Chapitre 9

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— Je suis vraiment désolé que tout se soit si mal passé.

Anna, les bras croisés sous sa cape, était silencieuse. Hans marchait près d'elle, affublé de son grand chapeau à plume.

— Anna... ?

La jeune femme pinça les lèvres puis soupira et se détourna. Elle alla s'asseoir sur un banc, et Hans la rejoignit. Quand il voulu lui prendre la main, elle résista une seconde puis se laissa faire. Hans passa alors son bras dans son dos et la jeune femme posa sa tête sur son épaule en soupirant.

— Elle finira par revenir sur ses paroles, ne t'en fais pas, dit le jeune homme.
— Pas avant longtemps, répondit Anna en se redressant.

Elle regarda autour d'elle et soupira par le nez.

— Quand repars-tu ?
— Le plus tôt possible.
— Dans ce cas, je vais demander un dernier service à Elsa.

Hans fronça les sourcils.

— Lequel ?
— D'armer le navire royal, répondit la jeune princesse en se levant. Hans, je pars avec toi, je te raccompagne dans les Îles du Sud.

Le jeune prince bondit du banc.

— Non ! s'exclama-t-il. Anna, non, sûrement pas ! Et ton mari, tu as pensé à lui ? Que va-t-il dire quand il saura que tu pars avec... moi ?
— Il ne dira rien.

Anna se figea. Elle se retourna alors lentement et devint blanche en voyant Kristoff et Sven, à deux pas d'elle.

— Kristoff... Chéri... bégaya la jeune femme. Tu...
— Ça voulait dire quoi ça ? demanda alors Hans. C'est ta femme et tu vas la laisser partir avec moi, alors que je lui ai fait du mal ?
— Ne t'en mêle pas, dit Anna. Kristoff...

Le Glacier releva le menton et regarda les deux jeunes gens.

— Tu es ma femme, Anna, dit-il alors. Et je sais que tu m'aimes suffisamment pour m'avoir épouser et pour planifier des enfants avec moi, mais ton passé à ressurgi et tu n'y étais pas prête. Tu n'étais pas encore guérie de tout ça.
— Ce n'est pas de ma faute, bougonna Hans en croisant les bras.

Kristoff lui jeta un regard aigu et le jeune prince s'éloigna avec un soupira. Anna s'approcha alors de son mari qui posa ses mains sur ses épaules.

— Je vais te laisser partir avec lui, dit-il alors. Ce sera un voyage officiel, j'imagine ?
— Oui... Je vais représenter Elsa auprès des parents de Hans et... Pourquoi, Kristoff ?
— Pourquoi ? Je viens de le dire, tu m'aimes, mais tu n'es pas encore guérie de ce grand escogriffe. Sans doute que deux semaines de voyage en bateau feront en sorte que tu veuilles rentrer auprès de moi au plus vite. A ce moment-là, nous envisagerons d'avoir un bébé.

Anna serra les lèvres, émue. Elle se jeta alors au cou de son mari puis s'en détacha et annonça qu'elle allait de ce pas demander à sa sœur d'affréter le navire royal pour un voyage officiel, en son nom, dans les îles du Sud.

Kristoff regarda alors Hans, qui patientait un peu plus loin, jouant avec une fleur, dans la jardinière à la fenêtre d'une maison.

— Toi, dit-il. Je te confie ma femme, maudit prince, mais si tu lui fais quoi que ce soit, je te jures que tu auras à faire à moi, je suis clair ?

Hans pivota et regarda le Glacier.

— Je tiens à ta femme, répondit-il. J'étais prêt à l'épouser avant qu'Elsa ne perde le contrôle de ses pouvoirs. Je serais le premier à souffrir si je lui faisais du mal, de quelque manière que ce soit. Elle te reviendra entière, tu as ma parole.

Kristoff releva le menton puis hocha la tête. Il prit alors les rênes de Sven et tous deux s'éloignèrent en silence le long de ruelle vide. Hans soupira alors profondément. Il regarda ensuite autour de lui et grimaça. Il allait sans doute falloir deux jours pour armer le navire royal d'Arendelle, peut-être plus, et il était hors de question qu'il passe ces quelques jours au château, et encore moins chez Kristoff et Anna. Il décida donc de s'installer dans une auberge, et il alla récupérer sa malle à la Capitainerie.

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— Non.
— Elsa !
— J'ai dit non, Anna !

Anna serra les poings.

— Tu m'as dit de partir avec lui ! s'exclama-t-elle alors. J'exécute ton ordre !
— Je te disais juste de quitter le château ! Pas de partir avec Hans au fin fond du monde !
— Tu veux qu'il s'en aille ou pas ? demanda la rouquine. Parce qu'il m'aime encore, Elsa, et...
— Et rien du tout ! la coupa sa sœur. Tu es mariée !

Anna serra les mâchoires. Elle fit soudain volte-face et quitta le salon de sa sœur. Celle-ci leva les yeux au ciel et la suivit. Elle rattrapa dans le couloir et lui prit le coude.

— Toi aussi tu es encore amoureuse de lui ! dit-elle entre ses dents. Cela se voit comme le nez au milieu de la figure ! Pourquoi voudrais-tu le navire royal, sinon ?

Anna fit lâcher prise à sa sœur et regarda son bras dont le duvet avait blanchi. Elle se frotta le bras, les sourcils froncés, puis soupira par le nez.

— Oui, avoua-t-elle alors. Oui, je suis encore amoureuse de Hans, c'est pour ça que je veux partir avec lui, je veux le raccompagner chez lui, je veux pouvoir passer un peu de temps avec lui, pour me rendre compte qu'il a bel et bien changé, que je peux lui pardonner ses actes. Seulement après je pourrais rentrer et me consacrer entièrement à Kristoff.

Elle baissa le nez et noua ses mains sur sa jupe.

— Il m'a dit que quand je rentrerais, on envisagera de faire un enfant, dit-elle doucement.
— Il... Alors il est au courant ?
— Oui, je suis venue te voir juste après qu'il m'ait parlé... dit Anna en se tournant vers sa sœur. Je l'ai laissé avec Hans, dans la ruelle, en bas du château...

Anna soupira alors et Elsa croisa les bras.

— Tu penses vraiment pouvoir te libérer de ces sentiments envers Hans, pendant ce voyage ? demanda-t-elle alors doucement.
— Je l'espère, répondit Anna. Hans n'est pas un mauvais garçon, Elsa, je le sais, mais toi tu refuses obstinément de le voir... Il a changé, pour de vrai, il regrette amèrement ce qu'il a fait...
— J'ai écouté ses excuses, répondit la jeune Reine. Je ne les ai pas acceptées, moi, en tant que femme, mais en tant que Reine, si. Tu pourras donc dire à son père qu'il n'y a pas lieu de me menacer plus longtemps.

Anna regarda sa sœur avec surprise.

— Tu es d'accord, alors ?

Elsa serra les lèvres puis hocha la tête.

— Je vais faire armer le navire royal, mais par pitié, ma sœur, reviens. Je n'ai plus que toi, si tu disparaissais comme papa et maman, je ne sais pas ce que je ferais, je...

Anna ferma les yeux puis les deux sœurs s'enlacèrent. Quand Elsa recula, elle caressa la joue de sa petite sœur et effleura la mèche blanche avec un soupir.

— Quand tu reviendras, Anna, nous ferons une fête pour ton mariage, une vraie fête, dit-elle.
— Kristoff n'en a pas voulu la dernière fois...
— Il n'aura pas le choix, tu es ma sœur, tu es la sœur de la Reine, la Princesse d'Arendelle, tout le monde doit savoir que tu es mariée, même à un Glacier.

Anna sourit doucement, lèvres pincées, puis elle serra sa sœur dans ses bras une dernière fois avant de quitter le château. Elle rentra chez elle rapidement, mais ne trouva personne, juste un mot posé sur la table, coincé sous un chandelier.

— Je suis parti travailler, Hans est au Deux Piliers, lut-elle. Bon, très bien, allez, allons annoncer la nouvelle à Hans, ensuite, j'irais faire quelques achats, pour le voyage...

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Le navire royal d'Arendelle fut armé en l'espace de trois jours et au matin du quatrième jour, alors que la ville n'était pas encore réveillée, l'équipage, lui était déjà à la manœuvre.

À quelques rues du port, Anna et Kristoff étaient déjà levés, eux, alors même que le soleil rosissait à peine l'horizon.

— Voilà ta malle, dit Kristoff en faisant glisser dans l'escalier de bois, une grosse malle ferrée. Tu as tout ce qu'il te faut, tu es sûre ?
— S'il me manque quelque chose, je l'achèterai dans le royaume du père de Hans, ne t'en fais pas, ou dans les ports que nous croiserons. Je t'enverrais des oiseaux aussi souvent que possible, mais compte bien un mois d'absence, peut-être plus, cela dépendra du temps que je vais passer chez le père de Hans, et surtout, du temps que nous aurons en mer.

Kristoff hocha la tête. Depuis trois jours, il s'était fait à l'idée que sa précieuse petite femme allait partir pendant plusieurs semaines, bien loin d'Arendelle, dans un pays où il n'irait probablement jamais.

— Sois très prudente, Anna, d'accord ? dit alors le jeune homme.
— Avec qui, Hans ? demanda Anna avec un sourcil haussé. Tu sais qu'il est incapable de me faire du mal, aujourd'hui...
— Il reste amoureux de toi, chérie, et... toi de lui.

Anna serra les mâchoires. Elle posa le corsage qu'elle était en train de plier, sur la table de la salle à manger, se retourna et prit les mains de Kristoff dans les siennes. Il baissa le nez et hocha la tête quand elle fit tourner l'anneau d'or qu'il avait autour de l'annulaire.

— D'accord, dit-il. Oui, tu es ma femme... Tu vas revenir et je n'ai aucune raison d'être inquiet. Sois juste prudente, c'est tout ce que je te demande, d'accord ?

Anna sourit. Elle l'embrassa sur la joue, et il la prit dans ses bras en la serrant solidement contre lui. Il la relâcha ensuite et amena la malle dehors, sur le traîneau de Sven qui attendait patiemment en mâchonnant des carottes.

Anna le regarda par la fenêtre un moment puis termina de plier son petit linge avant d'enfiler une cape et de le rejoindre. Elle ferma soigneusement la maison en priant de tout son cœur qu'elle allait revenir, peu importe dans combien de temps.

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Anna posa le pied sur le pont de la Duchesse des Mers, avec une boule au ventre. Elle n'avait pas reposé le pied sur un navire depuis que ses parents avaient trouvé la mort dans un naufrage, dix ans en arrière.

— Tout va bien se passer, Altesse, dit le Capitaine en tendant la main. Je suis le meilleur capitaine qui existe dans le tour le pays, je vous amènerais à bon port, ne vous en faites pas.

Anna serra la main de l'homme puis se tourna vers Kristoff. Il l'embrassa doucement puis l'enlaça et fut invité à rejoindre le quai. D'autres personnes montèrent ensuite à bord, et Anna reconnu Hans, au milieu de tous. Elle se souvint alors qu'officiellement, c'était un voyage diplomatique vers les Îles du Sud, afin de fidéliser encore plus le Roi de ce royaume.

Étrangement, et malgré tout ce qui s'était passé, les gens avaient oublié que le traitre qui avait tenté de tuer leur Reine et leur Princesse, était le fils de ce Roi...

Une fois que tout le monde fut à bord, le Capitaine sonna la cloche du navire et un remorqueur s'approcha. Il entreprit alors de tirer le bateau hors du fjord, et Anna regarda Arendelle s'éloigner, avec une boule au ventre.

Alors qu'elle regardait vers le château, elle vit tout de suite, sur le toit d'une des tours, une silhouette bleue qui ondulait dans la brise. Elle leva le bras, agita la main, puis baissa le nez et se détourna. Elle releva le nez quand elle sentit une présence, et son regard croisa celui de Hans qui pencha la tête sur le côté.

— Je m'appelle Hans, Madame, dit-il en tendant une main gantée. M'autorisiez-vous à vous tenir compagnie pendant ce long voyage ?

Anna observa le jeune homme, puis la main, avant de se redresser.

— Pas pour l'instant, dit-elle.

Elle inclina la tête et décida d'aller prendre possession de sa cabine, sous le regard amusé de Hans qui savait parfaitement qu'elle ne l'avait repoussé que pour la forme. Il était en effet inconcevable que les autres voyageurs ainsi que les deux gardes royaux qui accompagnaient la jeune femme, ne découvrent qu'ils se connaissaient, et surtout, qu'ils reconnaissent Hans, quand bien même il avait désormais les cheveux longs et une fine barbe le long de la mâchoire...