Amelia avait un côté sadique que personne ne soupçonnait, mais que Derek était doucement en train de découvrir. Une demi-heure qu'il se battait avec ses cheveux, et la petite n'était jamais contente. Elle était d'une exigence folle et c'était à se demander comment elle arrivait à se satisfaire des coiffures simplistes que lui faisait Stiles. Au bout d'un moment, il abandonna. Terrifier, il savait faire. Coiffer… Il n'avait pas les mains pour, ni le talent, ni la patience. Il trouvait ses doigts trop gros, se sentait empoté, maladroit et si l'on ajoutait à cela sa peur terrible de trop tirer sur une mèche de cheveux d'Amy, eh bien… Il avait beau essayer, il n'arrivait à rien. Alors, il abandonna en soupirant :

- Amy, tu ne veux pas les laisser lâchés, aujourd'hui ?

- Nan, répondit la petite.

- Je te jure, tu es très mignonne même lorsqu'ils ne sont pas attachés, tenta-t-il de la convaincre.

- Nan plus.

- Et si je les redémêle ?

- Toujours pas.

Exigeante et intransigeante. Cette fois-ci, elle ressemblait à Lydia : la banshee l'avait gardée à plusieurs reprises… Était-ce un signe ? En tout cas, elle avait du caractère et Derek eut beau essayer de la convaincre de le libérer, il savait qu'il avait perdu. Elle était trop mignonne et lui… Bien trop gaga même s'il ne lui viendrait pas à l'idée de se l'avouer. Comment lui dire non ? Son cœur aimant de loup ne pouvait se résoudre à cela. Alors il lâcha un énième soupir et démêla ses cheveux, encore. C'était la huitième fois depuis qu'il avait commencé, non ? Chaque nœud plus important que les autres le fit se crisper. Amelia, elle, semblait parfaitement détendue, comme si elle ne les ressentait pas. En même temps, Derek faisait son office avec une telle minutie et une telle douceur dans ses gestes… Il se donnait réellement à fond, pour une activité toute simple et qui pouvait paraître insignifiante, mais la réalité était toute autre. Elle faisait plaisir à Amelia et cette gamine lui réchauffait le cœur. Alors, il faisait de son mieux, même s'il détestait le côté répétitif et minutieux de la chose.

Mais à force, il y prit doucement goût. Ses nouveaux essais furent pour le moins… Atypiques, et bien évidemment, Amelia le fit recommencer, encore et encore. Il eut beau soupirer, elle n'en démordit pas, prenant un ton impérieux à la Lydia Martin. Et ça ne le dérangeait pas, il aimait savoir qu'elle avait du caractère, un mordant peu commun. En cela, elle ressemblait aussi à Stiles, dont elle avait acquis le goût et la curiosité pour tout ce qui était censé être secret. Elle connaissait le mot de passe du téléphone de Stiles, oui, mais Derek savait qu'elle connaissait également le sien. Cette si grande malice à sept ans, couplée à ce caractère bien à elle l'aiderait beaucoup dans sa vie, il en était persuadé.

Mais en attendant, lui, il galérait à lui faire le chignon qu'elle demandait. C'était moche, il y avait des bosses partout, des cheveux rebelles sortaient du semblant de coiffure qu'il avait essayé de faire… Il poussa un soupir empli de désespoir.

- J'abandonne. Lorsque Stiles rentrera, il s'occupera de toi, fit-il, vaincu.

La petite se tourna vers lui et le regarda avec un sérieux impressionnant et Derek fut stupéfait par la pureté de son regard ambré. Tranquillement, la petite s'assit sur ses genoux et se mordit la lèvre en détournant le regard alors qu'une forme de tristesse naissait dans son odeur. Le loup ressentit une pointe de culpabilité et eut peur de lui avoir fait du mal en étant maladroit avec ses mots. C'était fou comme s'occuper d'une petite fille sans l'aide de son compagnon le rendait… Fébrile et peu assuré. Il voulait bien faire. Trop bien faire. Et son innocence lui paraissait si fragile… Pouvait-on alors lui en vouloir ? Doucement, il passa un bras autour d'elle, comme par automatisme.

Maintenant qu'il pensait à son innocence, il se rappela de quelque chose qui lui sauta soudainement aux yeux.

Pas une fois elle n'avait parlé de l'agression de Stiles au loft et ce, depuis que cela s'était passé. Pourtant, ce n'était pas quelque chose qu'on oubliait facilement, surtout lorsque l'on était enfant. Mais Derek pensa à quelque chose qu'il avait lu un jour. Parfois, pour se protéger d'évènements traumatisants, certaines personnes se déconnectaient de la réalité et ces souvenirs se retrouvaient enfouis en eux, loin de leur conscience. Était-ce son cas ? Jamais il n'oserait le lui demander et pourtant, peut-être qu'il le devrait. C'était son rôle en tant que co-parent… De substitution.

- Tonton Stiles me manque, lâcha-t-elle soudainement.

Derek passa sa main dans les cheveux châtain, si semblables à ceux de son homme. Une ressemblance claire et pas qu'au niveau des cheveux. Chaque fois qu'il repensait à cela, Derek avait la nausée. Choisir des gens en prenant certains critères physiques comme trait qui les rassemblerait pour ensuite les faire souffrir de la pire des manières, puis les tuer.

Tous ceux qui faisaient partie de la liste d'Emile Chabrier étaient adultes, mais Stiles ne lui avait-il pas dit un jour qu'ils n'étaient ni les premiers, ni les derniers ? L'instinct du loup lui soufflait que la petite pourrait se trouver sur la prochaine liste du tueur, parce qu'elle était… Comme les autres victimes.

Et il ne laisserait jamais ça arriver.

- Il rentre ce soir, ma chérie, lui rappela-t-il d'une voix qu'il voulut douce.

Utiliser ce genre de surnoms affectifs, il n'en avait pas l'habitude. Avec Stiles, ça allait, mais avec elle… Oui, il allait s'y accoutumer, à force. Elle avait besoin d'amour, Amelia, et lui, mourait d'envie d'en donner. Après tout, il avait perdu sa famille assez jeune. Plus tard qu'elle, certes. Un vide subsistait dans son cœur.

- J'ai peur qu'il rentre pas, avoua-t-elle.

- Il va rentrer, ne t'inquiète pas, la rassura-t-il en lui caressant doucement la joue. Il fait juste une sortie avec Lydia, et les autres.

- Oui mais… Et si le méchant revient ?

Derek en eut le souffle coupé. Forcément, elle s'en souvenait et restait lucide. Un peu trop, malheureusement, à tel point que le loup ne sut quoi lui répondre sur le moment. Puis, il finit par dire d'un ton plus ou moins assuré que Lydia lui botterait les fesses en un rien de temps, tout en ajoutant que Jackson et les autres feraient de même. Tout irait bien pour Stiles, il le lui assurait même si une part de lui continuait d'avoir peur. Tant que le policier serait en liberté, Stiles ne serait pas réellement en sécurité. Avec lui, ça allait. Les autres aussi, sans doute. C'était étrange de ne pas l'avoir dans son champ de vision et de se dire qu'il faisait une sortie… Aussi normale que possible.

Derek eut alors un doute alors qu'il rassurait comme il le pouvait sa petite princesse. Devait-il lui parler de cet épisode, puisqu'elle avait abordé le sujet ? Et en même temps, n'était-ce pas précipité ? Le loup n'avait jamais eu d'enfants à charge et il ne pensait pas en avoir un jour. Pas parce que ce n'était pas son truc, simplement parce qu'il avait peur de mal faire. Comment se débrouiller lorsque l'on avait perdu sa famille tôt dans sa vie ? Que pouvait-on dire ou ne pas dire à une enfant de sept ans ? S'il avait l'habitude de ne pas beaucoup parler, il savait néanmoins toujours quoi dire. Là, la question d'Amelia l'avait rendu muet. Enfin, il finit par trouver quelque chose de potable à répondre.

- Le méchant ne pourra pas l'atteindre. Stiles est en sécurité et toi aussi, petite princesse.

- Tonton Stiles ne saignera plus ? Continua-t-elle, l'angoisse transcendant son regard.

Derek fit de son mieux pour contrôler l'expression de son visage. Il était horrifié. Complètement horrifié. Comment la vie pouvait-elle être aussi cruelle avec une si petite fille ? Aussi tranquillement que possible, il lui jura que plus aucun mal ne serait fait à son « Tonton Stiles ». Parallèlement, il songeait à tout ce sang qu'elle avait vu, à son courage hors du commun alors qu'elle s'était démenée comme un diable pour appeler à l'aide. Et tout ça, elle le gardait en elle. Derek se crispa. Non, définitivement, il ne pouvait pas laisser la situation continuer comme cela. Amelia avait beau vivre aussi normalement que possible avec eux… Stiles et Derek avaient malencontreusement mis de côté ce qui devait être un traumatisme. Ce qui était on ne peut plus perturbant, c'était cette facilité qu'avait la petite de ne pas faire cas de ce genre de choses. Elle en était angoissée lorsqu'elle y repensait, mais sa psyché la protégeait en l'empêchant de ressentir trop fort ce qui la traumatisait en soi. Mais viendrait un jour où les digues de son esprit exploseraient et où elle se prendrait tout en pleine face. La mort de sa mère, l'agression de Stiles… Cela faisait beaucoup, beaucoup trop pour une petite fille de sept ans.

Derek prit sa décision et installa mieux la petite sur ses genoux. D'un ton aussi doux que possible car l'air de rien, il était toujours terrifié à l'idée de lui faire peur, il lui demanda :

- Amy, ça te dirait qu'on discute un peu ?

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- Vas-y doucement, conseilla Jackson. Appuie-toi sur moi.

Il gardait un air qui se voulait neutre, mais la vérité, c'était qu'il s'inquiétait, comme il s'était inquiété tout le long de la journée. De son côté, Stiles grimaça en obéissant tout de même.

- Mais j'aimerais tellement marcher seul…

- Quand ta jambe sera guérie, chéri, objecta Lydia, derrière eux. Si tu continues de râler, tu retournes dans le fauteuil.

La banshee l'avait autorisé à faire quelques pas dans l'allée du manoir parce qu'il s'était tenu tranquille et qu'il en crevait d'envie, à la condition qu'il ne fasse pas le fou et accepte l'aide de Jackson. Les autres étaient rentrés chez eux et le kanima avait tenu à ramener Stiles avec Lydia. Depuis cette fois-là où il l'avait trouvé en sang dans une ruelle près du loft, Jackson se montrait plus inquiet et plus agréable avec lui. Des choses, il en avait compris des tas. Puis, bordel, il avait failli le perdre. Si certains n'étaient pas totalement au courant de ce qu'il avait vécu, ils avaient tous remarqué ces bleus légers par endroits et surtout, son impossibilité à marcher seul. Stiles avait bredouillé des semblants d'explications et on s'était contenté de cela par respect pour lui. Seuls Scott, Lydia et Jackson connaissaient l'entière vérité et le sportif avait été le témoin le plus direct de cela. Il n'en parlait pas, mais l'image de l'hyperactif inconscient et grièvement blessé avec une petite pelotonnée contre lui le hanterait longtemps. Elle l'avait amenée à reconsidérer sa vision de lui, notamment avec son histoire, qu'il avait comprise et intégrée par petits bouts. Ainsi, il faisait bien plus attention à lui.

Stiles râla, encore, mais sans grande conviction. L'air de rien, il était heureux, et pas seulement de sa journée. Ses amis avaient été des amours, et pas juste parce qu'ils ne l'avaient pas une fois regardé avec pitié, ou tout autre sentiment désagréable. Ils avaient été comme d'habitude, la préoccupation en plus. Ce serait mentir que de dire qu'il n'avait pas été chouchouté et si d'ordinaire, il n'aimait pas ça, il fallait dire que cela ne faisait pas de mal de temps à autres. Il avait enchaîné les épreuves et les déboires, alors un peu de douceur et de soutien amical sans parler de son quotidien mouvementé ne faisait pas de mal.

Puis il y avait autre chose qui le motivait à y aller au rythme de Jackson.

Derek et Amelia lui manquaient. Son cœur battait pour son compagnon et sa petite princesse. Sa journée avait été géniale, oui, mais revoir ses deux amours était ce qu'il voulait le plus actuellement. Alors il obéit, rit en voyant Jackson aussi concentré sur leur marche, se moqua légèrement quant au soin qu'il prenait à lui faire éviter le moindre obstacle tout en faisant en sorte qu'il appuie le moins possible sur sa jambe blessée. Parce que bordel, c'était aussi adorable que mignon et jamais il n'aurait cru que le kanima se montrerait aussi gentil et prévenant avec lui. D'accord, il lui avait sauvé la vie une fois, mais Stiles pensait qu'il le laisserait tomber par la suite. A croire qu'il s'était trompé. Agréablement trompé.

Néanmoins, il se retrouva bien vite fatigué une fois arrivé devant la porte et fit de son mieux pour ne pas montrer qu'il était essoufflé et que faire quelques pas lui avait demandé des efforts considérables. Lorsqu'il serait complètement guéri, il devrait sérieusement penser à refaire du sport… Lydia leur ouvrit la porte et ils pénétrèrent à l'intérieur.

Le calme régnait au manoir. Alors que Stiles ouvrait la bouche pour appeler Derek et Amelia, Jackson le bâillonna grossièrement, le temps de lui dire d'un ton bas :

- Derek a dit de ne pas faire de bruit.

Stiles ronchonna doucement alors que le kanima retirait sa main. Lydia gloussa et Jackson garda cet air quasi indifférent qui ne lui allait pas. Evidemment, lui ne pouvait pas savoir ce que disait Derek de loin puisqu'il avait de pauvres oreilles humaines. Son amie banshee aussi, mais ce n'était pas la même chose. Elle n'avait pas le réflexe d'hurler pour prévenir de sa présence. Stiles avait perdu ce réflexe mais il fallait croire qu'il était en train de le récupérer.

Jackson l'emmena doucement dans le salon et le petit groupe tomba sur le spectacle le plus adorable qui soit. Derek leva son regard empli d'amour vers Stiles. Une seconde plus tôt, il regardait la petite endormie dans ses bras comme s'il s'agissait de son trésor à lui. Elle l'était. Les yeux de Stiles et Derek furent parcourus d'une douce lueur dorée au même moment tandis qu'une certaine sérénité passait au travers du lien qui les unissait. Dès lors, l'hyperactif oublia Lydia, oublia Jackson. Il n'avait qu'une envie.

Rejoindre sa petite famille sur le canapé. Elle n'était peut-être pas parfaite, peut-être pas conventionnelle et construite sur les bases d'une histoire sordide, mais il l'aimait sincèrement. La vie n'était pas figée dans le marbre.