Chapitre 4
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L'oiseau survola les terres et les mers sans encombres pendant plusieurs jours. Il évita une tempête au large d'une terre, puis quelques congénères un peu belliqueux. Il fit une pause restauration dans un champ cultivé pendant quelques heures, avant de reprendre son vol.
Le survol du fjord d'Arendelle fut un peu plus compliqué que le reste car même s'il était un oiseau spécialement entraîné pour trouver son destinataire, peu importe son endroit dans le monde, il avait ses limites, et le froid glacial du nord du monde, était proche de sa limite...
Lorsque l'oiseau s'engouffra dans la Fauconnerie, le Fauconnier lui donna immédiatement de quoi se restaurer tout en lui prenant son message. Il lut le court mot qui l'accompagnait et fronça les sourcils. Rares étaient les courriers pour la Princesse Anna...
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— Madame Anna ?
— Je suis là, dit Anna en se retournant. Qu'y a-t-il ? Oh… Entrez, Fauconnier, que se passe-t-il ?
L'homme bedonnant planté sur le seuil de la porte de la cuisine, franchit l'ouverture en baissant la tête. Il tendit le bras et la jeune femme prit la lettre qu'il tenait, un air surpris sur le visage.
— Je viens à l'instant de recevoir une missive urgente des Îles du Sud, Madame, dit alors le Fauconnier. Elle vous est personnellement destinée et j'avais ordre de vous la remettre en mains propres... J'ignore ce qu'elle contient, mais l'oiseau qui le l'a amenée portait le sceau royal...
Anna resta interdite un moment puis s'essuya les mains dans son tablier et prit l'enveloppe.
— Combien je vous dois ? demanda-t-elle en regardant l'enveloppe.
— Deux Couronnes, Madame…
D'un geste automatique, Anna fouilla dans les poches de son tablier et en sortit deux grosses pièces. Sans regarder, elle les donna au Fauconnier qui la remercia puis s'en alla sans poser de questions.
Déglutissant, Anna s'assit lentement à la table de la cuisine. Couverte de farine – elle était en train de faire du pain – la lourde table ne ressemblait plus à rien. D'un geste de son tablier, Anna repoussa la farine blanche et attrapa le premier objet tranchant qui lui tomba sous la main pour déchirer l'enveloppe. Elle déplia la lettre de ses mains tremblantes et la lut à voix basse.
— Lettre destinée à la Princesse Anna d'Arendelle. Sur ordre du Roi des Îles du Sud, je vous informe que le Prince Hans est en route pour Arendelle à l'heure où vous lisez cette lettre. Le Roi ordonne à la Reine Elsa d'avoir une entrevue avec son fils dans le but de parvenir à un pardon en bonne et due forme. Si le Roi apprend que la Reine a refusé l'ancre à son fils, il rompra tout accord marchand avec Arendelle. Bien à vous blablabla… Oh ce n'est pas vrai…
Anna porta une main à sa bouche, choquée. Elle prit alors une profonde inspiration et s'humecta les lèvres. Hans était en route pour Arendelle… L'oiseau messager avait mis environ quatre jours pour venir, ce qui voulait dire que le Prince était en mer depuis quasiment une semaine. Dans une semaine donc, ses armoiries flotteraient dans le fjord.
— Mais comment je vais annoncer ça à Elsa…
Anna se gratta vivement la tête. La porte d'entrée de la maison claqua alors et Kristoff apparut dans la cuisine avec une pile de bûches dans les bras.
— Anna ? dit-il. Ça va, ma chérie ? Tu es toute pâle…
Il avisa alors la lettre qu'elle avait dans la main et haussa un sourcil.
— Une mauvaise nouvelle ? demanda-t-il, soudain inquiet.
— Lis… lui dit-elle en tendant une main tremblante.
Kristoff déposa les bûches près du fourneau et prit la feuille de papier fin. Il parcouru la lettre rapidement et jura soudain.
— Il ne peut pas faire ça ! s'exclama-t-il.
— Malheureusement si, répondit Anna en se levant. Toute Reine qu'est Elsa, si le Roi d'un autre pays exige réparation pour un quelconque manquement, elle doit s'y soumettre. Si elle refuse…
— Si ta sœur refuse de laisser Hans jeter l'ancre dans le fjord, nous perdons la moitié de nos importations de tissu ! dit Kristoff. Tous les Tisserands, les Chapeliers, les Couturières, tous dépendent de ce traité marchand avec les Îles du Sud ! Si on le perd, adieu l'économie d'Arendelle.
Anna rentra la tête dans les épaules, les yeux fermés. Elle n'aimait pas quand son époux haussait la voix. Il ne criait pas mais il s'emportait et elle n'aimait pas ça. Elle n'y était pas habituée…
— Arrête de crier, s'il te plait… dit-elle alors.
Kristoff se tut aussitôt et soupira longuement, comme une baudruche se dégonflant.
— Anna, tu réalises ce qu'Arendelle peut perdre dans cette histoire ? dit-il en secouant la lettre. Par pitié, dis-moi que tu n'as pas répondu à sa lettre !
Anna se releva pour déposer un moule contenant le pain qu'elle venait de faire cuire.
— Non, mentit-elle alors avec aplomb. Non, bien sûr que non je n'ai pas répondu à cette lettre… Je ne comprends pas, Kristoff… Qu'est-ce Hans a bien pu faire pour que son père balance une telle injonction à Elsa ? Est-ce que tu crois qu'il…
— Qu'il se serait fait du mal ? demanda Kristoff. C'est possible… Après tout, il reste le fils d'un homme et d'une femme qui l'ont élevé de leur mieux. Et si des parents voient que leur enfant va mal, ils prennent les devants.
Anna secoua la tête.
— Je dois le dire à Elsa, dit-elle. Je n'ai pas le choix… C'est une injonction d'un autre Roi, elle devra s'y plier, même si cela la met en rage…
— Elle risque de provoquer un autre hiver éternel et de fuir encore une fois… dit Kristoff, dépité.
Il passa une main dans ses cheveux courts et soupira.
— Écoute, laisse cette lettre de côté pour l'instant, on est en plein ravitaillement, il faut qu'on le fasse avant que le froid ne revienne. Heureusement, ta sœur empêche la neige de tomber en trop grand quantité, c'est au moins ça de gagné…
Anna grimaça tristement. Elle regarda le beau pain doré qu'elle avait devant elle puis elle renifla et entreprit de reprendre ce qu'elle faisait avant d'être interrompue par le Fauconnier.
