Enjouée de savoir qu'elle allait être formée en potion magique, c'est avec le coeur léger que la brune aux yeux gris avait rejoint son appartement pour changer sa tenue conventionnelle contre une longue robe couleur abricot. Ce même soir, elle avait répondu à une invitation pour une soirée spéciale Noël au Highlander Scottish. C'était l'incontournable café tenu par Dorkus, son fidèle ami qu'elle regrettait de ne pas voir plus souvent.

Malgré son humeur rêveuse, elle revint vite sur la planète terre pour réaliser que le défi était de taille. Jade allait devenir en quelque sorte l'assistante de Severus Rogue, le célèbre maître des potions. Dans cette branche de la magie, il avait la réputation d'être intransigeant, impartial et totalement impatient avec ses anciens élèves.

Et si par malheur, la réussite de sa potion dans le laboratoire de Glover Hipworth était simplement due au hasard, à la chance du débutant? Peut-être même qu'elle était complètement ratée, mais que Magrib n'en avait heureusement pas subit les conséquences. Dans ce cas-là, l'estime que Rogue semblait lui porter se transformerait subitement en un désintérêt total. Peu importe ce qui l'attendait demain matin, finit-elle par se dire en soufflant sur les chandeliers de sa salle de bain. Elle préférait vivre l'instant présent, enfilant une lourde et chaude cape hivernale avant de fermer la porte de son appartement.

Le soir, L'orphelinat du Phénix était aussi calme que Poudlard. Il était presque minuit, et pourtant tout donnait l'impression qu'il était déjà trois heures du matin. La pleine lune éclairait le couloir du troisième étage dans lequel Jade marchait sans bruits, pieds nus avec ses chaussures à talons dans une main. Elle se demandait ce que ses collègues pouvaient bien faire en cette soirée de Noël. Sans doutes étaient-ils occupés à déguster des huîtres en famille, ou de passer une soirée avec l'élu de leurs cœurs.

Ce jour de l'année était à double tranchant, il pouvait rassembler les gens mais il pouvait aussi leur rappeler à quel point ils étaient seuls et isolés. Sans raison particulière, la jeune femme songeait au mot que Dumbledore avait écrit à Rogue en 1982 :

"... Votre mère aimerait vous voir plus souvent..."

Était-elle toujours en vie depuis lors?

Il était probable que ce ne soit pas le cas.

Sinon, pourquoi resterait-il cloîtré dans son laboratoire un lieu d'aller la voir pour Noël?

- Lumos, incanta-t-elle dans un chuchotement, descendant le premier escalier d'apparat.

Elle passa devant les deux tableaux endormis gardant les dortoirs des filles et des garçons. Pensive, Jade observa Mazette de Beeth dans son sommeil, ronflante avec des bulles de savon s'échappant de sa fine bouche entourée d'un épais rouge à lèvres. L'histoire de cette femme avait chamboulé son esprit, malgré son tragique premier mariage, la comtesse avait trouvé en elle les ressources nécessaires pour s'ouvrir vers une nouvelle sorte d'amour...

- Je sais que Severus Rogue est votre descendent... Lui murmura-t-elle avant de continuer son chemin vers les grandes portes du manoir.

Le centre-ville de Glasgow était plein de vie. Des moldus faisaient de la patinoire, l'odeur des vins chauds et de l'air frais étaient présent dans chaque centimètre carré qu'elle respirait.

Le fleuve de la Clyde était illuminé par les feux d'artifice et les jeux de lumière. Bien qu'avec difficulté, Jade se fraya un chemin dans la foule pour atteindre la rue Saint-Vincent et se dirigea vers un long cul-de-sac entre deux maisons abandonnées. Les habitants du quartier y abandonnaient leurs détritus, pensant que personne ne venait jamais ici. C'était faux, bon nombre de sorciers traversaient tous les jours ce mur pour rejoindre leur monde... C'était la première fois qu'elle empruntait le chemin en solitaire, mais elle n'avait pas peur. Jade savait que le passage s'ouvrirait à elle.

À l'aide de sa baguette magique, elle épousa la forme d'un vieux fer à cheval rouillé accroché au mur de briques rouges.

L'objet se mit à briller avant de prendre la forme d'une poignée de porte sur laquelle était gravée le dessin d'un corbeau. Jade tira sur cette poignée pour faire apparaître la porte permettant de pénétrer dans la rue Ravenclaw. Cette rue était invisible et inaccessible à tous moldus.

La rue Ravenclaw était elle aussi plongée dans une ambiance festive. Un cirque faisait apparaître des dragons de feu et des bonshommes de neige capable de se déplacer tout seul.

Quelques échoppes vendaient des bonbons aux piments, des barbes-à-papa de plus d'un mètre de hauteur, et des bonnets de Noël faisant pousser la barbe de son propriétaire. Les terrasses des cafés étaient pleines de sorciers et de sorcières ayant déjà un coup de l'aile chantant des comptines de Noël...

" Mage, elfe, centaure, sirène, vélane, harpie, Ange de la mer,

Jeunes, vieux, très vieux, aimable et téméraire,

Pauvres, riches ou écolières,

Profitez, allez-y, buvez, et ramenez votre tendre mère...

En espérant que jamais ne revienne la guerre... "

Assis en retrait du groupe à une des tables de la terrasse, un vieux sorcier l'observait intensément. Il était ridé, assez mince avec des cheveux blancs comme " électrifié ". Son costume peu entretenu des années quarante et sa dégaine alcoolisée lui donnait un air peu fréquentable.

Peu confiante, Jade détourna brièvement son regard. Mais c'était trop tard, l'homme lui fit un signe de salutation. Il plaça une cigarette entre ses lèvres et essaya avec difficulté de se lever de sa chaise pour aller vers elle. De peur qu'il trébuche, elle alla finalement d'elle-même à sa rencontre et l'aida à se lever.

- Merci ma petiote, lui dit-il en reprenant son équilibre. Étrange, vraiment étrange...

Elle l'observa pendant quelques instants. Il avait des yeux clairs pétillants et une voix calme.

- Qu'y a-t-il d'étrange, monsieur?

- J'avais justement l'intuition que vous me viendrez en aide... Une cigarette, ça vous tente? Proposa-t-il en sortant une allumette de sa poche.

- C'est... Tout naturel. Même si au départ, j'étais plutôt méfiante je dois vous avouer. Vous avez lu dans mes pensées, lui sourit Jade. J'en meurs d'envie.

- Alors quittons cette foule et marchons, voulez-vous bien? Demanda-t-il en s'appuyant contre le bras de Jade. Je m'appelle Garrick, et les messieurs et mesdames que vous voyez sur la terrasse sont des membres de ma famille.

Ils se retournèrent une dernière fois vers eux, ils devaient tous avoir entre quatre-vingts et cent dix ans.

- Vraiment? S'étonna Jade. Pourquoi ne chantiez-vous pas avec eux? Les fêtes vous rendent-elles mélancolique, vous aussi?

- Dans le mille! Ma famille... Plutôt ce qu'il en reste. La plupart ont levé l'ancre durant la deuxième guerre des sorciers, c'était juste à temps. Nous les Ollivanders avons beaucoup de sang moldu. Alors vous comprennez, notre situation n'était pas des plus favorables. En revanche, hormis être des moldus,

nos ancêtres étaient des pirates. Alors ma famille à reproduit ce même mode de vie pour survivre à la traque des rafleurs, cachés et protégés par les esprits des océans... Et vous alors? Dites-moi tout, suggéra-t-il alors qu'ils passaient à côté d'un dragon feu.

- Nous fuyons tous quelque chose à un moment ou un autre. Moi c'est Jade, je suis née à Londres et j'ai déménagé en France durant la première guerre des sorciers. Je suis sang-pur, je croyais être cracmol jusqu'à ce que je revienne ici, en Angleterre. J'ai commencé à travailler dans le monde magique, et de rencontres en rencontres j'ai fini par réaliser que j'étais une sorcière. Même dans ma plus tendre enfance, je n'avais pourtant jamais démontré le moindre signe.

Tout cela est un peu long à expliquer...

Elle ne savait pas pourquoi elle lui racontait tout cela. Peut-être parce qu'il lui inspirait la confiance, ou parce qu'elle avait toujours ce besoin d'en parler encore et encore.

- Votre situation n'est pas un cas isolé, rassurez-vous... Mais cela ne fait pas de vous une mauvaise sorcière, bien au contraire, dit-il en lui faisant un clin d'œil. N'ayez pas peur, tout vient à point.

- En tout cas, je sais que je ne suis pas une mauvaise personne, c'est déjà ça, affirme-t-elle avec conviction.

Connaissez-vous l'orphelinat du Phénix? C'est ici que je travaille.

Ollivanders le regarda avec une pointe d'admiration, il ne s'attendait visiblement pas à ce qu'elle travaille là-bas.

- Ça alors, le Phénix, murmura-t-il d'un air pensif. Est-ce que ça vous plaît? Voilà une mission noble et très gratifiante d'avoir entre vos mains l'éducation d'une future génération, cela me fait regretter d'être à la retraite...

La compagnie de Monsieur Ollivanders était chaleureuse et sans mauvaises intentions. Jade s'en voulait de s'être méfiée de lui. Ils firent une pause autour d'un des nombreux feux sauvages que d'autres sorciers avaient allumés pour se réchauffer.

- Ce métier me plaît énormément oui. Et puis il me permet de faire de bonnes rencontres, dit-elle en regardant l'homme. Ces enfants sont victime de discriminations permanentes, si vous saviez... Ils construisent leur univers comme ils le peuvent. À titre personnel, je trouve que globalement, ils s'intègrent plutôt bien. Et vous, quel métier faisiez-vous, monsieur Ollivanders ?

- J'aime votre enthousiasme, mademoiselle. Je n'ai aucun doute quant à votre dévotion. J'ai toute ma vie fait le même métier, à tort ou à raison, répondit-il avec une certaine culpabilité. Je fabriquais et vendais des baguettes magiques dans le chemin de traverse à Londres. Vous pouvez être certaine que tous les élèves de Poudlard se sont fournis dans mon magasin. Je me souviens de chaque baguette que j'ai vendue et de chacun de mes clients, y compris ceux à qui je regrette d'en avoir vendu...

- C'est alors sûrement vous qui avez fourni les baguettes de tous les membres de ma famille. Les Stis, cela vous parle? Demanda Jade, bien qu'elle se doutât que la réponse serait négative.

- Stis? Demanda-t-il avec d'un regard interrogatif. C'est un non catégorique, sinon je m'en souviendrai petiote. Plutôt étrange comme nom de famille... Quelle baguette possédez-vous, si je puis me permettre ?

- Je l'ignore monsieur, je l'ai récupérée. Peut-être qu'elle vous évoquera quelque chose.

Jade sortit sa baguette magique de sa poche et lui donna. De sa main agile, l'ancien vendeur de baguettes commença à l'examiner à travers la fumée émanant du feu de fortune...

- Voyons voir ça... Flexible, simple d'utilisation, bois de chêne, peinture de réglisse et... Bien ce qu'il me semblait, bougonnea le vieux sorcier. Crin de Kelpy, elle n'est pas de moi, je peux vous l'assurer. C'est le genre de baguette que la police magique a perquisitionné par centaines dans les repaires des mangemorts, plus particulièrement dans le manoir des Malefoy. De vulgaires instruments de dépannages, pardonnez ma hargne, je hais le travail mal fait.

Il lui rendit sa baguette sans plus de précaution... Malefoy, c'était la deuxième fois qu'elle entendait ce nom aujourd'hui. Ils ne sont sûrement

pas des enfants de chœur dans cette famille.

- Qu'est-ce qui fait que cette baguette est mauvaise, selon vous? Questionna Jade.

- Le Crin de Kelpy ne suffit pas pour faire une bonne baguette magique, c'est de la très basse qualité. C'est comme un jouet qu'on pourrait donner à un enfant pour l'aider à maîtriser ses pouvoirs, mais ça ne vous sauvera pas la vie en cas d'attaque... Dites-moi, par qui l'avez-vous obtenu?

Alors c'était donc ça, se dit Jade. Rogue avait fait exprès de lui choisir cette baguette. Il soupçonnait ses pouvoirs déjà à ce moment-là.

- Mon directeur, Severus Rogue, m'a donné cette baguette, raconta Jade.

Mais il ne pensait pas à mal, je vous l'assure. Il l'avait confisqué à un mangemort... C'est une longue histoire. C'est de toute façon justement ce qu'il me faut, j'apprends seulement à maîtriser mes pouvoirs et je n'ai de toute façon pas besoin de me défendre.

Ollivanders ricana en réchauffant ses mains au-dessus des flammes vives.

- Mister Severus... Toujours fidèle à lui-même à ce que je vois. Je me souviens avoir eu beaucoup de difficultés à trouver une baguette qui lui convenait. Sa baguette est la seule à posséder un coeur de poussière d'étoile...

- En effet, il n'y en a pas deux comme lui, dit-elle dans un sourire.

Ils reprirent leur marche, passant

devant un spectacle de rue. Un clown crachait les pétards qu'il avait avalés quelques secondes plus tôt, les laissant explosés dans sa bouche.

- Je vous offre un café? Proposa Jade qui commençait à avoir un peu froid.

- Je suis plutôt chocolat chaud. Dites-moi, où allez-vous m'emmener?

- À l'Highlander Scottish, le meilleur café de Glasgow! Se réjouit Jade, heureuse d'apporter à cet homme un Noël plus joyeux que prévu