Bonjour tout le monde !

Dans un mois, ça fera un an que j'ai pas publié, et pourtant j'ai pas arrêté d'écrire. Cette histoire est pas encore terminée, car c'est la plus ambitieuse que j'ai jamais écrite, les chapitres sont plus longs que ce dont j'ai l'habitude. C'est pourquoi le rythme de publication sera plutôt aléatoire.

Petites précisions : c'est un AU d'après-guerre, mais il est possible qu'il y ait des erreurs au niveau de l'univers d'HP, ou des persos parfois OOC, mais bon tant pis. J'ai décidé que ni Remus ni Fred ne mourait, même s'ils ne sont pas très importants dans cette histoire.

J'espère que ça vous plaira, bonne lecture !


-*1*-

- Un couple parfait -

Ginny posa les mains à plat sur la tablette en poussant un soupir agacé. Elle croisa son regard dans le miroir et évalua son allure.

Ça pouvait passer. Elle se saisit d'un rouge à lèvres rose parme et l'appliqua avec concentration. Elle roula ses lèvres, corrigea une ou deux imperfections, puis enleva le surplus avec un mouchoir en papier.

C'était déjà mieux.

Elle attacha ses cheveux en queue de cheval, passa une chemise vert olive et la rentra dans sa jupe noire. Elle essaya d'arrêter de toucher nerveusement à ses cheveux ou à ses vêtements et souffla un grand coup.

Puis, elle se mit à sauter sur place, détendant tous ses muscles en faisant des cercles de la tête.

- J'ai l'impression de te voir t'échauffer sur le terrain.

Elle se retourna vers Harry, nonchalamment appuyé sur le cadre de la porte, avec un petit air moqueur.

- Je préfèrerais aller voler.

- Oh, aller, tu vas voler dans…trois heures ! dit-il en consultant sa montre.

- Mais je veux voler maintenant…répondit-elle avec un ton faussement geignard.

- Ce n'est rien qu'un mauvais moment à passer, assura-t-il avec une moue compatissante.

Ginny hocha lentement la tête. Elle n'avait aucune envie d'y aller.

Ils étaient invités au Terrier pour déjeuner, avec toute la famille, y compris Hermione, Remus et Teddy. Elle était fatiguée d'avance, et pourtant, elle avait entraînement juste après.

- J'ai l'air bien, au moins ?

- Parfaite.

Ils descendirent au salon, et s'engouffrèrent dans la cheminée l'un après l'autre.

Quelques secondes plus tard, ils avaient débarqué au Terrier. Le calme du square Grimmaurd semblait déjà n'être qu'un vieux souvenir. Molly passa devant eux, guidant une ribambelle d'assiettes et de couverts du bout de sa baguette tout en criant à Fred de rajouter des chaises. Son visage s'éclaira à leur vue, et elle leur fit bruyamment la bise.

- Ginny, tu es ravissante ma chérie ! Harry, tu as l'air fatigué, mon lapin, ils ne te laissent pas te reposer au Ministère ?

- Si, bien sûr, mais je dois réviser aussi, le soir…

- Évidemment, évidemment…Allez dans le jardin, il fait bon, on va manger dehors !

Ginny essaya de se recoiffer rapidement alors qu'Harry époussetait son pull.

Ils arrivèrent devant l'assemblée, où tout le monde, en pleine discussion, mettaient la table dans une joyeuse cacophonie. Harry lança un regard encourageant à son amie, avant d'aller saluer les invités.

Ron lui passa une chaise en même temps que le bonjour, mais Hermione vint l'embrasser sur la joue, et en profita pour lui demander des nouvelles de son dernier examen de Potions d'urgence. Les jumeaux s'employaient à ensorceler une poupée pour qu'elle change son apparence au gré des envies de Teddy, et le petit, assis sur les genoux de George, était fasciné par les étincelles qui voletaient autour de son jouet.

Remus vint lui faire la bise, et lui demanda sur quoi portait sa dissertation de Défenses avancées. Harry soupira « les rituels de sang », ce qui fit grimacer Bill et pâlir Fleur. Arthur lui demanda s'il pouvait lui prêter les cours sur les « gajettes d'espionnage » moldues, ce à quoi Harry promit qu'il les apporterait la prochaine fois.

Le repas se déroula dans la même ambiance légère, mais Harry gardait tout de même un œil sur Ginny. Il voyait à son sourire un peu figé, à son regard qui parfois s'attardait une seconde de trop devant elle, qu'elle n'était pas à l'aise, même si elle était douée pour le cacher.

Après le dessert, Teddy s'installa sur ses genoux et Harry fit mine de ne pas voir le sourire attendri de ses beaux-parents. Ginny lui sourit aussi et appuya sa tête contre son épaule.

Hermione choisit cet instant pour faire tinter son couteau contre son verre et tous les regards convergèrent vers elle. Ginny la remercia intérieurement pour le répit qu'elle lui offrait.

- J'ai une grande nouvelle à vous annoncer.

Ron la couvait avec un regard empli de fierté.

- Marius Pollock m'a choisie comme assistante !

Quelques sifflements d'admiration s'élevèrent autour de la tablée.

- Félicitations ! s'exclama Remus.

- Depuis quand tu le sais ? demanda Fleur.

- J'ai passé l'entretien il y a trois semaines, expliqua Hermione. Ça s'était bien passé, il était gentil même si j'étais un peu impressionnée. Et j'ai reçu un hibou hier ! Je n'en reviens toujours pas.

Tout le monde lui assura qu'elle allait s'en sortir à merveille, et elle expliqua en détails ce qu'elle allait faire. La conversation dévia tranquillement sur les faits d'armes de son futur mentor, grand juge du Ministère réputé pour sa droiture et son efficacité redoutable.

Ginny finit par sortir de table en emportant quelques assiettes et couverts avec elle, ignorant le regard interrogatif de son petit ami. Elle avait besoin d'un prétexte pour souffler un peu. Elle adorait passer du temps avec sa famille, mais depuis qu'elle était sortie de Poudlard et qu'elle avait emménagé avec Harry, c'était devenu un peu plus pesant.

Elle commença à nettoyer la vaisselle à la main, pour gagner du temps seule dans la cuisine.

- Oh ma chérie, ne te fatigue pas avec ça !

Sa mère l'écarta de l'évier avec autorité, y plaça d'autres assiettes et jeta un sort rapide sur les éponges. Ginny retint un soupir d'agacement et sourit.

- Ne t'inquiète pas, c'est juste que j'aime bien faire la vaisselle.

Molly hocha doucement la tête.

- Tout va bien avec Harry ? Tu m'as l'air assez stressée.

- C'est rien, répliqua Ginny. C'est juste que les sélections approchent, et on est beaucoup à candidater.

- Oh tant mieux, j'ai eu peur ! J'ai toujours su que c'était un bon garçon pour toi.

La jeune fille retint une grimace.

- Ah, ça…

- Avec ton père, on est d'accord là-dessus, enchaîna Molly. Et avec lui, je suis certaine que vous nous ferez de beaux petits-enfants.

- Ce n'est pas vraiment dans nos priorités…tempéra sa fille en enroulant une mèche de ses cheveux.

- Non bien sûr, lui accorda Molly. Il faut encore qu'il finisse ses études, et qu'il se soit bien établi chez les Aurors…Et puis toi, il faut aussi que tu lances ta carrière, dans le quidditch ou ailleurs.

- Exactement.

- Et d'abord un beau mariage !

Ginny soupira.

- Oh, enfin, le dernier, c'était Bill et Fleur, il y a cinq ans ! Ron et Hermione attendent le diplôme, je m'impatiente !

- Maman, on préfère attendre aussi, jusqu'à ce qu'Harry finisse son apprentissage.

- Comme vous voudrez, soupira-t-elle. Mais je vous en prie, ne vous mariez pas en même temps que ton frère. Je veux deux cérémonies différentes.

- Évidemment.

Ginny lança un tempus, et s'exclama sans grande conviction :

- Oh, il est déjà quatorze heures ? Il va falloir qu'on y aille, j'ai entraînement dans une demi-heure, et Harry a du travail !

- Déjà ? s'écria Molly. Bien sûr, va le chercher, je ne vais pas te retenir.

Elle n'avait pas terminé sa phrase que la jeune femme était déjà dehors. Elle arriva à grandes enjambées vers Harry, qui releva la tête vers elle avec inquiétude. Teddy, toujours sur ses genoux, les cheveux aussi noirs que son parrain, tourna son regard en même temps.

- Avec Harry, on va y aller ! J'ai entraînement dans pas longtemps.

Les autres parurent un peu décontenancés, mais Harry coupa court à leurs possibles objections en reposant Teddy sur les genoux de son père. Ils dirent au revoir en vitesse, et filèrent jusqu'à la cheminée. Harry prétendit qu'il ne vit pas l'air inquisiteur qu'Hermione posait sur eux, alors que déjà les discussions reprenaient autour de la table.


- Ça a été ?

- Ma mère m'a pris la tête dans la cuisine, soupira Ginny.

- Encore ?

La jeune fille se sentait beaucoup mieux. Dès qu'elle était arrivée au square Grimmaurd, elle avait passé un jogging et un tee-shirt de sport avant de se démaquiller.

Puis, elle avait rejoint Harry dans le salon et s'était affalée sur le canapé.

- Tu veux qu'on aille faire de la voltige avant ton entraînement ? demanda-t-il.

- Humm, non…Peut-être demain…

- Comme tu voudras.

Le silence s'installa confortablement. Les silences n'étaient jamais gênants entre eux.

Après la huitième année d'Harry à Poudlard, il avait disparu pendant trois mois, nul ne savait où. Il lui avait dit qu'il avait voyagé, mais Ginny n'en savait pas plus. Pendant ce temps, elle était restée au Terrier, sans trop savoir quoi faire de sa vie. Puis, il était revenu, et ils avaient emménagé ensemble au square Grimmaurd. Ils avaient passé encore trois mois à décorer l'endroit, à s'acclimater à Kreattur (qu'ils payaient un gallion par mois désormais), Harry apprenant à gérer la fortune et les biens des Potter et des Black, Ginny essayant de rentrer à l'Académie anglaise de Quidditch. Elle avait enfin réussi, et Harry s'était inscrit à la formation d'Auror du ministère. Il avait passé deux ans à l'École, ne rentrant que les week-end, avant d'intégrer le Ministère pour sa dernière année, qu'il terminerait en février.

Cela faisait donc trois ans qu'ils vivaient ensemble, trois ans qu'ils partageaient tout, trois ans qu'ils faisaient la fierté des Weasley.

- Elle m'a encore parlé de mariage et de bébés, se plaignit Ginny. Je n'en peux plus.

- Tu comptes leur dire un jour ? demanda Harry.

Sa question la prit de court. Elle savait qu'il prenait sur lui, qu'il acceptait la situation, mais elle ne pouvait s'empêcher de lui en vouloir un peu quand il remettait en question leur arrangement.

- Je ne sais pas, pas tout de suite…éluda-t-elle.

- Écoute, je sais que tu penses que c'est une situation confortable, mais ça ne peut pas durer éternellement.

- Non, pas éternellement, mais encore un peu ?

- Ginny, ça fait déjà trois ans…soupira-t-il. Est-ce qu'on peut au moins leur dire qu'on a rompu ?

Elle fut tentée de protester, mais en même temps, il avait raison.

- Si tu es célibataire, ta mère arrêterait de te prendre la tête sur le mariage.

- Oh, j'en doute.

- Mais pense à moi, aussi, dit-il. J'aimerais bien rencontrer des gens, sortir avec quelqu'un…

- Mais je ne t'en empêche pas ! protesta Ginny. Tu peux ramener des gens ici, tu le sais.

- C'est pas pareil. Je ne peux pas en parler à Ron ou Hermione, je ne peux pas avoir une relation sérieuse…

Son regard la mettait un peu mal à l'aise.

- Et même pour toi, c'est pas tenable, reprit Harry. Tu te fais du mal, tu n'es pas toi-même.

- Je suis pas prête à leur dire, répliqua-t-elle.

- Je ne te parle pas de coming-out ! Je pense que faire croire à ta famille qu'on est ensemble est pire que le célibat, argua-t-il. Parce que pour eux, ça fait quatre ans qu'on est un petit couple modèle, et que comme Ron et Hermione, il faut qu'on commence à construire une vie de famille. C'est pour ça qu'ils te mettent la pression.

- Si je leur dis qu'on est plus ensemble, je vais les décevoir, répondit Ginny.

- Je ne pense pas, soutint Harry. Ils seront certainement déçus pour toi, mais ils arrêteront de te demander des comptes sur le mariage, ou les petits-enfants. Et puis, ils en voudront surtout à moi, plaisanta-t-il.

- Oh non, jamais. Ils placent beaucoup d'espoir dans notre relation, expliqua-t-elle. Tu l'as dit, on est le couple parfait pour eux. Et si je gâche tout, ça me retombera dessus. Toi, par contre, tu es le Sauveur du monde sorcier, le gendre idéal, jamais ils ne t'en voudront.

Harry soupira.

- Ginny, on peut au moins se fixer une date ? Inventer un scénario ? Je ne sais pas, moi, n'importe quoi, j'ai pas l'intention de faire semblant pendant dix ans non plus.

Elle se mordit la lèvre.

- Je, je vais y réfléchir. On peut en reparler plus tard ? Je vais devoir aller à l'Académie.

- Comme tu veux.

Son ton était beaucoup plus sec. Il se leva du canapé et monta les escaliers sans un mot.


Vingt minutes plus tard, elle se trouvait à une dizaine de mètres au-dessus du sol, sous la bruine de septembre. Accrochée à son Étoile filante, qu'Harry lui avait offert pour un anniversaire, elle attendait les consignes de l'instructeur au milieu d'une vingtaine d'autres étudiants.

Leur conversation lui laissait un goût amer. Elle s'en voulait de le forcer à faire la comédie avec elle, mais elle n'avait pas le choix. Elle avait toujours cru que cela fonctionnait bien entre eux. Après tout, Harry non plus n'avait pas envie de faire son coming-out, et avec les médias qui n'avaient aucun respect pour sa vie privée, leur faux couple constituait la meilleure façade pour éloigner leurs plumes à papote.

Et jamais elle ne l'avait empêché d'aller voir ailleurs ! Il ne se gênait certainement pas pour ça, elle savait qu'il sortait parfois dans le Londres moldu pour passer la nuit avec une personne croisée au hasard dans un bar. Il n'avait cependant jamais amené une de ses conquêtes au square Grimmaurd. Elle ne savait même pas combien il y en avait eu. Pas tant que ça, en y réfléchissant bien. L'année dernière, il avait eu quelques rendez-vous sérieux avec une certaine Alice, mais il avait arrêté de la voir au bout d'un mois et demi.

Du reste, s'il lui arrivait souvent de découcher, Ginny savait très bien que c'était beaucoup plus fréquent pour lui de travailler toute une nuit sur une affaire en cours au Ministère plutôt que de s'amuser dans un pub. Elle doutait qu'il s'amusât tant que ça, d'ailleurs. Harry était du genre mélancolique depuis la guerre, surtout la nuit, quand il n'était plus obligé de prétendre que tout allait bien devant ses collègues et son entourage. Il lui avait dit une fois qu'il aimait beaucoup les moldus pour ça, car au-delà de l'échappatoire qu'ils lui offraient dans sa vie amoureuse, ils n'avaient aucune idée de qui il était. Il pouvait enfin se fondre dans la masse, draguer un parfait inconnu qui ignorait tout de lui et qui regardait sa cicatrice d'un air curieux, sans se confondre en remerciements ou compliments pompeux.

Ginny avait suivi son conseil, et avait rencontré quelques filles moldues, pour voir. C'était amusant, mais ça n'aurait jamais pu aboutir sur quelque chose de sérieux.

Mais c'était ça que lui avait reproché Harry. Ses petites escapades lui accordaient un répit, une distraction, mais bâtir une vraie relation de couple lui restait inaccessible. Déjà avec un ou une moldue, c'était délicat. Elle réalisa que c'était peut-être ce qui avait fait capoté sa relation avec Alice. Comment construire une vie de couple, un avenir, alors qu'il avait déjà une vie complète dans le monde sorcier, notamment une fausse petite amie lesbienne ? Ne serait-ce que pour son emploi du temps c'était compliqué à gérer. Mais alors avec une sorcière, ou un sorcier, c'était impossible.

Elle culpabilisait de lui imposer ça, mais elle ne voyait pas comment elle pourrait faire illusion sans lui. Il leur faudrait un scénario crédible, où elle soit un peu la victime qui subit, afin de ne pas s'attirer les foudres de sa mère, mais où Harry ne serait pas non plus un enfoiré de première. Elle ne voulait pas que les Weasley lui en veuillent, c'était sa famille à lui aussi. Impossible donc de faire croire à un adultère.

De toutes façons, même dans ce cas-là, sa mère serait capable de lui reprocher de ne pas avoir réussi à retenir Harry.

L'instructeur siffla enfin, et Ginny fut brutalement sortie de ses pensées. Elle n'avait rien écouté. Autour d'elle, les autres joueurs étaient descendus en piqué, alors elle les suivit.

Son balai réagissait à la moindre inflexion de ses bras, et cette simple descente la satisfit. Cela faisait un an qu'elle avait son Étoile filante, mais elle était toujours émerveillée par les prouesses de sa monture. Son bois ambré était magnifiquement sculpté, sa selle en cuir se faisait oublier et ses étriers de cuivre lui assuraient une prise aisée pour les accélérations. Aujourd'hui pourtant, la beauté de son outil lui rappelait cruellement la situation injuste qu'elle infligeait à son meilleur ami.

Elle vit les autres se mettre en binôme, chacun avec un Souafle et une batte. Elle se tourna, pour voir avec qui elle pourrait se mettre.

Elle attrapa le regard d'un garçon, assez trapu, les cheveux ras, qu'elle avait déjà vu dans d'autres cours. Il lui fit signe, et prit les accessoires avant de s'élancer en l'air.

- Hey, hum…commença-t-elle.

Elle ne se souvenait plus de son prénom.

- On doit faire quoi exactement ?

En face d'elle, il soupira, visiblement déjà agacé.

- Je te lance le Souafle, et tu dois le renvoyer avec la batte. Et on échangera ensuite.

- Ok, super ! répondit-elle d'un ton enjoué.

Ils commencèrent l'exercice, et elle réussit à oublier un temps ses problèmes.

Deux heures plus tard, toujours sous la pluie londonienne, Ginny se trouvait devant les buts, face à six de ses camarades prêts à lui envoyer un Souafle. Elle rattrapa la première balle facilement, et la renvoya vers son lanceur.

Le second lancer fut plus retors, elle s'en sortit de justesse. Puis la troisième joueuse, une fille avec des épaules musclées que Ginny jalousait autant qu'elle admirait, lui lança sa balle tellement fort qu'elle recula de deux mètres sous le choc. Elle avait même perdu suffisamment d'altitude pour laisser les buts libres. Elle renvoya la balle rapidement et remonta en vitesse.

Tout se passa ensuite en une fraction de seconde. D'abord, elle aperçut une tache blonde au milieu des gradins. Puis, la milliseconde suivant le moment où elle reconnut Luna, le Souafle percuta sa mâchoire tel un boulet de canon.

Dix minutes après l'incident, Ginny tenait un sac rempli de glaçons contre sa joue, assise sur une chaise de l'infirmerie.

- Ça va vous faire un sacré bleu ! avait commenté l'infirmier.

Elle s'était contentée de grimacer en réponse.

On toqua timidement à la porte. Luna entra, avec l'air un peu inquiet, et les cheveux trempés. Dès qu'elle la vit, Ginny se sentit comme soulagée d'un poids. Qu'importaient sa presque-dispute avec Harry et ses conséquences terrifiantes, la pression de sa famille, ou la fatigue et la douleur de ses muscles (et de sa mâchoire) après deux heures de vol sous une pluie glaciale, maintenant que Luna lui souriait en lui tendant un paquet de Chocogrenouilles ?

- Ça va ta joue ? demanda-t-elle. Ça avait l'air violent.

- Ça fait un peu mal, mais ça va, répondit Ginny en prenant une friandise. Qu'est-ce que tu fais là ?

- Je voulais te voir jouer, dit Luna avec un sourire.

Ginny ne put s'empêcher de rougir.

- Tu es arrivée quand ? Je ne t'ai pas vue.

- Oh, il y a une demi-heure je crois. J'ai oublié mon parapluie, mais ce n'est pas grave. Ça lave les mauvaises pensées.

- Tant mieux, alors. Mais n'attrape pas froid tout de même.

L'infirmier lui donna une pommade à mettre avant d'aller se coucher, et les deux jeunes femmes rentrèrent en cheminée à l'appartement de Luna.

Elle s'était trouvé un petit cocon sous les toits de Londres, dans le quartier moldu près du chemin de traverse. Elle avait peint les poutres et les murs, et y avait accroché des guirlandes et des lampions de toutes les couleurs. Au plafond de sa chambre, elle avait reproduit la Voie lactée, et le dessin bougeait au rythme des saisons, de la même manière que son modèle.

Ginny adorait son appartement, principalement parce qu'il était à l'image de Luna. Un doux chaos y régnait, et un sentiment de sécurité l'étreignait dès qu'elle passait le seuil.

Luna sécha ses cheveux d'un coup de baguette, et Ginny fila sous la douche.

Elles prirent un thé au jasmin, en se partageant un plaid et une conversation. Les soucis qui polluaient l'esprit et la conscience de Ginny s'étaient envolés, chassés par le goût des scones et le bruit de la pluie contre le vasistas.


Harry était encore agacé lorsqu'il entra dans la salle de classe. Il posa son sac à côté de lui et s'affala sur sa chaise. Il ne comprenait pas pourquoi Ginny tenait encore à cet arrangement stupide.

Ils étaient restés plus ou moins en couple pendant leur huitième année, même si Harry ne savait plus vraiment où il en était dans ses sentiments pour elle. Il s'était plongé dans les études, travaillant d'arrache-pied pour ses ASPIC. Entre ses révisions, les nombreux procès d'après-guerre auxquels il avait dû témoigner, ainsi que la reconstruction difficile du monde sorcier, il n'avait pas vraiment eu le loisir de réfléchir à leur relation, qui était déjà devenue plus amicale qu'amoureuse.

Puis, son diplôme en poche, il était parti, le plus loin possible des tribulations du monde sorcier. Cette parenthèse lui avait sauvé la vie. Quand il était revenu à Londres, il se sentait de taille à affronter les défis qu'il lui restait à soulever.

Il avait proposé à Ginny de s'installer avec lui, et au milieu des pots de peinture et des rouleaux de papier peint déchiré, il avait compris que ce qu'il avait pris pour de l'amour, n'était en fait qu'une profonde amitié. Il s'en était voulu, mais quand il lui avait dit, elle lui avait avoué qu'elle ressentait la même chose, avant de lui dire qu'elle était lesbienne. Cette conversation avait scellé une nouvelle étape de leur amitié.

Au début, ils n'avaient en aucun cas prévu de continuer à se présenter comme un couple. Mais lors d'un déjeuner au Terrier, avant qu'ils n'aient pu annoncer leur séparation cordiale, Molly leur avait demandé s'ils avaient des projets de mariage. Avant qu'Harry n'ait pu répondre que ce sujet était désormais daté, Ginny l'avait rassurée en donnant une date au hasard. Une fois seuls, elle lui avait expliqué qu'elle avait paniqué et qu'elle ne pouvait pas leur dire qu'ils avaient rompus, ayant passé l'été entier à rassurer ses parents sur leur relation. Finalement, ils avaient prétexté un report jusqu'au diplôme d'Harry pour avoir la paix.

Au début, c'était étrange de jouer la comédie, y compris, le plus difficile pour le jeune homme, devant Ron et Hermione, mais ils avaient fini par se prendre au jeu, et c'était devenu presque naturel. Ils s'étaient enlisés dans le mensonge, et les années avaient passé sans qu'il ne s'en rende vraiment compte.

Pourtant, voir ses deux meilleurs amis avancer ensemble réveillait un début de jalousie. Il avait réalisé qu'il avait préféré utiliser cette relation pour éviter de s'impliquer dans une véritable histoire. Non pas qu'il avait quelqu'un en tête, mais il savait qu'une fois officiellement célibataire, il ne pourrait plus se voiler la face. Par lâcheté, il avait préféré mentir à tout le monde plutôt que d'oser s'avouer qu'il était désormais incapable de s'attacher à quelqu'un et de se laisser approcher.

C'était facile d'aller chez les moldus, de prétendre encore que tout allait bien et de se réfugier dans le déni, mais il savait que ça ne pouvait pas durer. Il y avait un peu cru avec Alice, avant de la quitter parce qu'il avait l'impression de l'utiliser pour se prouver quelque chose. Se prouver quoi exactement, il n'en savait trop rien.

Il en avait parlé à sa psychomage, et elle lui avait expliqué qu'il avait peur de se montrer vulnérable devant quelqu'un, alors qu'il avait passé ces dernières années à endosser le rôle du Sauveur. Harry n'était pas trop convaincu, il pensait surtout que trouver quelqu'un qui l'aimerait pour ce qu'il est, même si ce n'était pas très reluisant, se révélerait plus qu'ardu. Cependant, sa psy avait une fâcheuse tendance à avoir raison.

Finalement, il avait pris la résolution d'arrêter de se cacher derrière son faux couple, et d'enfin assumer qui il était. Il hésitait encore à faire son coming-out public, mais il réfléchissait à le faire à ses amis. Rompre officiellement avec Ginny l'autoriserait à traiter ses problèmes relationnels, ou au moins, à ne plus les nier.

Mais son amie avait encore besoin de temps. Il le comprenait, bien sûr, il avait vu à quel point ses parents (surtout Molly) pouvaient être envahissants. Parfois, il ne pouvait s'empêcher de lui en vouloir, ce qui le faisait culpabiliser d'être égoïste.

Pourquoi sa vie devait être aussi compliquée ?

La salle de classe était désormais occupée par une vingtaine d'apprentis Auror. Comme on était un samedi après-midi, ce cours était optionnel, c'est pourquoi ils étaient si peu nombreux.

Il salua de la tête Blaise Zabini, qui était aussi assidu que lui. Étrangement, son camarade avait eu beaucoup plus de facilité à s'intégrer et à se faire des amis parmi sa promotion, alors qu'Harry préférait étudier seul et se mettait volontiers à l'écart. Les vieilles rancœurs de Poudlard s'étaient étiolées quelque part entre les procès de la huitième année et la rentrée à l'École.

L'option du samedi après-midi consistait à assister à une conférence d'un expert, le thème variant chaque semaine. Celle du jour s'intitulait Histoire de la magie des os : de l'âge d'or à la marginalisation. Le sujet paraissait intéressant et relativement inoffensif.

S'il adorait ses cours, il arrivait régulièrement que ceux-ci se révèlent gênants, voire carrément douloureux. Il parvenait à gérer ceux qui portaient sur la guerre, ou sur les Mangemort en général, le fait que tous ses camarades étaient concernés de près ou de loin rendant la chose plus facile. Mais parfois, c'était plus délicat. Il y avait eu un cours entier sur les Impardonnables au deuxième semestre, et il avait eu beaucoup de mal à supporter les regards en coin de ses camarades (et du professeur) à chaque séance. Mais le pire avait été celui sur les erreurs judiciaires. L'exposé maladroit d'un autre étudiant ainsi que le cours détaillé de deux heures sur Sirius qu'il avait dû subir lui avait donné envie de vomir, et il avait préféré manquer les cours de l'après-midi pour éviter de craquer devant tout le monde.

Au moins avec des histoires de sorcières médiévales qui aspiraient de la moelle pour acquérir la force de leurs adversaires, il n'y avait pas trop de risque.

Il se laissa porter par la voix de la chercheuse, et rapidement, tout ce qui le tracassait disparut pour laisser place à des rituels répugnants à base d'os de nourrisson et de couteaux recourbés.

À la fin du cours, Harry rangea ses affaires dans son sac, remis sa veste d'uniforme et s'apprêtait à partir quand Blaise lui adressa la parole :

- C'est un sujet assez graphique, non ?

- Oui, mais moins que la magie du sang, je trouve, répondit Harry.

- C'est sûr. J'avais un peu la nausée la semaine dernière, admit son collègue en lui tenant la porte.

- Rien qu'aujourd'hui, le passage sur le désossement des enfants, ça m'a un peu retourné.

- Ça te dirait de te remettre de tes émotions autour d'un verre ? lança Blaise avec un sourire charmeur.

Son invitation le prit de court.

- Là…maintenant ? parvint-il à bafouiller.

- Oui. À moins que tu n'aies quelque chose à faire ?

Le cerveau d'Harry tournait à pleine vitesse. Échanger des banalités, c'était à peu près gérable, mais là il ne savait pas quoi répondre. Pourquoi il lui demandait ça au juste ? Ils s'étaient déjà vus en dehors des cours évidemment, mais toujours avec leurs camarades de classe.

- Non, pas spécialement, mais…pour quoi faire ?

Blaise éclata de rire et Harry se sentit rougir malgré lui. Était-il si pathétique ?

- Relax, Potter, je vais pas te manger ! Si tu ne veux pas, je n'insiste pas.

- Eh bien…

Il en était à considérer les pour et les contre, quand Octavius Phillips, son référent, un Auror d'une quarantaine d'années se présenta à eux.

- Potter ? J'ai besoin de vous dans l'Est de Londres, on a retrouvé un corps.

- Euh, d'accord, je vous suis, répondit-il.

Il se tourna vers Blaise.

- Désolé. Peut-être une prochaine fois ?

- Pas de soucis. Va résoudre ton affaire, lui lança Blaise, toujours en souriant.

Harry emboîta le pas de Phillips jusqu'à l'aire de transplanage, pendant que celui-ci le briefait sur l'affaire.

- Isabella Taylor, 61 ans. Retrouvée morte chez elle, dans sa cuisine.

- On connaît la cause du décès ?

Phillips lui tendit son bras, et Harry s'en saisit. Un craquement plus tard, ils se retrouvaient dans le vestibule d'un appartement cossu, tout en boiseries.

- C'est pour ça que vous êtes là. Constatez par vous-même.

Son collègue le guida jusqu'à la cuisine, où se trouvaient deux autres Auror, Eleonora Plinth et Adel Rhaoui, qui sondaient les lieux avec leurs baguettes. Un photographe les bouscula presque en sortant de la pièce, occupé à régler son appareil. Deux médicomages qu'Harry ne connaissaient pas étaient penchés sur le corps et prenaient des notes.

Le jeune homme s'accroupit à leurs côtés et observa la victime.

Isabella était une femme blanche, avec les cheveux gris coupés courts. Son visage avait dû porter la vieillesse comme un accessoire, mais aujourd'hui, il était figé dans une expression de douleur pure. Impossible de déterminer la couleur de ses yeux : ils étaient révulsés et sur les iris d'un blanc de nacre, on pouvait apercevoir les fins vaisseaux devenus bleutés. Sa bouche était grande ouverte sur un hurlement maintenant muet, ses mâchoires visiblement crispées. Ses doigts s'étaient recroquevillés, pareils à des serres, devant sa gorge comme pour se protéger, les dernières phalanges mauves. Le reste de son corps était cambré de manière peu naturelle, elle avait dû probablement convulser de douleur, mais on pouvait voir que son corps était rigide. Sur son visage désormais livide, les veines violettes formaient un motif macabre.

- Elle me paraît très pâle, presque exsangue, commenta Harry.

- Oui, il semblerait qu'il lui manque un litre de sang, répondit l'une des deux médicomages. On en saura plus avec l'autopsie.

Pourtant, en dehors du cadavre, la cuisine était parfaitement propre. Harry déglutit.

- On dirait les mêmes stigmates que pour Zachary Webster.

- Exactement, confirma Phillips. Et ce n'est pas le meilleur. Elle a pris sa retraite il y a deux ans, mais savez-vous où elle travaillait ?

- Poudres&Onguents, comme Zachary ?

- Mieux. Elle vendait des baumes et des herbes chez Bulles d'Argent.

Les deux entreprises, spécialisées dans tout ce qui a trait aux potions, des ingrédients les plus basiques jusqu'aux potions génériques brevetées, étaient concurrentes.

Zachary Webster, jeune juriste de trente-quatre ans chez Poudres&Onguents, avait été retrouvé mort chez lui une dizaine de jours plus tôt, dans un état similaire. L'analyse médicomagique avait retrouvé des traces d'une potion complexe et inconnue dans son organisme, qui avait conduit à une agonie douloureuse, mais rapide. On avait conclu à un accident avec un prototype de potion, car le service de communication de l'entreprise avait prétexté le secret industriel.

- Un règlement de comptes, peut-être ? Est-ce qu'on sait si ces deux-là se connaissaient ? demanda Harry.

- On ne le sait pas encore, intervint Rhaoui.

- Je vais me charger de l'enquête, dit Phillips. Vous avez déjà beaucoup d'affaires sur les bras, et Potter et moi nous nous sommes occupés de Webster.

Les deux intéressés hochèrent la tête, soulagés, et ils prirent congé.

- À quoi pensez-vous ? demanda son supérieur.

- Il semblerait qu'elle ait ingéré la même potion que Zachary. Je pense que ce prototype doit être convoité par l'une des deux entreprises. Il y a peut-être une histoire d'espionnage industriel qui aurait mal tourné là-dedans.

Phillips approuva d'un mouvement de menton.

- C'est ce qu'il me paraît le plus logique, en effet.

Harry en fut soulagé. Il appréciait Phillips, qui, s'il le respectait pour ses « exploits », ne faisait preuve d'aucun favoritisme. C'était un homme sec et bourru, et recevoir son approbation franche n'était pas chose aisée.

- Que proposez-vous pour la suite de l'enquête ? interrogea-t-il.

- Eh bien, je pense qu'il faut trouver quels étaient les liens entre les deux victimes, afin de trouver le motif, répondit Harry avec prudence. Et il faudrait également déterminer la raison exacte de leur mort, en trouvant la composition de la potion inconnue qui les a tués.

- Tout à fait, approuva Phillips. Je vais me charger du profil des victimes, et je veux que vous enquêtiez sur cette fameuse potion.

- Très bien.

- Les analyses de nos potionnistes n'avaient rien donné pour Webster, mais recontactez-les quand même, ordonna Phillips.

- Et si ça ne donne toujours rien ?

- Trouvez-vous un potionniste ou un apothicaire compétent, et surtout, indépendant. Je ne veux pas de conflits d'intérêt.

- C'est noté.

- Parfait. Vous pouvez disposer. Nous ferons un point jeudi, dix heures.

Harry lui dit au revoir, et transplana dans le vestibule jusqu'au Ministère.

Il enleva son uniforme et passa des habits moldus. Une fois dans la rue, il se glissa dans le métro londonien. Techniquement, il aurait pu rentrer directement depuis l'appartement d'Isabella Taylor, mais il aimait bien avoir un trajet à faire entre son travail et sa maison. Il avait besoin d'un sas de décompression, pour ne pas passer d'un cadavre convulsé aux immenses fauteuils du salon et à la chaleur confortable d'un feu de cheminée. D'autant qu'il ne voulait pas croiser Ginny tout de suite.

Il réfléchit à son enquête. Si le laboratoire du Ministère n'avait rien trouvé la première fois, il doutait qu'ils soient plus efficaces avec l'autopsie de Taylor. Il passerait tout de même, au cas où. Mais il lui faudrait quelqu'un de beaucoup plus talentueux que les fonctionnaires sous-payés du laboratoire, connus pour leur manque d'implication.

Il savait très bien qu'il ne pouvait s'adresser qu'à une personne s'il voulait des résultats, et il s'en agaçait déjà.