LIVERPOOL

Le second Antoine, se prénommait Antoine Kellington, il habitait à Liverpool et il détenait la majorité des boites de nuit, cette fois, Crowley s'était assuré qu'Aziraphale ne le connaissait pas. Et ce dernier le confirma bien, il ne l'avait jamais vu de sa vie, du moins sauf s'il était l'Antoine qu'il avait rencontré au Bal masqué.

Malheureusement pour eux, ils arrivèrent à Liverpool tard dans la nuit, en partie parce que l'ange voulait prendre des photos du paysage de jour comme de nuit, donc il avait très souvent prié le démon d'arrêter la voiture. Chose qu'il ne put évidemment pas refuser, bien malgré lui.

La ville étant endormie à cette heure-ci, ils décidèrent donc de se diriger vers un hôtel au centre de Liverpool, nommé ironiquement le Heaven Hôtel.

« Est-ce une blague ? s'exclama Crowley en découvrant le nom du bâtiment, il n'aurait pas pu choisir un nom plus original ?

- Allons, ce n'est pas bien grave, allons voir s'ils ont une chambre, assura Aziraphale.

- J'espère qu'ils n'en ont pas, marmonna-t-il agacé.

Mais le démon n'était pas véritablement sincère, il était plutôt fatigué. En tant que serpent démon, il n'avait pas la même énergie qu'un ange libraire. Il se fatiguait rapidement et avait besoin de repos. Conduire une voiture était plus épuisant, surtout qu'il n'était pas complètement guéri de sa chute d'escalier lors du bal. Il en subissait encore les frais aujourd'hui.

Ainsi, il suivit son ange qui pénétra dans l'établissement se dirigeant vers la seule hôtesse d'accueil.

« Bonsoir, messieurs, que puis-je pour vous ?

- Bonsoir, nous souhaiterons savoir si vous avez des chambres pour nous ?

- Oh, l'hôtel est complet mais vous avez de la chance, il nous reste une chambre double ! répondit-elle.

Suite à sa réponse, Crowley s'apprêta déjà à quitter les lieux, mais à sa grande surprise, l'ange n'avait nullement l'intention de bouger.

- Très bien, très chère madame, approuva Aziraphale, nous prendrons la chambre.

- Pas de problème, laissez-moi vous enregistrer… »

Quoi ? Il croyait rêver. Non, en fait, ce n'était pas normal. Il vint se placer près de son ange, le cœur tambourinant dans sa poitrine, dans l'incompréhension la plus totale.

« Mon ange, qu'est-ce que tu fais ? vociféra-t-il le plus bas possible.

- Je nous prend une chambre.

- C'est une chambre double !

- Oui, je sais, j'ai entendu.

- Il y a qu'un seul lit, insista Crowley de peur qu'il ne comprenne pas.

- Je sais. Mais il n'y a pas d'autres chambres.

- On peut trouver un autre hôtel ou faire un miracle et…

- Pas de miracles frivoles, très cher. »

Aucun mot ne parvint pour poursuivre son argument. Aziraphale ne parut pas le moins du monde perturbait par ce choix, contrairement à Crowley qui avait l'impression que son esprit allait se perdre dans les méandres de la folie. L'hôtesse termina l'enregistrement et leur donna des clés, puis les emmena à leur chambre.

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Crowley fixa longuement le lit double en face de lui. Est-ce que Dieu se moquait-il de lui ? Est-ce aussi une façon pour lui d'être puni ? C'était beaucoup trop pour lui, la journée avait déjà été très bizarre et elle se finissait donc de cette manière ? Aziraphale avait le don pour le mettre dans ce genre de situation embarrassante, à croire qu'il jouait avec lui. Mais c'était impossible, son ange était trop gentil pour le torturer de cette manière.

« Il y a un problème, Crowley ? »

Le démon sursauta et se figea, perdant pendant quelques secondes l'usage de la parole, quand il vit son ange sortir de la salle de bain – pourquoi avait-il besoin d'aller dans la salle de bain ? C'était un ange, bon sang !

Aziraphale était entièrement habillé dans un pyjama en coton blanc qui lui convenait si bien.

- Pourquoi tu es en pyjama ? s'exclama-t-il sous le choc.

- Pourquoi tu n'es pas en pyjama ? fit l'ange en arquant un sourcils.

- On va vraiment dormir tous les deux là-dedans ?

- Est-ce que…ça te dérange ? Après 6000 ans de relations, tu es gêné de dormir dans le même lit que moi ?

- Quoi ? Non, ce n'est pas ça…bégaya Crowley rouge, je…tu sais que…tu vas dormir avec un démon… ?

- Bien sur que je le sais. Ne me dis pas que tu brules dans ton sommeil ?

- Quoi ? Non, je ne brule pas !

- Alors, on va dormir ? »

L'ange s'allongea dans le lit, s'enfonçant dans les couvertures, totalement à l'aise, attendant que le démon l'imite. Ce dernier soupira intérieurement, il claqua des doigts, se changeant miraculeusement en pyjama en satin noir, puis rejoignit Aziraphale, se plaçant de l'autre côté. Il se glissa dans les couvertures, en faisant attention à ne pas toucher son voisin.

Les lumières s'éteignirent sous les ordres de l'ange. La chambre s'assombrit, seule la lumière extérieure de la ville illuminait légèrement la pièce.

Toujours troublé par le fait de dormir avec son ange, les mains sur son ventre, les yeux au plafond, Crowley n'osa même pas bouger, il ignorait même s'il allait pouvoir s'endormir, il pensait même que s'il n'arrivait pas à dormir, il irait rejoindre sa Bentley pour passer la nuit avec elle. Ce ne serait pas la première fois qu'il dorme dans sa voiture.

« C'est étrange, lança la voix à ses côtés en le surprenant.

Sa tête pivota vers son voisin angélique et découvrit qu'il était dans la même position que lui.

- Qu'est ce qui est étrange ? demanda-t-il.

- Que nous n'avons jamais dormi ensemble en 6000 ans.

- Tu trouves ça étrange ?

- Je te connais et tu me connais. Nous nous sommes vus des milliers de fois, nous avons tout partagé. Nous avons traversé tant de choses ensemble. Nous avions plus de chances qu'on dorme dans le même lit que de sauver l'humanité de l'Enfer et du Ciel.

- Et bien tu pourras cocher « partager un lit avec un démon » dans ta liste des choses que nous avons fait ensemble, s'amusa Crowley.

Aziraphale éclata de rire. Son rire détendit le démon. Il n'avait pas à s'inquiéter de dormir au côté de son ange, qui n'était pas du tout dérangé. Au contraire, il devait s'estimer heureux de pouvoir dormir avec lui.

« Je te remercie, Crowley, souffla l'ange en fermant les yeux.

- Quoi donc ?

- D'avoir accepté de me suivre.

- Pas de problème, je te suivrai n'importe où.

- Sauf au Ciel, n'est-ce pas ? » plaisanta le céleste.

Le démon resta silencieux. C'était probablement le seul endroit où il ne pourra pas suivre son ange. Et pourtant, si un jour, il repartirait au Ciel, il ne savait pas comment il ferait sans lui. C'était possible, c'était même probable qu'Aziraphale préférait choisir le Ciel plutôt que Crowley, le laissant seul sur Terre.

« Crowley ?

- Tout…va bien, mon ange, on ferait mieux de dormir, dit-il précipitamment en se rendant compte qu'Aziraphale s'était redressé, inquiet de son silence soudain.

- Crowley, je ne voulais pas…

- C'est bon, ne t'en fais pas.

- Tu es sur ?

- Oui, certain, bonne nuit, mon ange.

- Bonne nuit, Crowley. »

Il se força à fermer les yeux, espérant profondément qu'il puisse s'endormir, tout en tentant d'oublier qu'il y avait son ange à quelques centimètres de lui.

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« Crowley ? Crowley ? Réveille toi ! »

Il ouvrit ses yeux, sifflant de mécontentement. Il dormait si bien, qui avait osé le réveiller de son sommeil ? Tout en se redressant, il bailla, clignant des yeux. Une silhouette était penchée vers lui, l'expression anxieuse sur ses traits.

« Mon ange ? reconnut-il.

Ses souvenirs lui revinrent tout à coup comme un coup de massue sur la tête : Aziraphale en pyjama, dormant dans le même lit que lui. Actuellement, il était désormais habillé de ses habituels vêtements.

- Enfin, tu es réveillé, soupira-t-il soulagé, j'ai cru que tu t'apprêtais à hiberner.

- A hiberner ? Pourquoi ça ?

- Oh…tu ne t'es pas rendu compte ?

- Hein, de quoi tu parles ?

- Crowley…tu es un serpent, murmura Aziraphale.

- Bien sur que je suis un… »

Il se tut brusquement et baissa les yeux vers son corps, qui n'était pas un corps humain, mais un long corps de serpent en écailles noir et rouge.

« Oh merde ! s'exclama-t-il, je suis désolé ! »

En quelques secondes, son corps s'allongea pour prendre sa forme humaine. C'était embarrassant, il s'était transformé sans même qu'il ne s'en rende compte et Aziraphale avait tout vu ! Il n'appréciait pas que l'ange sache qu'il n'avait pas le contrôle de son propre corps animal quand il s'endormait.

- Je suis désolé, je ne l'ai pas fait exprès, gémit Crowley en s'asseyant au bord du lit.

- Je dois dire que j'étais été surpris de voir qu'il y avait un gros serpent sur le lit en me réveillant ce matin, rit tendrement Aziraphale, ça t'arrive souvent ?

- Quand je dors bien, oui…

- Tu dormais donc bien alors ?

- Visiblement. »

Ses joues brulèrent, rougissant devant son aveux.

« Eh bien je t'ai trouvé adorable, Crowley, tu dormais si bien que je n'ai pas osé te réveiller…

- Quoi ? Comment ça ? Quelle heure est-il ? l'interrogea-t-il en ne prenant pas en compte que son ange l'a qualifié de « adorable ».

- Midi passé.

- Tu es sérieux, tu m'as laissé dormir toute la matinée.

- Je suis désolé, grimaça l'ange, tu dormais tellement bien ! »

Crowley passa une main sur son visage, trop embarrassé pour réprimer son ami immortel, beaucoup trop gentil pour son bien. Il claqua des doigts, remettant ses vêtements sombres de jour.

« Nous devrons partir, marmonna-t-il.

- Oh, oui, bien sûr, et pendant que tu dormais, j'ai appelé Antoine Kellington, l'informa-t-il, il m'a donné son adresse et il nous attend à son domicile, qui n'est pas très loin d'ici. C'est un appartement dans un très bel immeuble.

- Pourquoi tu n'y es pas allé, ce matin alors ?

- Je…eh bien, je voulais aller avec toi. Je me sentirais beaucoup mieux si tu étais avec moi, tu vois ? »

Soit c'était intentionnel, Aziraphale flirtait avec lui, soit c'était son caractère angélique, il disait des phrases qui plairaient forcément à Crowley. Dans les deux cas, le démon avait l'impression qu'il allait perdre la tête. Pour lui, il était peu probable qu'Aziraphale flirte avec lui, de plus, n'était ce pas courant que son meilleur ami l'accompagne pour rencontrer son crush ? C'était ce que faisait souvent les humains non ? ça veut dire qu'il se sentait en sécurité avec lui.

C'était une bonne chose.

Aziraphale se sentait bien avec lui.

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L'immeuble où habitait Antoine Kellington indiquait effectivement que l'homme gagnait très bien sa vie. L'appartement se trouvait dans le quartier le plus aisé de Liverpool. Cependant, lorsque les deux immortels sonnèrent à la porte de l'humain, ils ne s'attendaient pas à être accueilli par un homme d'une quarantaine, en caleçon, avec une bière à la main, portant un peignoir en soie rose. A première vue, l'homme était séduisant, des muscles saillants et des longs cheveux bruns.

Le duo n'eut à peine le temps de prononcer le moindre mot, que Kellington afficha un sourire charmeur adressé à Crowley.

« Eh bien, que m'apportez-vous une douce créature venue des Enfers, je suppose ? lança-t-il d'une voix baryton.

- Quoi ? Oh, euh, non…Enfin, si, techniquement, bredouilla Aziraphale pris sur le cours, nous sommes venus …pour vous parler…

Le démon était beaucoup trop étonné par le regard de l'humain, qu'il n'écoutait pas ses vagues explications de leur présence. Il semblerait aussi que Kellington n'était pas le seul à ignorer les paroles d'Aziraphale, car sans prévenir, il tira le bras de Crowley et l'emmena à l'intérieur. Le pauvre occulte lâcha un cri de surprise, n'ayant pas du tout prévu de se faire malmener par un humain, surtout devant son ange, et il se retrouva jeter sur un grand canapé au milieu d'un immense salon luxueux. L'homme le plaqua contre le canapé, l'emprisonnant entre ses bras.

« C'est très gentil à vous de m'avoir emmené un gars aussi appétissant, nargua ce dernier en se penchant.

- Quoi ? Euh, mais je ne suis pas…commença Crowley essoufflé.

- Monsieur Kellington, nous ne sommes pas venus pour ça ! s'exclama Aziraphale d'un ton autoritaire les faisant tous les deux sursauter. Il attrapa le bras de l'homme pour l'écarter de Crowley.

L'homme cligna des yeux, passant du démon à l'ange, puis fit quelques pas en arrière, levant les mains en signe d'excuse.

« Je vous prie de m'excuser pour mon comportement, je pensais que c'était…enfin, j'attendais quelqu'un et… »

Ses mots se perdirent dans son bafouillement. Crowley s'était relevé, époussetant ses vêtements. Il n'était pas ennuyé par l'agissement de l'humain, il avait déjà vécu ce genre de situation. Le démon était bien au courant, qu'il était attirant aux yeux des humains. Alors qu'il rejoignit son ange, ce dernier plaça un bras devant lui, l'empêchant d'avancer plus loin, le rendant alors confus.

- Oui, je suppose qu'il y a eu une certaine méprise, rétorqua l'ange toujours d'un ton froid, je suis Ezra Fell et vous m'avez demandé de venir chez vous afin que je puisse vous parler.

- C'est donc vous que j'ai eu au téléphone ce matin ? Vous vouliez me montrer un masque que vous avez trouvé au bal de la dernière fois.

- Ce masque, oui, est ce que cela vous dit quelque chose ? »

Comme la première fois, il sortit le masque miraculeusement, le tendant à Kellington. Mais cette fois, il ne laissa pas l'homme le toucher. Ce dernier hocha négativement la tête.

« Non, ça me dit rien, je suis navré, je ne portais même pas de masque ce soir-là.

- Très bien, nous vous dérangerons plus, Mr Kellington, déclara Aziraphale en poussant de son bras Crowley vers la sortie.

- Attendez, puis-je savoir le nom de votre ami et son numéro, je souhaiterai le revoir et…

- Absolument pas. » coupa l'ange glacialement en précipitant l'allure.

Toujours confus et étonné par l'étrange humeur soudaine de son ange, Crowley se laissa conduire par celui-ci, ne comprenant pas s'il devait être inquiet ou soulagé. Même lorsqu'ils se retrouvèrent en pleine rue, Aziraphale le tenait toujours, une main dans son dos, comme s'il l'aidait à marcher, dans un silence tendu. Lorsqu'il jeta un œil au visage normalement si doux de son ange, il découvrait des traits fermes et un regard si froid, l'exprimant une colère sourde.

« Euh…mon ange, tu sais que je peux marcher sans problème, tenta-t-il de dire.

- On va à la Bentley, répliqua Aziraphale sèchement.

Oh, Satan. Il n'aimait pas ça. Les rares fois où l'ange était dans cet état ne se comptaient que sur les doigts d'une main. D'habitude, ce n'était jamais adressé à lui et il avait toujours fait attention à ce que cela ne perdure pas dans le temps. Crowley repensa alors à ce qu'il venait de se passer. Avait-il fait quelque chose de mal ?

Arrivé à la Bentley, Aziraphale ouvrit la porte côté passager, mais il n'entra pas.

« Je vais conduire, entre, ordonna-t-il sur un ton qui incitait aucune opposition.

- Ecoute, Aziraphale, je ne sais pas ce que…

- J'ai dit « je vais conduire », Crowley, grinça l'ange.

- Ok, d'accord, je…vais m'asseoir…à ta place. »

Installé tous les deux, Aziraphale démarra la Bentley, qui au grand soulagement de Crowley, n'avait pas osé émettre de musiques. Il ne savait pas comment l'ange aurait réagit si une musique avait émané de la radio.

Jamais il n'avait son ange conduire aussi vite et grillé autant de feux rouges. Heureusement, par miracle démoniaque, aucun humain ne viendrait leur reprocher quoique ce soit.

Le lourd silence pesait énormément dans le véhicule. Crowley n'avait pas ressenti autant d'anxiété depuis longtemps, il en tremblait presque. Il n'osa même pas se tourner vers l'ange, ni même lui adresser le moindre parole, par crainte, de dire une parole qu'il ne plaise pas. Un ange en colère est un ange dangereux, il était bien au courant de cela.

Pourquoi Aziraphale était si en colère ? En repassant la scène dans sa tête, il ne put ignorer l'évidence même : le céleste était en colère contre lui, ce qui expliquait tout. Depuis le moment où l'homme prit, Aziraphale agissait étrangement. En fait, Crowley réalisa que c'était probablement la première fois qu'il ait été agressé par un individu attiré par lui, qu'un humain commettait un acte de péché, un acte malveillant en face de l'ange, en sa présence. Il était une tentation pour certains humains, Crowley le savait bien, il ne pouvait pas l'en empêcher et en vérité, il n'avait jamais été dérangé par ça, au contraire, il s'en amusait et parfois en profiter pour obtenir des avantages ou réaliser tout simplement des tentations. Depuis la non-Apocalypse, il avait toujours éloigné ces humains indésirables, par miracle ou par évitement.

C'était donc de sa faute. S'il avait vu l'attirance de l'humain envers lui plus tôt, il aurait fait en sorte de le détourner de lui, au lieu de ça, il s'est affiché devant Aziraphale qui avait donc découvert quel genre de démon de tentation il était.

Après être sortis de la ville, ils se retrouvèrent dans la campagne anglaise et le libraire céleste semblait s'apaiser tout à coup. L'ambiance dans la Bentley changea subitement, le froid intense s'évapora lentement et une musique, une mélodie de Bach, s'éleva alors. Le son n'était pas fort, presque timide, comme si la voiture savait ce qu'il fallait pour relaxer le conducteur. Cependant, quand Crowley jeta un coup d'œil vers l'ange, il avait toujours les traits tendus et les mains serrés sur le volant.

« Nous allons nous arrêter, annonça l'ange d'un ton neutre.

Le démon tressaillit mais soupira tout de même rassuré. Au moins, sa froideur n'était plus là, mais Aziraphale n'avait toujours pas repris son humeur joyeux et chaleureux, qu'il appréciait.

Quelques minutes avoir dit ça, la Bentley s'arrêta au milieu d'un village, juste à côté d'un petit parc pour enfant. Mais les deux immortels restèrent dans la voiture. Aziraphale lâcha un long soupir, inspirant et expirant plusieurs fois, se détendant peu à peu. Ce n'était pas le cas de Crowley, qui souhaitait devenir plus petit, craignant sa prochaine discussion avec lui.

« Je suis navré, mon cher, dit Aziraphale finalement, je n'ai vraiment pas aimé…ce qu'il s'est passé tout à l'heure.

- Je…je comprends, mon ange, déglutit Crowley.

- Tu avais raison, j'aurai du y aller seul. Tu n'aurais pas dû venir. »

Le cœur de Crowley se brisa alors, il baissa la tête, fixant ses genoux. Il n'était donc plus en sécurité avec lui, Aziraphale s'est senti mal avec lui, c'est pour cela qu'il lui disait ça. Parce que Crowley avait mal agi, parce qu'il était un démon qui attirait le péché et la tentation. Chose que combattait son ange.

« Crowley…tout va bien ? demanda Aziraphale d'une voix très douce.

Il se tourna vers lui et il croisa les yeux bleus intenses et préoccupés de l'ange.

- Je suis désolé, j'aurai du vérifier que tu n'avais rien après ce qu'il t'a fait, continua-t-il, est ce qu'il t'a blessé ? Est-ce que tu veux en parler ?

- Quoi ? Je ne…suis pas blessé, il ne m'a rien fait, mon ange, assura-t-il.

- Alors, pourquoi ai-je l'impression que tu n'es pas bien, Crowley ?

- Ecoute, mon ange, si tu veux que je m'en aille, tu n'as qu'à me le dire, je peux te laisser la Bentley, il reste un Antoine après tout, je peux aller à la librairie en attendant, proposa le démon avec un faux sourire.

- Pourquoi…pourquoi je voudrais que tu t'en ailles, Crowley ?

- Tu étais en colère contre moi, c'est ma faute si tu as du voir que l'humain s'est jeté sur moi pour…pour me...

- Quoi ? Non ! Crowley ! Non, je n'étais pas en colère contre toi ! interrompit Aziraphale horrifié, c'est contre lui que j'étais en colère….Oh Seigneur…je suis tellement désolé, je ne pensais pas que…Oh mon cher Crowley. »

Ces mots déconcertèrent le démon, ne s'attendant pas du tout à des excuses de sa part. Il croyait que c'était lui le coupable de sa colère. Comme pour prouver sa bonne foi, Aziraphale saisit ses deux mains tremblantes, se rapprochant de lui.

« Je n'ai jamais été en colère contre toi, Crowley…j'étais fâché contre lui, fâché qu'il t'ait fait du mal, fâché contre moi-même car c'est moi qui t'ai demandé de venir avec moi, je m'en veux tellement, mon égoïsme t'a mis dans cette situation et j'en suis tellement désolé. »

La tête de Crowley brulait d'embarras et d'ivresse, il était proche de son ange et ce dernier venait de lui dire des mots qui le touchaient en plein cœur. C'était plus qu'il n'aurait espéré.

« Je suis terriblement désolé que tu aies pensé que c'est de toi contre qui j'étais en colère, poursuivit Aziraphale, la seule chose que je voulais, c'était de nous éloigner de lui, le plus vite possible, de l'éloigner de toi.

- Est-ce pour cela que tu m'as volé ma place de conducteur ? grommela Crowley.

- Je…j'avais besoin de me changer les idées et je pensais que conduire m'aiderait.

- Tu aurais pu m'en parler ! Tu ne sais pas à quel point tu es effrayant quand tu es en colère !

- Je t'ai effrayé ? »

Oups. Il en avait dit un peu trop. Il rougit et détourna son regard, il entendit le rire d'Aziraphale. Ce n'était pas un rire moqueur, mais plutôt un rire tendre.

« Me pardonnes-tu, Crowley ?

- Je suis un démon, je ne peux pas t'accorder mon pardon.

- Et si tu n'étais pas un démon, me pardonnerais-tu ?

- Bien sûr, mon ange. »