.
A-ha ! Vous pensiez que je vous avais oublié ? C'est mal me connaître. (C'est très bien me connaître.)
Pour me faire pardonner, j'ai fait une tite playlist sur mon compte Spotify (Nina Hazel-IACB) du même nom que l'histoire (« Mercure en rétrograde ») avec toutes les tites chansons qui iraient avec le mood de cette fic.
Bonne lecture / écoute ! ❤️
.
.
.
Harry Appels manqués (2)
.
.
.
L'inconvénient, lorsque vous étiez intelligente – que dis-je : surdouée –, était que vous pouviez berner à peu près tout le monde.
« …donc vous n'avez pas avancé ? » résuma succinctement Mr Rogue après une cuisante minute de silence.
Excepté plus surdoué que vous.
Et quelque chose dans l'imperméabilité faciale qu'avait rigidement maintenu le directeur de thèse d'Hermione tout le long de sa tirade récitée à la virgule près indiquait sans un seul gramme de doute qu'il n'était pas dupe.
« J'ai, hum… j'ai poursuivi mes recherches. » persévéra malgré tout la brune, un poil masochiste.
« Mais où est l'ébauche du premier chapitre ? » persévéra à son tour Mr Rogue. « Parce que c'est de cela que nous devions discuter aujourd'hui. »
« Effectivement. Je… oui. C'est… oui. Effectivement. » bredouilla la brune, un incendie aux joues. « Et elle est construite, mais c'est… justement, je n'ai pas, hum… c'est simplement que dans… dans, en fait, dans le… »
Le souffle court, Hermione mit sa noyade verbale sur pause pour déglutir. Frotter ses paumes moites sur le daim caramel de sa jupe. Se demander dans un bref instant de folie s'il valait la peine de déballer la vérité crue et laide.
À savoir que son fichier de thèse ne s'ouvrait plus depuis plusieurs semaines déjà et qu'elle avait d'abord accepté cette pause forcée avec un soulagement secret avant de se raisonner puis se démener pour trouver une solution avant son rendez-vous bi-trimestriel de thèse avec Mr Rogue et que ladite solution suggérée par Harry avait été de laisser son appareil aux mains techniciennes des jumeaux Weasley dans l'hypothèse folle où ils accepteraient d'aider celle qui avait brisé le cœur de leur petit frère en seize parts égales, mais qu'Hermione avait entretemps oublié de relancer Harry à ce sujet, car toute son énergie n'était plus concentrée désormais que sur le fait d'éviter ce même Harry Potter qui l'appelait non-stop depuis sept jours dans le but très certain de révoquer leur amitié après qu'Hermione ait décoché un franc coup du droit à Draco, sa raclure de colocataire.
Mouais, non.
Et comme penser au loup faisait apparemment poindre sa queue, voilà qu'Harry la rappelait encore en plein rendez-vous doctoral – merde. La mine interdite, Hermione plaqua subtilement sa main sur sa cuisse dans l'espoir vain, mais louable, d'en étouffer les vibrations régulières.
« Allez-y. » lui ordonna toutefois Mr. Rogue, l'air froidement délecté par le fiasco total que devenait ce meeting. « Prenez-le. »
« Non, non. » s'empressa de décliner Hermione. « Je vais rappeler. Ce n'est vraiment pas urgent. »
Comme pour illustrer sa détermination, elle sortit l'appareil de sa poche, aperçut en éclair la photo de Parvati clignoter à l'écran puis éteignit son portable, le laissant tomber juste après dans le fond de son sac à main. Lorsqu'elle releva la tête, Mr Rogue la fixait sans un mot, nullement impressionné.
« Désolée. » s'excusa alors Hermione puis, comme elle ne creusait jamais sa tombe à moitié : « Mon ordinateur est cassé. »
« Votre ordinateur est cassé. » répéta-t-il.
« Oui. Enfin, non. Mon fichier de thèse. » se corrigea-t-elle.
« Votre fichier de thèse est… cassé ? » prononça son directeur, et il aurait tout aussi bien pu la traiter de conne que l'intonation aurait sûrement été la même.
« Il ne s'ouvre plus. » précisa alors Hermione.
« Juste votre fichier de thèse ? Aucun autre fichier ? » appuya Mr Rogue.
« Oui. » acquiesça la brune, la bouche aride.
Dans le silence qui s'ensuivit, une certaine idée de l'enfer et de tout ce qui le pavait : le fait qu'Hermione n'ait jamais été en retard à ses rendez-vous scolaires, mais ait failli oublier celui-ci ; le fait qu'être le joyau de ses professeurs ait toujours été un trait de personnalité, mais que celui devant elle ne la prenait clairement pas au sérieux.
Et comment le pouvait-il ? Elle-même hurlait intérieurement en s'entendant déblatérer du vide depuis un bon quart d'heure. Il fallait juste qu'elle se la ferme, à présent.
« Mais j'ai avancé. » poursuivit-elle évidemment, la panique l'emmenant vers les aigus. « Et je sais que vous êtes très occupé, donc jamais je ne me permettrais d'abuser de votre temps et de… je ne voudrais pas… non, en fait, ce n'est pas… oui, en fait, oui, voilà : je pensais que mon ordinateur serait réparé d'ici là, mais… ce n'est vraiment… enfin, non – oui ! En fait, ce que j'essaie de… »
« Donc voici ce qu'on va faire. » trancha Mr Rogue en posant d'un bam résolu son agenda sur la surface boisée de son bureau. « Dans quatre mois, nous serons en février. Convenons d'un autre moment pour refaire le point. Le 16 vous irait ? »
Hermione hocha la tête, toute corde vocale coupée.
« Excellent. Je nous réserve un créneau d'une heure entre 10 et 11 pour parler de cette fameuse ébauche dont il devait être question aujourd'hui. »
« Merci. » murmura cette fois-ci Hermione.
Avec de grands yeux d'enfant réprimandé, elle le regarda griffonner dans le petit encadré de son agenda puis s'entendit prononcer, éternellement incapable d'éteindre cet automatisme :
« Désolée. »
« Oh, ne le soyez pas. » balaya aussitôt son directeur de thèse sans pour autant cesser sa rédaction. « Vous souhaitez connaître la bonne nouvelle, ici, mademoiselle Granger ? »
« …oui ? » répondit Hermione, un brin d'espoir dans la voix.
Mr Rogue prit le temps de finir d'écrire, de capuchonner son stylo, de refermer son cahier puis de le glisser vers la gauche jusqu'à ce que la reliure soit en parfait alignement perpendiculaire avec son porte-nom en fer forgé.
« Vous n'êtes qu'au premier trimestre de votre cursus doctoral. » lui indiqua-t-il alors. « Donc il n'est jamais trop tard pour abandonner sans dégât. »
Face à lui, Hermione cligna des yeux trois fois d'affilée, le sens de sa phrase descendant comme une pierre jusqu'au fond de son estomac.
« Je ne veux pas abandonner. » réagit-elle en retard puis, un peu plus déterminée : « C'est ma thèse. Je ne veux pas l'abandonner. »
« Parfait. » répondit Mr Rogue avant de se lever et tendre une main d'adieu militaire vers elle. « Prouvez-le. »
.
.
.
Harry Appels manqués (4)
Vati Textos non lus (3)
.
.
.
À la défense de Harry, Hermione avait un peu balancé la nouvelle entre le fromage et le dessert, New Girl saison trois, épisode deux sur l'écran plasma du salon – « Au fait, tu te souviens du projet d'échange en Australie dont je te parlais ? C'est validé. Je partirai pour six mois début janvier ». À la défense de Hermione, elle aurait tout aussi bien pu le lui annoncer avec une décennie d'avance que Harry aurait mis la même lenteur à se trouver un nouveau colocataire.
Il avait soutenu mordicus pouvoir faire ses recherches seul puis feint une amnésie rétrograde à chaque relance de la brune, marmonné dans sa barbe au moment de s'y lancer pour de vrai, froncé exagérément des sourcils, contemplé son téléphone avec gravité, posé des questions extrêmement bêtes – « Comment on poste, déjà, sur Facebook ? » – jusqu'à ce que la brune craque, connaissant ce tango par cœur.
« Tu veux que je le fasse pour toi ? » lui avait-elle demandé.
« Non, non, je gère. » lui avait-il assuré.
« Ça ne me dérange vraiment pas de le faire. » avait quand même insisté la brune.
Harry s'était alors arrêté de déambuler dans le salon pour se gratter l'arrière du crâne, l'air faussement embêté.
« … vraiment ? »
Même ensevelie sous sa dix-huitième page de recherche Indeed, Ginny avait ricané depuis le sofa.
Qu'à cela ne tienne, Hermione n'avait pas menti : ça ne l'avait pas dérangé de s'en occuper. Elle avait même secrètement espéré s'en charger, à vrai dire, désormais à même de décider qui prendrait sa chambre, mais jamais sa place.
Le dosage précis et maléfique avait pris la forme d'une annonce outrageusement mensongère – « calme », « organisé », avait pianoté Hermione tandis qu'en arrière-fond lointain, Harry beuglait du Evanescence dans une chambre bordélique – afin d'attirer un appât drastiquement opposé, mais suffisamment résilient pour tenir jusqu'à la fin de la sous-location.
Il avait ensuite fallu nager à travers l'océan de réponses pour écarter celles automatisées, celles agressivement joviales, celles agressivement agressives, celles un peu trop brouillonnes, celles parfaitement parfaites ou celles méchamment creepy pour ne plus tomber que sur une seule :
« Draco Malfoy, 25 ans. Très intéressé par votre sous-location. Comme vous, j'aime la propreté, l'indépendance et le silence. La cuisine aussi – je travaille dans la gastronomie fine depuis maintenant 9 ans. Deux seules allergies : poils de chat et filmographie de Tarantino. Si l'offre tient toujours, je souhaiterais effectuer une visite. S'avérait-elle concluante, je m'engage à payer les 6 mois de loyer au complet. En l'attente d'une réponse. DM. »
Le sourire d'Hermione avait été lent, mais extrêmement certain.
.
.
.
Vati Appels vidéo manqués (3)
Vati Textos non lus (9)
.
.
.
Par réflexe, ou pur instinct de survie, Hermione s'était toujours méfiée de ce que son esprit logique ne parvenait pas à très vite rationaliser. La beauté irréelle de Draco Malfoy en avait fait partie.
Il avait débarqué huit minutes à l'avance pour sa visite du Square Grimmault — effectuée seulement par Hermione, car Harry avait bien évidemment enseveli cette corvée derrière un énième prétexte fumeux — et la brune lui avait ouvert la porte pour bêtement rester plantée sur place ensuite, ses méninges en court-circuit.
Si bêtement enracinée que le visiteur – un grand homme aux traits finement sculptés et à la blondeur agressivement nordique – avait abaissé ses lunettes de soleil sur son nez avec une expression préoccupée. Grave erreur : ses yeux étaient d'un azur plus létal encore que le reste de sa personne.
« Je… me trouve bien au 12, Square Grimmault ? Chez Harry James Potter ? » avait-il lentement prononcé.
Énonciation claire, accent posh, regard sans détour. Si Hermione avait inspiré un grand coup par le nez, peut-être aurait-elle décelé l'effluve subtil de fric intergénérationnel sous son eau de cologne délicatement boisée.
Et ce premier indice avait suffi à la réveiller de sa torpeur.
« Oui ! Exact ! » avait-elle alors répondu, un sourire impeccable peint sur le visage. « Et tu dois être Draco Malfoy : enchantée ! Je suis Hermione Granger, la colocataire de Harry. »
« Enchanté Hermione. » l'avait salué Draco en lui offrant une poignée de main ferme et solennelle. « Donc je prendrais ta place ? »
« Ma chambre. » avait aussitôt précisé Hermione.
« Exact. » avait acquiescé Draco, impassible derrière ses Ray Ban, puis, son index pointé vers l'entrebâillement : « Puis-je ? »
« Oui, bien sûr ! » s'était aussitôt exclamée la brune en reculant d'un pas pour le laisser passer.
Puis, juste parce qu'elle aimait avoir raison, elle avait très discrètement humé l'air sur son passage et, mmmh. Oui. Oooh oui. Du bourgeois pur laine, ça.
Ce qui avait très rapidement expliqué son stoïcisme tout au long de la visite. Absolument rien, du premier au quatrième étage en passant par le jardin fleuri et la salle de jeu du sous-sol, n'avait semblé le surprendre ou l'impressionner. Pas même la cuisine où Draco avait inspecté pendant une quinzaine de minutes – montre en main – les boutons de la cuisinière, la profondeur du four, la largeur du plan de travail et les lames de chaque couteau. Aucune émotion visible.
Et pourtant, il y avait de quoi en avoir.
Si l'extérieur ne payait pas de mine, une fois passée la porte d'entrée, le Square Grimmault ne finissait pas de révéler ses secrets. À sa noblesse figée et intimidante se mariait un gothisme venu apporter un peu d'excentricité aux lieux. Chaque pièce détenait sa personnalité, son ADN, et entre le mobilier en bois vernis, les fenêtres cathédrales, les lampes en vitrail, les tapisseries vert émeraude, les tableaux aux moulures d'or, les poignées en forme de serpent et la multitude d'autres bibelots au fini délicat, il y avait de quoi faire de cet édifice un musée.
Sans doute le serait-il devenu, d'ailleurs, si Harry n'en avait pas hérité à ses quatorze ans. Un dernier cadeau de son parrain, Sirius, décédé brutalement durant son année de troisième – car, comme bien souvent dans la vie de Harry, les belles choses venaient entrelacées de tragédies.
Quarante minutes plus tard, la bouche aride d'avoir présenté la maison du sol au plafond, Hermione s'était sentie personnellement offensée par l'indifférence inchangée de son invité. Pas un mot, pas un hochement de tête, pas même l'ombre d'un sourire ; à ce stade, c'en était presque de la défiance.
Puis, contre toute attente, il s'était arrêté devant le dernier petit cadre accroché près du vestibule d'entrée pour prononcer un simple :
« Dali ? »
« Oui. » avait répondu Hermione – sa timide contribution décorative aux lieux.
« Version originale, j'ose espérer. » avait-il ajouté, le nez en l'air.
Pendant trois éternelles secondes, les yeux d'Hermione s'étaient écarquillés d'incrédulité. Attendez… quoi ? Et avant que l'ouragan Granger ne gronde,la figure de son voisin s'était fendue en un rictus – minuscule, mais bel et bien présent.
Oh.
« Parce que si c'est un faux, je préfère prévenir : je n'emménagerai pas. » avait-il poursuivi sur le même ton polaire.
« Je vois. » s'était alors prise au jeu Hermione, un sourire progressif se déployant sur son propre visage. « On prévoyait justement de voler le véritable dessin la semaine prochaine, justement. »
« Trop tard. J'aurais déjà trouvé une bien meilleure maison que celle-ci. » avait-il haussé des épaules, désinvolte.
Hormis la lueur taquine dans son regard, absolument rien ne trahissait le second degré derrière son intonation purement et gratuitement cassante. Sur un malentendu, il encapsulait même à merveille la condescendance horripilante du gosse de riche, cette espèce que Harry — un autre gosse de riche dans le déni — avait en si sainte horreur.
Le sourire d'Hermione s'était alors accentué.
« Vraiment ? »
« Absolument. » avait soutenu Draco.
« Dommage, parce que tous les autres appartements à louer ont un gigantesque poster de Pulp Fiction accroché en plein milieu de leur salon. » avait-elle répondu, feignant une moue peinée.
Ce qui avait eu le mérite de décrocher un rire réel, bien que bref, chez son interlocuteur.
« Tous ? » avait-il répété.
« Absolument tous. » avait opiné la brune. « J'ai vérifié. »
« Mmh. » Draco avait dodeliné de la tête en regardant autour de lui, pensif. « Sauf celui-ci, j'imagine. »
Ses jolis yeux bleus avaient continué de vagabonder un peu partout ; chandeliers, papier peint, lustres, portraits, tapis, rampe, miroirs. Hermione l'avait laissé faire, patiemment silencieuse. Avidement observatrice.
À froid, peut-être que le mot « irréel » n'était pas le plus adéquat pour lui. Car ici, au sein du Square Grimmault, sa beauté devenait étrangement tangible, aussi intemporelle et sophistiquée que les armoiries anciennes de la lignée Black. Il était une statue angélique parmi tant d'autres.
Mais dehors ? Dehors, il ne pouvait exister sans dommages collatéraux. Et tant mieux, car une fois les papiers signés – parce que oui, il allait les signer, ces papiers – Hermione n'avait pas l'intention qu'ils se recroisent un jour, même à son retour.
« Sauf celui-ci. » avait-elle donc confirmé.
.
.
.
Fred Appel manqué (1)
Harry Textos non lus (7)
.
.
.
À son troisième mois de séjour en Australie, Hermione n'avait plus eu de mal à ignorer la moitié ds appels de Harry sans trop de culpabilité. Parce qu'à quoi bon, si tout n'était plus qu'une litanie éternelle de : Draco a fait ci, Draco a dit ça, Draco a cuisiné ce plat, Draco m'a expliqué ceci, Draco m'a montré telle série, Draco nous a emmenés dans tel restaurant, Draco m'a accompagné faire du skate, Draco a changé l'ampoule du sous-sol, Draco sait écrire des deux mains, Draco sifflote quand il se douche.
Qu'est-ce que Hermione pouvait bien en avoir à foutre ?
De un : si elle lui parlait au téléphone, c'était pour avoir de ses nouvelles à lui, et non un récap' du sitcom Harry-et-Draco produit par HBO que semblait devenir cette colocation. De deux : l'entité « Harry-et-Draco » n'avait même pas lieu d'être, car il n'avait jamais été prévu que ces deux-là s'entendent. Qu'ils se tolèrent ? Oui. Qu'ils s'évitent pour ne pas s'étriper ? Idéalement.
Mais qu'ils se fassent des tournois de bras de fer chaque soir et notent leurs scores respectifs sur un tableau aimanté à la porte du frigo ? Erreur 404.
« Tu ne le prends pas ? » lui avait un jour demandé Cedric en remontant son short de surf.
Hermione n'avait pas eu besoin de jeter un coup d'œil vers son téléphone vrombissant pour hausser mollement des épaules.
« Non. »
Cedric l'avait alors fait à sa place, se penchant pour lire le nom clignotant à l'écran.
« C'est… ton meilleur ami, je crois ? Harry ? »
« Je sais. » avait répondu Hermione, ses mains terminant d'agrafer son soutien-gorge. « Mais si c'est pour s'extasier pendant quarante minutes sur toutes les fois où son nouveau coloc a inspiré et expiré, j'aime mieux passer mon tour. » Une courte pause, puis, non sans un soupir : « Et je sais de quoi j'ai l'air, en disant ça. »
Face à elle, Cedric avait froncé des sourcils, un bras semi-enfilé dans la manche gauche de son t-shirt.
« De quoi est-ce que tu aurais l'air ? » s'était-il enquis.
« Du cliché de la meilleure pote jalouse, possessive et mal dans sa peau au point d'être incapable de concevoir l'idée que ses amis puissent développer d'autres amitiés en parallèle de la sienne. » avait alors récité Hermione.
Ce qui n'avait récolté qu'un haussement désinvolte d'épaules de la part de son voisin, peu effrayé par le tableau qui lui était dépeint.
« Non. Tu es à l'autre bout du monde et tu as juste peur qu'il t'oublie. C'est normal. » avait-il résumé, simple et direct comme les choses l'étaient souvent, avec lui.
Hermione avait ouvert la bouche, une négation toute prête sur le bord des lèvres, avant de la ravaler. Elle n'avait personne à convaincre, ici. Pas même elle-même.
Elle n'avait personne à qui mentir jusqu'à être crue.
« Harry est bordélique. » avait-elle laissé glisser. « Bruyant. Fêtard. Impulsif. Petit chef. Kill Bill est son film préféré. Il ne peut pas s'écouler une semaine sans qu'il n'en prononce une réplique. Et Draco hait Tarantino. Donc je ne sais pas par quel foutu miracle ils arrivent à s'aimer. »
« Ça arrive. » avait simplement ri Cedric. « Mais il ne va pas te remplacer, Hermione. »
« Je sais qu'il ne va pas me remplacer parce que c'est toujours, toujours pareil. » avait répliqué la brune, un brin cinglante. « Parce que tout le monde veut être l'ami de l'Élu, du Survivant, du grand et légendaire Harry Potter qui avait déjà deux biographies, quatre documentaires et une télé-réalité capitalisant sur le destin tragique de ses parents avant même ses dix ans. C'est joli sur le papier, ça fait classe sur le CV, mais quand il balance une télévision contre le mur par pur accès de rage, quand il décide sur un coup de tête d'aller vivre en Argentine au point d'acheter son billet d'avion ou qu'il appelle à trois heures du matin en sanglots hystériques parce qu'il vient d'avaler la moitié de son armoire à pharmacie, qui est là ? Qui reste ? Personne. » avait-elle terminé, le souffle court.
Elle avait ensuite attrapé sa barrette pour s'affairer à dompter ses boucles, les doigts tremblants de rage et imprécis, mais rien n'avait vraiment pu la distraire de cette boule monstrueuse qui obstruait sa gorge. Au bout de deux essais ratés, l'objet lui avait été délicatement ôté des mains pour être remplacé par les bras de Cedric étreignant ses hanches par l'arrière, ramenant avec lui l'odeur des vagues et du soleil.
« C'est toujours pareil. » avait murmuré Hermione, adossée contre son torse. « Toujours. »
.
.
.
Maman Appel manqué (1)
.
.
.
Au bout de seize jours d'hibernation, deux paquets de clopes, une facture d'électricité salée, six crises de larmes, un joint médiocrement roulé, huit appels manqués de Harry, l'achat compulsif d'un sixième Moleskine, quatre élastiques cassés, une relecture complète de Difficult Women, cinq nouveaux matchs Tinder, une septième crise de larmes, un fichier de thèse toujours H.S., deux documentaires sur le règne des Médicis, quatre épisodes aléatoires de Glee et un service à thé en céramique japonaise bleu outremer commandé en ligne à quatre heures dix-neuf du matin, Hermione se redressa sur son lit, contempla longuement le mur puis décida de reprendre sa vie en main.
Ce qui passait naturellement par un demi-verre de prosecco versé dans sa tasse vieillie des Jonas Brothers, un documentaire sur le règne animal mis en bruit de fond et une cigarette flambant neuve entre ses deux phalanges. Sans surprise, lorsque son pouce s'écrasa sur le bouton d'appel de son smartphone, la figure foncièrement outrée de Parvati apparut avant même qu'une troisième tonalité ne puisse résonner.
« Holà. » prononça Hermione d'une voix rauque, car Adélaïde avait bien des défauts, mais jamais celui de l'avoir mal éduquée. « Qué tal ? »
« Mais tu te fous de ma gueule. » rugit Parvati, des bigoudis multicolores dans les cheveux.
Hermione haussa mollement des épaules.
« Lo siento. » s'excusa-t-elle tout de même.
« J'essaie de t'avoir depuis deux semaines, Min. Deux. Semaines. » poursuivit Parvati.
« Je sais. Déso. Occupée. »
« Occupée à quoi ? Être morte ? »
« Vouloir l'être. » répondit Hermione entre deux ronds de fumée.
À l'écran, Parvati dodelina de la tête, sa colère mise sur pause.
« Ok. » lâcha-t-elle finalement le morceau. « Mais juste pour info : Harry te pense effectivement morte. »
« Harry t'a appelé ? »
« Je l'ai appelé parce que je n'arrivais pas à t'avoir et on en a conclu que tu étais décédée. » retraça Parvati. « Enfin, Draco te pensait juste kidnappée. Il proposait de poster un avis de recherche sur Marketplace. »
« Désolée. » s'excusa machinalement Hermione puis, les sourcils soudainement haussés : « Attends, attends : comment ça 'Draco' ? »
« Argh, j'ai ruiné ma propre surprise… » se fustigea Parvati, une paume plaquée sur son visage, avant que ses doigts ne s'espacent très lentement, révélant deux petits yeux espiègles : « On couche ensemble. »
L'échange visuel qui s'ensuivit fut des plus tragi-comiques : Hermione qui fixait la caméra avec une expression de pure épouvante et Parvati, partagée entre excitation coupable et hilarité contenue, qui la regardait encaisser la nouvelle à l'autre bout du fil.
« Dis-moi. » parvint finalement à prononcer la brune. « Que c'est une blague. »
« Nope. » confirma son amie.
« Vati. » Hermione ferma les yeux et leva solennellement son mégot en l'air. « Dis-moi que c'est une putain de blague. »
« Non, Min, je ne déconne pas. » pouffa cette fois-ci de rire Parvati. « On se voit tous les deux jours en moyenne depuis la soirée d'expo de Luna. C'est juste incroyable. »
Hermione ouvrit la bouche sans qu'aucun son n'en sorte, sidérée.
« Et tu l'aurais su depuis longtemps si tu avais lu ne serait-ce qu'un seul des textos que je t'ai envoyés ! Mais non ! Madame était trop occupée à dé-pri-mer. Bouhou. »
« Attends… la soirée d'expo de Luna ? » répéta Hermione, en plein marathon cardiaque. « Le… le soir même ? »
« Meuf, ok, il faut que je te raconte. » commença Parvati en se redressant bien droit dans son lit, prête à déballer le récit du siècle : « Tu te souviens quand il est arrivé à l'expo accompagné de Harry ? Eh ben figure-toi qu'avant même que j'aille le voir, il n'arrêtait pas de regarder de notre côté. Genre constamment. »
« Oui. » confirma Hermione, la voix blanche.
« Donc après ça, je me suis dit : "let's go, Vati, c'est ton moment" et hop, j'ai sorti un peu Tia et Tamera de leur décolleté puis je me suis dirigée droit vers lui. Bon, au départ, je lui tournais un peu autour sans vraiment m'approcher, parce que je voulais l'avoir pour moi toute seule, c'est comme ça que j'opère le mieux. Mais comme il ne quittait pas Potter d'une seule semelle, je me suis finalement dit que j'allais commencer par papoter avec les deux pour ensuite créer une petite ouverture progressive de son côté, tranquillement, ni vu ni connu, bim bam boum, monsieur crie mon nom trois heures plus tard, tu vois le plan ? Mais chaque chose en son temps : d'abord, on discute. »
« Et est-ce qu'il t'a mal parlé ? Est-ce qu'il t'a insulté ? Comment est-ce qu'il s'est comporté avec toi ? Qu'est-ce qu'il t'a dit ? » l'interrogea en rafale Hermione, poing fermé et prête à la guerre.
« Meuf. » répéta Parvati, son sourire accentué. « Il est tellement drôle ? Et c'est dingue parce qu'on ne dirait vraiment pas comme ça étant qu'il ne parle presque jamais et qu'il a l'air d'être né pour poser en caleçons Calvin Klein, mais je te jure, en cinq minutes de conversation, j'étais déjà pliée de rire trois fois. »
Hermione cligna très lentement des yeux.
« Donc il ne t'a pas manqué de respect ? » réitéra-t-elle, plus par choc que par désir de protection, cette fois-ci.
« …non ? Il a même été sympa. J'ai dit que je n'avais aucun moyen de transport pour rentrer – gros mensonge : j'avais ma carte de bus – et il m'a tout de suite proposé de me raccompagner en scooter. Sans même que je lui demande. »
Hermione resta bouche bée quatre terribles secondes. Était-ce un canular ou bien avait-elle atterri dans un univers parallèle ?
« Oh, oh, oh ! » continua soudain Parvati en frappant impatiemment dans ses mains. « Je ne t'ai même pas dit le plus croustillant ! Donc on a parlé, on a bien ri, blablabla, puis on s'est perdus de vue une trentaine de minutes, quelque chose comme ça… et Min, tu veux savoir dans quel état je l'ai retrouvé ? La gueule littéralement en sang. »
Hermione se sentit chuter en tension et tâta le vide pour s'agripper à un tabouret.
« Q-qu'est-ce qui… c-comment c'est… » bégaya-t-elle.
« Apparemment, en sortant se fumer une clope, il aurait trébuché sur une dalle puis se serait étalé tout du long juste après ? Un truc du genre, d'après Potter. Mais un bien pour un mal, parce que… »
« C'est – attends. Je… Quoi ? C'est… c'est ce que Harry t'a dit ? » hallucina Hermione.
« Oui ? Il s'est juste cassé la gueule par terre, quoi. » répondit distraitement Parvati. « Et puis juste après, on… »
« Harry t'a dit que Draco avait du sang partout sur le visage parce qu'il est… tombé. Par terre. » insista la brune, absolument incrédule.
« C'est exactement ce que je viens de dire, Min. » s'impatienta Parvati avec un léger claquement de langue. « Et donc ensuite, on s'est retrouvé dans… »
Hermione se sentit happée de l'intérieur, le reste du récit de sa meilleure amie ne lui parvenant plus qu'en écho lointain parsemé de mots clés – sang… pansements… toilettes… cabine… proche… embrassés… Tia… Tamera. À ses tempes, l'écho de son cœur en vacarme, tandis que se formait dans son esprit semi-embrumé une hypothèse des plus absurdes : Harry n'était pas au courant de leur altercation.
Parce que Draco ne lui avait rien dit.
Fébrile, Hermione remonta ses textos jusqu'à sa conversation religieusement ignorée avec Harry et passa les neuf messages non lus en revue.
Hey ! T'es déjà partie ? Parce qu'on aurait besoin d'un pansement en urgence :(
Hellooooooooooo, j'ai parlé à Fred et il peut 100% t'aider pour ton ordi ! Tu peux venir le laisser chez moi pour que je lui donne… mais tu peux aussi passer à leur boutique, ça leur fera plaisir de te revoir ;)
Hey, tout va bien ?
?
Tu connais un bon tatoueur dans la ville ?
Tu sais comment reconnaître facilement un mur porteur ?
Hermione ? ?
Tu crois que je devrais investir en crypto ? ?
Toujours vivante ? ? ? ?
Hermione reposa son portable sur la table, un peu sonnée, la voix de Parvati entrant et sortant de ses oreilles en courant d'air – lit… draps… dingue… quatre fois… mur… fou… table… malade… chaise… wow.
Draco ne lui avait rien dit.
Et elle ne savait pas si elle devait être soulagée ou effrayée.
.
.
.
La question de ce chapitre est : sur une échelle de 0 à Ted Bundy, où situeriez-vous ce très cher Draco ?
.
Rar :
Telguen : Tu es parmi les rares qui continuent d'apprécier Draco à ce stade, ça me fait plaisir haha ! J'avoue me faire un petit kif à présenter d'abord ses pires défauts, puis appliquer du baume sur la plaie. Hinhin. En tout cas, très heureuse que tu aies aimé le dernier chapitre et en espérant que celui-ci te plaise également. :)
.
Ivy : Draco peut effectivement être très blessant quand il le veut, je n'arrive pas à ne PAS incorporer cet élément de sa personne dans mes fics, haha. Mais il n'est pas une ordure finie, promis (...ou pas ?). En tout cas, ton challenge est accepté ! ;)
.
Manon : Hahahaha, c'est vrai que cette tension peut avoir ses avantages charnels... mmh, à voir, à voir. Ça semble être bien parti pour être un slow burn par contre, désolée ! Mais le crescendo en vaudra la chandelle, promis. Merci beaucoup pour ta review ! :)
.
PS : Si une chanson vous fait penser à cette histoire, n'hésitez pas à me la partager ! Si elle m'inspire, je l'ajouterai avec plaisir à la playlist. Bisous ⭐
