Un mois plus tard...
C'était au tour de l'automne, qui colorait la nature telles des oeuvres d'art. La saison des tisanes d'orties et des chocolats chauds. Une odeur de butternut cuit au feu de bois se dégageait des cuisines et des citrouilles étaient posées sur les rebords de fenêtres. Jade Stis était plongée dans sa lecture et les pensionnaires suspendus à ses lèvres. Ils étaient au coin du feu avec une couverture sur les épaules. À l'extérieur, le ciel pleurait, sourirait, et puis pleurait de nouveau.
- ...depuis longtemps privé de tout contact avec des yeux, des oreilles ou des doigts, il n'avait jamais été sous le charme de la beauté, de la musique d'une voix, de la douceur d'une peau soyeuse. En le voyant, la jeune fille fut terrifiée car le cœur était tout ratatiné et recouvert de longs poils noirs. C'est tout pour ce soir, annonça-t-elle calmement.
- Mademoiselle Stis, encore un peu...Juste quelques phrases et après on va dormir sans faire de bruits, promis! Assura Owen, un garçon encore bien éveillé.
- J'ai dit que c'était tout pour ce soir. Je vous laisse rejoindre vos lits. Ne faites pas de détours dans les chambres de vos voisins. Je passerai pour éteindre le feu de votre cheminée, Bonne nuit. Répondit la jeune éducatrice avec une douce autorité.
Chaque chambre logeait quatre enfants selon les âges et les affinités. Tandis qu'elle passait dans chacune d'entre elles afin de s'assurer que tous les élèves y étaient présents, un frisson la traversa lorsqu'elle vit son directeur. Elle ne s'attendait guère à le voir ici, assis au chevet de Warene, un garçon de dix ans arrivé récemment.
Leur mésentente du mois passé lui avait laissé un goût amer. Elle s'en voulait de l'avoir jugé de la sorte, bien que cela n'excusât en rien la violence dont il avait fais preuve. Depuis lors, ils ne s'étaient plus adressé la parole. Les échanges relatifs à leur travail circulaient uniquement par écrit, ne s'en tenant qu'au strict minimum. C'était la première fois qu'elle le voyait prêter attention à un pensionnaire, écoutant avec attention le jeune garçon.
- Je vous procure cette potion contre les cauchemars, que cela ne devienne pas une habitude. Privé un esprit de la peur ne le rendra que plus vulnérable, expliqua calmement Rogue à Warene.
- Merci monsieur le directeur, bonne nuit, murmura le petit garçon.
Il ne lui repondit pas. Severus Rogue se leva et quitta la chambre en balayant du regard les autres enfants déjà endormis. Il était vêtu d'une chaude cape noire, laissant penser qu'il venait de revenir de l'extérieur du manoir.
Il marqua une pause en voyant Jade, et la regarda de la tête aux pieds d'un air condescendant. Les deux formèrent délicatement la porte derrière eux pour rejoindre le couloir. Ils se regardèrent sans rien dire pendant quelques instants...
- Plus tôt dans la soirée, j'ai confisqué ceci à un ancien partisan du seigneur des ténèbres, dit-il d'une voix dénuée d'intérêt en lui tendant une baguette magique. Lumos! Prenez là, elle vous éclairera.
Il avait prononcé ces mots comme si ôter la baguette magique d'un mangemort était quelque chose de banal, il aurait tout aussi bien pu parler d'une recette de sorbet au citron. Le bout de ladite baguette magique dégageait une forte lumière.
Jade s'en saisit avec beaucoup d'hésitation. Une fois qu'elle l'eût dans sa main, Severus Rogue s'éclipsa si rapidement qu'elle n'eût le temps de lui répondre. Sa longue cape noire l'effleura, laissant un parfum de feuilles mortes derrière lui.
- Bonne soirée, professeur, répondit simplement Jade en se parlant à elle seule.
Elle ignorait comment elle devait considérer le " cadeau " de Rogue. Qui aurait envie de posséder la baguette magique d'un ancien mangemort? Était-ce pour la ridiculiser? Une forme de vengeance depuis leur entretien du mois dernier ? Où voulait-il savoir si elle avait peur de tout ce qui était attrait à la magie noire? C'est avec l'esprit engorgé de questions qu'elle rangea l'objet de son questionnement dans la poche intérieure de sa robe et quitta les cachots des garçons, en espérant que tous les tableaux seraient déjà tous plongés dans un profond sommeil.
À l'orphelinat du phénix, il n'y avait pas que les enfants qui aimaient les histoires. Certains tableaux aussi réclamaient des lectures. Ils étaient amateurs d'histoire de la magie et de poésies.
À l'ordinaire, la jeune éducatrice éprouvait une grande fascination pour ces matières. Mais les tableaux, eux, choisissaient des livres particulièrement barbants. Elle ne comprenait pas comment on pouvait éprouver du plaisir à écouter tous ces monologues en latin. Si elle acceptait de leurs lires, c'était uniquement par peur de les contrarier à jamais.
En traversant le couloir, ce qu'elle redoutait arriva : elle se fit de nouveau alpaguer par Mazette, ou plutôt " le tableau avec la dame qui crache des bulles de savon " comme disaient les enfants.
- Oh par Merlin te voilà!
Bien heureuse soirée, je t'attendais.
Peux-tu me lire une histoire? Ce ne sera pas long, supplia le tableau. Je m'ennuie tellement ces temps-ci, personne ne vient me tenir compagnie.
Jade savait pertinemment bien que c'était faux, pour la simple et bonne raison que Mazette avait instauré un système de devinette pour pénétrer dans le dortoir des filles. Elle avait donc des discussions très régulières.
- Je suis lasse de l'histoire du cavalier sans tête.. une autre fois, d'accord? Répondit Jade, en espérant qu'elle la laisserait partir.
- Cette fois, c'est ma propre histoire que j'aimerais que tu me lises. Juste quelques minutes... Je le jure sur Freya, déclara- t-elle, d'une voix sérieuse. Je suis prête à savoir ce que l'histoire des sorciers a retenu de mon passage sur terre...
Sans lui demander son avis, la dame fit pivoter son tableau, laissant tomber un livre caché derrière son portrait.
La plupart des pages étaient pourries, brûlées ou arrachées. Elle lui fit la lecture de la première page seulement, la seule qui restait lisible.
- La comtesse Mazette De Beeth, issue d'une noble famille anglaise, a vécu a la fin du neuvième siècle. Née aveugle, elle avait été en promise en mariage à son oncle, un homme repoussant à l'hygiène douteuse. Même pour tout l'or du monde, aucune lady de l'époque ne voulait de lui. Désireux de conserver les richesses familiales et d'assurer sa descendance, il lui fallait une épouse. L'handicap de la jeune noble était comme une offrande, une aubaine! Elle ne pourrait contester son physique. À ses 13 ans, elle rencontra son oncle le jour de leur mariage. Bien qu'elle ne puisse le voir, elle décrivait l'odeur de son époux comme étant " nauséabonde ". À force de dégoût, elle se mit à cracher des bulles de savon de façon incontrôlée, mais au moins, cela repoussait son oncle si dégoûtant.
Jusqu'au jour où elle fût dénoncée par sa femme de chambre et accusée de sorcellerie. Le juge la condamna à être brûlée vive le jour de ses quinze ans. Provisoirement, elle devait rester en prison, enchaînée contre un mur par le cou, les mains et les jambes.
C'était ainsi que la page se terminait...
- Mazette, par tous les saints, j'ignorais que tu étais aveugle! Ton regard me paraît pourtant tellement vivant, dit Jade en refermant le livre. Tu n'as pas été brûlée, n'est-ce pas?
- Ai-je l'air à ce point défiguré? Évidemment que je n'ai pas été brûlée, ironisa le tableau. À présent, laisse-moi te raconter ce qui m'est arrivée par la suite. Peux-tu en prendre note? Je... De mon vivant, j'ai brûlé toutes preuves de mon existence et à présent je le regrette...
Elle fit apparaître un long parchemin vierge ainsi qu'une plume, et laissa à Jade le temps de s'en saisir.
Mazette s'éclaircit la gorge avant de reprendre la parole.
-C'est Lord Elliot Prince, un sorcier, et son amant secret, le duc de Palatin qui m'avaient fait évader de cet enfer. Ils avaient jeté un sortilège d'oubliette aux personnes susceptibles de me faire du tort. Ce couple m'a apporté toute la sécurité et le confort dont une sorcière avait besoin durant le moyen-âge. Il faut dire qu'à cette période de l'histoire, la chasse à la sorcière était aussi familière qu'un match de quidditch.
En contrepartie, Lord Prince désirait que j'accomplisse ce qu'il ne pouvait réaliser avec son amant. Je suis devenue mère porteuse.
- Autrement dis, tu as été contrainte d'avoir un enfant? S'interrogea Jade, prise d'une pointe d'inquiétude.
- Autre époque, autre mœur. Cela doit te sembler étrange, mais de mon temps, il n'y avait rien de choquant dans le fait de donner un enfant à un couple. Trois enfants sont nés de nous : Clarck, Alya et Ewan Prince. Tous des sorciers, précisa-t-elle avec fierté.
Dès que notre fils aîné eût atteint son onzième anniversaire, nous avons déménagé en Écosse, dans ce manoir. Il appartenait au Duc de Palatin, le tendre amoureux d'Elliot Prince. Nous y avons dignement logé nos elfes de maison et suivit la scolarité de nos enfants. Je me souviens encore de nous trois, en train de faire les valises des enfants pour Poudlard. Je voulais ces enfants et chacune de mes grossesses n'étaient que pur bonheur, et ces deux hommes étaient mes plus fidèles amis.
Il eût un silence durant lequel Jade continuait sa prise de notes à toute vitesse et s'assurait de ne rien avoir oublié.
- Je ne sais que dire, murmura Jade durant sa relecture, époustouflée par ce qu'elle venait d'entendre. Merci de m'avoir confiée ton histoire, merci beaucoup pour ta confiance... Je transmettrai cela au ministère dès demain...
- Je te fais confiance les yeux fermés, sans mauvais jeux de mots... Plaisanta Mazette. Je te demande juste de ne pas me juger trop sévèrement, tu vis dans les années nonante. Quant à moi, je faisais partie de la fine bourgeoisie du moyen-Âge... Ma situation familiale était certes décadente, mais c'était des choses qui pouvaient arriver.
- Je n'émets aucun jugement, certfia Jade.
- Et la descendance de cet amour séjourne ici même... Il ressemble beaucoup à mon aîné. Allez, va.
Elle n'en croyait pas ses oreilles. Qui pouvait être la descendance de la Comtesse Beeth ? En ces lieux, personne n'avait " Prince " ou " Beeth " comme nom de famille. Trop épuisée pour faire le tour de la question, elle laissa Nertila faire la relève et parti s'emmitoufler dans ses couvertures
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Ceci est l'œuvre de J.K Rowling , la source est " les comptes de Beedle le Barde " je n'ai aucun droits dessus.
