1er octobre

Je suis avec toi (I've got you)

Corrin & Takumi (Héritage)


Ce n'était plus comme pendant la guerre, quand Corrin était fêté comme le prince hoshidien volé qui était revenu parmi les siens.

Ce n'était plus comme quand on admirait sa bravoure au combat et sa compassion pour le peuple du royaume.

Ce n'était plus comme durant ces terribles difficultés avec le pays de Nohr, quand on s'émouvait de la détermination avec laquelle il protégeait Hoshido et consentait au sacrifice solennel de ces lointaines années de sa vie, dans le royaume rival.

Ce n'était plus comme son intérêt pour les coutumes hoshidiennes flattait le peuple.

Maintenant, la guerre était terminé, Corrin était un membre de la famille royale, il devait se comporter en conséquence.

Il y avait des tas de coutumes à suivre et il était souvent un peu perdu.

Takumi l'observait de loin et se sentait gêné pour lui de son ignorance. Ce n'était pas facile d'avoir des milliers de paires d'yeux braquées sur vous, qui s'attendiez à ce que vous rentriez parfaitement dans le moule qui vous était attribué à la naissance.

Takumi le savait très bien. En Hoshido, ils se souciaient un peu trop de ce qu'exigeaient les convenances et les conventions sociales. Alors qu'à Nohr, dans sa famille adoptive, ils étaient un peu plus inconscients, ou bien têtus, d'après ce que son frère lui avait raconté.

Alors, l'archer princier avait pris sur lui et faisait de son mieux pour l'assister.

Ce n'était pas qu'il se sentait en rivalité avec lui, mais il n'était pas coutumier des grandes cérémonies lui-même. Avec Sakura, leur sœur, ils avaient tendance à se cacher quand de tels événements approchaient, prétextant une occupation (le soin des blessés dans les hôpitaux, le travail pour devenir un jour capable d'épauler Ryoma, leur frère) et se retiraient le plus vite possible. Mais l'air désarçonné de Corrin, la première fois, avait fait mal au cœur de Takumi.

« Il faut que tu portes celui-là, indiqua-t-il à son frère pendant qu'ils se préparaient pour un énième banquet diplomatique automnal. Nous attendons des ambassadeurs importants mais leur philosophie de vie repose plutôt sur la sobriété. Il ne faut pas pour autant que tu aies l'air de leur faire de l'ombre.

-D'accord, soupira Corrin en se rattrapant rapidement par un air décontracté. Va pour le kimono orange, même si cette couleur ne me va pas du tout.

-Bah, depuis quand tu sais ou pas ce qui te va au teint ? s'étonna Takumi, les sourcils haussés, en l'aidant à passer les bras dans les manches. Et depuis quand es-ce que tu t'en soucies, de toute manière ?

-Depuis que j'ai passé des après-midis entiers avec des vieilles couturières royales qui m'ont parlé de l'histoire de la mode à Hoshido pendant des heures.

-Je t'apprendrai quelques unes de mes stratégies de fuite. »

Le benjamin des trois princes perçut le sourire qui gonfla brièvement la joue de son aîné. Il se sentit triste pour lui en attachant l'obi blanche dans son dos et en le nouant comme il put, en un gros ruban qu'il n'espéra pas trop digne d'un paquet cadeau.

« Quoi qu'il en soit, déclara-t-il soudain quand Corrin fit volte-face, en prenant ses joues dans ses mains, souviens-toi… que je serai toujours avec toi, mon frère.

-Ouh là, ouh là, ça c'est un peu trop solennel, s'étonna l'ancien prince nohrien, les paupières battant de confusion. Et puis, depuis quand est-ce que tu m'appelles « mon frère » ? Toi, c'est plutôt « frangin », d'habitude.

-J'essayais juste de te réconforter, se défendit Takumi, gêné. Tu as l'air si déprimé… »

Son frère l'interrompit en posant ses mains sur les siennes, qu'il s'apprêtait à dégager de ses joues. Intrigué, Takumi le regarda droit au fond des yeux.

« Je te remercie, Takumi, dit Corrin avec sincérité. Je ne sais pas ce que je ferais au milieu de toutes ces coutumes, sans toi. Enfin… pas juste à cause d'elles. Ce royaume est si différent, il y a tellement de choses que je dois assimiler… Je suis né ici et pourtant, il faut que je recommence tout de zéro !

-Ça, c'est sûr qu'il fait plus beau qu'en Nohr. »

L'heure de la réception approchait, cependant. Takumi mit le bras de son frère sous le sien et l'entraina dans le couloir, où ils se mélangèrent bientôt à une foule de courtisans.

« Je comprends que ça doit être difficile, le réconforta l'archer princier avec davantage de sérieux. Mais je te le répète, je serai là pour toi. Pas juste pendant cette fête. Pas juste jusqu'à ce que tu te souviennes où est ta place à table, qui est exactement ce roi dont le nom est passé dans le langage courant ou que tu arrêtes de te rendre malade avec la pâte de haricots crue et faisandée. D'ailleurs, je t'interdis d'en manger ce soir. »

Corrin allait protester avec véhémence mais il poursuivit :

« Ce que je veux dire, c'est que nous sommes frères et que tu as eu beau occuper une place plus importante que moi dans cette famille, alors que tu n'étais même pas présent physiquement, il n'en demeure pas moins que je t'aime plus tendrement que je pourrai jamais l'exprimer sans contrarier ma propre pudeur.

-Oh, Takumi…, murmura le jeune prince, touché.

-Chut, ne m'interromps pas ! Ce que je veux te dire, vraiment, Corrin… c'est que, même si c'est difficile, je serai toujours là pour toi. Maintenant et jusqu'à la fin de nos vies. »

Il franchit allègrement la grande porte qui venait de s'ouvrir pour accéder à la salle de banquet et il se sentit soulagé qu'ils soient déjà arrivés. Il n'était pas aussi expansif, jamais. Et ça le gênait. Il sentait dans la périphérie de son champ de vision le regard ému que son frère posait sur lui. Il ne se contenta pas du regard, d'ailleurs, et plaça sa main sur la sienne.

« Merci, répondit-il. Je t'aime aussi, Takumi. Merci d'être là pour moi. Je te promets de te rendre toujours la pareille.

-Bien, alors tout est pour le mieux, sourit l'archer en entrainant Corrin vers leurs places. Voilà, reste debout derrière ton coussin le temps que les ambassadeurs arrivent. Et souviens-toi, pas de haricots crus ! Je t'ai vu essayer de protester, tout à l'heure. Tant que je serai à tes côtés, je te garderai à l'œil ! »