Chapitre 15 : la curiosité est un vilain défaut

Un jour ordinaire où Bell vaquait dans la ville à ses occupations. Depuis qu'il avait atteint le niveau 2, il était impatient d'aller tester ça dans le Donjon, mais il avait dû attendre. D'une part, il n'avait plus de matériel et devait se trouver une nouvelle armure, mais Lili devait aussi repenser toute leur stratégie pour l'exploration du Donjon.

Bon, il y avait aussi eu une journée de perdue parce que tout le Delebat dut décuver après la petite fête à Belit Babili. Même si, dans le cas de Bell, c'était surtout pour réfléchir à ce qu'il s'était passé entre lui et Ishtar. Certes, ils n'avaient pas franchis le pas, mais le garçon avait été tenté. Il y avait des tas de choses auxquelles il devait réfléchir.

Ce fut justement alors qu'il se promenait en ville qu'il fit une rencontre particulière.

"Yo ! C'est bien toi le Little Lion ?" fit alors à Bell un homme qu'il ne connaissait pas. Son apparence était celle d'un trentenaire de grande taille aux cheveux bruns. Plutôt bel homme, sourire sympathique et éclatant, brushing impeccable. Cependant, Bell ne s'y trompait pas, la personne qui lui parlait avait cette aura particulière, ce petit quelque chose qui permettait de comprendre que c'était un deusdea.

"Euh… Oui, c'est bien moi." Répondit timidement Bell.

"Enchanté, moi c'est Heimdall. Le dieu Heimdall, je précise."

"Pareillement seigneur Heimdall, que puis-je pour vous ?" répondit alors Bell avec un sourire commercial. Le genre qu'on ne lui connaissait pas habituellement.

"Pas grand-chose mon garçon, j'étais juste curieux de rencontrer la nouvelle star du moment."

"Je ne pense être aussi célèbre que ça, je ne suis qu'un humble aventurier."

"Allons mon garçon, pas de fausse modestie, un humble aventurier ne devient pas niveau 2 en seulement un mois et demi."

"C'est ce qu'on m'a dit, en effet."

"J'avoue, je suis curieux, comment tu as fait ça ?"

"Je suis simplement descendu dans le Donjon de manière quasi quotidienne pour m'entrainer et me perfectionner."

Pas de mensonges…

"Si cela suffisait pour permettre à tous les aventuriers de progresser aussi rapidement, il y aurait des aventuriers aussi forts que le King à tous les coins de rues."

"Excusez-moi, je ne suis pas en ville depuis très longtemps, du coup, je ne connais pas encore très bien ce qui est la norme ou non."

Toujours pas de mensonges. Ce petit con jouait à l'idiot avec lui et cela commençait à énerver Heimdall, mais ce dernier gardait son calme.

"Bien sûr. Alors, dis-moi, est-ce que Ishtar t'a aidé ?"

"Evidemment." Répondit Bell, au grand bonheur du dieu, qui allait peut-être enfin gratter des informations. "Elle m'a accordé sa bénédiction et j'ai obtenu une falna."

Le morveux semblait vouloir le faire tourner en bourrique.

"Bien évidemment. Et cette falna, comment elle progresse aussi vite ? Un skill ? Un sort ? Une capacité de développement ?"

"Vous pensez que ça vient de ma falna ?" Demanda alors Bell avec un regard presque idiot.

"Si Ishtar n'a pas triché, je ne vois pas comment cela pourrait en être autrement."

"Excusez-moi seigneur Heimdall, mais dame Ishtar m'a toujours dit que tout ce qui concernait la falna d'un aventurier ne regardait que lui et sa divinité, ce serait-elle trompée ?"

Si Heimdall osait répondre oui, il insulterait publiquement Ishtar en la traitant de menteuse ou d'idiote. Un très mauvais plan.

"Non, c'est effectivement le cas, mais…"

"Dans ce cas, si vous avez la moindre question me concernant, il vous suffit de vous adresser à dame Ishtar." Répondit alors Bell, avec une petite lueur dans le regard qui disait en plus "si vous osez".

"Je vois…"

"Je vous prie de m'excuser seigneur Heimdall, mais j'ai encore à faire aujourd'hui, si vous permettez."

"Oui, pas de soucis mon garçon, passe une bonne journée."

Bell quitta la zone rapidement, pendant qu'Heimdall fulminait de son côté. Ce sale gamin n'avait lâché aucune information intéressante. Visiblement, il savait très bien comment interagir avec les dieux.

Beaucoup pensait que la capacité des dieux à voir les mensonges était une forme d'omniscience qui leur permettait de tout savoir. Rien n'était plus faux. Tout d'abord, il ne fallait pas confondre 'ne pas mentir' et 'ne pas dire la vérité', car c'était deux choses bien différentes.

Certes, ils pouvaient détecter quand une personne leur mentait ouvertement, mais ça s'arrêtait là.

La première méthode pour cacher des choses à un dieu consistait à simplement garder le silence. Mais très souvent, cela revenait à avouer que l'on cachait quelque chose. Certains dieux étaient également très bons psychologues et observateurs, capables de déduire beaucoup d'informations par les réactions des gens et le langage non verbal.

Mais il y avait d'autres façons de ne pas leur dire les choses. Leur pouvoir ne fonctionnait que sur les mensonges directs, ça ne fonctionnait pas avec les demi-vérités, les réponses à côté de la plaque ou les questions en retour. De même, cela ne leur garantissait pas de connaitre la vérité. Si une personne donnait une information erronée à un dieu en étant persuadé de dire la vérité, la divinité ne le verrait pas.


Du coup, comment Bell, connu pour être incapable de mentir, avait réussi à gérer les questions d'Heimdall ? Tout simplement grâce à Ishtar.

La déesse n'était pas idiote, vu le record que Bell venait de pulvériser, sa réputation à elle et les soucis qu'elle avait déjà eus, elle savait très bien que certains dieux allaient se poser des questions et qu'il y en aurait même qui oseraient aborder directement Bell.

La tentation d'une nouveauté divertissante était bien trop appétissante pour certains.

Du coup, Ishtar avait passé toute une journée avec Bell à lui faire faire… du théâtre. Avec l'aide de quelques autres personnes, Ishtar avait donné à Bell un cours intensif sur comment interagir efficacement avec les autres dieux, le genre de questions qu'on pourrait lui poser, comment ne donner information sans mentir ouvertement et comment se comporter de manière générale.

Par chance, non seulement Bell apprenait très vite, mais il savait aussi qu'il devait prendre cette situation très au sérieux. Ce fut donc une chance que la déesse de beauté ait anticipé tout ça et préparé rapidement son enfant, ainsi Heimdall n'avait pu obtenir aucune information.


Mais pour lui, le cauchemar ne faisait que commencer…

Cela débuta le soir-même. Heimdall était à la tête d'une petite familia d'à peine une quarantaine d'aventuriers, majoritairement des niveaux 1 et 2. Après une journée dans le Donjon ou à vaquer à leurs occupations, plusieurs d'entre eux étaient sortis ce soir-là pour aller se détendre. Cela n'avait rien de bien particulier.

En revanche, voir rapidement revenir une dizaine de ses enfants, blessés et apeurés n'était pas prévu. Heimdall se précipita alors vers eux.

"Qu'est-ce qu'il s'est passé ?"

"Désolé Seigneur Heimdall, on a voulu aller passer du bon temps au quartier des plaisirs ce soir et…"

Rien de bien étonnant jusque-là. Dans un univers où il n'existait ni télévision, ni internet, les façons de passer du bon temps sont peu nombreuses, surtout quand on faisait un métier dangereux. Aller s'amuser dans un bordel était l'une des méthodes d'amusement les plus courantes après s'enivrer dans une taverne.

"Et quoi ?"

"On nous alors dit que notre familia était bannie du quartier des plaisirs et qu'on devait payer le prix de notre intrusion. Trente berberas nous sont tombés dessus et nous ont copieusement tabassé."

Il pouvait deviner à la tête de ses enfants qu'ils avaient pris une bonne raclée. Cependant, tout le monde était relativement en bonne état et il n'y avait aucune blessure vraiment sérieuse.

"Une minute, où est passé Günter ? Il n'était pas avec vous ?"

"Euh… je ne sais pas, on l'a perdu de vue dans le chaos de l'incident. Mais, je suppose qu'il va bien."

Günter était le capitaine d'Heimdall. Un aventurier niveau 3 depuis quelques temps. Ce n'était pas un monstre de puissance comme le King, mais ce n'était pas non plus un débutant, il savait se défendre et Heimdall ne pouvait qu'espérer qu'il allait bien.

En fait, l'homme reparut à l'aube. L'un des membres de sa familia le retrouva, juste à côté de la porte de leur manoir. Le pauvre homme était assis en position fœtale, le regard vide. Heimdall et plusieurs autres personnes vinrent le trouver. Ils constatèrent qu'il n'avait pas été passé à tabac comme les autres, mais il était évident qu'il avait un problème.

"Günter ? Tout va bien ?" demanda alors son dieu en posant une main sur son épaule.

"NON !" cria alors l'homme, faisant sursauter tout le monde. "Pas de snu-snu ! Je ne veux plus de snu-snu !"

Et comme si cela ne suffisait pas, un autre de ses enfants appela alors son dieu.

"Euh… seigneur Heimdall, je crois qu'on a un autre soucis." Fit alors la personne en désignant les toits des bâtiments alentours. Une bonne quinzaine d'amazones entouraient son manoir. Elles ne semblaient pas agressives, elles avaient simplement l'air de le surveiller, tout en lui mettant un maximum de pression.

Et l'enfer ne s'arrêta pas là. Une fois en ville pour ses affaires, Heimdall se rendit compte qu'il était devenu le sujet de certaines moqueries, principalement de la part d'autres divinités, et des déesses en particulier. La cause, une rumeur qui s'était soudainement propagée et qui laissait entendre qu'Heimdall avait quelques problèmes concernant sa… taille.


Seulement trois heures plus tard, Heimdall était à Belit Babili. Prosterné, front contre le sol, à implorer le pardon d'Ishtar. Chose qu'elle lui accorda volontiers… une fois qu'il eut offert une petite compensation financière pour démontrer sa bonne volonté.

Quand vint l'heure du bilan, voilà ce que coûta sa curiosité à Heimdall.

Pour commencer, une double humiliation. D'une part, tout le monde savait maintenant qu'il avait littéralement dû ramper devant Ishtar pour obtenir son pardon. D'autre part, il ne pouvait plus se défaire de cette rumeur concernant sa taille.

Sa familia était toujours bannie du quartier des plaisirs, au grand désarroi de la majorité de ses enfants. Ce qui faisait que leur moral était particulièrement bas.

Son capitaine était traumatisé et avait développé une phobie des amazones, ce qui était gênant vu qu'il en avait lui-même trois dans sa familia.

Enfin, il était financièrement ruiné après avoir payé le dédommagement que lui avait demandé Ishtar, au point qu'il avait même dû taper dans les économies d'urgence de la familia. Il leur faudrait au moins un an de travail intensif dans le Donjon pour parvenir à récupérer tout ce qu'ils avaient perdus.

Sans compter qu'avec toute cette histoire ayant sérieusement entamée sa réputation, le recrutement risquait de devenir bien plus compliqué.

Bien évidemment, tout cela se sut et de nombreuses autres divinités comprirent rapidement le message qu'Ishtar avait fait passé par l'intermédiaire d'Heimdall.

La curiosité est un vilain défaut…


Heureusement que le dieu ne savait pas en plus qu'il était en fait une victime collatérale d'un affrontement entre deux déesse de beauté.

En fait, la vieille du jour où il avait abordé Bell, Heimdall était parti avec quelques-uns de ses enfants manger à la Fertile Maîtresse. Freya connaissant le dieu, elle l'avait manipulé sous les traits de Syr. En parlant volontairement de Bell de manière qu'Heimdall puisse l'entendre, elle avait volontairement stimulé la curiosité de ce dernier et avait tenté de se servir de lui à la fois comme moyen d'obtenir des informations et comme une tentative de déstabiliser Ishtar. Le tout, sans avoir à se mouiller.

Un essai non concluant, car même Freya n'avait pas anticipé qu'Ishtar ait préparé aussi efficacement Bell à ce genre d'éventualité.


Concernant Bell, il avait évidemment suivi toute cette histoire. Après tout, il avait plus ou moins déclenché les représailles malgré lui en respectant la promesse faite à Ishtar de venir immédiatement la voir si une autre divinité essayait de lui soutirer des informations.

"Déesse ?"

"Oui Bell ?"

"Vous ne pensez pas y être allé quand même un petit peu fort avec le seigneur Heimdall ?"

"Pas du tout. Je comprends que tout cela puisse te paraitre assez extrême, mais crois-moi, c'est nécessaire. Je connais la plupart des autres dieux et je sais ce que certains peuvent faire uniquement pour s'amuser. C'est malheureux pour lui, mais vu qu'il a été le premier à agir, Heimdall servira d'exemple pour tous les autres."

"Très bien… Si vous pensez que c'est mieux ainsi." Fit-il avec une petite moue triste. Ishtar n'aimait pas le voir ainsi, car Bell restait quelqu'un de profondément gentil qui n'aimait pas faire de mal aux autres, mais elle savait que ce qu'elle faisait fut nécessaire. Et Bell ne pouvait non plus se rendre compte que les représailles d'Ishtar étaient restées très mesurées. Fut une époque, elle se serait montrée beaucoup, BEAUCOUP plus cruelle.

Il ne se rendait peut-être pas compte, mais Heimdall s'en tirait à bon compte dans cette histoire.

Heureusement pour Bell, il n'eut pas l'occasion de continuer à broyer du noir très longtemps. Haruhime se dirigeait vers eux, portant un plateau avec des verres remplies d'une délicieuse citronnade bien fraiche.

Ce fut alors que par un étrange hasard, la jeune femme se prit les pieds dans le tapis et tomba. Bell se précipita à son secours, mais ce fut trop tard.

Il se retrouva donc au sol, sur le dos, Haruhime étalée sur lui. La jolie renarde était tombée de telle manière que Bell s'était retrouvé le visage enseveli dans sa poitrine. De plus, Haruhime portait son kimono à la manière des courtisanes, le haut suffisamment relâché pour lui faire un joli décolleté mettant en avant sa poitrine parfaitement ciselée. Le tissu s'était un peu relâché durant la chute, ce qui faisait que Bell pouvait sentir le contact de la peau nue directement sur ses joues.

Pas de verre brisé, mais la jeune femme s'était renversée toute le citronnade sur elle, ses vêtements étaient maintenant trempés et lui collaient à la peau, amplifiant encore plus l'érotisme naturel de la situation.

Une situation qui fit bien rire Ishtar, qui se fendit d'un petit commentaire taquin.

"Eh bien Bell, je constate que ta chance fonctionne toujours aussi bien…"


Le problème quand on se fait aspergé par un liquide sucré, c'est qu'il devient vite collant et ce n'est pas agréable. La pauvre Harihume se retrouva donc recouverte de liquide collant et ces vêtements étaient bons pour le nettoyage.

C'est ainsi que la jolie renarde se retrouva dans le bain privé de sa déesse, un des petits privilèges qui allaient avec le fait de la servir directement.

"Haruhime ?"

"Aisha ? Qu'est-ce que tu fais ici ?" demanda alors la renarde à l'amazone, qui venait de rentrer dans les lieux, totalement nue bien évidemment.

"J'ai appris pour ton petit accident et je me suis dit que j'allais t'aider, ne serait-ce que pour ton dos et tes cheveux."

"C'est gentil, merci Aisha."

"De rien, tu sais, j'ai l'habitude de devoir rincer du liquide poisseux sur le corps." Lui dit-elle d'une manière taquine. Il était évident qu'Aisha ne parlait pas de citronnade.

"Aisha !" fit simplement Haruhime, dans un petit mélange de gêne et d'indignation. Ce à quoi l'amazone répondit simplement en riant.

Cependant, la renarde devait admettre qu'Aisha savait y faire. Derrière sa façade de guerrière, elle cachait qu'elle pouvait faire montre d'une certaine douceur.

"Maintenant que j'y pense, ça fait un bon moment qu'on n'a pas pris de bains ensemble."

"Oui, en effet."

"Tu aurais peut-être préféré que ce soit notre petit lapin… pardon, notre petit lion, qui vienne te rejoindre ?"

"Q-q-que… Aisha ! Je ne peux pas imposer ça à maître Bell !"

"Donc, ce n'est pas un non."

Pour toute réponse, Haruhime se contenta de rougir plus fortement.

"Il te plait ? Tu peux être honnête avec moi tu sais."

"Je… je l'apprécie. Sa compagnie est agréable. Il est tellement gentil."

"Pas seulement gentil, il devient fort aussi. Je n'en reviens pas qu'il progresse aussi vite. Mais dans notre cas, c'est une bonne chose."

"Aisha…"

"Bon, sinon, tu comptes coucher avec lui bientôt ?"

"Aisha ! Je… je n'ai pas l'intention de…"

"Et pourquoi pas ? S'il te plait, fonce. En plus, Ishtar a l'air de l'encourager dans ce sens. Maintenant que tu as découvert que tu es toujours vierge, tu ne veux pas en profiter pour connaitre ta première expérience dans les bras d'un homme qui fait battre ton cœur ? Et puis, tu l'as dit toi-même, il est gentil, je suis sûr que ce sera un moment très doux."

"Le problème n'est pas là Aisha. Tu sais… comment je suis, je ne suis pas sûr d'arriver à franchir le pas, même si je le voulais."

Oui, malheureusement, la renarde avait toujours cette fichue manie de s'évanouir dès qu'elle commençait à voir trop de peau dénudée chez un homme. Elle tomberait sans doute dans les pommes avant même de passer aux préliminaires. Mais ce fut alors qu'Aisha alla chercher une petite sacoche dans ses affaires et en sortit une fiole.

"Pour ça, j'ai ce qu'il faut pour t'aider." Dit-elle en posant la fiole à côté d'Haruhime.

"Qu'est-ce que c'est ? Un aphrodisiaque ?"

"Oui et non… Je te rassure, ce produit n'a rien de dangereux. Disons simplement pour les gens comme toi, il peut se révéler très utile."

"Je… Je verrais."

"Au fait, maintenant que tu ne travailles plus dans un bordel, je suppose que tu ne prends plus les contraceptifs ?"

"En effet."

Toutes les travailleuses de plaisir en prenaient. Cela évitait beaucoup de problèmes désagréables. Ils n'étaient pas fiables à cent pour cent, mais ils faisaient le travail la majorité du temps. Haruhime, malgré sa carrière peu fructueuse, avait dû en prendre quotidiennement, comme toutes les autres prostituées.

"Dans ce cas, depuis le temps, ton corps doit les avoir purgés. Du coup, je te suggère en plus de la première potion, de prendre aussi celle-ci." Fit alors l'amazone en posant une autre fiole.

"Ca ne ressemble pas à un contraceptif."

"Exactement, c'est même tout l'inverse, puisqu'il s'agit d'une potion de fertilité."

Haruhime ne dit rien, mais tourna la tête et regarda Aisha avec des yeux surpris.

"Aisha, que cherches-tu à faire ?"

"Haruhime." Commença-t-elle avec un air des plus sérieux. "Je veux que tu prennes ces deux potions, que tu couches avec Bell et que tu tombes enceinte de lui."

"Quoi ?"

"Si tu prends en même temps ces deux potions, il suffira à Bell de se déverser seulement une fois en toi et ce sera grossesse garantie."

"Aisha ! Pourquoi voudrais-tu que je fasse une chose pareille ?" Demanda-t-elle avec un ton choqué. Ce à quoi Aisha lui répondit avec un sourire triste.

"Parce que pour une fois, j'ai décidé de faire l'intellectuelle et d'aller lire des livres. J'ai cherché toutes les informations possibles sur le rituel qu'Ishtar veut faire et ça a payé. Ce rituel a bien un défaut, il ne fonctionnera pas sur une femme enceinte."

Haruhime resta silencieuse alors que l'amazone continuait ses explications.

"Je sais que Bell est le seul que tu peux accepter dans ton lit et honnêtement, je préfère que ce soit lui. Va le voir, amuses-toi et tombe enceinte. Ca nous laissera plusieurs mois de sursis pour nous préparer. En plus, s'il continue à ce rythme, Bell deviendra très fort et…"

"Aisha !" la coupa Haruhime sur un ton ferme. L'amazone en fut surprise, elle voyait rarement Haruhime s'imposer ainsi. "Je sais que tout cela part d'une bonne intention, mais je ne peux faire une chose pareille."

"Haruhime…"

"Ce serait terriblement cruel Aisha. Tout d'abord pour Bell, je ne veux pas lui imposer de devenir père sans qu'il ne le désire aussi. Et surtout, ce serait horriblement cruel pour cet enfant de naître uniquement dans le but de me protéger. Aucun enfant ne devrait naître uniquement pour servir les intérêts de ses parents. Je sais que tous les enfants ne sont pas toujours désirés, mais je ne veux pas faire une chose pareille. Si je devais un jour avoir des enfants avec maître Bell, je voudrais que ce soit seulement par le fruit de notre amour et de nos choix."

Devant son sourire tendre et son regard déterminé, Aisha comprit qu'elle ne devait pas insister. La renarde avait parfois bien plus de force de caractère qu'elle ne le montrait. Cependant, l'amazone trouva quand même une lueur d'espoir dans cette histoire, car Haruhime avait évoqué le fait d'avoir potentiellement des enfants avec Bell. Cela signifiait qu'elle acceptait l'idée qu'elle pouvait avoir un avenir. C'était déjà une petite victoire aux yeux d'Aisha.

"Je comprends Haruhime, je n'insisterai pas." Dit-elle en reprenant la potion de fertilité. "Cependant, je te laisse l'autre potion, parce que je t'encourage vraiment à t'envoyer en l'air avec lui."

"Aisha !" fit alors la renarde avec les joues en feu, suivit du rire franc et amusé de l'amazone.

Ce jour-là, leur lien se renforça encore un petit peu plus, tout comme la détermination d'Aisha à protéger celle qu'elle aimait comme sa sœur.


En se levant ce matin-là, Welf Crozzo ne s'était certainement pas attendu à tous les événements de cette journée et encore moins le tout dernier. Le jeune forgeron aux cheveux roux était assis dans un canapé confortable, au sommet de Belit Babili.

Face à lui se trouvait Ishtar, fumant son kiseru et le regardant d'une manière qui ne cachait pas du tout qu'elle le jaugeait sous tous les angles.

"Un peu de thé monsieur ?" lui demanda alors une jolie renarde blonde habillée à la mode de l'Est lointain, le faisant sursauter.

"Ah ! Oui… Volontiers." parvint-il à articuler tout en tremblant comme une feuille morte.

"Donc… Welf, c'est ça ?" Demanda alors Ishtar d'une manière impérieuse.

"O-oui ! Tout à fait Dame Ishtar."

Comment s'était-il retrouvé dans cette situation ?

Tout simplement parce qu'Ishtar l'avait invité. Une invitation qui lui fut porté par quatre amazones très, TRÈS insistantes. En fait, à ce niveau-là, on pouvait même considérer qu'il s'était littéralement fait kidnapper.

Mais pour comprendre la raison de tout cela, il fallait remonter au matin de cette journée.


En tant que forgeron et membre de la familia d'Hephaïstos, il ne s'entendait pas très bien avec ses confrères. Qu'il le voulût ou non, le nom des Crozzo le hanterait toujours. Beaucoup le jalousaient, estimaient qu'il gâchait son don en continuant à produire de l'équipement médiocre. Même Tsubaki, si elle était moins agressive dans son approche, lui disait la même chose.

Aucun ne voulait comprendre sa philosophie, sa vision du chose. S'il pouvait se débarrasser du pouvoir du sang des Crozzo et le donner au premier crétin venu, il le ferait volontiers. Ce foutu sang détruisait tous les efforts qu'il faisait et l'empêchait d'être reconnu à sa juste valeur. Il admettait lui-même n'être encore qu'un jeune forgeron devant faire de nombreux progrès, mais ça l'enrageait à chaque fois de voir ses efforts être jetés à la poubelle à cause de personnes jalouses, pensant mieux savoir que lui ce qu'il devrait produire.

Cela amenait souvent à des disputes autant avec les autres forgerons que les vendeurs des boutiques où il mettait en vente son travail. Balancé dans des caisses au fond de la boutique, sans avoir droit à un véritable présentoir, vendu à des prix inférieurs à ce qu'il voulait. Welf se fichait de l'argent, mais il se sentait insulter à l'idée qu'on brade son travail.

Et aujourd'hui encore, c'était la même chose. Un vendeur qui faisait la sourde oreille et ignorait ses arguments. La dernière critique en date, ses choix de nom. Décidément, personne ne le comprenait.

Enfin, ce fut jusqu'à ce qu'un jeune homme aux cheveux blancs apparaissent et demande le plus naturellement du monde si la boutique vendait encore des armures de Welf Crozzo.

Le forgeron roux laissa alors échapper un rire franc, lequel contenait un véritable sentiment de libération. Un client voulait son travail, le sien. Cela faisait plus que flatter son égo, cela lui donnait un sentiment d'accomplissement. Welf fabriquait de l'équipement pour qu'il serve, pas pour qu'il prenne la poussière.

De fil en aiguille, ils avaient fini par s'isoler pour discuter un peu. Welf fut surprit d'apprendre que le client qui demandait son travail était le Little Lion, la nouvelle star du moment. Se fiant à son instinct, Welf proposa alors à Bell de signer un contrat avec lui. Il lui expliqua alors comment fonctionnait ce genre de partenariat, ainsi que le fait que beaucoup d'autres forgerons avaient des vues sur lui.

Welf se montra également franc sur ce qu'il voulait en échange. En prime, il était même prêt à lui offrir son dernier ensemble d'armure, similaire au précédent.

Bell fut enthousiasmé et accepta volontiers.

Et bien évidemment, il raconta tout ça aux autres. Lili le réprimanda un peu pour avoir accepté aussi rapidement sans prendre le temps de la réflexion, mais décida de lui faire confiance.

Quant à Ishtar, elle ne dit rien sur le coup… elle se contenta "d'inviter" Welf par l'intermédiaire de ses berberas.


"J'espère que tu pardonneras mon invitation soudaine. Il m'est difficile de faire de la place dans mon emploi du temps."

"Oui… B-bien sûr, pas de soucis dame Ishtar."

Ce n'était pas non plus comme s'il était en position de se plaindre d'avoir été enlevé en pleine rue.

"J'ai été assez surprise quand Bell m'a annoncé avoir passé un contrat avec toi. C'est un gentil garçon sur qui je fonde beaucoup d'espoirs, aussi, tu comprends que je m'intéresse de près à ce genre de chose."

"N-Naturellement."

"Voyons… pourquoi t'intéresser à Bell en particulier ? Il y a des tas d'autres jeunes aventuriers."

"Certes, mais aucun qui ne demandait spécifiquement mon travail. Il a l'air de l'apprécier, en plus c'est quelqu'un de sympathique, sans compter que j'ai besoin d'un groupe et ça avait l'air de correspondre aussi à ses besoins. J'ai cru comprendre qu'il faisait les choses de son côté avec seulement une porteuse."

"Effectivement, le Delebat est un groupe encore jeune et j'admets qu'un renfort peut lui être utile. Mais pourquoi ne pas le faire avec des gens de ta familia ? Plusieurs d'entre eux descendent dans le Donjon que je sache."

"C'est… c'est compliqué, je m'entends mal avec la plupart des membres de ma familia." Répondit-il, espérant ne pas avoir à rentrer dans les détails.

"Je vois… Rassure-moi, ce n'est pas une façon détournée de t'approcher des courtisanes ou d'essayer d'avoir des réductions dans mes bordels ?" demanda-t-elle soudainement, espérant le surprendre.

"Que… Non !"

"Vraiment ? Ce genre de chose n'intéresse pas un jeune homme comme toi ?"

"Bien sûr que si !"

"Tu n'espères vraiment aucune petite opportunité au quartier des plaisirs ?"

"Il n'y a qu'une seule femme qui compte dans ma vie et c'est dame Héphaïstos !" cria-t-il soudainement alors que ses émotions prenaient le dessus. Puis, il devint aussi rouge que ses cheveux et retomba dans le canapé, se demandant où était le trou de souris le plus proche pour se cacher.

De son côté, Ishtar se mit à rire. La réaction de ce jeune homme était autant drôle qu'adorable.

"Voyez-vous ça… Etrange, mais à t'entendre, on dirait que c'est bien plus que l'admiration d'un jeune artisan envers un maître ou qu'un enfant envers sa déesse. Tu l'aimes aussi en tant que femme, n'est-ce pas ?"

Voyant qu'il était piégé et que de toute façon, on ne pouvait pas mentir ouvertement à une divinité, il soupira et répondit.

"Oui, je l'aime à la fois comme un artisan et comme un homme. Quand je suis arrivé à Orario, j'ai pu voir son travail. J'en suis resté sans voix. L'arme exposée était un véritable chef-d'œuvre. Je devais rencontrer l'artisan qui avait forgé ça."

"Et ainsi tu as rencontré Héphaïstos."

"Oui. Puis, en plus de l'artisan, j'ai commencé à aussi voir la femme derrière. Ensuite, elle a définitivement prit mon cœur."

"C'est vraiment le grand amour on dirait. Tu as déjà osé lui déclarer tes sentiments ?"

"Non, même si je pense qu'elle a des doutes. Je me suis juré que je ne lui dirais rien tant que je n'aurais pas forgé de mes mains un chef-d'œuvre qui soit digne d'elle."

Amour et conviction se mêlaient dans la voix de Welf et cela, Ishtar le voyait bien. Il était rare de rencontrer un homme de cet âge avec ce genre de qualités.

"Eh bien, on peut dire que tu places la barre très haute."

"Peut-être, mais je refuse de me compromettre en offrant moins que cela à ma déesse."

"Je vois. Autre question. Tu es bien un Crozzo de Rakia ? La fameuse lignée de forgerons."

Une ombre passa sur la visage de Welf, sa famille n'était pas son sujet favori et la déesse le comprit immédiatement.

"Les esprits et les dieux ont un lien particulier. Et toi, je sens que la bénédiction de ton ancêtre est active en toi. Avec un tel pouvoir, tu pourrais forger des armes magiques puissantes, t'élever au-dessus des autres et gagner une fortune. Pourtant, j'ai entendu dire que tu refusais toute commande de ce genre."

Ishtar n'avait pas non plus invité Welf sans enquêter un petit peu sur lui au préalable et elle ne s'en cachait pas.

"Je déteste mon sang et je maudis le fait que cet héritage se soit éveillé en moi." Dit-il avec tristesse.

"A ce point ?"

"Je déteste les armes magiques, elle avilisse le cœur des gens."

"Qu'entends-tu par-là ?"

"Des tas de gens sont venus me voir sous prétexte que je suis un Crozzo. Tous voulaient des armes magiques. Mais tout ce qu'ils voulaient, c'était un moyen facile de devenir riches, puissants ou célèbres. En plus, ces foutus armes magiques finissent par se briser et abandonner leurs utilisateurs. Ce n'est pas ce que devrait être une arme. C'est le prolongement du corps, la première chose qui doit rester fiable au combat."

A l'écouter, Ishtar ne savait pas trop si ce qu'il détestait le plus étaient les armes magiques ou sa propre lignée, ce garçon avait ses propres soucis à affronter.

"Je comprends ce que tu veux dire. Ta philosophie n'est pas parfaite, mais cela, ce n'est pas à moi de te l'expliquer."

Non, ça c'était le boulot de sa déesse que de l'éduquer.

"J'ai eu l'occasion de voir une partie de ton travail. Tu as encore beaucoup de marge de progression, mais ce que tu fabriques est de bonne qualité et suffit largement pour les besoins actuels de Bell. Soit ! J'accepte donc que vous poursuiviez ce contrat et que tu rejoignes le groupe de Bell pour le moment. Je comptes sur toi pour lui fournir ce qu'il y a de mieux."

"Ne vous en faites pas dame Ishtar, à la forge ou au combat, je me donne toujours à cent pour cent."

"Tant mieux. En bonus, sache que si tu fais du bon travail, je pourrais même te révéler plusieurs des… points faibles d'Héphaïstos."

Et vu la façon dont elle en parlait, il n'y avait aucun doute sur la nature des points faibles en question.

"Je me donnerais à deux cents pour cent !" répondit Welf, très motivé et pouce levé. Comme quoi, face à Ishtar, personne ne pouvait renier ses désirs profonds.


Pendant que le forgeron subissait l'interrogatoire d'Ishtar, Aisha arrivait à Belit Babili. Mais la seule chose qui fut là pour l'accueillir furent les sarcasmes de Samira.

"Tiens, tiens… On revient de la Demeure astrale peut-être ?"

Aisha poussa un simple soupir, elle n'avait vraiment pas envie de se bagarrer avec Samira aujourd'hui.

"C'est le cas, ça te pose un problème ?"

"Tu passes beaucoup de temps là-bas en ce moment je trouve."

"Et alors ?"

"La grande et fière Aisha aurait donc abandonné sa fierté pour remuer la queue telle une bonne chienne devant le gentil garçon qui vit là-bas ?"

"Sérieusement, c'est quoi ton problème avec Bell ? Il fait sa vie dans son coin, pourquoi continuer avec cette histoire ?"

"Ce foutu gamin ramollie Ishtar !"

"Elle s'est adoucie à son contact, c'est vrai. Mais je ne vois vraiment pas en quoi c'est un problème."

"Si tu ne le vois pas, c'est que tu es totalement aveugle et stupide !"

"Et toi, ça vire à l'obsession ! Ishtar devient plus calme, plus raisonnable. Tu t'es promené dans le quartier récemment ? L'ambiance s'est beaucoup améliorée. Nos vies commencent à devenir meilleures, ce n'est pas ce que tu as toujours souhaité toi aussi ? Plus de sécurité et de tranquillité pour nos sœurs ?"

Samira n'était pas un monstre, derrière sa carapace, elle masquait beaucoup d'inquiétudes pour les autres berberas. C'était l'une des raisons qui rendaient son comportement des plus étranges aux yeux d'Aisha.

"Bien sûr que je veux protéger nos sœurs !"

"Alors c'est quoi ton foutu problème ?"

Samira s'approcha alors d'Aisha de manière que leur conversation ne soit pas entendue.

"Il est trop tard pour qu'Ishtar devienne gentille. Pas après tout ce qu'elle a fait, tout ce qu'on a préparé. Bordel Aisha ! On est en affaires avec les Fils de la nuit, avec cette cinglée de Kali ! Et sans compter tous les autres gens peu recommandables à qui on a eu à faire, comme les divers trafiquants de chair."

"Oui, je suis au courant."

"Après être allé si loin, on ne peut plus reculer. Tu veux qu'on aille leur dire quoi à tous ces gens-là ? Laissez tomber, on arrête tout ? Ils nous boufferont tout cru ! Et tu crois vraiment que Freya ne se doute de rien ? Si on perd trop de temps, sa familia pourrait lancer une attaque préventive. On ne peut plus reculer Aisha, il faut qu'on aille jusqu'au bout. Une fois qu'on aura écrasé Freya, qu'on aura assis notre autorité et démontré notre puissance, que nos sœurs seront vraiment à l'abri de toutes représailles, peut-être que là, on pourra envisager de devenir gentilles."

"Tu veux absolument aller jusqu'au bout, même si cela doit en passer par le sacrifice d'Haruhime ?"

"C'est une guerre Aisha. Et la guerre propre, ça n'existe pas, il y a toujours de la casse. Et puis, rien ne dit que le rituel soit définitif, à priori, on devrait pouvoir lui rendre son âme si on ramène tous les morceaux de la…"

"A d'autres avec ces conneries ! Quand bien même ce serait possible, combien de nos sœurs rendront bien gentiment les artefacts qui leur donnent plus de pouvoir ?"

"Aisha… On n'a plus le choix, que tu le veuilles ou non, on devra aller jusqu'au bout. Ce gamin n'est pas une chance, c'est un boulet. Sa vitesse de progression ne fait pas de lui une potentielle aide, mais une menace à nos projets."

"Une menace ? Mais tu t'entends Samira ? Ce gamin fait partie de notre familia, il est l'un des nôtres."

"Non, il ne l'est pas et il ne le sera jamais. Et toi aussi, tu commences à ne plus l'être." Fit froidement l'amazone avant de tourner les talons et de s'en aller. Visiblement, elles ne pourraient pas se mettre d'accord. Au fond d'elle, Samira avait espéré pouvoir encore raisonner Aisha, mais elle venait d'avoir la preuve que ce ne serait pas le cas. Cela la peinait, mais son devoir était de protéger ses autres sœurs et pour cela, elle ne voyait qu'une seule voie.

Tant pis si cette voie devait lui faire perdre l'amitié de Lena et Aisha. Tant pis si cette voie devait la contraindre à collaborer avec des gens comme Tammuz ou Phryne. Ces deux-là n'avaient que des motivations égoïstes, le premier agissait par jalousie et voulait seulement récupérer sa déesse, la seconde voulait satisfaire son égo. En un sens, ils étaient faciles à manipuler. C'était avec les autres berberas que cela devenait difficile. Les plus réalistes se rangeaient à son point de vue. Les plus modérées préféraient rester dans l'attente. Et les moins sérieuses se laissaient volontiers tenter par la bouille sympathique de Bell.

Au fond, s'il n'y avait pas eu toutes ces histoires, peut-être Samira aurait elle aussi apprit à apprécier Bell et sa petite tête de lapin tout mignon. Mais dans la situation où leur familia se trouvait, elle ne voyait en lui qu'une source de problèmes.


Lili avait eu un peu de mal à accepter la présence de Welf. Qu'elle le voulait ou non, elle avait appris à apprécier de travailler en duo avec Bell, elle avait le sentiment que c'était leur petit moment à eux, celui où ils n'étaient que tous les deux.

Mais elle savait aussi que le Donjon était dangereux et comme elle l'avait promis à Bell, ici, le professionnalisme aurait toujours le dessus et la présence d'un coéquipier de plus était utile. De plus, Welf était plutôt l'archétype du combattant lourd, se battant avec une immense lame, ce qui se complétait assez bien avec le style vif et rapide de Bell.

Sans compter que le forgeron n'était pas venu les mains vides. Non seulement, il y avait amené la nouvelle armure de Bell, qu'il avait ajusté à sa taille et renforcé selon ses besoins, mais aussi plein de petites choses, comme des armes de rechanges et des traits pour l'arbalète de Lili.

Leur première journée dans le Donjon s'était plutôt bien déroulée. Welf était surpris de la vitesse de Bell, mais cela ne faisait que le stimuler d'avantage et le rassurer sur le fait qu'il avait bien choisi avec qui passer un contrat. Leur petit groupe trouva rapidement son équilibre et son rythme de croisière. Le tout sous les petits chamailleries entre Welf et Lili.

Tout se passa bien jusqu'à ce qu'ils tombent sur un monstre rare, un enfant dragon. Bell l'explosa d'un Shooting Star bien plus puissant que d'habitude alors que la créature s'apprêtait à attaquer Lili. Il se demanda d'abord si cela était dû à son niveau 2, avant de remarquer l'étrange phénomène lumineux autour de sa main.

"Maître Bell ?"

"Ca va Lili ?"

"Oui, mais vous, votre main…"

"Eh bien, ça c'était plutôt puissant." Fit alors Welf en s'approchant d'eux.

"Oui, je me demande si ce ne serait pas un de ces nouveaux skills…"

"Maître Bell !" cria-t-elle pour l'interrompre.

"Lili ?"

"Faites attention à ce que vous dites, je vous rappelle que nous ne sommes pas seuls."

"Elle a raison Bell, je ne suis pas de votre familia et on commence à peine à travailler ensemble, il est normal de ne pas tout se dire."

"Ca va, je sais que je peux te faire confiance Welf."

"T'es vraiment trop gentil pour ton bien." Fit-il avec un sourire et un petit soupir. Décidément, ce gamin n'était vraiment pas comme les autres.

"C'est ce que je lui répète sans cesse. Mais d'un autre côté, c'est ce qui fait que maître Bell est lui-même."

Et elle était mal placé pour critiquer ce trait de caractère chez lui, car c'était justement cette grande gentillesse qui lui avait sauvé la vie, l'avait libéré de Soma et permis de trouver un nouveau but à son existence.

Pour résumé, leur première journée s'était bien déroulée.


Le soir, Bell avait parlé à Ishtar de l'étrange phénomène qui lui était arrivé durant la journée.

"Sans doute une manifestation de ton nouveau skill. Lorsque tu l'as utilisé, c'était pour sauver Lili d'un monstre n'est-ce pas ?"

"Oui."

"Un acte héroïque en somme. C'est peut-être ça qu'il fallait comprendre par désir héroïque. Quand à l'effet de charge, cela semble simplement amplifier tes attaques. Je pense que combiné à ta magie sans incantation, la combinaison peut être redoutable. Mais ça, ce sera à toi de le découvrir et d'expérimenter pour en comprendre le fonctionnement et les limites."

"Je vois." Tellement de possibilités se bousculaient dans l'esprit de Bell. Il adorait déjà ce skill, grâce à lui, il avait le sentiment d'avoir vraiment progressé, de s'être rapproché de son idéal.

"Par contre, tu n'as pas encore tenté d'expérience avec Leo Dominus ?"

Immédiatement, le jeune homme se mit à rougir.

"Ce qui est fait est fait, maintenant que tu as ce skill, tu dois apprendre à t'en servir. C'est aussi ta responsabilité envers tes compagnons. Tu accepterais d'en laisser un mourir simplement parce qu'un de tes pouvoirs te gêne un peu ?"

"Je… non."

"Tant mieux, parce que ce serait de la fierté mal placée. Tous ces pouvoirs sont nés de ton âme. Accepte-les, comprends-les et utilise-les."

"Oui, vous avez raison, j'essaierai d'en parler à Lili. Elle aura peut-être une idée."

"Oh, je suis sûre qu'elle n'en aura pas qu'une seule." Fit la déesse avec un sourire taquin.


Le lendemain, ils ne descendirent pas dans le Donjon. Bien qu'elle ait été libérée, Lili avait encore quelques affaires en suspens, dont une dette envers un marchand gnome qui l'avait souvent aidé et hébergé par le passé. Elle était donc partie l'aider.

Du coup, Welf proposa à Bell d'aller à sa forge pour lui fabriquer un nouvel équipement. Mais avant de faire quoi que ce soit, le forgeron commença par tester son nouveau compagnon d'arme. Il aurait été naïf de croire que Bell n'aurait pas appris de sa déesse qui il était. Mais le garçon s'en fichait, pour lui, Welf était Welf avant d'être Welf Crozzo. Cela ne fit que renforcer la conviction du forgeron qu'il avait bien choisi son partenaire. Il était convaincu qu'avec Bell, il pourrait enfin briller en tant forgeron par lui-même et non par le sang de son ancêtre.

Le rouquin remarqua alors que Bell se promenait avec une corne de minotaure à la ceinture. Bell n'avait pas pu se résoudre à l'échanger, c'était un symbole de sa victoire, non seulement contre le minotaure, mais aussi contre sa propre faiblesse. Welf lui proposa alors d'en faire une arme.

Le spectacle de Welf à sa forge était quelque chose de fascinant au yeux de Bell. La chaleur qu'il ressentait n'était pas tant celle de la forge que celle de la passion qui animait Welf. Il comprenait alors qu'il le voyait sous un autre aspect et que c'était la part de lui qui était la plus vivante. Tout en travaillant, il lui fit tout de même la conversation et Bell put en apprendre plus sur son nouveau compagnon et sa haine pour les armes magiques.

Une journée riche en enseignement.


Pendant que les deux jeunes hommes travaillaient à la forge, leurs déesses se rencontraient à nouveau.

Héphaïstos était venue discrètement à Belit Babili, cachée sous une cape, atténuant au maximum son aura divine. Elle parvint même à avoir un entretien avec Ishtar, qui l'accueillit avec plaisir dans ses appartements.

"Héphaïstos ? Qu'est-ce qu'il me vaut ce plaisir ? Oh ! Tu as eu envie de finir ce qu'on avait commencé ?" fit la déesse sur un ton taquin et provoquant, faisant immédiatement rougir sa divine consœur.

"Ishtar ! Je ne suis pas là pour ça, mais pour te parler de ce que tu as fait !"

"Ah ? Et qu'ai-je fait ?"

"Tu as fait kidnapper Welf, un de mes enfants !"

"Pas du tout, je l'ai simplement invité à discuter."

"Quand on se fait embarquer de force par quatre berberas, ce n'est plus une invitation !"

"D'accord, d'accord, j'étais pressée de le rencontrer et mes filles ont peut-être fait preuve d'un peu trop de zèle."

"Si tu voulais le rencontrer, tu pouvais simplement me le demander."

"Tu aurais vraiment accepté ?" demanda-t-elle avec une pointe de cynisme, faisant rougir un peu plus Héphaïstos, qui se rendit compte que ce n'aurait peut-être pas été le cas.

"Bon, là n'est pas la question, qu'est-ce que tu lui voulais ?"

"Seulement m'assurer de ses intentions. Comme tu le sais déjà, je fonde beaucoup d'espoirs sur Bell et je suis donc un petit peu regardante sur certaines choses, comme un jeune forgeron qui voudrait passer un contrat avec lui."

"Et je dois donc croire que tu ne comptes pas abuser de la situation. Je te connais, tu dois déjà savoir que Welf…"

"…est un Crozzo, oui, on en a discuté et il m'a aussi parlé de la façon dont il voyait son sang et les armes magiques. Il a l'air sincère dans ses convictions, bien que je trouve que sa philosophie soit un peu erronée."

"Je sais, il a trop de fierté mal placée et c'est pour ça qu'il ne s'entends pas avec les autres."

"Et pour revenir à ta question, non, je ne compte pas chercher à abuser de ses capacités, tant qu'il travaille bien et qu'il aide Bell, je n'ai rien à lui reprocher."

"Bon, d'accord, je veux bien te croire pour le moment. Et du coup, tu ne lui as… rien fait de… particulier ?" demanda-t-elle avec beaucoup de difficulté à trouver ses mots. Ishtar comprit parfaitement où elle voulait en venir et cela l'amusa terriblement.

"Eh bien, pourquoi t'intéresser à la vie intime de cet enfant en particulier ? Oh ? Serait-ce une petite pointe de jalousie que je sens dans ta voix ? Le cœur de fer de notre belle forgeronne divine fondrait-il devant l'ardente passion d'un jeune forgeron ?"

Tout en parlant, Ishtar était venue s'assoir à côté d'Héphaïstos et se rapprochait de plus en plus d'elle.

"Je… Je…"

"Dans ce cas, tu dois bien te douter que tu ne le laisses pas insensible non plus."

Pour toute réponse, elle n'eut que le regard gêné de la forgeronne.

"D'ailleurs, maintenant que j'y pense, j'ai promis à Welf que s'il faisait du bon travail, je lui parlerais de tous tes points faibles…" lui murmura-t-elle à l'oreille.

"Pardon ? C-c-comment tu pourrais connaitre ça pour commencer ?"

"Oh ! Ne sous-estime pas mon talent en la matière. Mais tu as raison, il vaut mieux apporter la preuve de ce que j'avance…" dit-elle avant d'enlacer l'autre déesse et de poser ses lèvres sur son cou.

"Non, Ishta-aaaaaaaaaaaaah !"

Puis quelques gémissements s'en suivirent.

"Ishtar… non… pas là… tu triches !"

Héphaïstus quitta les appartements de la déesse peu de temps après, d'un pas précipité et totalement rouge de la tête au pied.

"~Reviens quand tu veux~" lui fit alors Ishtar d'une voix taquine et chantante, ce qui ne fit qu'accélérer encore plus le pas de l'autre déesse.


Le soir venu, Ishtar rejoignit la Demeure Astrale comme à son habitude. Welf et Bell étaient dans le jardin, face aux mannequins d'entrainement. La déesse de beauté décida qu'il valait mieux garder pour elle le petit entretien qu'elle avait eu avec Héphaïstos.

"Eh bien les garçons, comment étaient votre journée ?"

Bell lui expliqua alors ce qu'il s'était passé et lui montra l'arme que lui avait forgé Welf dans la corne de minotaure. La déesse se saisit alors de la dague et commença à la manipuler, la faisant tourner dans sa main, entre ses doigts, testant la prise, avant de l'envoyer d'un coup sec se ficher dans un mannequins en bois.

"Belle arme, un léger déséquilibre dans la répartition du poids de la lame, mais ça demeure du très bel ouvrage. Tu arriveras peut-être à forger un chef d'œuvre digne d'Héphaïstos avant d'être assez âgé pour avoir besoin de potions pour la satisfaire dans l'intimité." Fit la déesse en terminant sur une petite note d'humour.

Mais les deux jeunes hommes ne répondirent pas, la regardant avec des yeux hébétés. Ils ne s'étaient certainement pas attendus à voir la déesse faire une telle démonstration, surtout Welf.

"Surpris ? Je suis plus qu'un joli visage vous savez. Mais que cela vous serve de leçon en matière de femmes les garçons. Rappelez-vous que les jolies roses ont souvent des épines acérées."

Les deux furent incapables de répondre, même la boutade de la déesse était passé à la trappe. Bell rangea sa nouvelle arme et Welf les salua d'un ton gêné avant de rentrer chez lui. Ishtar venait de dominer la déesse et son enfant dans la même journée.


Seulement, le temps de l'insouciance allait de nouveau prendre fin.

Bell, Lili et Welf se réunirent le lendemain pour une nouvelle journée dans le Donjon. Maintenant que leur groupe était prêt, ils pouvaient se permettre de descendre un peu plus bas.

Seulement, ils ne pouvaient pas se douter qu'au même moment, un groupe d'aventuriers originaires de l'Est lointain allait se retrouver dans une situation compliquée qui allait les forcer à faire un choix difficile…


Notes de l'auteur :

Encore un nouveau chapitre terminé, ambiance un peu plus légère cette fois.

Pourquoi avoir choisi Heimdall comme divinité pour poser les mauvaises questions et se faire pourrir par Ishtar. Déjà, parce que j'ai beau avoir cherché partout, ce dieu n'est pas mentionné dans Danmachi, ou alors dans une histoire bonus d'un quelconque produit dérivé tellement obscur que je n'en ai jamais entendu parler. Du coup, le personnage était libre.

Pour le reste, plaignez-vous à Santa Monica Studio. Le dernier Heimdall que j'ai vu était celui de God of War Ragnarök, qui a tout fait pour le rendre antipathique.