Chapitre 15
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Anna était assise à la table de la cuisine, silencieuse. Devant elle, plusieurs lettres s'alignaient, des courriers venant de Princes ou de jeunes Rois de royaumes voisins. Tous refusaient cordialement, avec les formes, de rencontrer Elsa dans le but, final, de l'épouser. L'excuse qui revenait dans quasiment toutes les lettres, était que cette jeune femme était d'un tempérament trop changeant, et qu'ils craignaient de passer le reste de leur vie à marcher sur des œufs avec elle.
— Je suis dépitée, Kristoff...
— Ne baisse pas les bras, tu finiras par trouver quelqu'un pour ta sœur, j'en suis certain.
Assis dans la cour, le jeune homme était en train de tailler un bâton dans le but de se faire une lance, afin de remplacer celle qu'il avait cassée la veille, en sortant du lac un bloc de glace trop gros.
— Elsa n'est pas si méchante que ce que tout le monde croit, dit-il alors. Elle a changé, c'est indéniable, mais sa réputation l'a précédée, ses pouvoirs aussi, et je comprends ces Princes qui ont peur d'elle. C'est légitime, Anna...
Anna soupira et se frotta le visage. Elle se leva alors pour aller tourner le repas qui mijotait dans la marmite, puis elle s'appuya contre le fourneau et observa le ragoût.
— Je vais contacter Hans, dit-elle alors. Il m'avait parlé d'un homme avec les mêmes pouvoirs qu'Elsa, il m'a dit qu'il le chercherait, avant que je ne rentre, mais...
— C'était quand son mariage, déjà ? demanda Kristoff.
— Il y a un mois, donc il n'a probablement pas eu le temps de chercher, et il n'en a peut-être pas plus maintenant, mais...
Kristoff hocha la tête sans se préoccuper plus de ça, et Anna grimaça. Elle posa le couvercle sur la marmite et quitta la cuisine. Elle remonta dans sa chambre, attrapa une feuille de papier et une plume, et entreprit d'écrire au Prince des Mers du Sud...
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— Votre Altesse, un courrier en provenance d'Arendelle.
Hans haussa un sourcil et inclina la tête. Le Majordome s'approcha et lui présenta un rouleau de parchemin scellé.
— Votre épouse vous attend pour le déjeuner, ajouta-t-il.
— Dites-lui que j'arrive dès que j'ai pris connaissance de ce courrier.
L'homme s'inclina et quitta le bureau. Hans regarda ensuite le parchemin et brisa le scellé avant de le dérouler. Il le parcourut rapidement puis soupira.
— J'avais oublié ça... dit-il. Si seulement je savais où se trouve cet homme en ce moment... Père doit savoir.
Hans prit alors une plume et un parchemin neuf et rédigea rapidement une courte lettre pour son père avant de quitter son bureau et de confier le rouleau à un domestique en lui disant que c'était à envoyer d'urgence dans les Îles des Mers du Sud. Il rejoignit ensuite sa femme dans la salle à manger de leur palais, et s'attabla en face d'elle.
— Auguste m'a dit que vous aviez reçu un courrier ? demanda la jeune femme rousse.
— Oui, de la Princesse Ana d'Arendelle, qui cherche un époux pour la Reine Elsa.
— Un époux ? s'étonna la jeune femme. En voilà une audace ! Aucun homme censé ne voudra épouser une sorcière, voyons...
— Elsa n'est pas une sorcière, ma chère, répondit Hans en fronçant les sourcils.
— Vous m'en direz tant. Déjeunons avant que ce ne soit froid, voulez-vous ?
Hans serra les lèvres. Un mois plus tôt, ses épousailles avec cette jeune femme beaucoup trop ressemblante à Ana, avait eues lieu et depuis, il le regrettait. Si ses parents s'étaient informés sur le physique de la jeune femme, ils n'avaient aucune idée de son comportement austère et supérieur, bien loin du caractère doux d'Ana d'Arendelle...
Le déjeuner fut donc silencieux, comme à chaque fois, et quand il eu terminé, Hans quitta la table en souhaitant une bonne après-midi à son épouse. Elle se contenta d'un signe de tête raide tandis qu'un domestique lui apportait une part de dessert.
Le jeune Prince retourna alors dans son bureau et entreprit d'oublier où il se trouvait en répondant à des courriers, en lisant des documents ou des rapports qui lui venaient des quatre soins des Îles du Nord, son nouveau domaine.
Il repensa alors à son mariage en grande pompes avec cette femme qu'il qualifiait intérieurement de lampadaire à perruque. La fête avait duré trois jours entiers et des milliers de personnes étaient venus les voir et leur souhaiter le meilleur. La fête en elle-même avait été une réussite, une merveille, mais Hans avait un amer souvenir concernant la nuit de noces. La première et les deux suivantes...
Secouant la tête, le jeune homme reporta son attention sur la lettre d'Ana. Il serra les mâchoires en laissant glisser son index sur la signature en bas de la feuille. Elle lui manquait tellement... Il savait bien qu'il n'avait pas le droit de penser à elle en ces termes, mais il ne pouvait pas s'en empêcher. De même qu'il ne pouvait s'empêcher de se traiter d'abruti fini pour avoir gâché une si belle chance d'épouser Ana, aveuglé qu'il était alors par la soif de vengeance envers ses frères...
Avec un soupir, il décida de quitter le palais pour le reste de la journée. De toute façon, il n'avait rien de mieux à faire que se promener car il n'était pas le Roi des Îles du Nord, juste l'époux de la princesse, et que son père, à cette fille, semblait en avoir encore long devant lui avant de laisser son trône à son gendre...
Défendu par sa mère de se plaindre et surtout, de revenir à la maison, Hans devait donc assumer, mais plus les jours passaient et plus il regrettait de ne pas avoir demandé Anna en mariage quand elle était chez lui. Elle aurait sans doute refusé en prétextant qu'elle aimait Kristoff, mais au moins, il aurait essayé.
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Les Îles du Nord se composaient d'une douzaine de grandes îles en permanence recouvertes de neige et de glace. Il n'y avait du soleil que quelques rares fois dans l'année, et ici, aucune culture ne survivait car le sol était trop gelé pour ne serait-ce que pouvoir planter. L'alliance avec les Îles du sud était donc une aubaine car ainsi, une grande partie des cultures de blé et de seigle du royaume de naissance de Hans, remontaient l'océan jusqu'ici à moindre coût.
Tandis que son cheval marchait dans une épaisse couche de neige, Hans songea à Elsa et à ses capacités de Reine des Glaces. Anna lui avait expliqué qu'elle avait fait la promesse à son peuple de ne jamais interférer dans la météo d'Arendelle, mais parfois, quand elle était en colère, des nuages noirs s'amoncelaient au-dessus de la ville, et suivant le degré de colère, il pleuvait ou neigeait, mais sur le château uniquement.
Hans soupira. Il regrettait vraiment de ne pas avoir tenté sa chance, et si vraiment, il aurait trouvé un arrangement avec Elsa pour l'épouser elle tout en n'ayant aucun rapport autre qu'amical.
Un tas de neige dégringola soudain d'un arbre et le jeune homme sursauta. Il entendit alors un juron et fronça les sourcils. Il n'avait entendu aucun bûcheron depuis qu'il avait quitté la ville, pourtant, alors qui pouvait bien se trouver dehors dans les bois par une telle température - mis à part lui-même bien entendu...
— Il y a quelqu'un ? appela-t-il alors. Eh oh !
Un bruit résonna à nouveau puis quelqu'un qui part en courant. Intrigué, Hans fit tourner son cheval et changea de chemin. il trouva rapidement les traces de l'inconnu dans la neige et suivit la piste du regard jusqu'à une falaise, à environ cinquante mètres de là.
Pesant le pour et le contre, le jeune Prince finit par suivre le profond chemin tracé dans la neige et son cheval rechigna légèrement, mais avança tout de même jusqu'à la falaise où Hans découvrit une grotte. Il sauta de cheval et tira son poignard de sa ceinture avant de s'approcher de l'ouverture noire, des fois qu'un ours s'y cache.
— Est-ce qu'il y a quelqu'un, là-dedans ? demanda-t-il. J'ai suivit votre trace, je ne vous veux pas de mal, montrez-vous !
Hans se gifla mentalement. Sincèrement, quelle personne censée se montrerait en entendant un inconnu dire une telle chose ? Il secoua la tête et entra alors dans la grotte, mais il n'avait pas fait deux pas qu'un javelot de glace jaillit et lui érafla l'épaule. Il fit un bond en poussant un cri de douleur et tomba sur le dos.
— Je suis un ami ! s'exclama-t-il. Je suis le Prince Hans !
Un autre javelot lui passa au-dessus puis un troisième se planta entre ses jambes et il roula sur le flanc en gémissant, laissant un peu de sang sur la neige fraiche.
— Allez-vous-en ! s'exclama alors une voix dans la grotte. Retournez d'où vous venez !
— Je ne veux pas d'ennuis, répondit Hans. Je pensais que vous aviez peut-être besoin d'aide...
Il se releva sur les genoux en gémissant et regarda sa plaie au bras. Il soupira. Sa manche était déchirée et la peau pâle était lacérée sur environ cinq centimètres de long, mais la plaie ne semblait pas grave. Le sang était déjà coagulé à cause du froid ambiant.
— Allez-vous-en, grogna alors la voix.
Hans tourna la tête et découvrit un jeune homme armée d'un bâton plus haut que lui où scintillait une pierre bleue.
— Je ne vous veux absolument aucun mal, dit le Prince. Je pensais que c'était un enfant qui avait besoin d'aide...
— Je ne suis pas un enfant, et je n'ai pas besoin d'aide, alors partez, Majesté.
Hans haussa les sourcils, surpris, et se releva.
— Vous me connaissiez ? demanda-t-il.
L'autre ricana.
— Qui ne connait pas le pauvre idiot qui a réussi a épouser ma sœur !
Hans sentit le sang se retirer de son visage. Sa sœur... ?!
— Sœur ?! s'exclama-t-il, faisant écho à sa pensée. Ma... mon épouse est votre sœur ? Mais... Non, c'est impossible, la coïncidence est trop grande.
— Quelle coïncidence ? demanda l'inconnu, le visage mauvais. Parlez !
Il bascula son bâton vers Hans qui rentra la tête dans les épaules et leva une main.
— Est-ce que vous connaissez Elsa d'Arendelle ? demanda-t-il alors. La Reine de... d'Arendelle.
Le Prince haussa les épaules et l'autre le regarda de travers. Il releva son bâton et plissa un oeil.
— Non, pourquoi ? demanda-t-il.
— Elle... Elsa, elle est comme vous, elle possède des pouvoirs qui lui permettent de manipuler la glace et la neige à sa guise...
— Balivernes ! S'il y avait une autre Magiker dans les environs, je le saurais !
— Magiker ?
— Une personne qui possède des dons supérieurs à ceux des humains comme vous, mon Prince, répondit l'homme en relevant le menton.
Hans, assis dans la neige, fut soudain prit d'un violent frisson et se releva.
— Je ne savais pas que Savinna avait un frère... dit-il. Elle ne parle pas beaucoup de sa famille. Du reste, nous ne parlons pas beaucoup en général.
— Cela ne m'étonne guère, ma sœur est une fille hautaine qui pense beaucoup de bien de sa propre personne au détriment du reste de ses sujets. Un conseil, Majesté, répudiez-la au plus vite avant qu'elle ne vous transforme en pot de fleurs.
Hans tenta de répliquer, mais l'inconnu tourna soudain les talons et rentra dans la grotte. Hans le suivit immédiatement.
— Attendez, dit-il.
— Retournez en ville, vous n'avez rien à faire ici, Prince.
— Je... Comment vous appelez-vous ?
— Sebastian, répondit alors le jeune homme. Je suis le grand-frère de Savinna, mais on m'a rapidement écarté du trône quand j'ai commencé à provoquer des problèmes malgré-moi. Maintenant, partez, Majesté.
— Je... Et si je vous apportai la preuve qu'il existe une autre personne comme vous ? Elle n'est pas loin, à quelques semaines de voyage d'ici... Elle refusera de se déplacer, c'est certain, mais sa sœur voudra vous rencontrer et...
Sans un mot, Sebastian tourna les talons et Hans resta planté là, les bras ballants.
— Sebastian ? appela-t-il.
Sa voix fit écho contre les murs de roche et, comprenant que l'autre venait juste de l'abandonner, il soupira et sortit de la grotte. Il récupéra son cheval et retourna en ville, bien décidé à en apprendre plus sur ce garçon.
