.

Il faisait nuit noire, comme à chaque fois. Il était toujours plus facile de se faire discrète de nuit, en plus du manque de lumière, la plupart des gens dormaient, et ceux encore éveillés étaient suffisamment bruyants pour couvrir le bruit d'une paire de bottes atterrissant sur un toit.

La bouche d'aération était fermée par une grille sale, et le conduit n'était pas assez large pour qu'un adulte même de petite taille puisse s'y faufiler. Yang haussa les épaules et fit fondre les vis en appuyant dessus avec un doigt brûlant. Elle rattrapa la grille avant qu'elle ne tombe et la posa sans bruit à côté d'elle. Un adulte de petite taille ne pouvait peut-être pas rentrer, mais une enfant agile avec un bras en moins avait juste assez de place pour se glisser à l'intérieur. Comme prévu, elle arriva dans une pièce vide. Après avoir enlevé la quantité absurde de poussière qu'elle avait ramassée, elle appuya sur le bouton de son oreillette.

-Je suis à l'intérieur.

-Bien, tu te rappelles de ton itinéraire ?

-Oui.

-Ok alors c'est parti. Et par pitié ne déclenche pas de baston inutile, je n'ai pas acheté les horaires des rondes à Lil' Miss pour rien.

-Oui oui …

Rook soupira à l'autre bout. Ce n'était pas leur première mission depuis qu'elle avait revu Qrow, et elles savaient toutes les deux que cet avertissement était inutile. D'une part parce que Yang était parfaitement consciente qu'elle devait éviter de se faire remarquer, et d'autre part parce que de toutes façons, elle finissait presque toujours par faire exploser quelque chose, à coup de poing ou avec ses flammes, avertissement ou non … C'était le genre de chose qui n'avait pas changé.

Assez peu de choses avaient changé en fait. Son style de vêtement, maintenant qu'elle portait une armure rouge sur le bras et un gros blouson en cuir pour l'hiver, faisait un peu moins civil, mais comme elle avait l'âge d'être en école de combat personne ne posait de question. Rook avait restreint leur champ d'activités et veillait à ne la faire croiser personne de problématique. Et Qrow la contactait une fois par mois pour la tenir au courant. Officiellement, il était sur la piste du « Burning Falcon », surnom donné par les médias atlasiens, mais n'arrivait pas à la trouver. Cette couverture ne tiendrait pas éternellement, Ozpin savait que Qrow était un bon espion, mais c'était mieux que rien. Rook avait aussi commencé à se montrer un peu plus curieuse, sans pour autant dépasser les limites, elle lui posait des questions sur ses goûts, ses passe-temps, sa vie dans la tribu …

C'était la première fois qu'elle parlait de ça à quelqu'un, Qrow savait déjà comment fonctionnait la tribu, et elle n'avait pas développé lorsqu'elle avait parlé à Mercury. Rook s'y intéressait, elle lui demandé où elle dormait, ce qu'elle mangeait, comment est-ce qu'ils faisaient l'hiver. Yang lui avait parlé d'un hiver particulièrement froid qu'elle avait vécu lorsqu'elle était petite, même si elle ne s'en souvenait pas très bien, elle savait surtout ce que ça mère lui en avait raconté par la suite. Elle n'avaient pas posé beaucoup de questions sur les raids, mais Yang se doutait qu'elle ne devait pas apprécier l'idée de tuerie générale gratuite. Elle n'avait pas posé de questions sur Raven non plus.

Pour finir, il y avait l'arme, ou plutôt les armes, que Qrow avait trouvées dans les décombres de la tente. Des tantôs, comme ceux avec lesquels elle avait appris à manier l'épée étant enfant, mais de bien meilleure qualité et avec un mécanisme dans le manche. Le tranchant de la lame était lisse, sans une imperfection, mais un fin cylindre transparent creux la traversait dans la longueur, bouché par un petit filtre presque invisible juste à côté de la pointe. Le manche était noir avec un genre de bouton on/off, actuellement réglé sur la position du milieu, et en haut et en bas du manche, il y avait un anneau jaune qui avait l'air de pouvoir tourner. C'était une vraie arme pro, une vraie arme de Huntress, conçue spécialement pour elle, un cadeau pour elle, un cadeau de sa mère, et qu'elle comptait lui offrir. Mais elle ne l'avait pas fait, elle n'en avait pas eu le temps.

Yang ne l'avait toujours pas utilisé, d'une part parce que c'était une arme double … qui nécessitait donc deux mains … Mais aussi parce qu'elle n'avait aucune idée du fonctionnement des boutons et anneaux sur les manches.

Et puis, elle préférait utiliser l'épée de sa mère pour se battre.

À côté de tout ça, Yang n'avait toujours pas de masque puisque celui de sa mère était encore trop reconnaissable, et les missions se déroulaient toujours de la même façon. Comme celle-ci, elle devait s'infiltrer dans un laboratoire et provoquer un « accident » dans l'un des labos pour faire diversion, pendant que Rook passait par un autre endroit pour récupérer certaines données demandées par le client, à l'opposé du bâtiment. C'était du piratage informatique, et Yang n'avait jamais touché un ordinateur à moins que ce ne soit pour le faire exploser, donc il valait mieux pour tout le monde qu'elle s'occupe de sa partie.

Suivant l'itinéraire prévu, Yang ne croisa personne, les couloirs semblaient vides. Il n'y avait normalement pas beaucoup de vigiles, et les chercheurs étaient tous dans leur labo. Tant qu'aucun d'eux ne prenait de pause pipi au mauvais moment, elle ne risquait rien.

Il ne lui fallut pas très longtemps pour arriver à destination. Devant elle, au beau milieu d'un couloir, se dressait une porte tout-à-fait banale, celle que Rook et elle avait choisie pour faire diversion, avec la liste des personnes autorisées affichée à côté d'un lecteur de cartes. Entrer et provoquer un accident allait s'avérer plus difficile que prévu. Yang balaya son regard sur les alentours, mais il n'y avait absolument rien autour d'elle, pas un meuble dans le couloir, et la bouche d'aération était cette fois trop petite pour y passer ne serait-ce que sa tête. Et elle n'osait pas essayer de frapper pour qu'on lui ouvre, elle était censée se faire aussi discrète que possible. C'était le genre de moment où elle regrettait de ne pouvoir utiliser que du feu. La subtilité était loin d'être son meilleur atout, et quelque chose comme du vent ou de l'eau l'aurait bien aidé …

Attendez. Mais oui, de l'eau !

Yang leva la tête et chercha au plafond, jusqu'à y trouver un petit rond gris. Elle se plaça juste en-dessous, et une flamme apparut dans sa main. Avec un sourire narquois, elle regarda la fumée monter lentement jusqu'au détecteur de fumée.


Même si elle avait mis plus de temps que prévu, Yang était parvenue à sortir sans encombre, et attendait actuellement sa partenaire devant un bar à quelques rues de là, dans le vent froid de l'hiver. Elle n'avait fait aucune victime cette fois, et n'avait normalement laissé aucune preuve de son passage, une enquête aboutirait simplement à un dysfonctionnement du système incendie, pas à un sabotage. Comme quoi, Rook s'inquiétait pour rien, elle était parfaitement capable de ne pas tout faire exploser autour d'elle si elle le voulait.

-Eh gamine.

Yang se tourna vers la voix, un homme avec un tablier qui venait de sortir du bar.

-Tu devrais pas traîner ici à cette heure-là, ça peut être dangereux.

Yang soupira, elle détestait quand on la traitait comme une enfant alors qu'elle avait laissé plus de cadavres derrière elle qu'un Hunstman ayant échoué à sauver un village.

-Je peux me défendre seule.

Et pour appuyer ses dires, elle agita la hanche, faisant tinter le fourreau à lames de Dust toujours accroché à sa taille. L'homme ne parut même pas si étonné, c'était Mistral après tout.

-Et qu'est-ce que tu fais ici alors ? T'attends quelqu'un ?

-Ouais, et elle devrait pas tarder.

Ou du moins elle l'espérait, parce qu'à ce rythme-là, Rook ne trouverait qu'un bonhomme de neige congelé. Elle était encore trempée à cause de ces stupides arroseurs automatiques et le vent était glacial … Une chance qu'elle n'ait pas pris sa veste avec elle à l'intérieur, ça lui faisait au moins un vêtement sec à mettre en sortant.

-Tu peux rentrer si tu veux, je vais pas faire attendre une gamine dans le froid.

Ce qui était bien à Mistral, c'était que lorsque vous sembliez venir des bas-fonds ou faire partie d'un groupe un peu sombre, les limites d'âges devenaient complètement obsolètes. Yang suivit donc le barman à l'intérieur, où la température était bien plus supportable, il y avait même un peu de musique. Elle savait qu'elle recevait des regards étranges, mais comme toujours, elle s'en foutait complètement, et s'assit à une table avec une tasse de thé au jasmin. Ce n'était toujours pas celui auquel elle était habituée, mais c'était déjà bien meilleur que celui d'Atlas.

Après plusieurs minutes d'attente, Rook entra finalement dans le bar, et Yang dut se retenir de toutes ses forces de se moquer d'elle. Son mentor était trempée de la tête au pied, et une fine couche de neige se trouvait sur le dessus de sa tête et sur ses épaules. Son regard furieux balaya rapidement la pièce, faisant se recroqueviller plusieurs personnes sur leur chaise, jusqu'à finalement se poser sur Yang. Elle traversa la salle en laissant des flaques derrière elle, et se laissa tomber sur la chaise d'en face en croisant les bras.

-Euh … Désolé ?

-Qu'est-ce que tu comprends pas dans « s'en tenir au plan » ?

-Quoi ? J'avais aucun moyen d'entrer sans me faire repérer. Et puis j'ai été mouillée aussi alors te plains pas.

Rook grogna et commanda un thé vert.

-Je te rappelle que t'as une oreillette justement pour ce genre de situation.

-Ouais ouais … T'as quand même réussi de ton côté ?

Rook fit un sourire suffisant, et sortit une petite clef USB de sa poche.

-Évidemment, pour qui tu me prends ?

Et elles burent leur thé tranquillement, profitant de leur boisson chaude par une nuit d'hiver. Certaines choses n'avaient pas changé.


Il neigeait doucement dehors, mais ce n'était pas important. Au mieux c'était une contrainte de plus pour Mercury, car il devait faire attention à ne pas laisser de traces. Ce n'était pas la première fois que son père le renvoyait en mission seul depuis son « échec » à Atlas, où il avait tellement échoué que même les médias n'avaient pas pris en compte sa présence, car après tout, ce n'était pas comme si la discrétion était l'arme principale d'un bon assassin, n'est-ce pas ? C'était pourquoi il préférait passer par les toits, les trajets étaient plus courts, plus calmes, moins risqués … et quand il sautait, il avait l'impression de voler …

Être en mission seul loin de son père lui procurait déjà un profond sentiment de liberté, mais les moments où ils était en l'air, le vent dans les cheveux, sans que ses pieds ne touchent le sol, flotter dans le vide sans être en contacte avec quoi que ce soit … Ça c'était la vraie liberté.

Dommage que ça ne dure jamais plus de quelques instants. Mais de toutes façons, il avait une mission à finir.

-Je me demande comment va Falcon …


-Oncle Qrow !

Sans autre avertissement, Ruby se jeta sur son oncle, le faisant presque tomber à la renverse. Les bras fermement accrochés à sa taille, elle l'entendit rire et lui ébouriffer les cheveux. Ça faisait longtemps qu'elle ne l'avait pas vu ! Il n'était même pas venu pour son anniversaire ! Maman disait qu'il avait recommencé à faire des longues missions, mais quand même …

-Salut gamine.

Ruby leva la tête vers lui en faisant la moue.

-Arrête de m'appeler « gamine » ! J'ai dix ans maintenant, je suis une grande fille !

Elle remarqua à peine l'éclair de tristesse qui passa dans les yeux de Qrow, avant qu'il ne l'attrape par le col de sa cape pour la soulever comme un chaton, regardant en-dessous d'elle comme s'il cherchait quelque chose.

-Une grande fille ? Où ça ?

De sa position dans les airs, Ruby essaya de lui donner quelques coups de pied en grognant, mais ses petites jambes ne le lui permirent pas. Finalement, Qrow la reposa en riant et lui ébouriffa à nouveau les cheveux. Ruby grogna un peu pour la forme, puis retrouva son sourire enfantin habituel. Elle savait qu'il aimait l'embêter. Et puis, elle avait plus important à l'esprit.

-Oh ! Viens voir ! Il faut que je te montre quelque chose !

Sans lui demander son avis, elle l'attrapa par le bras et le traîna dans sa chambre. La chambre de Ruby était tout ce qu'on pouvait attendre d'une chambre d'enfant, pleine de jouets, des poupées, des figurines de Grimms, un petit château-fort en plastique, des vêtements qui n'avaient jamais atteint le panier de linge sale, des cahiers d'école éparpillés partout, un bazar absolu. Comme d'habitude. Mais elle ne s'en soucia pas et traversa sa chambre en marchant habilement entre les jouets au sol, jusqu'à atteindre son bureau. Là, elle attrapa une feuille à moitié enterrée sous ses dessins et ses crayons, et la tendit fièrement au Huntsman.

-Regarde ! C'est moi qui l'ai imaginé !

Qrow prit la feuille et y jeta un œil, pendant que Ruby tremblait d'excitation. C'était un dessin approximatif au feutre d'une faux rouge et noire, géante s'il se fiait au « 2M DE LONG ! » écrit au-dessus. Qrow eut un petit sourire.

-T'as déjà commencé à y réfléchir ? Tu rentres à Signal que dans deux ans tu sais.

-Je sais, mais j'avais trop d'idées hier soir et j'arrivais pas à dormir alors j'ai dessiné pleiiiiin d'armes et finalement j'ai choisi celle-là parce que c'est une faux comme toi comme ça tu seras obligé de venir plus souvent pour m'apprendre !

Qrow mit une main sur sa poitrine l'air faussement choqué.

-Es-tu en train de dire que maintenant je vais être obligé de rendre visite à ma nièce ? Mais c'est terrible.

À cela le sourire de Ruby se fana.

-Bah … Ça fait trois fois que t'es pas là pour mon anniversaire … Avant tu venais tout le temps, même quand t'avais plein de missions …

Qrow ressentit une pointe de culpabilité, et sans le vouloir, Ruby en rajouta une couche.

-En plus, t'as dit « ma nièce », pas « ma nièce préférée ». Tu dis toujours « ma nièce préférée » d'habitude, et après moi je te dis que c'est idiot parce que je suis ta seule nièce …

-Oh …

-Est-ce que j'ai fait quelque chose de mal …?

Les larmes qui menaçaient de couler des grands yeux de chiot de Ruby furent tout ce qu'il fallait pour que Qrow craque. Avec un soupir, il s'accroupit à son niveau et posa sa main sur sa tête.

-T'as rien fait du tout gamine. C'est juste moi qui ai … quelques problèmes personnels.

-Je sais, c'est *snif* c'est ce que maman a dit … mais …

-Tu vois ? Si ta mère te le dis c'est que ça doit être vrai.

-Hmm …

-Écoute … Quand tu seras plus grande je te raconterai, d'accord ?

-Plus grande comment ?

-Plus grande comme …

Qrow balaya son regard dans la pièce, puis revint au dessin dans sa main.

-… comme quand tu sauras manier ce truc.

-Mais c'est dans longtemps ! Je l'ai même pas encore fabriqué !

-Alors tu vas avoir besoin d'un petit coup de main.

À ces mots, Qrow se leva et attrapa un crayon qui traînait sur le bureau, puis se retourna avec un petit sourire en coin.

-Et tu veux un conseil de pro ? Rajoute un gun.

Ruby ne put s'empêcher de sourire. Elle aimait vraiment passer du temps avec son oncle préféré.


La fête se passait plutôt bien, les invités se régalaient de petits-fours et de champagne, et la musique en arrière-plan était bonne mais pas trop envahissante, permettant aux invités de discuter sans élever la voix. Dans un coin de la grande salle, une jeune fille en robe de soirée se laissa tomber sur une chaise en soupirant, épuisée. Les journalistes étaient enfin partis, après plus d'une heure à la harceler, toujours avec les mêmes questions auxquelles elle donnait des réponses pour la plupart apprises par cœur. Ses parents avaient organisé cette fête avant même de savoir si elle parviendrait à gagner ce tournois, un moyen de plus de lui faire comprendre qu'elle n'avait pas droit à l'erreur …

-Dans quoi est-ce que je me suis embarquée …?

Ce n'était même pas un grand tournois, c'était limité aux étudiants de première et deuxième année de Sanctum, et même si elle avait donné l'impression d'être une prodige qui n'avait eu aucune difficulté, ce n'était qu'une impression. Et dire qu'à partir de l'année prochaine elle aurait l'âge minimum pour participer aux tournois régionaux. Elle ne voulait même pas y penser. Mais … c'était le deal qu'elle avait fait avec ses parents. Ils la laisserait devenir Huntress, à condition qu'elle soit la meilleure. Elle avait été bien naïve de penser qu'ils parlaient simplement de ses résultats scolaires …

Mais c'était temporaire, jusqu'à ce qu'elle ait terminé l'école de combat. … Encore quatre ans à attendre …

-Eh oh ! Remnant à Pyrrha ! Vous m'entendez ?

-Ah !

Pyrrha sursauta en entendant soudainement une voix à côté d'elle lui crier dessus, si bien qu'elle faillit tomber de sa chaise. Heureusement, une main chaude la retint par le bras et la remit en place avec une rire.

-Fait plus attention à ce qu'il se passe autour de toi, Madame la guerrière.

-Désolé …

-Et arrête de t'excuser, tu es désespérante, tu le sais ?

Pyrrha faillit répondre un deuxième « Désolé » par réflexe, mais se retint juste à temps, et détourna le regard en rougissant. Un autre rire se fit entendre à côté d'elle.

-Toujours aussi timide, hein ? Je peux m'asseoir ?

-Oui bien sûr.

La jeune femme rapprocha une chaise et s'assit. Contrairement à Pyrrha, qui s'était affalée sur sa chaise et avait à peine eu le temps de se laver et de se changer après son tournois, Hérica, elle, se tenait droite, les mains posées calmement sur ses genoux, ses longs cheveux noirs attachés dans une tresse parfaite, un ruban en soie argenté noué dedans, accompagné d'un maquillage léger mais expert. Jusqu'à il y a quelques années, Hérica rêvait de devenir actrice, tout comme sa mère, même si elle visait le cinéma plutôt que le théâtre, alors elle s'était entraînée en conséquences. Mais depuis son enlèvement, elle s'était mise en tête de devenir Huntress, comme sa cousine. Son côté de la famille était moins strict, heureusement pour elle, mais dire qu'ils avaient été déçus serait un euphémisme. Personne n'avait vraiment essayé de l'arrêter, mais elle n'avait pas non plus reçu le moindre soutient.

-Alors, comment va Amélie ?

-Elle va très bien. Elle m'a d'ailleurs dit de te féliciter de sa part, elle voulait venir mais elle est encore trop petite, elle se serait endormie au milieu de la fête, et les parents ne sont toujours pas à l'aise à l'idée de la savoir hors de la maison de nuit.

En pensant à sa plus jeune cousine, Pyrrha se permit un petit sourire, son premier vrai sourire de la soirée.

-Je comprends. Tu la remercieras de ma part alors.

-Bien sûr.

Une silence paisible tomba entre elles alors qu'elles profitaient simplement de la musique. Hérica était l'une des rares personnes de leur famille qui ne cherchait pas la perfection et la renommée, elle n'attendait rien de Pyrrha si ce n'est quelqu'un avec qui faire la conversation. Ça n'avait pas toujours été le cas, avant son enlèvement, Hérica se comportait comme une petite diva, pour qui l'apparence et les bonnes manières étaient plus importants que tout. Elle n'était pas méchante, mais les rares fois où les deux cousines s'étaient parlées ne s'étaient bien terminées que grâce à la politesse et l'humilité infinie de Pyrrha.

Et puis un jour elle était venue lui rendre visite pour la regarder s'entraîner. Pyrrha avait bien sûr accepté, sans trop savoir à quoi s'attendre, et avait été très surprise de la voir prendre des notes, sans faire un seul commentaire sur ses cheveux décoiffés et ses vêtements tâchés de sueur. Ce n'est que quelques semaines plus tard que Pyrrha avait appris que sa cousine avait complètement revu ses projets d'avenir, au grand damne de ses parents. Depuis elle était régulièrement venue l'encourager, lui demander des conseils, et même parfois s'entraîner avec elle. Et même si elle avait encore parfois une attitude de peste, Hérica était la seule personne que Pyrrha pouvait appeler une amie.

-Au fait, j'ai oublié de t'en parler l'autre jour, mais je vais entrer à Haven l'année prochaine.

-Vraiment ? Tu penses qu'ils vont accepter, même si tu ne t'entraînes pas depuis longtemps ?

-Ça fera trois d'entraînement intensif avec l'une des meilleures apprentie Huntress de Mistral, évidement qu'ils m'accepteront. Et dans le pire des cas, n'oublie pas que je reste une excellente actrice, je trouverai un plan de secours.

-Oui, je suppose.

Oui, Hérica avait beau avoir un bon fond, elle était le genre de personne que vous ne vouliez pas vous mettre à dos.

-Au fait Pyrrha, j'aimerais savoir, qu'est-ce qui t'a donné envie de devenir Huntress ?

-Oh … C'est …

Pyrrha détourna à nouveau le regard en rougissant. Elle savait que ce qu'elle allait répondre était niais, mais c'était la vérité.

-J'ai toujours voulu être une Huntress. Même si je ne fais pas beaucoup de différence, je veux contribuer à rendre le monde meilleur …

-C'est bien … Je suppose …

Pyrrha regarda sa cousine en fronçant un peu les sourcils. Elle regardait un point invisible au sol avec un air grave, et sa main agrippait le tissu de sa robe grise.

-Hérica ?

-Tu sais que les Huntsmen ne combattent pas uniquement les Grimms, n'est-ce pas ?

-Euh … Oui, je sais, ils combattent aussi des criminels.

-Et j'ai vu certains de ces criminels.

Pyrrha baissa les yeux. C'est vrai, sa cousine avait été enlevée par des assassins avant d'être livrée à un criminel de Vale, elle avait vu de première main à quoi ressemblait ce qu'elles s'apprêtaient à affronter un jour, et pourtant, c'était ce qui lui avait donné la motivation de se lancer. C'était l'une des raisons pour lesquelles elle l'admirait.

-Tu penses que je serai prête un jour ?

Hérica eut un petit rire et se tourna vers elle en lui mettant une main rassurante sur l'épaule.

-Je pense que si tu veux vraiment quelque chose, personne ne pourra t'arrêter gamine. Mais …

Son sourire disparut à nouveau.

-Hérica … Tu me fais peur …

-Hein ? Oh.

Contrairement à sa cousine, Hérica ne s'excusait pratiquement jamais, mais Pyrrha était capable de dire quand elle y pensait.

-C'est juste … Parmi les deux assassins qui nous ont kidnappées … L'une d'elle avait ton âge.

-Quoi ?

Ça, elle ne le lui avait jamais dit. En fait, Hérica n'avait jamais parlé de son enlèvement, à part à la police. C'était compréhensible, et bien sûr Pyrrha ne l'y avait jamais forcée. Mais elle ne se serait pas attendue à entendre qu'il y avait des criminels aussi jeunes.

-Et … comment est-ce qu'elle était ?

Hérica ferma un instant les yeux comme pour se remémorer ce qu'elle avait vu.

-Forte. Très forte. Plus que tu ne l'es maintenant.

Pyrrha déglutit. Les journalistes la prenaient déjà pour une prodige, que diraient-ils face à une fille qui il y a deux ans était meilleure qu'elle maintenant …

-Et tu penses … Tu penses qu'un jour … Je pourrai l'arrêter ?

-Honnêtement, je ne sais pas … J'espère que tu n'auras pas à l'affronter.

D'accord, si Pyrrha n'était pas terrifiée avant, elle l'était sûrement maintenant. Mais elle comprenait pourquoi sa cousine lui parlait de ça. Elle s'inquiétait pour elle. Elle était bien la seule.