Notes de l'auteur : Cette fic continue sa route bien tranquillement, la version anglaise rencontre même un joli succès avec le cap des 300 favoris.
Un petit mot sur la structure de l'histoire. Je reprend pas mal de choses du canon, mais je n'ai non plus l'intention de tout copier le plus fidèlement possible. Si on met ensemble l'histoire principale, Sword Oratoria, les différentes histoires annexes, ce que rajoute Memoria Freese, c'est parfois dur de s'y retrouver. Donc, oui, il y a bien des évènements similaires au canon qui vont avoir lieu, mais la chronologie et la structure ne seront pas exactement les mêmes.
Chapitre 12 : A chacun son épreuve
Maintenant que le Delebat avait un nouveau membre, ses activités se développaient avec des excursions dans le Donjon rapportant bien plus, autant financièrement que dans l'expérience qu'y gagnaient Bell et Lili.
Quant à la prum, elle semblait enfin heureuse, libérée d'un poids qui la hantait depuis des années. Son seul véritable soucis, c'était qu'après avoir composé des années avec un dieu indifférent, elle devait maintenant apprendre à supporter une déesse excentrique.
Ishtar ne venait pas souvent, son travail étant prenant, mais quand elle venait, les environs ne restaient jamais silencieux bien longtemps. Et c'était sans compter les demandes bizarres qu'elle faisait, comme celle qui Lili devait présentement gérer.
"Vous êtes sérieuse dame Ishtar ?"
"Totalement !"
"Lili n'est pas sûre que ce soit une bonne idée…"
"Fais-le ! Ordre de ta déesse." lui fit Ishtar avec un grand sourire amusé alors que la prum se mettait à l'œuvre.
Hestia ne savait plus très bien comment considérer sa vie ces derniers temps. Ses projets avaient volé en éclats et elle se retrouvait bonne à tout faire dans le dernier endroit qu'elle aurait imaginé. Même s'il était vrai qu'elle n'avait pas trop à se plaindre de son traitement. Bell était finalement un gentil garçon et Ishtar était juste un peu excentrique. Elle était d'ailleurs aux premières loges pour observer à quel point la déesse de beauté avait changé.
Elle passait tranquillement le balai dans le hall de la Demeure Astrale quand elle vit Bell passer précipitamment devant elle, semblant fuir la dernière lubie d'Ishtar. La petite déesse n'eut qu'un soupir blasé, elle commençait à être habituée à ce genre de bêtise.
Puis, arrivant de la même direction, elle vit… Bell qui s'enfuyait… encore ?
La petite déesse se frotta les yeux, peu certaine de ce qu'elle avait vu avant de les avoir grand ouvert de surprise en voyant deux Bell, aussi terrifiés l'un que l'autre. Puis arriva Ishtar, visiblement amusée, qui rattrapa les deux Bell pour leur faire un énorme câlin.
"Cette magie est absolument géniale ! Deux Bell pour le prix d'un ! Ça ouvre tellement de possibilités…" fit-elle avec un petit rire idiot et particulièrement inquiétant. Personne n'avait vraiment envie de savoir quel genre d'idée elle avait en tête exactement.
Craignant de se retrouver à expérimenter des choses pour lesquelles elle n'était absolument pas prête, Lili annula sa magie et l'un des deux Bell disparut pour laisser place à la prum.
"Lili !" commença un Bell paniqué. "En tant que chef du Delebat, je t'interdis dorénavant d'utiliser cette magie pour prendre mon apparence !"
"Pas de soucis maître Bell !" répondit une Lili tout aussi paniquée.
"Pas drôle, vous pourriez au moins demander l'avis de votre déesse."
En guise de réponse, elle n'eut que deux paires de gros yeux et deux moues boudeuses.
De son côté, Hestia poussa un énième soupir, encore une journée ordinaire à la Demeure Astrale.
Une fois passée les bêtises matinales d'Ishtar, le duo décida en premier lieu d'aller se réapprovisionner en potions avant de retourner dans le Donjon. Depuis qu'il avait découvert la Pharmacie Bleu, Bell était devenue un client régulier. Les finances du Delebat ne permettaient pas d'aller ailleurs pour le moment. Miach était un dieu bon, qui offrait souvent à Bell quelques potions et Naaza lui était plutôt sympathique.
Bell en profita pour présenter Lili aux deux pharmaciens et Naaza sentit immédiatement que la prum devait être du genre à qui on ne le faisait pas, mais vu qu'elle avait l'air de simplement suivre Bell, le chienthrope allait tout de même tenter sa chance.
"Bell, est-ce que… tu pourrais accomplir une quête pour nous ?"
"Une quête ?"
"Oui. Nous sommes en train de développer une nouvelle potion, mais il nous manque quelques ingrédients."
"Vous devriez être prudent maître Bell." lui fit alors Lili.
"Pourquoi ?"
"En général, il y a deux types de quêtes données aux aventuriers. Celles qui passent par la Guilde et sont certifiées par elle, donc en règles, et celles qui n'ont pas d'intermédiaire, généralement, celles-ci sont souvent louches."
"Ce n'est pas louche !" Protesta Naaza. "Notre familia est pauvre, alors nous voudrions éviter de payer la commission de la Guilde."
"Comment comptez-vous nous payer pour cette quête si vous êtes fauchés ?"
Naaza serra les dents en se rendant compte que cette prum était dure en affaires. Et Lili prenait très au sérieux son devoir de protéger Bell des gens douteux.
"C'est vrai que nous n'avons pas beaucoup de fonds, mais nous paierons en potions."
"Vous avez l'air d'une aventurière, vous ne pouvez pas vous en occuper ?"
Une ombre passa dans les yeux de la chienthrope, alors que ses vieux démons refaisaient surface. Miach prit alors le relais avec son sourire habituel.
"Notre familia a ses… circonstances. C'est pour cela qu'on a besoin de vous."
"C'est d'accord, nous allons vous aider." répondit Bell avec un sourire amical.
"Maître Bell !"
"C'est bon Lili, je les connais, je leur fais confiance."
La prum poussa un soupir, se doutant qu'il était inutile d'insister davantage.
"Très bien, qu'est-ce qu'il vous faut ?"
"Pour commencer, de la poudre issue des ailes de Papillon bleue."
"C'est un monstre rare, mais il vit dans les étages supérieurs, Lili a une idée sur comment faire maître Bell."
"Vraiment ? C'est parfait alors."
"Et ensuite ?"
"Un autre ingrédient, mais qui nécessite de sortir de la ville."
"Nous vous accompagnerons pour la peine. Ne vous en faites pas, je m'occupe des formalités et je préviendrais Ishtar." fit alors Miach.
"D'accord, dans ce cas, nous allons commencer par les Papillons bleus aujourd'hui. Cela vous convient maître Bell ?"
"Oui Lili, faisons comme ça."
Bell et Lili terminèrent donc leurs emplettes et se mirent en direction du Donjon, avec une mission bien précise pour la journée.
Fort heureusement pour Bell, Lili avait effectivement une idée sur comment procéder pour obtenir ce dont ils avaient besoin. La prum les guida au septième étage, dans une zone peu fréquentée. Bell, bien moins expérimenté qu'elle, ne comprenait pas trop ce qu'elle faisait.
"Je peux savoir où on va Lili ?"
"Vous allez voir maître Bell, faites confiance à Lili."
Bien que curieux, il décida de s'en remettre à elle, après tout, elle n'avait plus de raison de le piéger maintenant. Ce fut donc avec la même curiosité qu'il la vit sortir une grande étoffe de son sac.
"Lili ?"
"Approchez maître Bell, nous allons utiliser cela pour nous dissimuler."
Le jeune homme s'exécuta donc et s'approcha de Lili qui les recouvrit de l'étoffe, laquelle les dissimulait aux yeux des monstres.
"Maintenant maître Bell, marchez doucement, faites le moins de bruit possible et restez bien contre Lili." lui murmura la prum.
Ils se mirent donc en marche, Bell se sentant mal à l'aise, dû au fait que Lili le collait de particulièrement près. Tellement près que malgré les couches de vêtements et l'armure, il avait l'impression de pouvoir sentir les formes de la prum, sans compter qu'avec leur légère différence de taille, il avait quasiment le nez dans sa chevelure et se faisait donc envahir par son odeur. Bien évidemment, cela lui mit quelques images en tête, celles d'une certaine soirée, avec une Lili bien moins vêtue et bien plus agressive.
Foutues hormones de l'adolescence…
"Li… Lili. Tu n'es peut-être pas obligée de me coller autant…" murmura le garçon. "Je croyais qu'on avait dit qu'on resterait professionnels dans le Donjon." tenta-t-il d'argumenter.
"Lili est professionnelle maître Bell, mais le sac prend de la place, alors restez bien contre moi."
Lili ne mentait pas… pas entièrement en tout cas. Son sac prenait effectivement pas mal de place, mais il y avait tout de même une certaine volonté de se coller contre lui. Elle avait effectivement promis de rester professionnelle dans le Donjon, mais vue les circonstances, elle pouvait bien se permettre une légère entorse.
D'autant plus que Lili était terriblement frustrée. Hestia les avait interrompus au pire moment et avait cassé toute la dynamique qu'elle avait mise en place. L'effet de surprise serait dorénavant perdu, d'autant plus que le prum était persuadée qu'elle aurait réussi à obtenir de Bell une magnifique nuit d'amour. Qu'importait qu'ils soient tous les deux débutants, c'était le fait de pouvoir s'offrir à lui qui importait, pas la qualité de la prestation.
Et de cette frustration naquit cette envie de se coller à lui d'une manière volontairement ambigüe, afin de tout faire pour entretenir chez lui une certaine forme de désir à son égard, même inconsciemment.
Ils arrivèrent finalement à destination. Bell fut impressionné par le paysage enchanteur qui s'offrait à lui. Une salle où trônait un magnifique pilier de quartz, lui-même au centre d'un bassin où s'écoulait une eau pure et tout autour, une végétation luxuriante. Les lieux auraient pu être enchanteurs, si ce n'étaient les dizaines de monstres qui allaient et venaient, faisant de l'endroit une zone mortelle.
"Où sommes-nous Lili ?"
"Le garde-manger du septième étage, c'est ici que le Donjon donne aux monstres du secteur ce qu'il leur faut pour se nourrir."
"Personne ne vient jamais chasser les monstres ici ?"
"Non, c'est dangereux. D'une part, cette zone est très éloignée des routes fréquentées, mais comme elle attire les monstres de plusieurs niveaux, déclencher un combat ici, c'est prendre le risque d'être encerclé et débordé."
"Je vois."
Effectivement, tout semblait logique, cette zone était un sanctuaire pour les monstres, les aventuriers n'avaient rien à faire ici.
"Dans ce cas, pourquoi sommes-nous là Lili ?"
"C'est simple, plutôt que de chercher partout nos papillons, le plus simple et d'attendre qu'un groupe vienne se nourrir, puis de les suivre discrètement pour les prendre en embuscade dans un coin tranquille."
"Je comprends, c'est malin, bien joué Lili."
La prum lui répondit d'un simple sourire et les deux aventuriers se mirent donc en place pour surveiller les lieux, toujours bien collés l'un à l'autre naturellement. Les papillons bleus étant rares, il leur fallut attendre un bon moment avant qu'un groupe ne se décide à venir. Bell prit leur arrivée comme une délivrance, rester une heure de plus avec Lili autant collée contre lui aurait fini par le rendre fou.
Ils suivirent donc discrètement le groupe de monstres quand ils quittèrent les lieux et une fois assez éloignés et à l'endroit idéal, Bell émergea soudainement et s'occupa d'eux. Il s'agissait de monstres rares, mais assez faibles, aussi n'eut-il aucun mal à en venir à bout.
"On a ce qu'il faut Lili ?"
"Oui maître Bell, on a largement assez."
"Dans ce cas, rentrons, ça suffira pour aujourd'hui."
Une fois de retour chez Miach, Naaza confirma qu'il s'agissait bien de ce qu'elle cherchait. Lili tenta bien de négocier une partie du paiement, mais la chienthrope ne se laissa pas faire et argumenta qu'il restait encore l'autre partie de la quête. Bell calma simplement le jeu et décida de rentrer, afin de se préparer pour le lendemain.
Si les deux membres du Delebat auraient une soirée calme, ce ne serait pas le cas pour une certaine cat people, qui s'apprêtait à avoir une énorme surprise. Cette soirée-là, à la Fertile Maîtresse, une silhouette bien particulière venait de s'installer au comptoir.
Ce fut Chloé qui repéra en premier la personne en question et rassembla rapidement les autres serveuses.
"Les filles, je crois qu'on a un gros problème."
"Quel genre de problème ?" lui demanda Lunoire.
"Je crois qu'il vaut mieux que vous voyez ça ?"
Le groupe de jeunes femmes observa alors discrètement la salle depuis un coin tranquille et toutes furent assez surprises de ce qu'elles virent. Mais celle qui fut le plus surprise de toutes fut sans aucun doute Anya.
"Nya ? Qu'est-ce qu'il fait là ?" fit-elle avec surprise et à raison, car la personne installée au comptoir n'était ni plus ni moins qu'Allen, son frère. Avec qui elle était en froid depuis des années.
"Euh… on fait quoi là ?" Demanda Anya.
"Tu devrais aller voir ce qu'il veut. C'est ton frère après tout."
"Qui refuse de me parler depuis des années !"
"Qui sait ? Il n'est jamais venu ici, tente ta chance."
"Facile à dire."
Finalement, Anya trouva le courage d'y aller, décidant de l'aborder en tant que serveuse.
"Qu'est-ce… Qu'est-ce que je vous sers cher client ?" demanda-t-elle, la voix tremblotante. Lentement, il tourna le visage vers elle et la jeune femme put voir que son frère avait des cernes assez effrayantes sous les yeux.
"Anya…"
"Heu… Oui ?"
Soudainement, l'homme chat se leva et attrapa sa sœur par les épaules.
"Nya ?" fit-elle sous le coup de la surprise.
"C'est cet endroit Anya ! Cette… cette femme !"
"De quelle femme tu parles ?"
La pauvre jeune femme ne comprenait rien aux propos confus de son frère. Il ne devait certainement pas parler de Freya, c'était à n'y plus rien comprendre.
"Elle m'a fait des choses ! Et elle m'a fait faire des choses !"
"Quel genre de chose ?"
La seule réaction de son frère fut d'être pris de tremblements alors que la fourrure de sa queue et ses oreilles se hérissait soudainement.
"Je ne veux pas en parler."
Complètement perdue, la jeune femme tourna discrètement le regard en direction des autres serveuses qui surveillaient la scène discrètement, prêtes à intervenir. Elle avisa alors Syr qui lui fit quelques signes. Elle avait l'air de lui dire de… lui faire un câlin ? Et elle avait l'air d'insister.
Mais elle ne pouvait nier que Syr était souvent de bon conseil, aussi elle choisit de lui faire confiance.
"Je… Tout va bien grand frère, je suis là." lui dit-elle chaleureusement, avant de le prendre dans ses bras et découvrir avec surprise qu'il lui rendait son étreinte.
D'accord, tout cela devenait vraiment très bizarre. Cela faisait longtemps qu'elle rêvait secrètement de pouvoir faire la paix avec lui et réparer leur relation, mais elle n'attendait pas à ce que cela se passe de cette manière ni aussi soudainement.
Du côté de Freya, qui observait la scène sous les traits de Syr, la situation était différente. D'un côté, tout cela l'amusait terriblement. Voir Allen galérer comme ça avait un petit côté plaisir coupable. Mais d'un autre côté, elle devait admettre qu'il n'avait pas du tout avancé dans son enquête et qu'il semblait au bord de la crise de nerf, surtout s'il en était au point de venir chercher du réconfort auprès de sa sœur. Ça, même la déesse ne l'avait pas vu venir.
Il serait peut-être de bon ton de lui accorder quelques congés et d'en passer par une autre approche.
Le lendemain, Bell et Lili rejoignirent donc Miach et Naaza, comme convenue. Mais à ce petit groupe, Hestia s'était rajoutée. Quand elle avait appris que le Delebat allait sortir de la ville pour une quête, Ishtar n'eut aucune difficulté à leur obtenir les autorisations nécessaires. Amusée, elle fut même tentée de les accompagner, mais ce fut avant que Tammuz et Samira protestent, lui rappelant qu'elle avait beaucoup de travail.
Dépitée, elle demanda tout de même à Hestia d'avoir la gentillesse de garder un œil sur eux. La petite déesse protesta un peu, mais Ishtar insista, lui disant qu'après tant de temps à alterner entre rester enfermée à faire les corvées et ses recherches infructueuses pour monter sa familia, sortir de la ville lui ferait le plus grand bien.
Hestia y alla donc, en maugréant un peu, pour la forme. Elle avait ressortie sa robe blanche du placard pour la peine et admit tout de même que cela lui ferait plaisir de passer du temps avec Miach, qu'elle considérait comme un vieil ami.
Le petit groupe commença donc une marche de plusieurs heures, afin d'arriver là où Naaza le souhaitait. Les deux deusdeas en profitèrent donc pour faire la conversation.
"Je suis ravi que tu te joignes à nous Hestia. Cela fait longtemps qu'on ne s'était pas vu. Tout va bien de ton côté ? Ishtar ne te mène pas la vie trop dure ?"
"Non, je dois avouer que je ne m'attendais pas à ça. Mon seul gros soucis est la monotonie actuelle, ma vie est assez routinière."
"C'est toujours mieux que ton ancienne situation qui était… quelque peu instable."
"Certes, même si maintenant, je dois commencer à gérer d'autres problèmes."
"De quel genre ?"
"Empêcher ces petits pervers de faire des bêtises dans la maison !" dit-elle en levant un doigt accusateur en direction de Bell et Lili, ce qui fit rire Miach.
"Allons Hestia, ne dis pas ça, ce sont de jeunes gens en parfaite santé, qu'y a-t-il d'étonnant à ce qu'ils aient des envies ? Laisse-les donc mener leurs vies."
"Mais…mais, c'est indécent !"
"Non, Hestia, c'est juste la vie. Tant qu'ils sont consentants et qu'ils font attention à leur hygiène, je ne vois pas où le problème."
"Je ne t'aurais jamais cru aussi pervers Miach."
"Il n'y a rien de pervers là-dedans. De plus, je te rappelle que vous n'êtes que trois divinités vierges. Chacune pour une raison différente. Je n'ai jamais prétendu être un dieu chaste."
"Ce qui explique sans doute pourquoi vous séduisez toutes les femmes du voisinage." Rajouta alors Naaza, venue s'immiscer dans la conversation.
"Naaza ! Je ne cherche pas à séduire tout le voisinage. Je t'ai déjà expliqué que c'est un malentendu."
"Ah ? Vraiment ?"
Pendant que les deux étaient en train de régler leurs problèmes de couple, Hestia resta pensive. Il était vrai que récemment, sa nouvelle vie lui avait donné à réfléchir. Travailler pour Ishtar, parler avec elle, découvrir de nouveaux points de vue. Aux cieux, Hestia était plutôt du genre à procrastiner dans son temple en n'ayant que le minimum d'interactions sociales. Le Tenkai étant calme depuis mille ans, cela n'avait pas arrangé les choses, ce qui l'avait finalement poussé à descendre à son tour dans le Gekai.
A bien y réfléchir, Hestia commençait à se demander si son statut de déesse vierge n'était pas simplement né de ses propres inaptitudes sociales. Il y avait trois déesses vierges et elle ne se sentait pas du tout similaire aux deux autres. Artemis était vierge, tout simplement parce que la chasteté était l'un de ses attributs divins, c'était dans sa nature… ou alors c'était parce qu'elle ne comprenait rien à l'amour.
Et c'était encore différent pour Athena qui était une misandre vouant une haine farouche aux hommes en général. Peut-être devrait-elle écouter les conseils qu'on lui donnait et laisser les mortels vivre leurs vies, quitte à prendre sur elle.
Mais tout ce petit monde fut sorti de ses pensées ou conversation quand Lili se racla la gorge pour attirer l'attention.
"Tout ceci est très intéressant, mais Lili aimerait plutôt savoir où est-ce qu'on va et pourquoi."
"Dans un nid de monstres en forêt. Une fois sur place, j'aurais besoin que vous fassiez diversion pour que je puisse récupérer un œuf."
"Les monstres de l'extérieur sont plus faibles que ceux du Donjon et vous êtes niveau 2. Je ne vois pas pourquoi vous avez besoin de nous." Demanda Lili, toujours méfiante. C'était d'ailleurs ce qui l'avait poussé à enquêter rapidement et découvrir le niveau de Naaza. Miach tenta alors de répondre.
"Le soucis n'est pas là Lili, nous avons nos propres circonstances et…"
Il fut interrompu par Naaza qui lui fit un petit sourire.
"C'est bon maître Miach. Lili a raison d'être méfiante, je vais lui expliquer." Fit-elle avant de tourner son regard vers la prum. "Je suis niveau 2, c'est vrai, mais… je suis incapable d'affronter un monstre. Il y avait un temps où notre familia avait plus de membres… et était moins pauvre. Malheureusement, une expédition dans le Donjon s'est finie en désastre. Je suis tombée inconsciente et quand je me suis réveillée… les monstres avaient commencé à me dévorer vivante."
La voix de la chienthrope était vacillante, son corps tremblait légèrement et ses oreilles étaient collés à sa tête. Le souvenir semblait toujours vivace, ainsi que la peur qu'il avait engendrée.
"J'ai pu m'en sortir vivante et la plupart de mes blessures ont guéris. Sauf mon bras droit, il a été dévoré et j'ai dû… le remplacer."
Bell écoutait silencieusement le terrible récit de Naaza. Il se rendit alors compte que les vêtements de la chienthrope étaient effectivement taillés de manière étrange, faisant en sorte qu'on ne voie jamais son bras droit. De plus, elle portait toujours un gant à la main droite.
"Et depuis… les monstres me terrifient. Peu importe celui en face de moi, dès qu'ils s'approchent, je tremble, je panique et je deviens incapable d'agir…"
Soigner les blessures du corps était déjà quelque chose de compliqué, mais les blessures de l'esprit étaient beaucoup plus vicieuses et ici, la notion de psychologie, de syndrome de stress post-traumatique ou autre n'existait pas. Personne ne savait donc comment traiter ça. Les gens devaient apprendre à composer avec leurs traumas sans aide adaptée.
"Lili s'excuse pour son manque de tact." Lui dit alors la prum en s'inclinant poliment.
"Ce n'est pas grave Lili, tu ne savais pas. Je ne peux pas t'en vouloir d'être prudente. Mais j'ai vraiment besoin de votre aide. Je le ferais seule si je le pouvais, mais ce n'est pas le cas."
"Ne vous en faites pas Naaza, je ne vais pas vous laisser tomber, surtout après tout ce que vous avez fait pour moi, vous et lord Miach."
"Merci Bell." Répondit-elle avec l'un de ses rares sourires.
De son côté, Hestia avait écouté sans un mot. Elle avait de la peine pour cette fille et découvrait encore un peu plus pourquoi Bell était autant apprécié. Ce garçon avait le cœur sur la main et un cœur d'une rare pureté.
Qu'il soit capable de rester ainsi en étant un enfant d'Ishtar lui paraissait impossible, pourtant, les faits parlaient d'eux-mêmes.
"AAAAAAAAAAAAAHHHHHHHH !"
Ce cri de panique venait de Bell, poursuivi par un gigantesque lézard aux écailles rouges comme le sang.
"C'était pas du tout ce qu'on avait dit !" fit le jeune en tentant d'échapper à la mâchoire d'un bloodsaurus.
"Courage Bell ! Naaza a bientôt terminé !" lui fit Miach, pour sa part, bien à l'abri avec Hestia.
"Maître Bell, ne paniquez pas, vous pouvez vaincre ce monstre !" lui fit Lili.
"Tu plaisantes ? C'est un bloodsaurus !"
Sous l'impulsion d'Eina, Bell avait beaucoup lu concernant le Donjon et les créatures que l'on pouvait y trouver. Parmi la myriades de monstres peuplant le terrible souterrain, le bloodsaurus était un des monstres emblématiques des niveaux inférieurs, une bête largement trop puissante pour Bell.
"Mais il ne vient pas du Donjon ! Faites-moi confiance maître Bell, vous pouvez le faire ! Battez-vous !"
Bell ne savait plus trop quoi penser de la situation, mais il avait confiance en Lili. Après tout, elle n'avait plus de raison de le piéger maintenant. Retrouvant un peu de son calme, il se rendit compte que le monstre ne parvenait toujours pas à le rattraper alors qu'il était censé être bien plus puissant. En se concentrant, il se rendit compte qu'il parvenait à lire aisément les mouvements de la bête, tout comme Lena lui avait appris.
Bell prit une grande inspiration et sortit son arme. Comme le lui avait appris son mentor, il observa, analysa son ennemi et passa à l'attaque. Le Bloodsaurus était impressionnant, mais Bell décida de s'attaquer à son équilibre. Profitant de sa mobilité, il esquiva la mâchoire et visa les tendons de ses jambes. Le monstre poussa un cri de douleur quand la Dague Astrale trancha sa chair avant de tomber au sol. Bell sauta ensuite sur son corps et planta sa lame dans la nuque de la bête, laquelle poussa un long cri d'agonie avant de disparaître en poussière.
Retombant au sol, le jeune homme respirait fortement, encore sous le choc de ce qu'il venait de faire, alors que Lili le rejoignait.
"Les monstres vivant à l'extérieur sont bien plus faibles que ceux du Donjon maître Bell."
"Je ne savais pas…"
Miach arriva à son tour et voyant l'air perdu du jeune homme, il lui donna quelques explications.
"Il y a longtemps, avant que nous autres les dieux ne descendions sur le bas monde et que Babel soit construit, les monstres sortaient régulièrement du Donjon et se déversaient sur le monde. Avec le temps, ces monstres ont fini par s'adapter à de nouveaux environnements et se reproduire. Tous les monstres vivant à l'extérieur du Donjon sont les descendants de ceux l'ayant quitté avant l'ère des dieux. Cette reproduction naturelle a fini par les affaiblir au fil des générations, leurs pierres magiques ne viennent plus du Donjon, mais sont héritées de leurs parents, de ce fait, elles sont bien plus petites que celles de leurs homologues du Donjon."
Lili, qui venait de ramasser la pierre magique du bloodsaurus, la tendit à Bell et le jeune homme put effectivement constater qu'elle était très petite.
"Un bloodsaurus du Donjon est effectivement un monstre redoutable des niveaux inférieurs, mais un originaire de l'extérieur n'est pas plus fort qu'un monstre des premiers étages et un niveau 1 avec un peu d'expérience peut en venir à bout."
"Je comprends mieux."
Bell comprit alors à quel point le monde était vaste et lui inexpérimenté, il avait encore tant à apprendre. Si on oubliait la petite frayeur, cette expédition se révéla au moins enrichissante intellectuellement.
"Maître Miach, j'ai ce qu'il nous faut." fit alors Naaza, arrivant avec un énorme œuf dans les bras.
"Dans ce cas, Lili suggère de déguerpir avant que le reste de la famille ne revienne."
Sans surprise, tout le groupe acquiesça positivement à sa suggestion et ils quittèrent les lieux sans demander leurs restes.
Une fois rentrés en ville, tout le monde retourna à la Pharmacie Bleue. Pendant que Miach emmenait les ingrédients pour s'atteler à la fabrication de leur nouvelle potion, Naaza amenait le paiement à Bell et Lili.
"Et voilà, vingt potions comme convenu."
"Merci beaucoup Naaza." fit Bell avec un grand sourire, estimant être bien payé. Mais c'était sans compter sur Lili, bien plus méfiante.
"Un instant maître Bell."
"Lili ?"
Sans un mot, la jeune prum attrapa l'une des potions et commença à l'examiner sous tous les angles, avant de l'ouvrir pour la boire.
"Qu'est-ce que tu fais Lili ?"
"C'est bien ce que Lili pensait. Ces potions sont coupées avec de l'eau. Elles ne doivent même pas avoir la moitié de l'efficacité d'une potion normale. On leur a simplement rajouté des herbes neutres pour le goût et du colorant."
Naaza serra les dents, pourquoi fallait-il que cette fille soit aussi perspicace ? Visiblement, c'était quelqu'un bien habitué aux arnaques.
"Ces potions n'ont même pas la moitié de la valeur que vous prétendez."
"C'est vrai Naaza ?" Demanda alors Miach, intrigué par la conversation qu'il avait entendue.
"C'est de votre faute maître Miach !" explosa la jeune femme envers son dieu, surprenant tout le monde.
"Naaza ?"
"Vous passez votre temps à distribuer des potions gratuitement à tout bout de champ, alors que nos finances vont horriblement mal ! Les ingrédients sont chers, si je ne faisais pas ça, nous serions à la rue !"
"Ecoute Naaza, je comprends, mais je ne suis pas sûr que…"
"Tiens, tiens… alors comme ça, on essaie d'arnaquer mes enfants ?" fit alors une voix à l'entrée de l'établissement.
"Déesse !" fit alors Bell. "Que faites-vous ici ?"
"J'avais entendu dire que vous étiez revenus en ville et comme j'avais un trou dans mon planning, j'en ai profité pour venir voir comment tout cela s'était déroulé." dit-elle en s'approchant. Bien que recouverte de sa cape, elle exsudait une présence imposante. "Et que vois-je Miach ? Ton enfant essaie de voler un des miens."
"Ishtar, je t'en prie, tout ça n'est qu'un horrible malentendu." dit alors Miach, tentant de calmer le jeu. Provoquer la colère d'Ishtar était bien la dernière chose qu'il souhaitait.
"Du calme mon ami, je ne suis pas si en colère que ça. Je peux comprendre ton enfant, je vois bien qu'elle n'a pas de mauvaises intentions dans le fond."
Tout en parlant, la déesse s'était approchée du comptoir, sur lequel elle s'était penchée de façon sensuelle avant de tendre une main vers le visage de Naaza. La chienthrope frissonna à ce contact alors que la déesse approchait soudainement son visage pour lui murmurer quelque chose à l'oreille.
"Bell est un gentil garçon, si tu abuses une fois encore de sa naïveté, je séduis Miach et je lui fais l'amour devant toi des heures durant."
Ishtar s'était peut-être adoucie au contact de Bell, mais elle restait encore elle-même sur certains points et elle n'aurait aucune hésitation à mettre sa menace à exécution. Quant à la pauvre Naaza, elle devint soudainement plus pâle et cela se comprenait. La déesse avait complètement deviner ses sentiments avant de trouver une menace assez efficace. L'idée de subir un NTR était suffisante pour remettre Naaza dans le droit chemin.
"Déesse ! Qu'est-ce que vous avez dit à Naaza ?" Demanda Bell sur un ton accusateur, espérant que sa déesse n'en fasse pas trop.
"Des choses de femmes Bell." répondit-elle de manière taquine avant de retourner son attention vers la chienthrope. "Par contre, si tu es honnête avec lui à l'avenir, je pourrais au contraire t'apprendre tous les… points faibles de Miach." murmura-t-elle en faisant comprendre à quel genre de faiblesse elle faisait référence.
Le bâton dans une main, la carotte dans une autre, Ishtar savait comment doser l'équilibre entre les deux.
"Vous êtes… dure en affaire dame Ishtar." fit simplement la chienthrope.
Mais la conversation ne put aller plus loin, car un nouvel invité se présenta dans l'établissement. Un dieu à l'apparence d'un homme d'un certain âge, cheveux et barbes blanches, portant une longue tunique blanche et décorée, sans compter les quelques bijoux qu'il avait. En bref, il puait l'argent. A ses côtés se trouvait une jolie jeune femme aux longs cheveux argentés et aux yeux améthyste.
Le dieu était souriant, confiant, mais son accompagnatrice semblait plutôt embêtée d'être là.
"Miach, c'est le jour du remboursement, j'espère que tu as de quoi payer ce mois-ci."
"Dian… Justement, j'étais en train de préparer ce qu'il fallait."
"Je suis surpris que tu arrives encore à quelque chose avec cette bicoque délabrée."
Naaza mourrait d'envie de lui coller une baffe, mais elle fit un effort surhumain pour se retenir. Quant à Miach, il restait souriant et faisait comme si les insultes de l'autre divinité lui glissait dessus. Il était évident qu'à sa façon de faire, Dian Cecht se moquait bien de l'argent que lui devait Miach. Une jolie somme, oui, mais de l'argent de poche à côté de ce que sa clinique lui rapportait. Le plus important était surtout le plaisir qu'il avait à humilier son vieux rival tout en lui maintenant la tête dans le sol.
"Pourrais-tu attendre ton tour Dian." Fit alors Ishtar d'une voix glaciale.
"Qui se permet… Ishtar ? Oh ! Quel plaisir de te voir ma chère."
Il ne l'avait pas vu dans un premier temps, car elle dissimulait son corps et sa présence, mais dès qu'il la vit, il devint beaucoup plus sympathique envers elle.
"Oublie les mondanités Dian Cecht, j'étais en train de parler affaire avec Miach avant que tu ne me déranges avec cette interruption aussi grossière que malvenue."
"Allons Ishtar, ne le prends pas ainsi, je…"
"Je viens de te dire que tu dérangeais, alors tu viendras refaire ton petit numéro d'usurier une autre fois."
Sérieusement, c'était quoi ce médecin qui se comportait comme un mafieux ?
"Ishtar ! Je ne te permets pas de…"
"Si tu veux continuer, soit, je serais alors obligé d'exiger de tes enfants le triple de la somme habituelle quand ils viendront s'amuser au quartier des plaisirs."
Elle-même pouvait être très forte au petit jeu de l'usurier.
"M-Mes enfants sont des gens honorables, ils ne fréquentent certainement pas…"
Il fut alors interrompu par un éclat de rire de la déesse, amusée de la réaction de l'autre deusdea.
"Oh que si, ils viennent ! Plus que tu ne le crois. Avec tout ce que des guérisseurs peuvent voir comme horreurs, je te garantis qu'ils ont besoin de se détendre."
La clinique de Dian Cecht était principalement spécialisée dans les traitements pour les aventuriers du Donjon. Ils voyaient bien plus de traumatologie que de bobologie du quotidien. Et beaucoup d'aventuriers revenaient souvent du Donjon en pièce détachées, avec tout ce que cela incluait d'hectolitres de sang, de membres en moins, de boyaux à l'air libre, etc. En résumé, les enfants de Dian Cecht avaient eux aussi besoin d'oublier de temps à autre les horreurs qu'ils voyaient.
"Ne sois pas si surpris Dian, ce sont des mortels, ils ont des désirs, comme tout le monde et parfois cela peut surprendre. D'ailleurs, savais-tu que le plus grand fantasme de ta chère Dea Saint ici présente…"
"Aaaaaaaaaaaaaaah ! On y va ! On reviendra plus tard !" fit alors Airmid en poussant son dieu vers la sortie, sous le regard amusé d'Ishtar et choqué de tout le reste de l'assemblée.
"… m'est totalement inconnue, vu que c'est la première fois que je la rencontre." Fit alors la déesse, fière de son petit coup de bluff. "Mais vu sa réaction, je serais très curieuse de creuser le sujet."
S'en suivit un long silence, qui fut soudainement brisé par Miach, qui se mit à rire aux éclats, sous le regard surpris de Naaza, peu habituée à le voir réagir ainsi.
"Ishtar, je ne te remercierais jamais pour un tel spectacle."
"A ton service mon cher." Répondit la déesse avec un sourire complice.
Miach avait beau ne pas le montrer et rester souriant, la pression que lui mettait Dian Cecht était parfois très fatigante. Du coup, le fait de le voir ainsi se faire rembarrer fut pour le dieu médecin une véritable libération émotionnelle.
"Si tu veux t'en débarrasser on peut s'arranger. J'ai toujours besoin de bons médecins au quartier des plaisirs. Si tu acceptes de faire des consultations pour mes employés à titre gracieux, je veux bien te débarrasser de la dette envers cet imbécile prétentieux."
"Ta proposition est intéressante, mais je vais devoir la décliner. Cette dette, je l'ai choisie, je dois donc l'assumer jusqu'au bout. En revanche, si tu me paies mes honoraires, je serais ravi de faire des consultations dans tes établissements."
"Comme ça, vous pourrez passer plein de temps avec de jolies courtisanes." Lui fit alors Naaza avec jalousie tout en lui pinçant les côtes.
"Naaza ! Je te promets qu'en tant que médecin, je suis toujours très professionnel !"
Ishtar était amusée par ce spectacle, malgré ce qu'elle avait fait, elle aimait bien Naaza, il y avait quelque chose de pur et adorable chez elle. Cependant, elle n'avait pas choisi la facilité en tombant amoureuse d'un dieu, mais cela, elle le respectait.
"Ce sera avec plaisir mon cher Miach, sous réserve que ton enfant n'essaie plus de tromper Bell."
"Je te rassure Ishtar, cela ne se reproduira pas."
"Je sais Miach, je te fais confiance sur ça."
Après tout ça, tout ce petit monde s'en alla, laissant seuls Naaza et Miach, lequel était devenu soudainement pensif.
"Vraiment, tu as changé Ishtar…"
Ce soir-là, une nouvelle personne s'en venait au quartier des plaisirs. Freya avait toujours l'intention de faire espionner Bell, seulement, Allen n'avait pas donné les résultats escomptés, pire encore, son état nerveux était devenu préoccupant… au point qu'il était même allé voir sa sœur. Un premier signe de la fin du monde d'après Hogni.
Et puisque ce dernier avait fait le plus de commentaires, il fut bon pour prendre la relève du chat dans cette délicate entreprise. Voici donc comment l'ex-roi elfe noir se retrouva devant le Soupir de Minuit, à devoir assurer la mission confiée autrefois à Allen.
"Hmpf ! Quel loser cet Allen, beaucoup de gueule, mais incapable d'accomplir une mission aussi élémentaire. Regardez Déesse, comme je vais régler cette mission d'une main de maître."
Sauf que son anxiété sociale avait pris le pas dès qu'il avait mit un pied dans le quartier des plaisirs, alors qu'il se faisait alpaguer par les rabatteuses de différents établissements. Résultat des comptes, il avait été obligé de faire appel à sa magie, Dáinsleif, afin d'avoir le courage de rentrer dans les lieux.
Fini Hogni le timide, place au chevalier des ténèbres, qui rentrait dans le bordel d'un pas fier et assuré. Tellement que n'importe qui aurait pu le reconnaitre, ce qui fut le cas.
Le visage toujours à moitié dissimulé derrière son éventail, Neela vit rentrer se client des plus singuliers. Après le Vana Freya, le Dáinsleif ? Il se passait définitivement quelque chose de bizarre. Mais elle avait su gérer le premier, elle avait déjà son idée pour le second. La prum s'approcha donc de sa démarche sensuelle et mystérieuse avant de lui adresser la parole.
"Soyez le bienvenu au Soupir de Minuit cher visiteur. Je ne crois pas avoir déjà eu le plaisir de vous voir chez nous ?"
"C'est exact et je souhaites passer la nuit avec une douce compagnie digne de ma prestance." Le seul gros défaut de son sort étant que dans cet état, il en faisait des tonnes.
"Je vois tout à fait. Dans ce cas, cher invité, j'ai exactement la personne qu'il vous faut. Saria !" fit-elle en claquant dans ses mains. Une magnifique elfe à la longue chevelure blanche apparut rapidement. Une femme d'une grande beauté, semblable à une fée sortie de la forêt.
"Voici Saria cher invité. Je vous garantis qu'elle saura répondre à toutes vos attentes."
"Elle sera parfaite !"
Et à plus d'un titre aux yeux d'Hogni. Cette fille était une elfe, sans doute une pauvre victime de la vie qui avait fini là contre sa volonté. Elle devait haïr le moindre contact physique, se faisant, il ne serait pas dur pour lui d'avoir la paix pour se mettre à faire de la surveillance, tout en prenant son air cool et mystérieux.
"Très bien. Saria, la chambre de l'Extase de Minuit est libre. Je comptes sur toi pour montrer à notre invitée… toute l'étendue de tes capacités." Fit la prum avec un sourire mystérieux en direction de la courtisane elfe.
"Avec plaisir." Lui répondit-elle avec le même sourire mystérieux.
Hogni, inconscient de ce qui l'attendait, monta donc avec la courtisane. Une fois qu'ils furent seuls dans la pièce où il espérait installer sa surveillance, il se retrouva soudainement au sol, la belle elfe à quatre pattes au-dessus de lui. Comment cette fille avait réussi à le renverser ? Lui, un niveau 6 ?
Mais ce n'était pas ce qui l'inquiétait le plus présentement. Il se faisait plutôt du souci à cause de la façon dont elle le regardait. Il y avait une lueur inquiétante dans son regard. Entre ça et la façon dont elle venait de se lécher les lèvres, il eut soudainement l'impression d'être un morceau de viande devant une prédatrice.
Le choc fut telle qu'il ne parvint même pas à conserver sa magie active et se retrouva donc totalement à la merci de l'elfe à la chevelure de neige.
"Maintenant que j'y pense, ça va être la première fois que je le fais avec un elfe noir." Dit-elle avec amusement avant de passer à l'attaque.
De son côté, Neela ne pouvait contenir son petit sourire de satisfaction. Saria était exactement ce qu'il lui fallait pour prendre un autre elfe au dépourvu.
Contrairement à tous ceux de son espèce, Saria n'avait aucune appréhension des contacts physiques. C'était même une véritable nymphomane, avec un appétit sexuel extrêmement vorace. Et cela ne s'arrêtait pas là, elle avait une autre particularité.
Quand on demandait aux gens comment ils se représentaient les enfants d'Ishtar, la première chose qui leur venait en tête était naturellement les berberas, les prostituées-combattantes, véritable vitrine de la familia. Bientôt, ils verraient aussi le Delebat, mais la familia ne s'arrêtait pas à ça.
Le reste des gens travaillant dans le quartiers des plaisirs pouvait se diviser en deux catégories, les simples employés sans bénédiction, sous contrat avec la familia et ceux faisant partie intégrante de la familia et possédant de ce fait une falna. Ce qui était le cas de toutes les filles du Soupir de Minuit.
Bien évidemment, tout le monde était niveau 1, sans capacité de combat ou presque et la mise à jour du statut se faisait de manière très aléatoire. Mais parfois, certaines personnes pouvaient développer des skills, bien que rarement en lien avec le combat.
Et c'était le cas de Saria l'elfe. Niveau 1 et disposant d'un skill très particulier, l'Amante de Minuit. Pour faire simple, elle pouvait régénérer son endurance à une vitesse démentielle tant qu'elle était en situation de combat… horizontal et il ne fonctionnait que du coucher au lever du soleil.
En gros, une nymphomane à l'appétit insatiable, dotée d'une endurance illimité tant qu'il faisait nuit. Dans un sens, un véritable monstre. Très souvent, Neela devait la tenir à l'œil pour la canaliser et l'empêcher d'épuiser les clients, sinon, cela avait tendance à leur faire peur. Mais pas ce soir, car la prum lui avait donné le signal lui disant qu'elle pouvait se lâcher sans contrainte et même qu'elle l'encourageait dans ce sens.
En bref, Hogni passa techniquement une nuit très plaisante, mais très épuisante.
Le lendemain matin, quand il parvint enfin à sortir des lieux, il avait une démarche lente, un air épuisé, il semblait un peu déshydraté et avec ses joues creuses, on avait l'impression qu'il avait perdu une dizaine de kilos.
"Les ténèbres… ce lieu est empli de ténèbres…"
"Freya nous espionne ?"
"Il semblerait ma déesse."
Dès le lendemain, Neela était partie à Belit Babili pour faire un rapport à Ishtar. Si les différentes venues du Vana Freya étaient déjà louches, il y avait tout de même une chance qu'il se soit tout simplement attaché à Dezra. Mais avec un second haut gradé de la familia de Freya, il n'y avait plus trop de doute."
"D'abord le Vana Freya et maintenant le Dáinsleif ? Effectivement, c'est très bizarre."
"Pensez-vous qu'elle soit au courant pour… vos projets ?"
La déesse prit une longue bouffée de son kiseru avant de répondre.
"Difficile à dire. Même si elle ne sait pas tout, Freya n'est pas une idiote. Au vu de l'hostilité dont j'ai toujours fait preuve envers elle, elle doit bien se douter que je peux préparer quelque chose. Dans le meilleur des cas, elle se contente peut-être de garder un oeil sur les familias pouvant se montrer menaçantes par leur simple ampleur."
Ces quelques phrases de sa déesse permirent à Neela de se rendre compte à quel point elle avait changé. Ishtar avait parlé de Freya sans haine, sans énervement, sans se laisser aveugler. A la place, elle avait mené une analyse froide et rationnelle de la situation.
"Je me suis demandé pourquoi il viendrait au Soupir de Minuit, nous sommes un peu excentrés dans la quartier. Serait-il possible que ce soit pour observer le Delebat ? Après tout, notre bordel est le plus proche de la Demeure Astrale."
"Ça peut être une possibilité, mais je ne verrais pas pourquoi. Certes, le Delebat est une branche dédiée à l'exploration du Donjon, donc une organisation purement combattante, mais Bell et Lili sont très loin de représenter une menace pour qui que ce soit actuellement. On ne peut pas aussi exclure que ces tentatives quelque peu voyantes soient également une diversion pendant que de véritables espions sont à l'œuvre ailleurs. Nous allons devoir rester prudents."
"Déesse, vous comptez… continuer ?"
"Tu m'as toujours désapprouvé, n'est-ce pas Neela ?"
La prum ne dit rien et se contenta de fermer son visage. Non, elle n'avait jamais approuvé les projets d'Ishtar envers Freya. Elle ne s'en cachait pas, mais ne faisait rien non plus pour s'y opposer, sachant que cela était peine perdue. Elle restait donc dans son petit établissement sans prétention, espérant réussir à préserver ceux y travaillant de la tempête qui approchait.
En un sens, elle payait déjà ce manque de loyauté. Neela était une femme intelligente et raffinée, avec un véritable don pour la gestion et la planification. Elle aurait largement sa place à Belit Babili, à aider à s'occuper de l'administration de la familia et du quartier des plaisirs, un poste où elle ferait sans doute des merveilles, au lieu de végéter au Soupir de Minuit.
"Ça ne me gêne pas Neela."
Cela aussi étonnait la prum, auparavant, jamais Ishtar n'aurait accepté la moindre dissension dans ses rangs, il suffisait de voir le prix qu'Aisha avait payé pour sa rébellion.
"Tu peux y aller, tiens-moi informée si d'autres enfants de Freya se montrent."
La courtisane prum ne dit rien, se levant avant de s'incliner poliment devant sa déesse et quitter les lieux. Ishtar prit une nouvelle bouffée de son kiseru et resta seule, pensive pendant un moment.
Neela avait raison, toute haine envers Freya avait disparu et Ishtar ne souhaitait plus poursuivre ses plans pour attaquer l'autre déesse. Mais le souci était que beaucoup de choses avaient été mises en branle et qu'il fallait se débarrasser de tout ça.
"Bien, commençons par régler les choses une à la fois." Fit la déesse en se levant pour se rendre à son bureau et écrire une lettre avant de faire appeler une de ses berberas. "Faites passer cette lettre à Kali, via nos réseaux annexes. J'exige la plus grande discrétion, comme d'habitude."
"Bien ma déesse." répondit l'amazone avant de se retirer.
Le fait qu'Ishtar envoie une lettre à Kali se diffusa malgré tout au sein des berberas et cela devint un signe d'apaisement. Toutes celles qui doutaient y voyaient la volonté de leur déesse d'avancer leurs plans. Elles étaient bien loin de se douter de la vérité, mais c'était du temps gagné pour Ishtar.
Le Delebat, de son côté, était loin de se douter de tout ce qu'il se tramait dans l'ombre. Enfin, Lili se doutait que la familia cachait sa part d'ombre, mais ne voulait pas creuser le sujet et s'y retrouver mêlée. Quant à Bell, le pire qu'il avait à affronter étaient les lubies de sa déesse, comme celle d'aujourd'hui.
Ishtar, allongée, en train de gémir alors que Bell s'occupait d'elle.
"Oh oui Bell !... Juste… là !... C'est trop bon !... Si tu continues, je vais…"
"Arrêtez de faire des bruits bizarres !" Répliqua le jeune homme en panique.
"J'y peux rien, tu es tellement doué…"
"Je suis juste en train de vous masser !"
Et oui, Bell était simplement en train de lui masser le dos, vous vous attendiez à quoi ?
Et pour comprendre comment ils en étaient arrivés là, il fallait remonter une petite demi-heure en arrière.
"Des massages ?" Demanda le jeune homme en se demandant ce qui avait encore pu passer par la tête de sa déesse.
"Tout à fait. Comme tu es encore très timide avec les femmes, je pense que ce serait un bon moyen de t'habituer en douceur à toucher des corps féminins."
"Votre idée me semble un peu…"
"Aller Bell, ce n'est pas si terrible, je vais tout t'apprendre et je sais que tu apprends vite. Enlève ton haut et allonge-toi là, je vais te montrer comment faire."
Bell soupira, mais s'exécuta. C'était impossible de raisonner Ishtar quand elle avait une idée en tête. Torse nu, il s'allongea donc et laissa la déesse se mettre au travail.
"Concentre-toi sur mes mains, mémorise les mouvements que je fais."
Et la déesse se mit à l'œuvre. Au début, cela le surprit un peu, mais il se rendit rapidement compte que cela le détendait énormément. Ishtar savait faire des tas de choses de ses mains et dès qu'il s'agissait d'interagir avec un autre corps, son expertise était sans égal. Ce fut alors que Bell se rendit compte qu'il avait les muscles complètement noués à cause des dernières semaines.
Cela le détendit tellement qu'il fut à deux doigts de se transformer en guimauve. D'accord, il voulait bien accorder un peu de crédit à son idée pour cette fois.
"Ça va Bell ?"
"Je me sens tout détendu…"
"Parfait. Dans ce cas, à ton tour d'essayer."
Bell et Ishtar échangèrent leurs places. Bien que peu convaincu, le garçon essaya malgré tout, essayant d'imiter la façon dont Ishtar l'avait touché.
Ce qui amena cette dernière à faire moults bruits étranges et autres gémissements.
"Je suis sûr que vous le faites exprès…"
"Je te promets que non." fit la déesse en se relevant. "Mais si tu as besoin d'une preuve, demandons à quelqu'un d'autre. Ça t'intéresse Lili ?"
Depuis le début, Lili et Hestia étaient présentes et avaient regardé la scène. La petite déesse était rouge et avait les oreilles qui fumaient devant ce spectacle.
"Euh… oui." répondit timidement la prum.
"Parfait ! Dans ce cas, déshabille-toi et allonge-toi là Lili." fit la déesse d'une voix enjouée avec des propos volontairement ambiguës.
Cependant, la prum se mit tout de même en position après avoir retiré son haut. Ishtar se fit d'ailleurs la remarque qu'elle devrait peut-être lui offrir des vêtements un petit peu mieux que ses vieilles frusques à moitié déchirées.
Une fois qu'elle fut allongée, Bell se mit à l'œuvre. La jeune femme eut un frisson plaisant quand elle sentit ses mains se poser sur sa peau nue, mais ce n'était rien à côté de ce qui l'attendait, comme en témoignèrent rapidement ses gémissements.
"Maître Bell !... Si doué… Si vous continuez, Lili va… Lili va…"
"Sérieusement, arrêtez ces bruits bizarres !" tenta-t-il encore une fois, mais ce fut peine perdue.
De son côté, Hestia s'était… enfuie en courant. Il y avait trop d'indécence au mètre carré pour elle et elle craignait d'être la prochaine à passer entre les mains du jeune homme, une expérience pour laquelle une déesse vierge comme elle n'était pas prête.
"Par les cieux, Bell, tu as des mains en or, capables de satisfaire n'importe quelle femme et c'est moi qui te le certifie. Alors par pitié, ne gâche pas un tel don !"
"Arrêtez de me mettre dans ce genre de situation…" répondit-il une petite larme à l'œil. Malheureusement pour lui, Ishtar serait à jamais sans pitié sur le sujet.
Et pour rajouter une couche au problème, quelqu'un avait assisté à la scène. Du moins, d'une certaine manière.
Lena était venue à la Demeure Astrale, afin de pouvoir taquiner un petit peu Bell. Mais avant de rentrer, elle entendit soudainement un gémissement de sa déesse. Devenue niveau 3, ses sens s'étaient améliorés. L'amazone ne rentra donc pas dans la demeure, mais plaqua son oreille contre le mur de la pièce d'où venaient les gémissements, ce qui lui permit d'entendre ce qu'il se passait, du moins en partie. Pour le reste, son esprit allait combler les vides.
"Juste là… Trop bon… Je vais…" fit la voix étouffé d'Ishtar.
"Quoi, déjà ? Personne n'a jamais fait décoller Ishtar aussi vite !"
Il y eut quelques bruits lointains de tissu froissé, puis la voix de la déesse se fit entendre.
"Déshabille-toi et allonge-toi là Lili."
"Il vient à peine d'en finir avec Ishtar et il lui en faut déjà une autre !"
"Maître Bell… si doué… Lili va…"
"Mais… Mais… Il lui fait quoi là ?"
Soudainement, elle vit la porte d'entrée s'ouvrir en trombe et une petite déesse en sortir, se couvrant son visage rouge et criant un seul mot.
"Indécent !"
Que se passait-il donc là-dedans pour qu'une déesse vierge prenne la fuite ? L'esprit de Lena en tira ses propres conclusions et plutôt que d'aller vérifier pour éviter tout quiproquo, l'amazone s'en alla au pas de course avec des idées bien précises en tête.
"Une bête ! C'est une bête, je le savais ! Il faut que je raconte ça aux autres ! LE MONDE DOIT SAVOIR !"
Et ainsi, la réputation de Bell prit une nouvelle fois une tournure totalement inattendue…
