Bon, alors. Pour commencer, j'ai écrit le début de cette histoire quand j'avais environ quinze ans, donc c'était déjà il y a quelques années. Je ne sais pas vraiment pourquoi je ne l'ai jamais postée, mais je l'ai retrouvé hier soir dans mes brouillons, et me suis rendue compte que je l'aimais beaucoup, en fait.

Bien sûr, cela fait déjà plusieurs années, donc mes intérêts ont changés, et je n'ai ni le temps, ni l'envie de m'y replonger. Malgré tout, j'avais envie de vous partager les quelques chapitres que j'avais déjà écrit. En espérant que cela vous plaise.


Penny poussa un profond soupir.

Penchée sur son parchemin, elle griffonnait sans un mot, gardant un œil sur l'adolescent debout en face d'elle qui s'essuyait nerveusement les mains sur son pantalon. Elle jouait peut-être un peu avec ses nerfs, certes, mais il l'avait bien cherché, tout de même. On n'avait pas idée de s'appeler Bartholomé Londubat.

La sorcière esquissa une moue réticente, pinçant brièvement ses lèvres rouges, avant de se rappeler des commentaires de son épouse sur cette grimace. "Tu ressembles au professeur Têtenjoy," disait-elle souvent. Penny fronça les sourcils à cette pensée, secoua la tête pour chasser cette voix modulée qui s'insinuait dans son esprit à n'importe quel moment.

Elle prit enfin pitié du pauvre jeune homme devant elle et apposa sa signature au bas du document d'un mouvement gracieux de sa plume immaculée.

Le visage du garçon se détendit d'un coup dans une expression soulagée alors que Penny lui tendait le document.

- Félicitations, dit-elle du bout des lèvres. Vous avez obtenu votre permis de Transplanage avec succès.

- Merci madame, répondit l'adolescent.

Penny faillit éclater de rire. Depuis quelques mois, on avait décidé de lui jouer un mauvais tour en l'appelant constamment miss, pour s'étonner ensuite qu'elle ne soit pas divorcée lorsqu'elle les rectifiait.

Le garçon se leva, s'inclina maladroitement devant son bureau avant de s'excuser et de sortir, refermant la porte derrière lui. Penny le regarda faire avec amusement, avant de redevenir sombre dès qu'elle se retrouva seule.

Elle passa une main sur ses vagues blondes retenues dans sa nuque en un chignon attaché d'une broche ornée d'un simple cristal vert. Un cadeau d'Enid, réalisa-t-elle.

Cela faisait maintenant sept mois qu'elle avait été reléguée à ce poste si peu gratifiant dont elle n'avait que faire, mais elle n'avait pas eu d'autre choix. Le Centre d'Essai de Transplanage avait été le seul à l'accepter au sein de ses employés. Après l'énorme scandale dont elle avait été au centre, Penny n'avait eu d'autre choix que de quitter le bureau des Aurors. Remarquer le dédain avec lequel Travers l'avait licenciée n'avait pas été le plus dur. Oh, non. Le pire avait été le regard plein de pitié de Dragonneau alors qu'elle transportait toute sa carrière dans une petite boîte en direction du sixième étage.

Penny fut tirée de ses pensées par une douleur dans sa joue, et se rendit compte qu'elle était en train de se mordre l'intérieur de la joue. Elle cessa aussitôt, jetant un regard à la plume qu'elle avait tordu entre ses doigts.

Elle poussa un nouveau soupir.

Elle n'était pas faite pour faire passer des tests de transplanage. Elle avait des rêves, des capacités, des talents, même, si elle osait le dire. Elle savait faire mieux que ça. Leurs familles devaient bien rire, à présent.

La porte de son petit bureau s'ouvrit à la volée, l'obligeant à tourner vivement la tête dans cette direction.

Leopold Avery entra dans la pièce, quelques autres Aurors dont elle ignorait les noms sur ses talons. Penny haussa un sourcil.

- Vous n'avez jamais appris à frapper à une porte ? Je suis sûre que même votre fils sait le faire, Avery. Si vous le souhaitez, je peux vous en expliquer la théorie, railla-t-elle d'une voix trop maîtrisée et trop polie pour qu'on puisse lui reprocher quoi que ce soit.

Avery sembla se concentrer très fort pour ne pas s'agacer à la mention de son fils d'un an, Penny retint un sourire.

- Madame Rowle, veuillez-nous suivre. Nous avons quelques questions à vous poser, déclara-t-il.

Penny s'enfonça dans sa chaise, les bras croisés.

- Et pourquoi ne pas me les poser ici ?

Thésée Dragonneau apparut dans l'encadrement de la porte, l'air toujours aussi olympien que d'habitude, et Penny comprit qu'elle n'obtiendrait aucune réponse à ses questions. Elle leva les yeux au ciel.

- Puis-je au moins prendre mon manteau ? Demanda-t-elle.

- Nous n'avons pas le-

- Avery, l'interrompit Dragonneau.

Il secoua légèrement la tête, indiquant que cela n'en valait pas la peine et Penny fit venir son manteau à elle d'un coup de baguette. Le plaçant sous son bras, elle emboîta le pas aux Aurors qui s'engagèrent dans le couloir du Département des transports magiques. Du coin de l'œil, Penny remarqua les employés de l'Office des portoloins qui s'arrêtaient dans leurs taches pour les regarder passer. Dans moins d'une demi-heure, La Gazette du sorcier ferait savoir qu'elle avait été arrêtée pour meurtre, ou elle ne savait quel autre crime impardonnable.

Penny aurait aimé demander si cette escorte était vraiment nécessaire pour une seule sorcière qui n'avait visiblement aucune intention de s'enfuir, mais elle savait que sa question resterait sans réponse. Elle se contenta donc de se concentrer sur ses pas, faisant bien attention à garder son équilibre malgré les talons de ses chaussures noires. Sa baguette frottait contre sa peau dans sa manche, et cette simple sensation la rassurait déjà.

Non pas qu'elle ait peur. Elle se sortirait de n'importe qu'elle situation.

Penny et son escorte s'engouffrèrent dans un ascenseur vide. En d'autres circonstances, Penny aurait été terrifiée de se retrouver seule dans un ascenseur avec ceux qui avait la justice de leur côté, mais -Et elle détestait le reconnaitre- la présence de Dragonneau l'assurait de sa sécurité. L'Auror était bien trop droit et noble pour laisser une pauvre jeune femme comme elle se faire attaquer.

L'ascenseur s'arrêta au second niveau et le groupe sortit, Penny fièrement encadrée par les Aurors. Elle prit bien garde à garder le menton haut et les lèvres courbées dans un petit sourire orgueilleux. Si elle était belle et bien arrêtée pour elle ne savait quel crime, elle s'en sortirait au moins avec dignité. Si elle était prouvée innocente -Ce qu'elle était-, elle aurait simplement l'air de se moquer de manière justifiée du ministère.

Avery les mena jusqu'à la suite de petites salles d'interrogatoire tout attachées à d'autres salles dans lesquelles les Aurors regardaient les interrogés au travers d'une vitre teintée. Penny, qui y avait passé de longues heures il y a quelques mois, et presque des années de l'autre côté de la vitre teintée, n'était pas du tout impressionnée, et savait que Travers observait sûrement dans la petite salle d'à côté. Avery et Dragonneau la firent asseoir derrière la petite table et la sorcière décida de montrer sa bonne volonté en posant ses mains sur la surface de la table. Les deux Aurors restèrent debout en face d'elle, silencieux.

Penny connaissait la méthode par cœur, et pour cause : elle l'avait utilisée plus qu'elle ne pourrait le compter. Penny était connue pour son talent dans une telle situation : elle plaçait le criminel dans la chaise, s'asseyait en face de lui et attendait sans un mot, sans le quitter du regard une seule seconde. Elle pouvait y passer des heures, des jours, et le criminel finissait toujours par avouer en éclatant en sanglots. Penny n'avait même pas à ouvrir la bouche.

Ses réflexes la frappèrent aussitôt qu'elle se fut assise dans la chaise, et elle posa son regard sur les deux Aurors, les lèvres closes, ne réalisant pas encore qu'elle ne les rouvrirait pas avant qu'un des deux hommes ne lui parlent en premier. Heureusement, Dragonneau le comprit vite, lui, et il s'adressa à elle de sa voix grave :

- J'imagine que vous savez pourquoi on vous a fait venir ici.

- Non, monsieur Dragonneau.

Penny ne manqua pas le léger trouble dans son regard, et dut se retenir de sourire. L'Auror aurait dû s'attendre à ce qu'elle s'adresse à lui ainsi, et pourtant, le temps d'une seconde, il parut surpris.

- Vous ne savez pas ? Demanda Avery d'un ton bourru.

- Non.

Elle claqua de la langue, agacée.

- Je vous ai dit tout ce que je savais sur le meurtre Timor Gaunt, déclara Penny d'une voix amère.

- Ce n'est pas à propos de Timor Gaunt, répliqua Avery.

Penny s'appuya contre le dossier de sa chaise.

- Alors qu'est-ce donc ? Vous m'interrompez dans mon travail pour me tirer ici en refusant de me dire pourquoi, et sans même me dire que je suis en état d'arrestation, je devine donc que je ne le suis pas. Rien ne m'empêche de franchir cette porte et de sortir de cette salle, répliqua Penny. Dites-moi ce qui se passe et arrêtez de me faire perdre mon temps.

Dragonneau et Avery échangèrent un regard, et Penny leva les yeux au ciel. Ces crétins oubliaient vite qu'elle avait travaillé avec eux, et connaissait ses droits mieux que personne dans le bâtiment.

Enfin, Dragonneau s'avança d'un pas et s'adressa à elle avec une voix grave qui sonnait la fin du monde :

- Enid Rowle s'est échappée ce matin de sa cellule à Azkaban.