" les humains ne sont pas fait pour vivre des choses compliquées. Ils ont juste besoin d'un bon sommeil, de thé et d'amour " - Une villageoise dans le jeux Dragon Quest IX, l'épopée des élus.

Le samedi était ordinairement une journée peu agitée. Bien qu'ils avaient cours les samedis matins, les jeunes pensionnaires tardaient à quitter leurs lits douillets, au plus grand bonheur des employés qui pouvaient alors jacasser librement, sans jeûnes oreille dans les parages.

Durant ces moments de calme, s'en était fini de réprimander Owen lorsqu'il envoyait son perroquet chiper du chocolat dans les cuisines, de convaincre Noma d'arrêter de se goinfrer de suçacides si elle ne voulait pas se trouer la langue. Ou encore, de confisquer les boîtes à flemmes dissimulées derrière les WC.

Dès l'Aube, Jade et Mussie avaient profité du silence planant dans le phénix pour préparer un petit déjeuner clandestin. Dans la salle des professeurs, elles sentaient les regards réprobateurs d'un tableau représentant une noble famille prenant également le premier repas de la journée. En effet, durant les heures de service, le personnel n'avait normalement pas le droit faire des pauses collectives. Ils devaient en permanence se relayer. Néanmoins, voyant que tous les enfants étaient profondément endormis, elles avaient décidé de faire une entorse à la règle.

Mussie était une sorcière à la silhouette élancée, aussi jolie qu'une Vélane. Ses cheveux lisses et dorés n'avaient rien à envier à Jade et à sa crinière de lion. Enseigner l'art de la parole lui allait très bien. Son travail avait beaucoup de mérite même si son côté sceptique et amèrement fermé d'esprit la rendait pas très populaire auprès des enfants. Mais cela ne faisait bien entendu pas d'elle une mauvaise personne.

En attendant l'arrivée de leurs confrères, elles commencèrent à disposer les chaises et les couverts. Par solidarité, Mussie n'utilisa pas la magie.

Elles s'échangèrent un regard amusé lorsque la cathédrale Saint-Mungo fit sonner ses premières cloches de la journée. Il était à présent sept du matin. Diable, comme il était excitant de défier le règlement.

Avec cette bonne ambiance, la jeune éducatrice ne put s'empêcher de lui parler de la baguette que Rogue lui avait donnée. Même après une semaine, elle continuait de faire de la lumière, l'accompagnant dans tous ses trajets nocturnes.

- ... Et je ne comprends toujours pas pourquoi il me l'a donné, finit de raconter Jade en montrant sa baguette.

- Méfies-toi de lui, répondit sèchement sa collègue après avoir écouté son long monologue. Cette baguette est peut-être maudite.

Aïe. Ce n'était peut-être pas avec elle que Jade pouvait parler de Rogue. Pour cause, Mussie l'avait eu comme professeur des potions à Poudlard, tout comme Thorgal. Tous deux partageaient la même forme de haine envers lui.

Certes, en tant que directeur,

Severus Rogue était un homme impartial et intolérant. Les choses devaient être faites comme lui le voulait, et gare à celui qui ferait le contraire. Toutefois, elle ne le trouvait pas aussi mauvais qu'ils le décrivaient, surtout depuis qu'elle avait pris connaissance de l'ampleur de son engagement envers le Phénix et ses pensionnaires.

Alors, se sentant sotte de lui avoir parlé du "cadeau" de Rogue, elle essaya de changer de sujet pour détendre l'atmosphère. Sans succès, visiblement, elle ne la connaissait pas assez pour réorienter la conversation. Dès lors, un lourd malaise s'installa. Elles continuèrent de remplir la table d'un copieux déjeuné ( bien qu'il y ait déjà plus qu'assez) afin de meubler le silence.

Quelques instants plus tard, et à son plus grand soulagement, elle entendit les chaussures à talons de Nertila claquer sur le sol et franchir la porte. Un sourire audacieux dessinait ses lèvres. Elle avait apporté un gigantesque gâteau de riz.

- Bonjour les filles. Regardez-moi cette merveille! Nous possédons les meilleurs elfes de maisons, je défie quiconque d'en dire le contraire. Poudlard n'a qu'à bien se tenir! Se réjouissait Nertila.

Elle n'approuvait aucunement le verbe " posséder ". C'était à son sens une façon de définir les elfes comme s'ils étaient de vulgaires objets. Contrairement à la majorité des sorciers, elle ne sous-estimait pas le pouvoir de cette espèce réduite à l'éternelle servitude. Ils avaient pourtant des capacités magiques très puissantes, bien qu'interdites d'utilisation par leurs maîtres. Ils étaient souvent au service des sorciers très riches. Cela faisait partie des nombreuses controverses sur lesquelles elle n'osait s'exprimer par peur de contrarier ses amis.

D'un pas rapide, Nertila posa la pâtisserie sur la table et alluma d'un coup de baguette sa pipe écossaise en se dirigeant vers le grand balcon.

- La nuit s'est plutôt bien passée à ce que je vois! Constata Jade, voyant sa collègue en si bonne forme.

- Jusqu'à vingt-trois heures ils ne voulaient pas dormir, ça criait de partout. Ensuite Severus est descendu, raconta-t-elle d'un ton joyeux. Après son passage, autant dire que même les morts sont partis dormir.

Ne voulant plus parler de Rogue devant Mussie, Jade décida de rapidement parler d'autre chose.

- Par hasard, est-ce que tu sais où je pourrais acheter des cigarettes moldus sans devoir aller jusqu'au centre-ville ?

Demanda la jeune femme qui n'avait plus allumé une seule cigarette depuis plusieurs semaines.

- Je ne pense pas que tu en trouveras ici... Répondit-elle d'une voix songeuse. Tu dois savoir que Glasgow est une ville où le monde de la sorcellerie est majoritaire. Depuis la guerre tous les commerçants moldus sont partis. Ils n'oublieront jamais cette année de terreurs... Les pauvres, ils n'ont rien dû comprendre à tous ces phénomènes.

-Mais je pourrais t'emmener à la Tabatière Lubrique, finit-elle après avoir longuement tiré sur sa pipe en ouvrant les portes vitrées menant au balcon.

Ils ne vendent pas de cigarettes mais des Gitanes feront bien l'affaire, n'est-ce pas?

Allons prendre l'air, il fait chaud comme dans un chaudron ici.

Après avoir fermé les portes vitrées derrière elles, les deux femmes s'assirent sur le balcon, les jambes dans le vide et les mains posées sur les barreaux. Telle la couleur du charbon, le ciel était sombre et sans étoiles. Au loin, seuls les réverbères apporteraient de la visibilité au monde extérieur, éclairant les trottoirs et les arrêts de bus. Un vent doux et léger soulevaient leurs cheveux. Il faisait froid mais elles sentaient encore la chaleur de la cheminée intérieure caresser leurs dos malgré l'épaisseur des portes vitrées.

- Tu te souviens des premières semaines de mon arrivée? Je me sentais tellement fatiguée à cause du manque de soleil. J'avais si froid que seul l'alcool avait le pouvoir de me réchauffer...Ce climat est rude, sans pitié. J'étais aussi raide qu'un balai!

- Il faut dire que cet été, tu faisais concurrence à Dorkus! Répondit sa collègue. Tu tiens le whisky comme une Écossaise. Sais-tu que le Pur Feu est embouteillé chez nous? Nous, on boit ça comme du lait alors que les Anglais en crachent des flammes. Blague à part, ces changements n'ont pas dû être évidents.

Nertila tira une profonde bouffée sur sa pipe et en souffla un nuage rose, d'une senteur de barbe à papa. Elle la passa ensuite à Jade qui tira à son tour. Une bien étrange sensation meubla ses poumons, cette substance était légère et relaxante, elle masqua cependant l'effet de surprise de son visage. Bien qu'elle ait confiance en Nertila, à chaque fois qu'elle découvrait quelque chose de nouveau, certains sorciers ne pouvaient s'empêcher de lui dire " Tu ne connaissais pas? Tu devais vraiment t'ennuyer chez les moldus." Alors, comme si de rien était, elle cracha la fumée et lui répondit :

- Cela ne m'étonne même pas que ce scotch soit local. J'aime tellement le coté folklorique et traditionnel de ce pays. En y ajoutant qu'en novembre, il fait nuit dès dix-sept heures, mon dépaysement est totalement réussi!

Les deux femmes plaisantèrent là-dessus jusqu'à ce que toute l'équipe d'enseignants soit réunie.

Une fois tout le monde à table, avec un brouhaha de discussion et de bruits de verres en train de trinquer, Thorgal n'hésita pas à charrier Jade sur sa tenue vestimentaire.

- J'suis particulièrement fan de tes vêtements colorés, ça change de la monotonie de certaines personnes, dit-il tout bas en regardant Nertila du coin de l'oeil. Par contre, à ta place, j'aurais peur qu'on me confonde avec une licorne malade qui crache des arcs-en-ciel.

- Tu peux bien parler, répliqua Jade à la limite d'exploser de rire, tu as autant de boutons sur ta peau qu'une tablette de chocolat blanc aux éclats de noisettes.

Tout le monde posa son verre et arrêta subitement de beurrer ses tartines. Les regards se tournèrent vers eux et c'est à ce moment-là qu'elle se rendit compte qu'elle avait peut-être parlé trop fort.

Depuis son immersion dans le monde magique, Jade avait dû se mesurer à un nouveau style de moqueries qu'elle jugeait totalement enfantin. Chez les sorciers, être comparé troll était considéré comme une insulte blessante alors que chez les moldus cela aurait été pris comme une simple plaisanterie totalement ringarde et ridicule. Se faire traiter de licorne malade ne l'avait en rien contrariée, mais elle ne devait toutefois pas laisser faire, donnant une réponse du même niveau que le professeur de soin aux créateurs magiques.

Bien que personne autour de la table n'ait entendu le début de leurs conversations, la réplique de la jeune éducatrice emporta finalement tout le groupe dans un fou rire. Thorgal faisait semblant d'avoir l'air amusé, mais son sourire était forcé et s'évanouit rapidement.

Après de longues minutes de moqueries, d'un coup, sans que personne ne s'y attende, Thorgal prit sa baguette et la pointa vers le groupe. Ses yeux bleus semblaient être passés au noir tant ses pupilles étaient dilatés par la colère et l'humiliation.

- Silencio! Lança-t-il au groupe.

Avec une étroite maîtrise, Grinpo lança un sort en même temps que lui.

- Protego! Prononça calmement le gobelin, faisant dresser un bouclier translucide entre l'agresseur et le restant du groupe.

Ce qui était détestable avec le sort du silencio, c'étais qu'une fois toutes les victimes passées sous silence, ces dernières ne pouvaient se défendre à moins de savoir lancer des sortilèges imprononcés. De rage, Jade lança sa fourchette dans les cheveux blonds du jeune homme, tel un peigne en argent. Sa réaction était complètement démesurée.

Soudain, une voix forte et masculine fit trembler chacun de leurs membres.

- Assez!

Dans l'action, personne n'avait remarqué la présence silencieuse de Rogue, qu'ils voyaient tous à présent se tenir devant l'entrée de la pièce. Il paraissait à la fois vexé et exaspéré, comme s'il venait d'interrompre une dispute d'enfants se battant pour des chocogrenouilles.

Plus une mouche ne volait et Jade avait de nouveau ce sentiment de honte. Une nouvelle fois, elle allait perdre en crédibilité à ses yeux alors que leur relation semblait s'être tranquillisé. En cet instant, elle aurait juste voulu être en possession d'une cape d'invisibilité pour se dissimuler dedans et ne plus jamais en sortir.

Il marcha lentement en direction de leur table...

- Donnez-moi une seule bonne raison, murmura Rogue, de ne pas tous vous renvoyer... Êtes-vous capable de faire votre travail ou est-ce trop demandé pour les incompétents que vous êtes ?

Il marqua une pause avant de continuer.

- Pendant que vos têtes étaient censées passer dans chacun des dortoirs, Miss Macnair, Noma Macnair, a disparu.

- Professeur je... Commença Thorgal en retirent la fourchette de ses cheveux.

- Silence, le coupa Rogue avec froideur. Nous avons une heure pour la retrouver. Passé ce délai, nous serons dans l'obligation de contacter le ministère de la magie, et je puis vous assurer que ce ne sera pas sans conséquence. Partez, immédiatement.

Thorgal quitta la pièce en premier en ronchonnent, toujours avec la fourchette dans la main. L'autre partie du groupe était encore là, abasourdie.

Jade voyait Rogue se diriger vers la grande fenêtre du balcon en regardant l'extérieur, le visage anxieux. La veilleuse de nuit se rapprocha de lui d'un pas hésitant, c'est à cet instant que Jade, Mussie et Grinpo comprirent qu'il était temps pour eux de s'éclipser pour les laisser seuls.

Une fois passé le bas de la porte, elle entendit le début de leurs conversations. Le ton était plus calme que ce qu'ils avaient perdit. Le calme avant la tempête, sans doute.

- Severus, lui murmura Nertila, sois serein, nous allons la retrouver.

- Nous n'avons pas élevé des nifleurs ensemble, dit celui-ci avec mépris. Vous êtes donc priez de cesser vos familiarités à mon égard. Les règles s'appliquent pour vous aussi...

La discussion continua mais elle ne voulut pas en écouter davantage. À présent seule, elle courra vers l'escalier, heurtant plusieurs statues sur son passage. Ensuite, elle se dirigea vers le dortoir des filles, toujours gardé par Mazette, le tableau à taille humaine.

- Je n'ai pas le temps de répondre à une devinette, Mazette, dit Jade de but en blanc. Noma a disparu, je dois parler aux filles pour savoir si elles l'ont vue. Ouvres-toi, s'il te plaît.

- Très bien, très bien... on a l'air pressée par le temps. C'est idiot car c'est nous qui traversons le temps. Une facile alors! Nous sommes...Samedi! À qui appartient cette journée? Demanda mystérieusement le tableau.

- Cette journée appartient... hésita Jade, à la mauvaise foi d'un tableau qui me fait perdre mon temps alors qu'une vie est en danger? Allons, nous nous connaissons bien à présent, si tu tiens autant que moi a celles que tu gardes, tu t'ouvriras.

- Est-ce une sorte de chantage affectif? Ricana Mazette.

Comprenant qu'il ne servait à rien de négocier, Jade céda. Elle s'assit contre le mur et pensa à la demande de Mazette. Samedi.. Saturday.. SATURNE!

- C'est le jour de la semaine de Saturne, un dieu grec de l'agriculture ! S'exclama-t-elle.

- Considére ta réponse comme un indice, Mona n'est pas ici, dit le tableau d'un air solennelle. ta réponse comme un indice, Mona n'est pas ici, dit le tableau d'une voix énigmatique.

- Tu sais où elle est? Pourquoi ne pas me le dire au lieu de tourner autour du chaudron? Interrogea la jeune éducatrice en fronçant les sourcils.

- Si je te le disais, ma vie serait bien trop grise, complètement vide de sens.

Faire réfléchir les vivants me donne des responsabilités, un rôle bien précis. À présent, cours! Il ne te reste que cinquante minutes. Le temps, c'est des Gallions