Stiles serra sa petite lumière dans ses bras avec une tendresse non dissimulée. Bordel qu'elle lui avait manqué ! Lydia lui assura qu'elle n'avait manqué de rien et qu'elle n'avait pas arrêté de les réclamer, Derek et lui. Elle s'était beaucoup attachée au loup, à la grande surprise de celui-ci. Il savait qu'elle ne le craignait pas, mais qu'elle l'apprécie à ce point-là… Derek n'en avait pas l'habitude. Il était l'homme qui faisait peur, qui restait dans l'ombre à cause de son côté grincheux et taciturne. A croire que Stiles l'avait changé, avait détruit cette image de grand-méchant loup que l'on avait de lui. Si tel était le cas, tant mieux.
A son tour, Derek vint serrer Amelia dans ses bras. Il y alla doucement, voire délicatement. La fillette était petite et d'une finesse telle que le grand loup qu'il était avait peur de la casser. Alors il l'étreignit en faisant très attention. Avant, il avait moins d'hésitations, mais maintenant qu'il avait retrouvé sa forme et sa force dans leur quasi entièreté… Les choses étaient un peu différentes. Il devait réapprendre à doser, à maîtriser tout ce qu'il avait momentanément perdu. Ce serait rapide mais en attendant, il avait peur de serrer un peu trop fort, de faire mal à cette petite étincelle qui lui avait manqué aussi. Elle était attachante, cette fillette. Beaucoup trop pour le cœur tendre de son loup, loup qui avait encore plus à cœur qu'auparavant de la protéger comme s'il s'agissait de son enfant. Leur fille. Bien sûr, ce n'était pas le cas et ne le serait jamais. L'unique parent d'Amelia resterait la défunte Meadow et cela ne changerait pas. Simplement, elle avait d'ores et déjà sa place dans le foyer que Stiles et lui construisaient doucement, à leur rythme.
Lorsque Lydia partit après avoir discuté avec le couple, Stiles déposa un bisou bruyant sur le front de la petite et la laissa aux bons soins de Derek, qui tint toutefois à le raccompagner à la chambre puisque sa jambe n'était pas encore guérie.
- Tout va bien ? Demanda le loup, soucieux, alors qu'il aidait son aimé à se poser sur le lit.
L'hyperactif avait été si pressé et heureux du retour d'Amelia qu'il était surprenant de le voir s'isoler aussi vite. Pour toute réponse, Stiles l'embrassa chastement.
- Tout va très bien, j'ai juste besoin de me poser un peu, je suis fatigué.
Si son cœur ne manqua aucun battement, Derek sut d'instinct que Stiles ne lui disait pas tout, mais il n'insista pas. Si son compagnon ne désirait pas en parler tout de suite, pas de problème : il attendrait. Avec lui, il pouvait faire preuve d'une patience infinie.
Une fois la porte refermée derrière le loup, Stiles souffla un coup. Il n'aimait pas avoir à s'isoler de cette manière, mais c'était parfois nécessaire. En ce qui le concernait, il avait besoin de réfléchir un peu, de faire le point sur sa situation. Emile et ses multiples agressions mises à part, il s'était passé beaucoup de choses dans sa vie, bien trop pour qu'il puisse continuer d'avancer sans prendre de temps pour lui. Ce moment était arrivé et survenait après un grand bond en avant dans son existence. Il était clair que le moment intime passé avec Derek était un progrès considérable, mais Stiles ne le considérait pas comme un acquis. Sa confiance en lui et son assurance vis-à-vis du sexe étaient encore tous relatifs. C'était à peine s'il avait fait son entrée dans ce qu'il considérait, plus jeune, comme « le monde des grands ». Il y était entré bien trop tôt dans sa vie, mais de manière si brutale qu'il y avait été tout simplement violemment poussé. Lorsqu'Emile s'en était allé, Stiles avait longtemps muselé cette période de sa vie, jusqu'à l'enterrer au plus profond de lui. Il fut même un temps où il avait carrément oublié ces semaines d'enfer, à tel point que son père s'était posé des questions, constatant d'importants troubles de la mémoire chez lui. Il avait mis cela sur le compte de son hyperactivité et le médecin chez qui il l'avait emmené n'avait pas su quoi dire.
Par la suite, tout lui était revenu petit à petit, le plongeant dans une dépression dont Noah n'avait absolument pas connaissance. A quoi bon lui parler, ou même lui montrer ? Il avait déjà un avis bien tranché sur la question. C'était à ce moment-là, vers ses douze ou treize ans, qu'il avait commencé à traîner un peu plus avec Scott et qu'il avait décidé de tout faire pour passer outre, persuadé qu'il ne vivrait plus jamais un tel enfer, sans plus jamais en parler à qui que ce soit.
Mais il y avait eu le retour de ce monstre et l'arrivée inopinée du soutien de Derek qui ne l'avait pas lâché. Il ne s'était moqué d'aucune de ses faiblesses, l'avait plus soutenu en quelques semaines que ne l'avait fait son père en plusieurs années. Il était resté à ses côtés, n'avait pas une seule fois songé à l'abandonner. C'était encore plus simple que cela : il l'avait accueilli à bras ouvert et aidé autant que possible. De là, s'était naturellement créée leur relation. Stiles avait trouvé en Derek ce calme qui l'apaisait et cette épaule solide sur laquelle s'appuyer. Honnêtement, il ne voyait pas trop bien ce qu'il pouvait apporter au loup. Sa confiance en lui, particulièrement bancale, l'empêchait de se voir tel qu'il était, ou du moins avec une certaine objectivité. Autrefois, peut-être qu'il aurait pensé à son petit grain de folie, qu'il apportait lors de quelques occasions. Son hyperactivité l'avait toujours fait passer pour quelqu'un de vif et de lumineux, ce qu'il n'avait, au final, jamais réellement été. L'oubli de ces moments d'horreur lui avaient certes permis de se détendre un peu et de laisser une partie de lui s'exprimer, mais jamais complètement, ni longtemps.
Depuis que Derek lui avait tendu la main, il ne se cachait. En fait, il n'y arrivait plus vraiment.
Stiles manqua de se ronger les ongles alors qu'il réfléchissait à la manière dont ils en étaient arrivés là. Au final, ils étaient partis… De pas grand-chose. Lorsque cette histoire avait commencé, leur relation – amicale – n'était plus réellement conflictuelle, juste… Plate. Concrètement, ils se faisaient confiance pour les missions de meute mais ne se parlaient pas réellement. Et au final, le loup l'avait plus aidé que n'importe qui, dépassant ses attentes les plus folles.
Il l'aimait.
Bordel, il avait trouvé quelqu'un qui l'aimait et acceptait tout de lui : ses défauts – si nombreux –, cette hyperactivité que la plupart de ses angoisses dissimulaient, ce passé dont il avait toujours du mal à parler, ces cassures qui composaient son être. Derek était la personne qui l'avait poussé à s'ouvrir, à cesser de garder le silence sur ce qu'il avait subi.
Stiles, de son côté, acceptait également tout de Derek. Quoi de plus normal, pour un compagnon ? Au travers du loup taciturne qu'il avait toujours connu grognon et froid, il avait vu un homme. Un homme brisé mais plein de promesses. Un homme au cœur en or, aux mains douces. Un homme qu'il avait cru dur, que la vie avait malmenée, mais qui avait su se relever, seul. Un homme qui avait de l'amour à donner.
Un homme qu'il aimait de tout son cœur.
Si Stiles avait toujours beaucoup apprécié Derek, jamais il n'aurait cru tomber amoureux de la sorte, au point qu'il était incapable d'imaginer la suite de sa vie sans son loup. Il était devenu tout pour lui, et pas parce qu'il l'aidait. Bien sûr, la peur de ne pas être suffisant restait ancrée en lui et ne s'en irait pas tout de suite. Ils avaient fait l'amour plusieurs fois, mais Stiles ne savait pas s'il serait capable de réitérer la chose. Peut-être que oui, peut-être que non. Honnêtement, il se demandait si Derek n'allait pas se lasser de cette indécision, à la longue. Puis, l'hyperactif fit de son mieux pour relativiser et replacer les choses dans leur contexte. Premièrement, leur première fois datait seulement de la veille, il était donc impossible de se prononcer, d'autant plus qu'il savait pertinemment que Derek n'était pas pressé. Stiles s'interrogea et pensa à Derek. Dans cette situation, que pourrait-il lui dire pour le rassurer ? L'ancien alpha trouvait toujours les bons mots et n'avait jamais manqué d'être de bon conseil.
Laisse-toi du temps.
Voilà ce que Derek lui dirait. Et en soi, il avait raison. Stiles savait pertinemment qu'il ne devait pas chercher à aller trop vite. Il se devait de vivre le moment présent et de se projeter dans la mesure du raisonnable.
Mais c'était un peu difficile à appliquer lorsque l'on avait une épée de Damoclès au-dessus de sa tête.
Se laisser du temps, c'était bien beau, mais… Et s'il ne lui en restait plus beaucoup ? Stiles n'oubliait pas sa présence dans la liste d'Emile, au contraire. Il la clôturait. Comment l'oublier, ne pas y penser ? C'était d'un glauque immense que de se savoir future victime d'un tueur en série, mais il s'agissait pourtant de la réalité et il ne pouvait pas la changer. Bien évidemment, il donnerait beaucoup de choses pour être sauvé mais il devait avouer qu'il doutait un peu de son avenir. La meute était une protection non négligeable et sans doute Derek serait-il son plus fort rempart, mais il fallait rester lucide. Pour s'en être sorti sans aucun problème il y a sept ans et réitérer ses actes horribles sans être inquiété, Emile savait y faire, d'autant plus qu'il s'était mis à tuer ses victimes et que rien d'officiel ne les reliait à lui. Si l'on ajoutait à cela qu'il avait le soutien du shérif de Beacon Hills… Il était intouchable, et malin. Autrement, comment aurait-il pu s'infiltrer dans le loft de Derek en l'absence de celui-ci, alors que l'immeuble était muni d'une alarme ? Stiles frissonna et remonta la couette sur lui tandis qu'il faisait tout son possible pour ne pas se laisser submerger par les images de son agression plus que violente. Les ignorer, c'était son salut. Le problème qui l'avait empêché d'avancer pendant des années, c'était sa difficulté à passer outre ce qu'il pouvait avoir vécu. On ne pouvait pas dire qu'il était gâté par la vie, qui lui mettait sans arrêt de lourds obstacles en travers de sa route vers la guérison de sa psyché. Alors, il devait tout faire pour gérer de son côté et ne pas se laisser envahir par ses souvenirs. C'était difficile, extrêmement difficile, mais il se raccrochait à deux visages qui le faisaient tenir.
Ses deux rayons de soleil.
Derek et Amelia.
Deux anges tombés du ciel.
Pour eux, il pouvait faire tous les efforts du monde, y compris essayer d'avancer – ce qu'il faisait déjà depuis un bon moment. Oui, quand il y repensait, il avait changé et fait plusieurs pas qu'il n'aurait jamais cru possible auparavant. Lui qui pensait ne jamais pouvoir réussir à être touché sans revoir le monstre au-dessus de lui s'était trompé : il y arrivait et adorait ça, sans imaginer quiconque à la place de Derek. Simplement, il fallait y aller doucement et doser. Lui qui pensait ne pas être capable d'entretenir une véritable relation se voyait se prendre sa connerie en pleine face et avec plaisir. Lui qui ne pensait pas pouvoir être aimé s'était complètement fourvoyé. On l'aimait pour ce qu'il était, on l'acceptait avec ses bagages imposants, trop lourds pour un adolescent.
Au bout d'un long moment à faire le point sur sa vie et sur ses évènements les plus récents, Stiles murmura un nom : Derek. Puis, il y alla un peu plus fort. Le loup ouvrit la porte une bonne minute plus tard et le scruta d'un air curieux. Sans prononcer un mot, Stiles ouvrit les bras en grand alors que ses yeux s'humidifiaient. Un sourire naturel prit place sur le visage du loup qui vint l'étreindre sans hésiter. Les bras de l'hyperactif se refermèrent sur lui tandis qu'il se collait à son loup comme si sa vie en dépendait. Et déjà, il relevait la tête et ancrait son regard ambré empli d'une douceur nouvelle dans ses iris si clairs.
- Je t'aime, murmura-t-il. Je t'aime et je t'aimerai jusqu'à mon dernier souffle.
xxx
Derek préparait le repas tandis que son homme jouait avec la petite Amelia à une console que Lydia leur avait ramenée. Quand l'un avait terminé sa partie, il passait l'engin à l'autre, et comparaient leur temps, car il s'agissait d'un jeu de course. Au départ, Stiles avait insisté pour faire à manger avec lui, mais la petite était arrivée et, complice de Derek, l'avait charmé pour qu'il l'occupe. Incapable de résister à cette petite bouille adorable, Stiles avait cédé avec une facilité déconcertante et depuis la cuisine dont la porte était entrouverte, Derek voyait Amelia, calée entre les bras de Stiles, concentrée sur la course qu'elle s'efforçait de gagner. Il esquissa un petit sourire. Elle était d'une intelligence stupéfiante. D'une certaine manière, elle avait compris que son Tonton Stiles devait continuer de se reposer et c'était comme si elle avait établi son plan lorsqu'elle avait croisé le regard de Derek. Puis, elle avait sorti la console. Pourtant, la petite avait confié discrètement au loup que ce n'était pas vraiment son truc, qu'elle préférait les livres, mais c'était tout ce qu'elle avait trouvé. Et il fallait l'avouer, Derek était plutôt content d'avoir une alliée de sa trempe à ses côtés. Enfin, il faudrait faire attention à l'avenir : cette boule d'intelligence pourrait se transformer en vrai petit diable.
A cette pensée, Derek stoppa tout mouvement. L'avenir… Oui, l'avenir. Il n'y avait jamais réellement songé, mais… Il était de plus en plus simple de l'envisager. Autrefois, il préférait ne pas voir plus loin que la fin de la semaine, mais maintenant… Il pouvait se projeter un peu plus. Il s'imaginait dans le manoir complètement rénové, décoré à leur goût, à vivre à trois. Son cœur rata un battement alors qu'il sentait une immense chaleur l'envahir, si bien qu'il retroussa ses manches et, sortant de sa torpeur, se remit à la cuisine.
La mort de sa famille avait changé beaucoup de choses dans sa vie et depuis cet incident, il s'était efforcé de… De ne pas faire grand-chose, au final, persuadé qu'il n'avait pas droit au bonheur à cause de cette erreur qu'il avait faite : celle de sortir avec Kate. Mais maintenant… Il n'irait pas jusqu'à dire qu'il se pardonnait. Disons qu'il s'apaisait. Avoir Stiles et Amelia à ses côtés… C'était quelque chose. Comme une illumination dans sa vie, l'évidence qui lui manquait.
Pris d'une pulsion soudaine, Derek arrêta le feu, sortit de la cuisine et pénétra dans le salon. Il fronça légèrement les sourcils en voyant que Stiles était seul, sur le canapé. En le voyant arriver, l'hyperactif releva les yeux de son téléphone portable.
- Où est Amy ? Demanda Derek.
- Dans sa chambre, elle en a eu marre que je la batte à plat de couture, lui répondit tout naturellement l'hyperactif avec un sourire espiègle. Elle lit le dernier bouquin que Lydia lui a passé, bon courage pour l'en décrocher.
Derek se détendit et laissa libre court à sa pulsion. Il se rapprocha, souleva Stiles et le laissa enrouler plus ou moins bien ses jambes autour de lui avant de l'emmener à l'étage, faisant fi de son regard perplexe qui se combinait étonnamment bien avec son rire.
- Qu'est-ce que t'as en tête, petit loup ? Lui demanda l'hyperactif entre deux gloussements.
Pour toute réponse, Derek déposa un simple baiser dans son cou. A cet instant, il n'avait pas envie de parler, juste de l'aimer encore et encore.
