant lorsqu'ils arrivèrent dans son bureau, il eut un bref mouvement de recul en voyant les 4 Mangemorts masqués qui l'attendaient.
- Assieds-toi et mets-toi au travail. Mes hommes sont simplement là pour s'assurer que tu ne tentes pas de te défiler, mais aussi pour te protéger en cas de phénomène… surnaturel.
Harry ne répondit rien, et une fois détaché, il se contenta de rejoindre la place qui lui avait été désignée. Manifestement, il avait pris le partit de se taire, ce qui n'était pas plus mal. Il avait cependant relevé la tête alors qu'il s'apprêtait à partir, et l'intensité de son regard le stupéfia brièvement. Le mage noir s'était attendu à une haine féroce ou peut-être à des larmes de rage ou de désespoir, mais certainement pas à une telle expression de mépris. Le libraire avait les lèvres pincées, et ses yeux semblaient vouloir dire "Tu n'es qu'un lâche".
Voldemort eut un sourire moqueur. Tant qu'il ne l'insultait pas devant ses Mangemorts, il pouvait bien le fusiller du regard autant qu'il voulait…
- Messieurs, je serai de retour en milieu de soirée. Ne me décevez pas.
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Harry avait attendu qu'il quitte les lieux avant d'oser regarder autour de lui. Les quatre Mangemorts étaient positionnés chacun à un coin de la pièce, et il les fixa tour à tour avant de se pencher sur le grimoire. Il devait trouver un moyen de saborder les plans de Voldemort, sans qu'il ne puisse s'en prendre à ses amis, et pour cela il allait devoir gagner du temps.
Écrire n'importe quoi dans le recueil n'était pas envisageable. Jusqu'à présent, le mage noir avait toujours pris le temps de relire ses traductions chaque soir, prétendument pour s'assurer de la dangerosité du passage transposé au cours de la journée. Désormais il y avait bien peu de chance qu'il perde cette habitude. Sans doute allait-il s'assurer qu'il fasse son travail correctement et, dans le cas contraire, mettre ses menaces à exécution…
Cette idée le terrifiait. Il n'avait aucun mal à l'imaginer s'en prendre à Hermione, Neville ou Luna, et le pire c'est que tout était de sa faute ! Il s'était laissé embobiner comme le premier imbécile venu !
Partagé entre la rage et la résignation, il relut brièvement les dernières lignes écrites de sa plume. Après toutes ces après-midis à travailler sur le livre, il savait désormais que l'enchantement allait opérer dès qu'il allait commencer à lire le texte, mais cette fois il voulait vraiment y résister. Outre l'impression de vulnérabilité qui en découlait, il voulait surtout parvenir à s'échapper. Prévenir ses amis pour les mettre en sécurité… Et plus que tout, contrecarrer les plans de Voldemort.
Quand il repensait à sa trahison, à quel point il s'était moqué de lui… Il avait envie d'exploser. Incendier sa demeure, déchiqueter ce maudit grimoire en mille morceaux et lui hurler dessus jusqu'à s'époumoner. Il aurait aimé pouvoir remonter le temps et effacer ses souvenirs, cette honte d'avoir offert son corps au meurtrier de son père, de Sirius et de tant d'autres…
- Potter, le Seigneur des Ténèbres t'as donné des ordres. Tu sais ce qu'il adviendra de tes chers amis si tu n'obéis pas !
La voix, qui le fit sursauter, était celle d'une femme et il était persuadé de l'avoir déjà entendue. Son masque était décoré de volutes gravées et il percevait quelques mèches de cheveux bruns et bouclés malgré la capuche noire… Il fouilla un instant dans sa mémoire avant de se souvenir. C'était la sorcière venue chercher le grimoire avec Narcissa Malefoy… Il eut un rictus en songeant qu'il avait probablement raison concernant les Malefoy, mais qu'à présent, cela ne l'avançait guère de le savoir.
Sentant le temps lui être compté, il soupira bruyamment et se mit à tourner quelques pages pour se donner contenance. Pour l'heure, il n'avait aucun plan, et à défaut d'une meilleure idée, il décida de s'ouvrir le poignet gauche à l'aide de la plume métallique qui lui servait à écrire. Dans le meilleur des cas, la perte de sang et la douleur finiraient par lui faire perdre connaissance, l'empêchant de poursuivre la traduction, et dans le pire des cas, il pourrait faire quelques tâches sur ce grimoire maudit… De toute façon, il savait qu'il ne risquait pas de mourir ici. Voldemort ne le permettrait jamais.
Il avait brièvement glissé ses mains sous le bureau pour masquer son geste, avant de les remettre en évidence, paume vers le bas pour dissimuler sa blessure. Sa rage l'avait aidé, mais heureusement que la pointe était suffisamment tranchante… Il avait baissé le visage pour masquer la grimace de douleur qui l'avait saisi, cependant il ne put s'empêcher de fermer les yeux, alors qu'une larme coulait le long de sa joue. Par chance, il devait être commun pour leurs prisonniers d'arborer cette expression, car les Mangemorts ne s'étonnèrent guère de son état et aucun d'entre eux ne fit la moindre remarque.
Satisfait de sa maigre victoire et souffrant de sa blessure, Harry se plongea dans le grimoire, pour une fois certain d'y trouver une situation enviable à la sienne…
La visite de cette crypte, et de l'aberrante déité qu'elle contenait, m'avait plongé dans un état de stupeur persistant. Lorsque j'en ressortis, je restai près d'une heure à vagabonder sans but dans les rues de la ville. En tant que sorcier, j'avais échappé au christianisme et à son prosélytisme agressif, cependant je ne pouvais concevoir l'existence d'un tel culte. La monstrueuse créature vénérée par les habitants semblait échappée d'un cauchemar généré par un esprit malade. Et si ma mémoire elle-même semblait en avoir occulté une partie, le rituel auquel j'avais assisté tenait plus d'une hystérie collective que d'une quelconque messe.
Le seigneur Vasilescu m'avait abandonné dès la sortie des souterrains, sous prétexte d'affaires à régler, ce ne fut cependant que plusieurs heures plus tard que je compris qu'une chose importante m'avait échappé : J'étais seul. Rainier, l'émissaire du roi de France, avait disparu, sans que je ne sache ni où, ni quand, ni comment cela s'était produit. J'étais bien certain qu'il m'avait accompagné à l'intérieur de la grotte, mais je n'avais aucune certitude qu'il en était ressorti.
Pris d'un instinct subit, je me précipitai vers le temple souterrain, mais ce fut pour y trouver porte close. Une sorte de couvercle recouvrait le puits de pierre, empêchant quiconque d'y rentrer ou d'en sortir, et même en y collant l'oreille, aucun son ne m'en parvenait...
Le soleil était sur le point de se coucher et je décidai de rejoindre le manoir seigneurial. J'espérai y trouver Rainier, mais aussi Iseult, Serge et Bérénice pour savoir ce qu'ils avaient pu découvrir au cours de la journée, ainsi qu'Amaury, le mercenaire. Nous avions prévu de tous nous retrouver dans les jardins du domaine, de manière à s'assurer que personne ne puisse écouter notre conversation. C'était sans doute une précaution superflue, car nous parlions français alors que nous étions au fin fond de la Roumanie, cependant la multitude d'évènements étranges nous avait mis sur les nerfs, et je préférai ne donner aucune raison au seigneur Vasilescu de se méfier de nous.
Lorsque j'arrivai au point de rendez-vous, seuls Iseult, Serge et Bérénice étaient présents, et cette nouvelle disparition me fit redouter le pire.
- Bonsoir. Vous n'avez pas vu Rainier et Amaury ?
Ce fut ma condisciple qui prit la parole.
- Rainier ? Je croyais que tu étais parti avec lui ?
- C'était le cas, mais nous avons été séparés.
J'avais répondu en détournant le regard, n'osant avouer que je n'avais même pas remarqué sa disparition avant de longues minutes. Serge prit le relais.
- Je n'ai pas vu Amaury depuis ce matin. Il est parti tôt en disant qu'il avait besoin de se détendre. Je pensais qu'il était à la recherche d'une taverne ou d'un lupanar mais Iseult a interrogé les gardes et ils prétendent qu'il n'est jamais revenu. D'ailleurs en ville nous n'avons croisé aucun lieu de loisir. Vous pensez qu'il aurait pu quitter la ville ?
Notre interprète fit la moue avant de nous livrer le fond de sa pensée.
- À moins qu'il n'ait volé un cheval, ça m'étonnerait. On peut toujours demander aux sentinelles à l'entrée de la ville s'ils l'ont vu, mais le prochain village est à plus d'une journée de route d'ici, sans compter qu'il ne parle pas la langue. Je pense qu'il nous en aurait informé s'il avait voulu partir.
Nous restâmes ainsi quelques minutes, pensifs, jusqu'à ce que les derniers propos d'Iseult me fassent réaliser quelque chose.
- Au fait, est-ce que vous êtes parvenus à trouver une carte ?
Ma question laissa place à un silence gêné et ce fut Bérénice qui me répondit.
- Pas de carte. Comme on te l'a dit, il n'y a pas une seule auberge ou maison close dans toute la ville, mais ce n'est pas tout. Il n'y a tout bonnement presque aucun commerce. Alors que le seigneur a de la nourriture de qualité, de beaux vêtements et des bijoux, les habitants d'ici semblent interagir entre eux uniquement par le biais de troc. Il y a les métiers élémentaires : forgeron, maréchal-ferrant, meunier, boulanger et boucher ; sans doute aussi un menuisier et quelques bûcherons et tailleurs de pierre… Mais en tout cas nous n'avons vu aucune boutique. Pas de tisserand, de potier ou même d'orfèvrerie. La plupart des habitants sont des paysans et le village lui-même semble vivre en autarcie, sans aucun contact avec l'extérieur depuis un bon moment. D'ailleurs, même quand nous avons essayé d'acheter un pain ou du saucisson, personne n'a accepté de nous vendre quoi que ce soit. La plupart des gens se comportaient comme si nous avions la lèpre. Ils chuchotaient en nous regardant et se taisaient dès que nous nous approchions.
Maintenant que j'y pensais, je n'avais moi-même croisé aucune échoppe ni le moindre étal au cours de mes pérégrinations, et cela ne fit que renforcer mon sentiment de défiance.
- Bon, je propose qu'on quitte la ville le plus vite possible, mais comment procéder ? Le seigneur Vasilescu s'est montré accueillant, il serait plus courtois de l'informer de notre projet, mais il est difficile de connaître ses véritables pensées. Prendre le risque de l'informer nous permettrait aussi de négocier avec lui pour obtenir des vivres, mais cela nous retarderait nécessairement d'une journée.
Bérénice vota pour que nous partions à la dérobée dès le lever du soleil, mais Iseult et Serge préférèrent informer notre hôte et je décidai de les suivre.
Nous discutâmes jusqu'à ce que le soleil disparaisse derrière la haute palissade qui entourait la ville. Pour diverses raisons, je n'avais pu me résoudre à leur parler du culte étrange. D'une part, je n'étais moi-même pas certain de croire en ce que j'avais vu, mais d'autre part, j'avais peur que cette révélation ne les fasse sombrer dans la panique. Après tout, nous n'étions rien de moins que dans un village qui vénérait une créature monstrueuse...
À l'heure du dîner, le seigneur nous accueillit aussi chaleureusement que la veille, et je décidai donc de lui exposer notre souhait.
- Messire Vasilescu. Encore une fois, nous vous remercions de votre hospitalité et votre générosité, et nous ne voudrions pas en abuser. Nous souhaiterions reprendre la route après-demain pour rentrer en France. Puisque nos marchands ont émis le souhait de s'installer dans votre ville, et que nous avons perdu notre cartographe, nous n'avons plus aucune raison de poursuivre notre voyage.
- Pas d'inquiétude, messire de Tudèle ! C'est une joie pour moi de vous recevoir, et vous êtes les bienvenus aussi longtemps que vous le désirerez. D'ailleurs, ne vouliez-vous pas rester encore quelques jours, au cas où vos amis réapparaîtraient ? Demain, nous organiserons une fête au village, je ne peux qu'espérer que cela vous fasse changer d'avis !
- C'est très gentil, mais puisque leur charrette a été retrouvée sans eux, je crains qu'ils ne se soient fait dévorer par des loups. Par ailleurs, nous avons besoin de vivres pour reprendre notre voyage, au moins jusqu'au prochain village. Serait-il possible d'abuser une dernière fois de votre gentillesse pour quelques légumes et du pain de route ?
- Je pourrais vous fournir ça. Mais demain, vous irez tous prier avec moi pour remercier notre seigneur Cthulhu de ses bienfaits. C'est lui qui vous a conduit jusqu'ici. La cérémonie aura lieu en fin d'après-midi.
Son sourire dément et son air extatique me firent froid dans le dos. Il semblait possédé par cette étrange ferveur liée à son culte, et je jugeai plus prudent de ne pas le contredire.
Après le repas, nous regagnâmes nos chambres comme la veille, trop mal à l'aise pour rester en compagnie du maître des lieux. Suite à la disparition de Rainier et ne voulant pas dormir seul, je proposai à mon factotum de me rejoindre. Cependant sa présence ne me permit pas pour autant de trouver le sommeil et je passai de longues heures à me tourner et me retourner dans mon lit. Sans doute mon cerveau me jouait-il des tours, car malgré que le silence régnât sur le domaine à la nuit tombée, je croyais régulièrement entendre des chuchotements tout prêt de mon oreille. Cela m'avait réveillé en sursaut à plusieurs reprises, et lorsque le jour se leva, j'étais aussi épuisé qu'après une nuit blanche.
Au petit matin, nous étions encore tous les 4 présents, et cette seule constatation nous emplit d'un étrange sentiment, partagé entre le soulagement et le désespoir. Soulagement car aucun d'entre nous n'avait disparu durant la nuit, mais désespoir à l'idée que nous étions potentiellement les 4 derniers survivants sur une expédition de 30 hommes. En tant que chef d'équipe, je regrettais de ne pas avoir ordonné le retour lorsque le choix m'en avait été donné. La mort ou la disparition de certains de mes camarades me pesait sur la conscience et j'aurais été prêt à sacrifier beaucoup de choses pour pouvoir revenir en arrière.
Ce fut dans cet état d'esprit particulier que je débutai ma journée, déterminé à sauver la vie des 3 dernières personnes dont j'avais la responsabilité. Le maître des lieux étant absent, nous profitâmes du petit déjeuner pour décider des précautions à prendre pour la fameuse "fête du village".
- Quoi qu'il arrive, nous partons demain au lever du jour. Ce soir je vérifierai si notre voiture a bien été ravitaillée et dans le cas contraire, je passerai par les cuisines pour prendre un peu de nourriture. Ensuite il s'agira de récupérer nos chevaux qui se trouvent à l'écurie, et de quitter la ville au plus vite, direction Oradea Mare, à l'ouest. J'ignore à quelle distance de la frontière nous nous trouvons mais si j'en juge par le trajet aller, 4 jours devraient suffire à la rejoindre. Pour ce qui est d'aujourd'hui, ne vous promenez jamais seul. Si on reste groupés, ils ne devraient rien tenter. Au pire deux par deux lorsque vous avez besoin d'aller aux latrines. J'ai le sentiment effroyable que quelque chose se passe dans cette ville. Quelque chose de terriblement malsain.
Mes comparses hochèrent la tête sans mot dire, manifestement touchés par la solennité de mes propos.
Vers midi, le seigneur Vasilescu nous rejoignit pour un repas, mais mon estomac était noué par l'angoisse, et je mangeais peu, malgré les mets de luxe qui nous furent une fois encore proposés.
Notre hôte nous conduisit ensuite en ville, où l'étrange célébration avait déjà commencé. Les banderoles jaunes étaient accrochées le long des maisons et tous les habitants, adultes comme enfants, étaient habillés d'une longue cape à capuche de la même teinte. Plusieurs d'entre eux portaient un seau rempli d'une sorte de pigment jaunâtre et des feux brûlaient à divers endroits de la ville, constamment alimentés par des gardes.
Pour autant, il était difficile de dire que cela ressemblait à une fête. Il n'y avait ni musique ni même, je le réalisais seulement, de bruits de conversations. Les gens parlaient entre eux en chuchotant constamment, y compris les enfants. Je me souvenais pourtant bien avoir entendu une puissante clameur dans la caverne, et je ne pus m'empêcher d'interroger notre guide à ce propos.
- Lors des jours de fête, notre voix et nos émotions ne doivent être réservées qu'à Cthulhu. Mon peuple se soumet avec honneur à cette tradition, voilà pourquoi le village est si calme aujourd'hui. Mais vous allez voir, la cérémonie sera grandiose. Et ensuite, nous mangerons.
Il avait parlé à voix basse, et je ressentis à nouveau un frisson me parcourir, comme un présage de ce qui allait arriver.
Une fois sur la place centrale du village, nous découvrîmes une estrade surmontée de 5 sièges et devant laquelle deux hommes intégralement nus se tenaient. Tous deux portaient un fléau d'arme à la main, et moi et mes 3 camarades eûmes un mouvement de recul à cette vue.
Lucian Vasilescu perçut notre effroi, car il se stoppa et nous offrit un large sourire en tendant sa main en direction des deux hommes.
- Ceci, chers invités, est un spectacle en l'honneur de notre dieu. Il vous distraira, j'en suis sûr. Venez, installez-vous.
Commençant à comprendre ce qui allait arriver, je traduisis pour Serge et Bérénice qui ne parlaient pas roumain.
- Il dit que c'est un spectacle. Je crois que ces deux hommes vont se battre, un peu à la manière d'une joute.
- Mais ils sont… ils n'ont pas la moindre protection !
Je traduisis dans l'autre sens pour le seigneur Vasilescu.
- Ma camarade est étonnée car ils n'ont pas d'armure. En France, les tournois de chevalerie ne se soldent que rarement par la mort des participants.
Il eut un sourire cruel.
- Ce sont tous deux des prisonniers. Ils combattront dans l'espoir d'attirer la clémence de notre dieu ou mourront tous deux s'il n'est pas satisfait.
Il nous mena jusqu'en haut de l'estrade et s'assit sur le siège du milieu tandis que mes camarades et moi-même prenions place à ses côtés. Les deux combattants nous saluèrent avant de se mettre en garde, mais dès le premier échange de coup, j'eus le plus grand mal à ne pas fermer les yeux. Le fléau d'arme était un outil barbare, faite pour assommer les chevaliers en armure et effrayer les chevaux. La sphère métallique était pourvue de clous et la courte chaîne rendait son maniement malaisé et dangereux pour son porteur.
Soudain, un hurlement retentit, nous faisant dresser tous les poils de nos corps, et je vis Bérénice se cacher le visage de ses mains. L'un des combattants avait réussi à toucher l'autre, et les clous s'étaient enfoncés dans son épaule dénudée, arrachant un bout de chair au passage.
Loin de déclarer forfait cependant, cette douleur sembla enrager l'autre qui fit tournoyer sa propre masse à la manière d'une fronde. L'attaque était risquée, car il laissait tout une partie de son corps sans protection, cependant il fut suffisamment rapide pour toucher son adversaire au visage, le défigurant à jamais.
L'homme poussa un mugissement terrible et se jeta au sol devant nous pour supplier la clémence de son seigneur. Cependant ce dernier n'avait absolument aucune intention d'accepter, et il claqua des doigts pour intimer au vainqueur de mettre fin à ses jours.
- Tue pour notre dieu et tu vivras. Offre-nous du spectacle.
Mes compatriotes et moi-même étions bien loin d'apprécier ledit spectacle, mais nous étions bien trop intimidés par le chef du village pour oser dire quoi que ce soit. Nous fûmes donc contraints d'assister à une mise à mort horriblement brutale. Le vainqueur avait dû marteler son crâne jusqu'à ce qu'il n'en reste plus qu'une bouillie sanglante, et même ainsi cela nous sembla interminable.
Bérénice et Iseult étaient livides, sans doute proches de s'évanouir, quant à moi j'avais le cœur au bord des lèvres. La situation était surréaliste, mais nous étions si angoissés que lorsque Lucian Vasilescu se leva, nous nous empressâmes d'applaudir de peur de les remplacer dans l'arène. Le Roumain semblait extatique et heureusement il ne sembla pas remarquer nos expressions choquées, cependant je craignais pour la suite de la journée. S'il nous réservait d'autres "spectacles" de ce genre, il allait être de plus en plus difficile de jouer la comédie…
Le vainqueur enfin nommé et le cadavre évacué, nous pûmes reprendre notre marche à travers les rues de la ville.
Le seigneur Vasilescu s'était vu rejoindre par plusieurs hommes en arme, officiellement pour nous escorter. Pour ma part, j'avais davantage l'impression qu'ils devaient nous retenir si nous tentions quoi que ce soit, et j'en eu d'ailleurs bientôt la preuve. Plus nous avancions à travers la fête et plus je prenais conscience du caractère profondément malsain et dérangeant de leur culte. Ainsi, au détour d'une rue, nous vîmes un autre prisonnier être littéralement traîné par terre, mains attachées dans le dos et face contre terre. Lui aussi avait été dépouillé de ses vêtements et son corps était déjà très abîmé par son supplice. Cependant, lorsque nous nous approchâmes, il trouva soudain la force de relever la tête, nous permettant de saisir les mots qu'il prononçait frénétiquement.
- Pitié ! Pitiééé ! Tuez-moi !
Il parlait français, il s'agissait donc d'un de nos condisciples, mais lorsque nous voulûmes intervenir, les gardes de Vasilescu s'empressèrent de dégainer leur épée, nous intimant de ne pas faire le moindre geste. Je levai les mains en l'air, rapidement imité par mes camarades.
- Pourquoi est-il supplicié ?!
- Il est entré par effraction dans la maison d'un habitant et a tenté de lui dérober des biens.
Je ne savais pas quoi dire ou faire. L'état de son visage ne nous permettait même plus de l'identifier et j'ignorai s'il s'agissait de Rainier ou Amaury, mais je me voyais mal le lui demander. Nous étions entourés de gardes et de badauds qui haranguaient au contraire le bourreau pour faire durer la torture encore plus longtemps. Nous ne pouvions que regarder notre camarade se faire traîner jusqu'à la mort dans toute la ville. Ses hurlements étaient pour nous une autre sorte de tourment et en croisant le regard de Bérénice, je compris qu'elle n'était plus très loin de dévoiler sa nature de sorcière.
Bien entendu, nous aurions pu transplaner sans demander notre reste, mais ça aurait été abandonner Serge et Iseult à un sort pire que la mort. Cela, je ne pouvais m'y résoudre…
Fin du chapitre 10
Voilà, Harry a deviné la réelle identité de son petit ami. 😅 Il était temps ! On approche de la fin du grimoire, mais pas de la fin de l'histoire. Harry et Voldy ont encore quelques aventures à vivre avant de trouver la paix... 😏😈
Pour ma part, la rentrée s'est bien passée, je suis prof principale et j'ai plein de boulot ! Les chapitres vont sans doute un peu s'espacer XD mais je ne vous oublierai pas. J'ai une idée précise des évènements à venir. Ca va dépoter ! 😆
