- Si je résume, ces blessures sur ton visage datent de plusieurs jours et ont à peine commencé à guérir, c'est bien ça ?

Derek hocha la tête. Tout bonnement assis sur la table de consultation du vétérinaire qui faisait également office d'émissaire, il attendait simplement son verdict. Verdict qui mettait quand même du temps à venir. Pourtant, cela faisait déjà cinq bonnes minutes qu'Allan Deaton avait fini de l'ausculter, la preuve : Derek avait eu le temps de remettre son t-shirt et de faire l'inventaire visuel de l'intégralité du cabinet.

- Etrange… Je n'ai pas trouvé d'aconit, que ce soit sur ta peau ou dans ton sang.

Le vétérinaire se gratta le menton, l'air pensif. Il réfléchissait. Puis :

- Je pense qu'il faut que tu m'en dises plus sur ta vie actuelle. Le problème vient peut-être d'ailleurs.

- Il passe sa vie à s'occuper de moi en ce moment, intervint Stiles, adossé contre la porte fermée du cabinet. Peut-être que ça vient de là.

Oui, Stiles avait non seulement insisté pour l'amener voir Deaton, mais également pour assister à la consultation. Il avait pris cette décision parce que Derek était sacrément têtu et continuait de considérer l'anormale lenteur de sa guérison comme un fait sans importance. Nul doute qu'il ne chercherait donc pas à faire d'efforts pour savoir ce qu'il avait, au contraire de Stiles pour qui c'était la priorité.

- Il passe sa vie à s'occuper de toi ? Répéta Allan, l'air surpris. Tu peux m'en dire plus ?

Son œil ébène montrait une lueur de curiosité nouvelle, que Stiles avait su titiller en une intervention. Il avait été surpris par sa présence lorsqu'il était arrivé avec Derek, mais n'y avait pas fait plus attention que cela. Là, l'hyperactif lui apportait peut-être un élément capable d'éclaircir la situation. Cependant, avant que Stiles ne dise quoi que ce soit, Derek le devança :

- Il vit chez moi en ce moment.

Et rien de plus. Stiles eut l'air agacé, parce que Derek ne faisait aucun effort, vraiment. Il avait parlé à sa place pour éviter qu'il en dise trop. Il n'avait pas honte d'eux, bien sûr que non, Stiles le savait. Son loup était simplement peu coopératif.

- Et pourquoi ? S'enquit le vétérinaire, qui sentait qu'il pouvait enfin capter quelque chose même si pour le moment, il ne voyait pas bien quoi.

- En quoi c'est important ? Intervint Derek, agacé d'être là.

- Je suis en danger chez moi alors il m'héberge le temps que ça aille mieux.

Derek jeta un coup d'œil à Stiles, qui venait de parler. C'était l'accompagnateur du malade qui se montrait plus coopératif que l'intéressé. Si l'hyperactif parlait, c'était pour répondre à Deaton, parce qu'il imaginait bien que s'il posait toutes ces questions, ce n'était pas pour rien. Il y avait forcément une raison à cela et, sans le dire de vive voix, Stiles était prêt à tout pour que son loup retrouve son état normal et une guérison optimale. Les bleus de son visage le hantaient, tout comme ses phalanges abîmées. Il souffrait de voir Derek ainsi et ça ne pouvait pas continuer comme ça.

Derek soupira. Si Stiles voulait coopérer à sa place, qu'il le fasse… De toute façon, le loup croyait dur comme fer à l'inutilité de cette consultation. C'était juste une mauvaise période, mêlée à un trop grand manque de sommeil… Rien qui ne s'arrangerait pas avec le temps.

- Dis-moi Stiles, commença Allan, puisque notre cher Derek n'est pas vraiment bavard, c'est toi qui vas me répondre.

Cependant, le regard du vétérinaire fut attiré par le poignet de Stiles, qu'il avait découvert sans s'en rendre compte. L'hyperactif, lorsqu'il s'en rendit compte, se tint droit et tira sur sa manche pour cacher son bandage. Il en avait toujours honte.

- Posez-moi toutes les questions que vous voulez, dit-il vaillamment en essayant de ne pas montrer son trouble.

Choisissant de ne pas le gêner, Deaton ne lui demanda rien concernant ce qu'il venait de voir, mais décida tout de même de ne pas y aller dans la dentelle.

- Quelle est la nature de votre relation, à toi et Derek ?

Stiles allait répondre par instinct, mais se retint. Il voulait dire qu'ils étaient en couple, mais… Pouvait-on réellement parler de couple lorsqu'il ne se passait rien de concret entre eux ? Une boule naquit dans son ventre et une autre lui bloqua la gorge. Il jeta un regard perdu à Derek, comme pour lui demander conseil. Son loup hocha la tête et aussitôt, une sorte d'onde paisible naquit dans le corps de Stiles et le traversa de part en part. Il souffla, un peu plus détendu, et lâcha les mots que Deaton attendait :

- On est ensemble.

Le vétérinaire hocha la tête, pas l'air choqué pour un sou. C'était un homme ouvert d'esprit, et pas que concernant le surnaturel. Même si Stiles était un peu plus jeune que Derek, ce n'était pas extrême et il pouvait comprendre qu'une relation ait pu naître entre eux deux. Tout ce qui comptait à ses yeux, c'était simplement que les deux parties soient consentantes et conscientes de ce que tout cela signifiait. Et ce furent les mots de sa réflexion actuelles qui firent tilt dans sa tête. L'air soudain un peu tendu, il demanda aux deux jeunes hommes de rester ici et de l'attendre, prétextant qu'il avait quelque chose à vérifier. Il sortit de la pièce et referma la porte derrière lui.

Ce fut à ce moment-là que Stiles se lâcha et partit se jeter dans les bras de son loup. Se retenir de l'enlacer, c'était dur. Il mourait d'envie de lui faire des câlins et de l'embrasser, sans arrêt. Lorsque Derek, toujours assis sur la table de consultation, les jambes pendantes, passa ses bras autour de sa taille, il entendit distinctement le soupir de bien-être que poussa Stiles. Il laissa l'adolescent lui saisir le menton et sceller leurs bouches pour un baiser doux qui témoignait toutefois d'un certain manque. Ne pas embrasser Derek plus de quelques minutes était une torture. Même mal, Stiles était accro. Parce qu'il ne fallait pas se leurrer : tout était encore très frais dans sa tête et ce n'était pas tout de suite qu'il s'en remettrait. Il avait vraiment besoin de temps et il savait que voir Derek guérir l'aiderait. Il avait besoin de lui pour tenir, pour continuer de vivre, de se battre, même si son envie tanguait, était chancelante par moments. Il avait tant vécu et en si peu de temps que c'était dur, vraiment dur. Dans le lot, il savait qu'il ne pouvait plus compter sur son père. Bien sûr, l'hyperactif savait déjà depuis des années que son paternel ne le croyait pas, mais là… Sept ans après, c'était pire. Car cette fois, c'était sans doute définitif. Puis… Derek l'avait frappé. Il s'en était pris à lui tout en lui disant ses quatre vérités. Même si Stiles n'était pas pour le fait de régler les choses par la violence, il ne pouvait s'empêcher de penser que son loup avait eu raison. Secrètement, Stiles espérait peut-être que cet évènement un peu brutal réveillerait son père, lui ferait au moins douter de ce qu'il croyait être la vérité.

Et puis, Stiles pensa à son loup, encore. Que ferait-il sans lui ? Où en serait-il aujourd'hui, s'il ne lui avait jamais révélé le plus grand secret de sa vie ? Que se serait-il passé si Emile avait réussi à l'enlever et que personne ne savait rien de son histoire ? Quand il y songea, Stiles se fit la remarque intérieure que sans Derek, il ne serait vraiment pas grand-chose. Cet homme sexy qui l'étreignait et l'embrassait d'un amour inconditionnel avait bouleversé sa vie en si peu de temps, quelques semaines à peine… Il l'avait changé et l'aidait sans arrêt à se battre. Stiles tombait ? Derek le rattrapait. Souriant doucement contre ses lèvres, Stiles sut que cela ne serait ni la première, ni la dernière fois. Il ne sut vraiment pas comment, mais il en avait l'étrange certitude. Alors il serait là pour Derek, à son tour. Peu importe pourquoi et quand, il serait présent pour le soutenir. C'était pour ça qu'il était là, aujourd'hui. Pour l'aider, parce que ce foutu grincheux n'était pas capable de faire la différence entre la lenteur d'une guérison et son dysfonctionnement pur et simple. Il était dans le déni et avait la fâcheuse tendance à penser aux autres plutôt qu'à lui. Et il était temps que ça change. Derek méritait qu'on prenne soin de lui.

Sur cette pensée, Stiles se recula légèrement et le regarda d'un air qui se voulait sérieux.

- Tu vas guérir, mon cœur, et s'il faut t'obliger à prendre des potions infectes ainsi que des comprimés matin, midi et soir, je le ferai, dit-il d'un air plus convaincu que jamais.

Et il vit un sourire radieux éclairer le visage de Derek. Un de ces sourires rares, qu'il ne montrait presque jamais, ce genre de sourire qui faisait pétiller ses yeux si particuliers. Le cœur de Stiles fit une embardée lorsque le regard lumineux de Derek se planta dans le sien. Il semblait l'admirer, le redécouvrir, comme si c'était la première fois qu'il le voyait, avec cette impression qu'il était précieux, extrêmement précieux.

C'était un peu sa huitième merveille du monde à lui.

- Tu serais mon infirmier ? Demanda Derek, comme un enfant, les yeux pétillants, en descendant ses mains sur les fesses de son humain.

Humain qui ne se crispa pas du tout et rit, simplement, en se serrant contre son loup. Son rire doux était une réponse en soi, une réponse qui les détendit tous les deux. Derek fourra son nez dans le cou de Stiles et inspira à fond son odeur qui agissait sur lui comme une drogue aussi douce qu'enivrante. Il avait vraiment un truc avec l'odeur de Stiles, quelque chose qui l'ensorcelait et qui, malgré les émotions négatives qui l'habitaient souvent, ne lui donnait aucune envie de s'en éloigner. Aurait-il cru que l'adolescent deviendrait aussi important pour lui en si peu de temps ? En tout cas, c'était une bonne surprise, car cela faisait bien longtemps qu'il n'avait pas ressentie cette chaleur au creux de son cœur, la chaleur de l'amour.

Des minutes passèrent ainsi, dans le silence le plus total, parfois entrecoupé de petits bruits mouillés, de lèvres qui s'unissaient et se décollaient avant de se retrouver, affamées, dévorées par leur complicité. Toutefois, Stiles et Derek se séparèrent lorsque la porte grinça et que leur ami Deaton réapparut, son front barré par des plis soucieux. Derek se réinstalla mieux sur la table d'auscultation et Stiles reprit son ancienne place, contre le mur. Pas qu'ils avaient honte ou quoi, simplement, ils savaient se tenir, étaient conscients qu'il y avait des moments pour se câliner et d'autres pour être sérieux.

- Vous avez trouvé quelque chose ? S'enquit Stiles, en voyant Deaton feuilleter un gros bouquin.

- Il se pourrait bien que ce soit effectivement le cas, répondit le vétérinaire sans relever la tête du vieil ouvrage. Derek, fais sortir tes griffes.

Bien qu'il n'en voie pas l'intérêt, le loup s'exécuta. Enfin… Il essaya. Perplexe, il réessaya, se concentra et finit par arriver à les faire sortir, non sans mal. Il était presque essoufflé, comme si ce qui lui était naturel d'ordinaire s'était transformé en un effort considérable. Stiles, de son côté, avait perdu sa joie. Derek ne devrait pas avoir de mal à exécuter cette simple demande. D'habitude, il lui suffisait simplement d'y penser vaguement et ses griffes sortaient aussitôt, sans autre forme de procès. Alors que Derek paraissait un tantinet désarçonné, le regard du vétérinaire fut impénétrable.

- Ca ne devrait pas être aussi difficile, pas vrai ? Lui demanda-t-il d'un ton neutre.

Derek releva vers lui un regard un peu perdu, perplexe.

- C'est comme si on m'avait drogué à l'aconit, souffla-t-il. Est-ce que…

- Non, on ne t'a rien fait ingérer de ce genre. Le problème, c'est toi, ou plus précisément, ton loup.

Dans le fond de la pièce, Stiles écoutait avec une attention exemplaire et voir son amour aussi perdu et désemparé lui brisa le cœur, mais il ne dit rien, attendant le diagnostic final de l'émissaire.

- Ton loup est malade, Derek, lui apprit-il. Tu n'arrives plus à guérir comme tu es censé le faire, c'est tout juste si tu prends le même temps qu'un humain pour cicatriser et il devient difficile pour toi de ne serait-ce que sortir tes griffes. Ton loup a mal, il souffre.

Stiles se mordit la lèvre, l'angoisse commençant à monter. Deaton n'allait quand même pas lui annoncer que Derek était condamné, hein ? Non parce que ça, il était sûr de ne pas le supporter. Etonnamment, l'émissaire se tourna vers Stiles et le regarda un long moment, ce qui le déstabilisa. Toutefois, l'hyperactif fit de son mieux pour ne pas montrer sa gêne grandissante, co-équipière de son stress. Ayant capté son odeur, Derek lui lança un regard qu'il voulut rassurant, mais Stiles ne le vit pas, du moins pas de cette manière-là.

- Qu'est-ce qu'il se passe ? Demanda Derek, soucieux.

- Il se passe que ton loup a trouvé son compagnon, répondit l'émissaire en cessant enfin de regarder Stiles. Il ne l'a pas seulement trouvé, mais il l'a reconnu et il souffre parce qu'il devrait déjà être uni avec lui depuis un bon moment déjà. Tu n'es pas sans savoir qu'un loup, lorsqu'il découvre son âme sœur, peut devenir fou ou se laisser mourir s'il ne se lie pas avec. Et c'est exactement ce qui est en train d'arriver.

Derek sentit très clairement le changement drastique d'odeur chez Stiles, tout autant qu'il vit son visage se défaire d'un coup. La douleur qu'il ressentit au niveau de la poitrine fut intense, à tel point qu'il pressa sa main sur son cœur et pourtant… Pourtant, ce n'était pas la sienne. Stiles, de son côté, n'avait pas la main sur sa poitrine, ne cherchait pas à faire comme s'il pouvait l'atténuer d'une simple pression. Il encaissait silencieusement le coup. Alors, c'était cela ? Il aurait dû s'y attendre. Il aurait dû savoir que ça arriverait, mais il ne pensait pas que… Pas maintenant, en tout cas. Parce que lui aussi, il savait tout ça. Ce n'était pas comme si, durant des mois, il s'était renseigné sur tout ce qui concernait de près ou de loin ses petits potes poilus. Stiles accusa le coup et ferma les yeux un instant, sentant, en plus de son cœur brisé, une migraine naître à l'intérieur de son crâne. Bordel, il avait vraiment un karma négatif. Enfin, il avait trouvé quelqu'un qui le comprenait, qui prenait soin de lui, qui l'aimait et qu'il aimait en retour. Quelqu'un dont il appréciait le contact physique. Quelqu'un qui le connaissait par cœur, à qui il pouvait parler sans retenue. Stiles chancela un instant et l'envie d'hurler le prit. Pourquoi avait-il si peu de chances dans la vie ? Mais il aurait dû le savoir dès le début. Derek était un loup et lui, un simple humain, pathétique humain, déchet humain. Derek était merveilleux, formidable et méritait le bonheur.

Derek, submergé par la douleur de Stiles, se leva d'un coup et partit le prendre dans ses bras sous les yeux du vétérinaire, sans aucune honte, sans aucune retenue. Il le serra fort contre lui, avec tout son amour et fourra une main dans ses cheveux châtains. Bordel, lui aussi, il avait mal. Parce qu'il aimait Stiles, de tout son cœur et apprendre qu'il avait trouvé son âme sœur le tuait. Parce qu'il s'en foutait. Lui, celui qu'il voulait, c'était Stiles et personne d'autre. Peu importe ce qu'on lui dirait, il ne le laisserait pas et tant pis si son loup n'était pas d'accord : Derek n'en avait cure. Ce qu'il ressentait pour Stiles c'était trop… C'était trop fort. Il ne pouvait pas imaginer un seul instant le laisser pour quelqu'un d'autre. Stiles devait sans doute penser la même chose puisque, loin de rester passif, il se lova contre lui et serra de ses mains fines son haut dans son dos, les yeux larmoyants dissimulés contre le torse de son loup. Ce loup qui avait changé sa vie.

- Je ne laisserai pas Stiles, grogna-t-il en le serrant fort contre lui.

- Derek, je ne crois pas que tu aies vraiment le choix, marmonna Stiles d'une voix un peu rauque.

- Stiles, tais-toi, grogna à nouveau Derek, enfilant sa carapace de grincheux pour cacher son émotion et sa douleur à lui, aussi puissante que celle de Stiles.

Ne pas craquer, ne pas craquer, ne pas craquer, ne pas… Stiles se recula et leva ses yeux larmoyants vers Derek, après avoir pris ses mains dans les siennes. Il les serra fort.

- J'ai été clair avec toi, commença-t-il bravement. Je ferai n'importe quoi pour que tu guérisses, alors si ça nécessite que… Enfin tu vois… C'est ok, tu sais ?

Le sourire qu'il esquissa ensuite était triste, douloureux et fragile. Comme lui. Mais si c'était pour Derek, il pouvait assumer, hein ? Ce qui comptait, c'était sa santé. Et Stiles voulait tout, sauf que Derek finisse par devenir fou ou se laisser mourir. Ce visage… Il devait retrouver ses couleurs d'antan, cette peau si lisse, parfaite, ornée de cette barbe de trois jours qui lui allait si bien. Les yeux de Derek s'écarquillèrent alors qu'il semblait enfin comprendre ce que son humain voulait dire. Non, non non…

- Stiles, tu…

- Derek, s'il te plaît, le coupa difficilement l'adolescent. C'est pas grave, d'accord ? Et puis, penses-y mieux : tu as trouvé ton compagnon, c'est… C'est génial ! Tu te rends compte de la chance que tu as ? Tous les loups-garous ne trouvent pas leur compagnon… Bon, reste à savoir qui c'est, mais il faut que tu te rapproches de cette personne et que tu acceptes le lien que tu dois avoir avec elle… C'est une excellente nouvelle, tu sais ?

Mais le rire qui le secoua était tout sauf joyeux, plutôt… Nerveux et triste. Stiles essayait de se convaincre de la véracité de ses propres propos alors même que les larmes qu'il contenait avec peine menaçaient de couler. Ses doigts serrèrent ceux de Derek. Ce dernier, de son côté, ne voyait plus rien autour de lui. Plus rien, sauf Stiles, cet humain rayonnant malgré les morceaux brisés de son être intérieur, son humain qu'il aimait tant et qu'il voulait chérir longtemps. Il n'y avait que lui. Il ne voulait que lui. Alors, il se rapprocha de Stiles sans séparer leurs mains et décida d'être franc :

- Non, c'est pas une bonne nouvelle, parce que ça veut dire que je dois me séparer de toi. Et moi, ça, je n'en ai aucune envie. Celui qui compte à mes yeux, c'est toi. Celui que je suis heureux de voir en me levant le matin, c'est toi. Celui que j'aime câliner, que j'aime toucher, c'est toi. Ce qu'on a, c'est… C'est trop important pour que je prenne le risque de le détruire.

Son débit était rapide, comme s'il pensait ne pas avoir le temps de tout lui dire. Désespéré par la situation, Derek continua :

- Je ne peux pas te laisser, Stiles. Tu es… Tu es tout ce que j'ai. Tu as changé ma vie en si peu de temps que ça me fait peur. Oui, ça me fait peur ! Je suis terrifié, parce que je ne sais pas ce que la vie nous réserve. J'ai toujours peur de te faire du mal, d'avoir un geste un peu trop brusque pour toi et ce que je veux, c'est arriver au moment où je saurai comment agir, juste par l'instinct. Connaître ce jour où je te connaîtrai par cœur, ce jour où on n'aura pas besoin de parler pour se comprendre. Je veux qu'on avance, tous les deux, ensemble. Qu'on continue de traverser ces épreuves qui se dressent devant toi, devant nous. J'ai envie… J'ai envie de te montrer à quel point la vie peut valoir le coup.

L'une des mains remonta vers le poignet de Stiles, remonta sa manche, dégagea le bandage de son poignet, désormais exposé. De son autre main, il essuya les larmes qui avaient finalement commencé à couler sur les joues de Stiles, éclairant ses yeux d'une douce lueur dorée. Un doré fort, puissant. Un doré qui prenait également place dans le regard de Derek. Mais cet or, ils ne le virent pas, trop concentrés sur leur malheur apparent. Stiles, rendu bouche bée par la déclaration de Derek, vit ses convictions fléchir et se laissa aller dans les bras de son loup après lui avoir murmuré qu'il était un ange.

- Ne vous fatiguez pas, vous n'aurez pas à vous séparer, les rassura une voix chaleureuse.

Stiles garda les yeux fermés contre Derek qui, lui, tourna la tête vers Deaton et le regarda, perplexe. Il était si mal émotionnellement et confus qu'il n'avait pas encore totalement compris la portée des paroles du vétérinaire. Stiles était dans le même cas.

- Quand j'ai dit que ton loup avait trouvé son compagnon, c'était au sens propre. Ton compagnon est actuellement dans tes bras, rit doucement le vétérinaire.

Mais cette information ne sembla pas rassurer Derek, bien au contraire.

- Alan, vous êtes au courant que je suis un loup ? Demanda-t-il, un sourcil haussé, sans desserrer son étreinte sur Stiles.

L'émissaire hocha la tête, sans se départir de son air tranquille.

- Alors vous savez aussi bien que moi que ce n'est pas possible. Les compagnons des loups… Sont des loups.

Derek sentit l'angoisse de Stiles augmenter dans son odeur et d'un geste distrait, presque automatique, il lui caressa les cheveux.

- La plupart du temps, oui, nuança le vétérinaire. Votre cas est rare, mais il existe.

Stiles rouvrit les yeux et tourna finalement une tête stressée vers le vétérinaire. Lui aussi était au courant que les compagnons des loups étaient leurs semblables. Il avait épluché beaucoup de livres anciens sur les êtres lupins, leurs coutumes, leurs habitudes, leurs caractéristiques… Et aucun ne faisait mention de ce fait, auquel cas il aurait bien fantasmé des mois plus tôt, en s'imaginant compagnon de Derek. Oui, Stiles avait toujours eu un petit truc pour lui mais n'avait pas eu de mal à faire une croix dessus. Aujourd'hui, c'était différent.

- Parfois, il arrive qu'un loup trouve son compagnon parmi les humains. C'est rare, oui, parce que ce que va rechercher le loup, c'est son semblable côté animal. Mais parfois, un loup peut trouver autre chose. Une étincelle. Des humains dont le cœur est aussi généreux que celui d'un animal, des humains uniques en leur genre qui savent d'instinct comment agir avec eux. Et toi, tu as trouvé cette étincelle en la personne de Stiles.

- Ce n'est pas possible, souffla l'hyperactif.

Derek, lui, de son côté, était bouche bée. Quelques minutes plus tôt, ses émotions l'avaient vraiment mis à rude épreuve. Par conséquent, il avait du mal à réaliser, puis à accepter et enfin, à réagir. Stiles eut moins de mal que lui : il poussa un profond soupir de soulagement mêlé à quelques larmes de joies en se laissant complètement aller dans les bras de Derek. Après quelques étranges et vagues explications sur ce rare cas de compagnon, Derek demanda tout de même au vétérinaire comment celui-ci pouvait être certain de ce qui l'avançait les concernant.

- Parfois, les compagnons ont les yeux qui changent de couleurs. Tous les deux, précisa-t-il, et au même moment. Tout à l'heure, vous vous êtes regardés et vos yeux sont devenus dorés. Pas jaunes comme des bêtas, doré comme l'or pur. Vous ne vous en êtes certainement pas rendu compte parce que vous étiez trop obnubilés l'un par l'autre, mais c'est ainsi.

Derek souffla à son tour, soulagé et déposa un doux baiser sur le front de Stiles, légèrement affaibli à cause de toutes ces émotions. Il se reposait clairement sur lui et si Derek ne le tenait pas contre lui, sans doute l'adolescent se serait-il effondré depuis longtemps. Le vétérinaire sourit et déposa son vieux livre sur une étagère.

- Mais s'il a trouvé son compagnon, que… Que c'est moi, pourquoi son loup souffre encore ? Demanda timidement Stiles.

- Je vous l'ai dit tout à l'heure, fit Deaton. Le loup de Derek t'a trouvé, mais vous n'êtes pas unis. L'union est très importante pour un loup-garou. Pour rappel, si un loup trouve son âme-sœur mais la côtoie trop longtemps sans concrétiser l'union, le loup en question tombe malade et aura pour destinée soit la folie, soit le dépérissement. Votre lien existe, il est déjà là, mais il n'est pas complet.

- Et qu'est-ce qu'il faut faire pour le compléter ? S'enquit l'adolescent, une petite boule au ventre.

Le sang de Derek se glaça. Lui, il savait. Mais il ne comprit cela qu'une seconde avant que le vétérinaire ne réponde, visiblement gêné :

- Tu sais Stiles, l'union est à la fois physique et mentale. Un loup se lie avec son âme-sœur sur le plan du corps et de l'esprit. Votre lien semble déjà présent sur le plan mental, il ne manque que… Le physique. Je ne vais pas vous faire un dessin, vous êtes tous les deux assez intelligents pour comprendre.

Stiles mit un peu à comprendre et c'est à peine s'il entendit Derek murmurer « non… » d'un air effaré. Lorsque la lumière lui parvint enfin, son visage se défit mais il se contrôla, empêchant l'information de le frapper de plein fouet. Son cœur fit une embardée désagréable et son ventre se noua.

- Est-ce que ça veut dire que… Qu'on doit coucher ensemble pour… Pour le lien ? Bégaya Stiles.

Tentant de cacher sa gêne par rapport à la situation, le vétérinaire hocha la tête.