Hey, hey !

Je prends enfin le temps de publier cet OS que j'ai écrit durant l'été, mais que je n'avais pas pu corriger parce que je travaillais et que je finissais l'Epopée du seuil en même temps. Je suis content d'enfin poster cette fic parce qu'Omori est un jeu cher à mon cœur, qui m'a marqué très très fort. Cette fois-ci, c'est un Sunflower aka le ship pour lequel je fonds le plus, mon cœur est trop faible parce que j'ai BESOIN que ces deux-là soient heureux et qu'ils prennent soin l'un de l'autre. Et puis vous connaissez ma propension à écrire de l'angst qui vire inévitablement au hurt-comfort – je crois que c'est aussi mon moyen de me remettre du jeu en lui-même, une espèce de thérapie improvisée. Enfin bon, je ne vais pas m'attarder plus longtemps et je vous laisse découvrir l'OS!


La terre se retourne sous les pieds de Basil – il avait l'habitude de la bêcher soigneusement avant. Des feuilles mortes, brûlées par l'été. De mauvaises herbes qui viennent se coincer sous ses ongles et dans son ventre.

L'été prochain, j'en prendrai soin à nouveau.

Quatre étés sont passés. Basil a laissé les fleurs pourrir – son cœur crevé, enterré sous les rosiers fanés.

Il enfile de grosses bottes en caoutchouc lorsque le portail rouillé grince. Sunny se glisse dans un écart mince, entre deux courants d'air. Il s'arrête d'un coup, sur la pointe des pieds, à l'orée d'un potager abandonné. L'ombre de la maison les embrasse, les protège du soleil couchant. Les cheveux noir de jais de Sunny brillent d'une lueur bleuâtre, son seul œil perce ses poumons, arrache de drôles d'émotions à l'esprit de Basil.

– Hey, souffle-t-il en se sentant rougir.

Ses doigts resserrent leur prise sur l'arrosoir qu'il tient. Il se fige un instant, incapable de faire autre chose que de dévisager son ami qui reste là.

Sunny hoche la tête sans sourire. Basil lui dessine inconsciemment une couronne de fleurs dans les cheveux, de jolis tournesols qui descendent jusqu'à ses épaules et des bracelets de capucines qui viennent enrouler ses poignets trop minces.

– Tu veux boire quelque chose ?

Il ne répond pas. Basil soupire, se décide enfin à poser son arrosoir, laissant ses parterres en plan, la moitié débordant d'eau et l'autre partie complètement asséchée. Les petites haies de bois grincent. Il n'y a aucune brise.

Comme des habitudes fantomatiques, Basil s'approche de son ami et lui saisit la main pour l'entraîner dans sa demeure. La pénombre du soir les éclaire. Il n'allume aucune lumière.

Il s'engouffre dans la cuisine, attrape une petite casserole et met de l'eau à bouillir dedans.

Sunny est derrière lui, mais il ne l'entend pas, sa respiration et ses gestes si discrets qu'il pourrait se croire seul. Toutefois, les souvenirs pèsent trop lourd autour d'eux pour oublier sa présence.

Il se gratte nerveusement l'avant-bras. Sans le vouloir, il arrache de la peau. Ses coupures saignent à nouveau. Des petites gouttes de sang perlent au creux de ses plaies.

– Les autres ne sont pas avec toi ? demande-t-il pour rompre le silence pesant.

– Ils sont au cinéma. Ils m'ont proposé de les accompagner, mais j'étais fatigué.

Basil est toujours surpris de ce mince filet de voix lorsque Sunny se décide à entrouvrir la bouche. C'est un peu comme un courant tranquille, une rivière calme qui cache des eaux profondes.

Basil cherche ses mots, il faut combler l'abysse entre eux, il n'arrive pas à regarder Sunny dans les yeux, il fuit, mais il remarque les doigts de son ami qui se tendent avant de s'affaisser, il le voit s'agiter de gauche à droite, dans un rythme étrange, presque calqué sur les battements de son cœur.

Le couvercle tressaute sur la casserole. Basil s'y précipite, baisse le feu avant d'attraper de jolies tasses d'argile en se mettant sur la pointe des pieds pour les atteindre. Il sent un corps qui vient se coller à lui – drôle de frisson. Sunny les saisit et les pose sur le plan de travail. Un sourire discret étire ses lèvres.

– Ce sont celles que l'on avait faites, non ? lui demande-t-il.

Basil acquiesce. Il n'est pas encore habitué à l'entendre prendre la parole. Ça se voit que le jeune homme aussi. C'est tout enroué dans sa gorge. Parfois, il grimace et ses joues se teintent de rouge.

Depuis qu'ils sont sortis de l'hôpital, Sunny a changé. Les couleurs semblent se répandre à l'extérieur de lui et non pas pourrir sous sa peau. Des arcs-en-ciel naissent sous ses os, il les laisse danser autour d'eux. Il lui avait parlé de ce monde étrange qu'il s'était construit.

– Je te cherchais tout le temps, lui avait-il confié. Tu ne cessais de disparaître. Tu me manquais, tu sais ? Ma sœur disait qu'il ne fallait pas renoncer. Alors, quand il n'y avait plus rien à faire, que la grisaille revenait, j'arrosais tes plantes là-bas.

Il mentionnait Mari avec une désinvolture déroutante, mais il voyait ses ongles qui s'enfonçaient dans sa chair et les grosses larmes dans le coin de ses yeux. Basil n'avait su quoi répondre. Il était parti cueillir une fleur. Lorsqu'il était revenu pour l'offrir à Sunny, il s'était volatilisé.


– Basil ! Si tu ne m'ouvres pas cette porte, je la défonce avec ma batte de baseball !

Il fixe l'entrée un long moment sans bouger. Aubrey continue de le menacer d'une voix étouffée par les murs épais. Il se décide à tourner les clés dans la serrure. Il aperçoit alors Aubrey qui se fige, son arme en l'air. Elle laisse retomber ses bras.

Son amie se jette sur lui sans un mot. Basil manque une chute, il trébuche un peu, se rattrape avec quelques pas tordus.

– Merci, murmure-t-elle.

Brusquement, ses gestes sont doux. Aubrey se faufile dans la maison avec souplesse, effleure tous les bibelots et les vases en verre, sans un bruit. Elle s'affale dans le canapé crème. Sans préambule, elle lâche :

– Je voudrais que tu me racontes ce qui s'est passé ce jour-là.

La demande lui fait l'effet d'une gifle tonitruante, les mots emplissent l'air. Il a l'impression que les murs vont s'écrouler.

– Sunny vous a déjà tout dit, réplique-t-il, mal à l'aise.

Elle penche la tête en arrière afin d'attraper le regard de Basil. Il serre ses mains, ses épaules remontent pour se coincer dans son cou. Il lisse les plis de sa jupe pour s'occuper et faire fuir les images qui affluent, lui trouent le cœur encore et encore, l'horreur grandit, lui broie la gorge. Les clichés l'étouffent.

– J'ai envie d'avoir ta version.

– Tu ne fais pas confiance à Sunny ?

Elle fronce les sourcils avant de se redresser. Les talons appuyés sur ses cuisses, elle fixe Basil (à l'endroit cette fois-ci). Le rose de ses cheveux rend l'air électrique. Cependant, ce n'est plus de la colère qui frémit sur son corps svelte où quelques ecchymoses fleurissent. C'est autre chose. Une ardeur qui brûle les ombres.

– Bien sûr que si. Mais toi aussi, tu as besoin de laisser sortir tout ça.

Le cœur de Basil rate un battement. Il relève la tête et voilà qu'Aubrey se tient devant lui – sa silhouette n'est plus menaçante, c'est une carapace qui se morcèle et qu'elle laisse partir. Elle pose ses mains sur ses épaules avant de l'embrasser sur le front.

– Tu n'es pas seul, Basil, avise-t-elle, d'une voix douce, remplie d'un amour que Basil avait oublié.

Elle lui offre un grand sourire avant de se diriger vers la porte d'entrée. Alors qu'elle en franchit le seuil, elle se tourne vers lui.

– Quand tu seras prêt, on sera là. Je ne parle pas seulement de Hero, Kel et moi. Sunny aussi. Il t'attend plus que quiconque.

Cette nuit-là, il a fait d'étranges rêves. Sunny lui prenait les mains et il s'amusait à tracer les lignes de ses paumes du bout de ses doigts. Il chantait un air où les notes venaient s'écraser dans le vide comme des touches de piano.


Les draps lui collent à la peau. L'air est moite dans sa chambre. Le bruit des pales du ventilateur qui tournent à toute vitesse l'agace – encore et encore, le cercle sans fin et le vent qui n'apporte que de la chaleur. Les fenêtres ouvertes et ses rideaux verts ondulent doucement.

Les escaliers grincent. Il l'entend, car il n'a pas fermé la porte. Un violon se brise sous ses paupières. Il remonte sa couette jusqu'à son front.

Brûler les images.

Tu aurais pu y faire quelque chose. Tu aurais dû.

C'est de ta faute si Sunny est triste.

Il sent des larmes rouler sur ses joues. Il se rappelle avoir eu peur que la branche de l'arbre se brise. S'être dit que c'était la meilleure chose à faire parce qu'il devait protéger Sunny, que c'était à son tour de faire quelque chose ; son ami ne pouvait pas toujours être celui qui apaisait ses peines, alors oui, ils avaient, ils avaient-

Qu'avaient-ils fait ?

Pendant un instant, les souvenirs s'effacent.

Il ferme les yeux et lorsqu'ils les ouvrent à nouveau, le soleil s'engouffre au travers des persiennes.

Le cauchemar reprend : le corps de Mari pend au plafond, immobile. Il y a cette chose noire qui la dévore et un œil morne se pose sur lui. Des ténèbres aux traits épais, de gros gribouillis qui lui arrachent la peau. Il hurle, mais aucun son ne sort.


Basil avait passé sa journée piégé dans sa tête. Il y avait de longs moments où la peur se confondait avec le réel ; il plongeait dans les photos sans vraiment le voir, brusquement il était au parc, ses jambes avaient grandi. Des fleurs fanées trônaient au bord du lac.

Les racines s'enroulaient autour de ses chevilles. Il apercevait Sunny, il croyait sentir la main chaude de Hero, les plaisanteries naïves de Kel. Des jonquilles poussaient sous leurs pieds, Basil dessinait une échelle dans les nuages qu'ils escaladaient pour transcender le ciel – flâner sur Uranus, voilà ce qu'il rêvait de faire.

Sauf que Sunny avait le vertige. Il les fixait en silence. Ils montaient et Basil sentait que ça n'allait pas, il voulait redescendre, attraper la main de son ami qui se logeait avec une facilité dérisoire dans la sienne, il avait besoin de ses bras sur son corps, mais les plantes s'enroulaient autour de sa taille pour le porter tout là-haut où il n'y avait rien, parce qu'au fond Basil savait, le ciel devenait gris, Mari riait au loin et brusquement Sunny se fait aspirer par la terre. Le monde entier tremblait. Il y avait un fracas énorme, des gorges que l'on déchire, des cris qui résonnaient depuis le cœur de Basil – une cacophonie nauséeuse, une peur ancestrale dévorant ses entrailles.

– Basil ?

Le sol s'apaise. Le silence est brutalement assourdissant.

Il reprend ses esprits, tourne la tête de droite à gauche, déboussolé. Il a du mal à comprendre où il se trouve. Ses mains serrent très fort les cordes d'une balançoire. À côté de lui, Sunny le regarde, les sourcils froncés.

– Mmm ?

Il essaie de garder une contenance pour dissimuler la déroute, mais Sunny voit tout, il connaît mieux que quiconque les mauvais rêves qui viennent interrompre le réel – peut-être est-il encore un peu là-bas, un pied ici et l'autre ailleurs. Parfois, Basil se demande s'il n'est pas reparti dans ces méandres où son cœur s'efforce de le retrouver. Il s'en veut, mais savoir que Sunny le cherche dans ses songes, ça le rend tout drôle, un sentiment chaud qui envahit sa poitrine.

– Tu étais parti, remarque-t-il simplement.

Basil rit, gêné.

– Je crois que je suis fatigué.

La lune est haute dans le ciel. Sunny ne répond rien. Il attrape sa main. Cela suffit. Basile croise son regard. Son ami baisse la tête.

– Aubrey est venue me parler, il y a quelques jours.

Il s'entête à fixer le sol.

– Je crois que j'aimerais bien qu'on aille piqueniquer tous ensemble.

Un vide au creux de sa paume.

Mauvaise pioche.

La balançoire grince. Il n'y a plus personne.


– Tu lui as propoché cha ? Bachil, che te penchais un peu plus-

– J'ai cru que justement, cela lui ferait plaisir, l'interrompt-il. En souvenir. Ou une sorte d'hommage, je ne sais pas.

Il soupire. Kel engouffre deux gâteaux à la fois dans sa bouche. Des miettes tombent sur son tee-shirt orange.

– Je n'ai pas vraiment réfléchi, ajoute-t-il après un moment. Il me tenait la main et puis il faisait chaud alors-

– T'inquiète, t'inquiète, le coupe Kel en agitant le bras. De toute façon, c'est fait. Ça ne sert à rien de revenir là-dessus.

– Il est fâché, tu crois ?

Kel arrête de mâchouiller un instant. Il grimace, hésite à parler, ouvre la bouche, la referme. Basil n'a pas besoin de plus.

– Je vois.

Une voiture manque de les renverser tandis qu'ils traversent sans regarder la route. Les maisons se succèdent. Ils seront bientôt devant celle de Kel. Basil n'ose pas lui poser sa question, il fait exprès de marcher lentement et il voit bien que le jeune homme l'a remarqué. Kel se contente de siffloter ou de faire tourner sur son doigt le ballon de basket qu'il a trouvé au parc. Il est dégonflé, et ne cesse de s'échapper des mains de son ami.

Les rues sont presque vides, les vies s'animent derrière les fenêtres : l'heure du dîner approche. Les nuages sont lourds, l'air est à l'orage et la pluie. Cela fera du bien aux fleurs qu'il a oublié d'arroser hier et aujourd'hui.

– Je pense qu'il suffirait que vous parliez. Comme ça, pas de malentendu. Et puis, ce n'était pas une si mauvaise idée. Ça pourrait être chouette ! Ce serait une façon de dire au revoir à Mari. Notre adieu à nous, tu vois ?

Basil s'arrête de marcher un instant, stupéfait. Kel le dévisage en souriant.

– Quoi ?

– Pourquoi joues-tu aux idiots, Kel ?

Ce dernier paraît surpris.

– Comment ça ?

– Tu ne peux pas être un parfait crétin et me sortir une chose pareille.

Kel s'offusque :

– Hé ! Aubrey a vraiment une sale influence sur toi, tu sais ?

Basil laisse échapper un rire timide. Le ballon s'enfuit une fois de plus, mais cette fois-ci, Kel le rattrape avec son pied.

– Merci, fait Basil alors qu'ils arrivent à la maison de son ami.

Kel l'enlace et ses bras sont doux autour de son corps.

– Tu n'as pas à douter de ce que Sunny ressent pour toi.

D'un seul coup, Basil a très chaud. Il n'a pas eu besoin de poser sa question, finalement. Il réalise qu'elle est stupide et que ce n'est définitivement pas Kel l'imbécile.

– On se revoit vite, pour ce fameux pique-nique ! dit-il en guise d'au revoir qu'il accompagne d'un clin d'œil appuyé.

– Kel, je vais te tuer-

Il ne finit pas sa phrase que son ami a déjà refermé la porte. Peut-être qu'il passe un peu trop de temps avec Aubrey. Il n'aurait jamais menacé Kel de la sorte avant – il y a du bon à voir que certaines choses changent. Lorsqu'il rentre chez lui, il compose un numéro de téléphone qu'il connaît par cœur. Il avait à nouveau douze ans et il rêvait d'offrir des couronnes de fleurs à Sunny.


Il a refusé de lui ouvrir. Il est donc passé par la fenêtre.

Sunny ne crie pas lorsqu'il le voit débarquer dans sa chambre. Il se précipite néanmoins au balcon pour l'aider à finir son ascension qui aurait pu devenir un drame risible.

– Je ne savais pas que tu faisais de l'escalade, déclare-t-il en guise de bonjour.

– Moi non plus, réplique-t-il.

Sunny n'a plus l'air en colère. Basil a ce super-pouvoir dont il se joue de temps à autre. Le cœur de son ami est tendre, surtout pour lui. Il ne comprend pas trop pourquoi, mais il voit son œil s'adoucir tandis qu'il observe sa chambre dans laquelle s'empilent encore quelques cartons.

Tous deux savent que sa visite n'est pas anodine.

– Quand est-ce que tu pars ?

Sunny se lève, attrape une petite note où Basil reconnaît l'écriture de la mère du jeune homme. Une date y est inscrite : la fin de l'été. Quelques semaines de plus. Encore un peu de temps pour effleurer sa peau comme si le vent l'avait poussé là. Prétendre que leurs mains trébuchent l'une dans l'autre.

Ils avaient toujours fait ça.

Puis Mari était morte.

Leurs doigts s'étaient égarés ailleurs.

Sunny s'allonge sur son lit. D'un regard, il intime à Basil de venir. Il demeure quelques instants debout à contempler ce qu'il reste de souvenirs dans cette pièce presque vide. Il le rejoint et leurs corps se frôlent, épaule contre épaule.

– Tu te rappelles lorsque l'on avait accroché ces étoiles ensemble ?

Il pointe du doigt les constellations au plafond, deux vieux mobiles qui pendent encore alors que les photos qui peuplaient les murs se sont volatilisées.

– Ton sourire était plus grand que le soleil, observe calmement Sunny.

Basil se tourne vers lui et ses lèvres se craquellent. Il se demande si son ami est agacé par sa présence impromptue, au beau milieu de la nuit.

Il ne dormait pas. Est-ce qu'il se repose parfois ? Peut-être que ses pensées le tiennent éveillé, lui aussi.

– Tu es le soleil.

Sunny lève sa jambe et donne un coup dans l'objet. Les planètes s'entrechoquent. Elles se mettent à tourner avant de former un cercle bancal qui, petit à petit, devient ovale.

Il y a un long silence qu'aucun d'eux ne parvient à rompre. Malgré son cœur qui se tient au bord de ses lèvres, Basil s'élance, essaie d'unir les mots qui se diluent dans sa gorge, forment un amas incohérent – des gribouillis de mélancolie.

– Je voulais m'excuser. Je ne pensais pas-

Basil n'a pas prévu de pleurer, mais les larmes dévalent déjà ses joues. Trop tard; il y en a trop. Il les essuie du bout de ses index, dans l'espoir que Sunny ne remarque rien.

Mais son ami voit tout. Il se redresse et de ses pouces, il vient dissiper la mer qui déborde.

– Tu n'as pas à t'excuser, chuchote-t-il comme si ce qu'ils faisaient était interdit.

Il passe sa main dans sa tignasse blonde.

– Tu as des chardons dans les cheveux, fait-il remarquer.

Il en retire délicatement quelques-uns avant de caresser le haut de son crâne. Ses doigts descendent alors sur ses joues, tracent le contour de ses lèvres. Ils se taisent et voilà que Basil a oublié comment respirer.

Sunny vient soudain se placer à califourchon au-dessus de lui. Leurs nez se touchent, il sent le souffle chaud du jeune homme se mélanger au sien. Basil, tremblant, laisse ses mains se glisser sous le haut de Sunny. Elles parcourent sa peau glacée avec une aisance qui le déboussole.

– C'est moi qui suis désolé, confie alors son ami, ses lèvres si proches des siennes.

– Pourquoi ? murmure-t-il.

– Je n'étais pas fâché après toi. J'étais en colère envers moi-même. Parce que ma tête a eu ces images et je pensais qu'elles étaient parties. Je croyais que le piano avait arrêté de jouer cette mélodie.

Basil pose sa paume contre la joue de Sunny.

– Ça mettra du temps.

– Je sais. Mais j'ai pris peur et-

Il cherche ses mots. Ne les trouve pas. Cela importe peu.

– Je comprends.

Uranus traverse la Voie lactée. Elle frôle le soleil.

– Ne sois pas trop dur avec toi-même. Ce n'est pas si grave d'avoir peur.

– Tes mains sont chaudes.

Basil ne sait pas trop comment il se retrouve à sentir les lèvres de Sunny contre les siennes. Néanmoins, il apprécie le goût de miel qui se mélange à la violette. Ils s'arrêtent lorsqu'ils sont à bout de souffle.

– J'aurais cru que tu sentirais un peu plus les fleurs.

– C'est parce que tu n'as pas compris.

Sunny fronce les sourcils, l'embrasse à nouveau. Leurs langues s'emmêlent, Basil ne sait plus trop laquelle est la sienne, mais ça n'a pas d'importance. Les doigts de Sunny lui chatouillent la nuque.

– Les fleurs, elles étaient pour toi. Elles l'ont toujours été.

– Je ne comprends pas plus.

Un autre baiser. Leurs corps se confondent et tout cela est réconfortant parce que c'est si facile; tous les doutes de Basil s'évaporent dans l'air.

– Le tournesol.

– Et bien ?

Sunny sourit contre ses lèvres.

– Tu le fais exprès, pas vrai ?

Un regard espiègle croise le sien lorsque Basil renverse la tendance. Il prend un instant pour observer ses traits fins, les cernes qui entourent son œil, le pansement énorme de l'autre côté, les quelques ecchymoses sur le menton et sur les bras. Les membres toujours un peu maigres, même s'il lui a promis qu'il mangeait mieux.

Des grillons chantent sous la fenêtre. Le jour se lève enfin.

– Peut-être.


Dès que je mentionne Uranus, même si ça n'a rien à voir, je peux pas m'empêcher de penser au livre Un appartement sur Uranus. Enfin bref, j'espère que ça vous a plu ! Les avis sont toujours les bienvenus!
à la prochaine!