Comme toujours : les personnages, l'univers, le canon sont la propriété de J.K Rowling. Cette fanfiction fait partie du challenge 2023 du groupe Prudence & Potions, sur la thématique des intelligences artificielles. Merci à Dragsou et Loryah pour leur beta-lecture et leur patience...

Voici le plot auquel j'ai répondu et avec lequel je me suis bien arrangée (parce que j'aime bien le drama) :

"Hermione Granger et Severus Snape se retrouvent soudainement propulsés dans un univers parallèle où tout est inversé. Snape est maintenant un professeur souriant et jovial, tandis qu'Hermione est devenue une mauvaise élève cette réalité, les mangemorts sont devenus les héros, Voldemort est un gentil sorcier, et les amis d'Hermione, tels que Ron et Harry, sont leurs ennemis les plus féroces. Snape est maintenant chargé d'enseigner la métamorphose en utilisant des sorts loufoques et des techniques d'illusion farfelues. Tout au long de leur voyage, ils sont confrontés à des défis étranges et déroutants. Ils doivent échapper à un troupeau de licornes maléfiques, combattre un dragon rose géant, et affronter des ennemis qu'ils n'ont jamais vu auparavant. Hermione, quant à elle, doit gérer ses potions ratées imprévisibles et concocter des mélanges improbables qui, l'espérera-t-elle, les ramènera dans leur monde d'origine."

BONNE-LECTURE ! Aparecium ᚔᚔᚔᚔ · · · ✵

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Chapitre 1

Le baldaquin cramoisi se mua peu à peu en noir absolu. Hermione sentit à peine l'arrière de sa tête heurter le matelas nu. Déjà, toutes les sensations d'oppression qu'elle subissait depuis des mois s'estompaient. Son estomac s'assouplit et la boule de nerfs qui l'étranglait autant qu'elle pesait sur ses poumons disparut.

Elle put respirer, pleinement, sereinement, enfin.

Elle ne craignit plus que son cœur n'explose. Lui qui cognait parfois si vite qu'il semblait pouvoir s'arrêter d'un moment à l'autre. Elle n'eut plus peur : cette peur sournoise, torve, qui se lovait sous sa poitrine et lui chuchotait qu'elle allait mourir, là, tout de suite, ou bientôt, tout bientôt. Quand ? "Surprise…" Elle riait, cette peur. Ils étaient nombreux à rire d'elle, invisibles et inconnus, peuplant les replis de l'obscurité et le jour impudique. Elle le savait, ils étaient là, rôdant, se tapissant sans même se cacher pour lui surgir à la face et surpeupler ses pensées qui ne songeaient plus à rien d'autre. Ils étaient tant et tant qu'elle en avait la nausée, une nausée latente, qui la menaçait en permanence. Elle s'était résolue à ne plus sortir de sa chambre que pour assister aux cours les plus importants de ses ASPICs. Cela aurait été trop dangereux de risquer de se retrouver là, en proie à toutes ses angoisses, toutes sur elle en même temps et toutes invisibles pour qui n'était pas elle. Elle avait peur de vomir, d'hurler, de pleurer, elle craignait que tout le monde se rende compte qu'elle était perdue et folle, de ne plus pouvoir le cacher. Qu'adviendrait-il alors ?

Évidemment, son état n'était pas passé inaperçu, mais peut-être avait-on sous-estimé sa détresse. Au sortir de la deuxième guerre des sorciers, l'hôpital Sainte-Mangouste et les médicomages locaux étaient surchargés de nouveaux patients qui présentaient des syndromes dépressifs, des angoisses et autres états de choc post-traumatique. L'infirmerie de Poudlard, même, regorgeait de remèdes spécifiques à ces affections, et Mme Pomfresh avait tant à écouter, tant à rassurer, qu'elle devait grappiller sur ses périodes de repos pour trouver le temps de préparer un peu de Pimentine pour les maux courants de l'hiver qui approchait. Voldemort avait été vaincu, mais son souvenir avec la peur comme venin, persistait dans toutes les âmes blessées, rescapées de la bataille du mois de juin : chacune d'elles hébergeait une sorte de nouvel Horcruxe.

Les temps qui avaient suivi les combats avaient été, pour Hermione,une sorte de lente et incertaine descente aux enfers. D'abord, il avait fallu parcourir le parc aussi percé que la surface de la lune et y retrouver tous les blessés. Ensuite, les morts, étaient nombreux, et la confrontation avec le sang n'avait pas été la pire des visions pour ceux qui s'étaient chargés de la besogne de les rapatrier jusqu'au château. La Magie Noire avait fait des ravages : corps déformés, mutilés, rendus inhumains, cadavres multipliés ou déjà transformés en Inferi. Hermione ne s'était pas dispensée de ce labeur infâme mais par ailleurs digne et nécessaire. Elle avait battu le parc, comme tant d'autres, à la recherche de visages connus, d'un soupir, d'une aide à apporter. Les dépouilles ennemies n'avaient fort heureusement pas été laissées aux corbeaux. Cela avait permis de mettre à jour la tactique vicieuse qui avait consisté en l'administration de Polynectar à quelques alliés de Poudlard agonisants, faisant ainsi passer pour morts les Mangemorts envieux de disparaître. Les antidotes avaient été administrés et les corps avaient retrouvé leur apparence réelle. On avait compté de nouveaux morts, versé de nouvelles larmes. S'en était suivi un malaise général, une sensation de viol permanent, des corps, des âmes, de leur repos.

Hermione avait pourtant eu un beau sursis quand il s'était agi de soigner la grande créature blessée qu'était Poudlard. Elle avait déblayé, nettoyé, restauré, reconstruit avec foi aux côtés des innombrables volontaires. Les murailles avaient retrouvé toutes leurs pierres, les toits, leurs ardoises et leurs flèches. Le parc avait été aplani et replanté. On avait généré de nouveaux sabliers qui se dressaient, étincelants, dans l'abside de la Grande Salle remeublée. La Cabane Hurlante avait finalement été rasée, maudite, souillée à jamais par l'assassinat de Rogue. Le concernant, d'ailleurs, Poudlard avait hérité de la maison de l'impasse du Tisseur, le maître des potions n'ayant, évidemment, aucun descendant direct. Hermione s'était portée volontaire pour participer à sa remise en ordre : par curiosité ou dévouement, elle n'aurait su le dire. Elle avait été surprise de découvrir un intérieur impeccablement rangé, où chaque objet avait sa place et où chaque surface était irréprochable. Une odeur de fumée presque imperceptible subsistait, mêlée à de la sauge et peut-être du café. Quelques vêtements – noirs – avaient été abandonnés sur un valet de nuit dans la petite chambre de l'étage. Ils avaient conservé ce parfum de cuir et de lichen, qu'elle avait toujours associé à Rogue sans jamais vraiment le réaliser. Soudainement, elle s'était sentie bien trop indiscrète. Outre des robes trop petites rangées dans une vieille armoire de formica et un peu de vaisselle dans le buffet du salon, il avait été question de trier un nombre incalculable de volumes, de carnets et de parchemins. Hermione s'était volontiers laissée captiver. Elle aurait menti en affirmant être seulement passée par la petite bicoque de manière détachée et pratique. Elle y avait, vraiment et profondément, découvert Rogue. Il lui avait alors semblé tellement humain et si peu ordinaire à la fois, qu'à la lumière des souvenirs confiés à Harry, elle avait surpris en elle quelques regrets : ceux de ne jamais l'avoir vraiment connu. Elle n'avait cependant pas eu le temps de s'attarder aux remords : l'objectif était de rendre les murs habitables par une famille moldue et de définitivement rompre les liens avec le lieu. Cela avait été fait, et bien fait.

Toute cette énergie consacrée au soin de tout ce qui n'était pas elle l'avait, un temps, empêchée de penser : à l'absence, au vide, aux morts, à ses parents pour lesquels elle l'était presque, à Harry et Ron qui ne retourneraient pas à Poudlard. Elle s'était extirpée du mois d'août satisfaite, poussiéreuse, suante, exténuée et… abattue. À la reprise de l'année scolaire, la dépression l'avait piétinée sans ménagement, comme un troupeau d'Éruptifs lancés au galop.

Chaque nuit, Hermione se retrouvait sous la dague de Bellatrix Lestrange, chaque jour, la gorge béante de Rogue éclaboussait ses rétines d'écarlate et de terreur. Ron, aussi empathique qu'une bûche, ne lui était pas d'une grande aide : leur relation piétinait, il n'y avait rien à découvrir de plus dans leur quotidien que ce qu'ils y connaissaient déjà. Hermione était atterrée par son manque de curiosité et de finesse, ce côté lourdaud qu'elle avait oublié pendant leur chasse aux Horcruxes, alors que la peur et l'angoisse de la fin les avait jetés dans les bras l'un de l'autre. Harry, lui, était aux prises avec les mêmes démons qu'elle, à la différence qu'il était soutenu par Ginny, qui n'avait ni la force ni le temps d'en faire de même pour Hermione. Luna ? Eh bien… Luna était Luna. Hermione s'était lassée de ses soupes aux radis et Joncheruines. Quant à ses parents : elle les avait laissés à leur retraite. Ils étaient bien plus paisibles en ignorant tout du gouffre qui dévorait leur unique fille, dans un monde si loin du leur, et c'était mieux ainsi.

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À présent donc, elle était délivrée de tout cela. Soudain, elle eut faim. Elle percuta alors que l'appétit avait totalement disparu de son quotidien récent. Elle ne s'en était pas vraiment rendue compte, mais à présent, le manque était tel et tellement vivant qu'il réchauffa ses entrailles. Une bonne tarte à la mélasse, du poulet sauce cacahuète ou quelques toasts entrelardés de saucisses… Merlin ! Une perspective fantastique. Son ventre gronda. Tout était bien, vraiment… le meilleur qui soit. Il faisait frais, presque tiède. Des feux crépitaient, tout proches. Quelque part, quelqu'un respirait fort, d'un souffle calme, apaisé, ronronnant…

- Comme vous le savez, nous sommes ici pour étudier les potions alternatives à certains sorts de métamorphose. Même résultat, manipulation différente. À l'évidence, je ne suis pas ici pour vous enseigner la métamorphose. Je serais d'ailleurs exécrable à cette tâche.

Et quelqu'un d'autre dissertait. Seul. Un professeur peut-être ? Une voix connue, bien connue… Mais Hermione était bien, si bien, malgré cette petite douleur d'écrasement au niveau du front et son estomac qui, à présent, commençait à lui faire un peu mal. Une douleur ridicule, dérisoire, comparée à la félicité ambiante.

- Voyez plutôt : « Soleil, jonquille et canari, que ce gros gras rat gris en jaune soit colorié de la tête jusqu'aux pieds ».

Dans cet ailleurs encore trop loin d'elle, il y eut des rires, puis des exclamations impressionnées. La voix, cette fameuse voix, lâcha un gloussement qu'elle n'aurait jamais laissé échapper en temps normal. Non, vraiment… jamais. Un silence interrogatif s'installa et, au moment où « Potter ? » donna une réponse à la cantonade : « Un sortilège de métamorphose animale informulé ? », un ronflement plus haut que les autres réveilla Hermione en sursaut. Déséquilibrée, elle manqua de tomber de sa chaise, alors que l'empreinte froide d'un bureau palpitait toujours sur son front. Elle tenta d'ouvrir ses yeux qui se plissèrent sous la lueur pourtant faible des torches.

- Granger ! tonna la voix, cette voix…

Avant même qu'Hermione n'ait pu discerner son propriétaire, le regard embué et les paupières collées, elle sut : Rogue. C'était Rogue, là, devant elle. Il fondit sur elle si vivement, sa cape tourbillonnant à sa suite, qu'elle n'eut pas le temps de le détailler autant qu'elle l'aurait souhaité. Rogue, mais Rogue était…

- Granger !

Un rictus de dégout sur le visage, il la toisait comme il aurait méprisé Harry ou Neville, à une époque où tous deux pouvaient se permettre d'avoir la légèreté de le haïr en retour.

- Dormiez-vous vraiment ? Vraiment ? insista-t-il.

Le cœur battant, la gorge serrée, une bouffée de chaleur escalada la poitrine d'Hermione. Elle s'était plaquée contre le dossier de son siège, les traits crispés, craintifs, comme si elle avait redouté qu'il la frappe. Dormait-elle ? Elle ? En cours ? Les mots ne s'ordonnèrent pas à la sortie de sa bouche sèche et elle ne parvint qu'à bafouiller un gargouillis incompréhensible. Au fond d'elle, une pulsion inconnue sembla vouloir la pousser à répondre, à défier, mais sa terreur eut le dessus.

- Donnez-moi une réponse plus plausible que Potter concernant le changement de couleur de ce rat.

Les lèvres d'Hermione s'ouvrirent et se refermèrent plusieurs fois, comme l'aurait fait une carpe agonisante surprise d'être sortie des flots. « Je dors si je veux, ces ASPICs sont clairement épuisants », se dit-elle intérieurement.

- Si vous ne le faites pas, j'enlève vingt points à Serdaigle.

Des soupirs agacés résonnèrent dans la classe et Hermione repéra parmi les silhouettes sombres des visages connus : Harry et Ron, qui pouffaient au loin, Neville, interdit, près d'eux, Parvati Partil, à sa droite, ou peut-être était-ce Padma… elle était placée derrière une jeune fille qui, elle, la dévisageait. Sa peau pâle était constellée de tâches de rousseur, regroupées autour de ses yeux verts émeraude. Elle tentait de lui souffler une réponse totalement indéchiffrable.

- Vingt points de moins pour Serdaigle.

Autour d'elle, on souffla, on râla, on s'agita, les chaises raclèrent le sol. L'élève à l'uniforme bleu et argent qui avait tenté de lui venir en aide se passa une main sur le visage. Un rire gras éclata dans la zone occupée par Ron, sans qu'elle ne sache exactement de qui il provenait, quoi qu'elle en eût une vague idée.

- Retenue, ce soir, 18h, ici, conclut Rogue qui avait déjà tourné les talons.

Une retenue ? Des points en moins ? Pour Serdaigle ? UNE RETENUE ? Rogue vivant ? La tête lui tourna, et tout redevint noir.

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Désorientée, Hermione se frotta les yeux et les ouvrit, plus facilement cette fois. Malgré la pénombre et le poids du silence, elle reconnut immédiatement la pièce dans laquelle elle se trouvait : l'infirmerie de Poudlard. Le soleil, encore franc, se heurtait à d'épais rideaux de lin presque opaques, tirés sur les hautes fenêtres géminées. Il ne devait pas être plus de seize heures. Tous les lits blancs étaient vides, sauf le sien et une couchette au fond de la pièce, masquée par une série de paravents. Que faisait-elle ici et surtout… quel était ce rêve étrange auquel elle avait assisté à l'instant ? Il lui avait paru si réel, si palpable et il était pourtant si... improbable. Les souvenirs qui le précédaient était flous : il lui semblait s'être endormie dans son dortoir, mais rien de ce qui l'avait conduite au sommeil ne lui revenait vraiment à l'esprit, à moins que… il y avait eu cette potion… une potion de…

- … une tentative de suicide.

- Non !

Les voix, basses, tendues, avaient chuchoté depuis l'espace masqué. Intriguée, elle se leva du lit sur lequel elle était mollement assise et s'avança, quoi que flottant plus qu'elle ne marchait tant ses jambes lui semblaient épuisées et fourmillantes.

- Nous avons retrouvé cette fiole près de son lit, expliqua la voix éteinte de Mme Pomfresh.

- C'est impossible, trancha de nouveau une voix abrupte, dont Hermione reconnut la propriétaire sans trop d'effort : Minerva McGonagall.

Il y eut un froissement d'étoffe et des frottements de semelles, comme si on remuait pour chasser le malaise.

- Nous l'aurions su, si elle avait voulu…

Cette voix-ci était plus douce, moins franche, plus flûtée, à peine voilée : Luna.

- Non, nous n'aurions rien su du tout.

Ginny.

- Nous n'aurions rien su du tout, car elle ne parle plus à personne depuis la rentrée, et même avant, en faisant croire que tout va bien.

- Personne n'est dupe, Miss Weasley, souffla la Directrice.

- Personne n'est dupe mais personne n'a rien fait pour lui venir en aide ! fulmina Ginny.

- Pas même toi.

Le ton de Luna était, comme à son habitude, aimable. Ses propos, eux, étaient comme toujours tellement vrais qu'ils en devenaient cinglants. Hermione plissa les yeux et imagina Ginny encaisser la gifle, les yeux orageux et le teint rougeoyant, prête à exploser. Elle ne savait peut-être pas de quoi ni de qui il était question, mais l'atmosphère était dense, oppressante. Rompant un silence à couper au couteau, la Directrice questionna :

- Que pouvez-vous faire pour la sortir de cet état, Pompom ?

Il n'y eut aucune réponse. Hermione s'avança encore davantage et se glissa entre les paravents en se raclant la gorge comme pour se signaler. On ne lui prêta aucune attention. Si Ginny et Luna, de dos, lui cachaient l'oreiller, elle distinguait maintenant une forme grossière sous des draps lourds. Face à elle, Mme Pomfresh était décomposée, le teint grisâtre, et se tordait les mains en secouant la tête.

- Rien, Minerva. Rien. Elle n'est maintenue en vie que par la magie, son cœur ne bat même plus.

Dans l'ombre, à la gauche de la couchette, le professeur McGonagall porta des doigts osseux à ses lèvres. Ginny, eut un haut-le-cœur et les bras de Luna, dont les mains paraissaient jusqu'alors croisées sous son menton, retombèrent sur ses flancs.

- Bonsoir, je…

Hermione avança aux côtés de Ginny, qui ne la remarqua pas. Mme Pomfresh n'eut aucun geste à son égard. Les yeux d'Hermione ne s'attardèrent pas sur la jeune femme qui reposait dans le lit et qu'elle ne reconnut pas, à demi-masquée par l'ombre des boucles de sa chevelure sombre et volumineuse.

- Je ne voulais pas vraiment écouter, mais j'étais là… d'ailleurs je ne sais pas vraiment pourquoi... J'ai tout entendu, je…

L'infirmière lui lança un sourire éteint, ou bien était-il destiné à la Ginny ?

- La transférer à Sainte-Mangouste serait la décision la plus sage que je pourrais prendre, continua l'infirmière.

- Pensez-vous que ses jours soient en danger ? poursuivit le professeur McGonagall.

Mme Pomfresh afficha une mine dépitée, pleine de désarroi et d'incertitudes. Elle secoua doucement son visage marqué par le poids des dernières années et, quand elle leva vers la directrice ses yeux gris délavés, elle eut l'air bien plus âgée que jamais.

- Je n'en ai aucune idée.

La Directrice pinça les lèvres.

- Miss Granger, soupira-t-elle sans la regarder.

- Bonsoir professeur, lança Hermione, enfin soulagée que quelqu'un relève sa présence, et rassurée que personne ne la blâme pour avoir été là où on ne l'attendait pas. Je vous ai entendues parler de…

- Hermione… se plaignit Ginny.

- Oui ?

- Vous n'êtes pas responsable de son état, Miss Lovegood, Miss Weasley, rassura Madame Pomfresh.

Alors qu'elle tendait une main vers le lit, elle compléta :

- Miss Granger était déterminée à en finir.

Trop intriguée par la discussion, Hermione n'avait pas pris le temps de vérifier qui était dans la couchette et au centre de la conversation. Elle eut alors un haut-le-cœur alors que son regard révulsé se posait sur la tête du lit : là, entre deux oreillers, reposait un visage qu'elle avait cru ne pas connaître. Ses traits étaient blafards, ses lèvres blêmes, ses paupières closes soulignées par des cernes violacés. Les deux mains qui reposaient de part et d'autre du corps invisible étaient aussi blanches que le drap et paraissaient glacées. Ce visage, elle le connaissait bien. Le hurlement qu'elle aurait voulu pousser s'éteignit dans sa gorge, comme dans un mauvais rêve : devant elle, presque morte, c'était elle-même qu'elle contemplait. Un vertige puissant la saisit et l'emporta à nouveau dans les ténèbres.