Roi des dragons

Chapitre 3 :

Discussions sans fin

Une fois leur accord passé, ce fut très régulièrement que Smaug invita Nefrea à entrer dans la montagne pour parler, semblant le prendre en premier lieu pour un divertissement et un mystère à éclairer. Il tapait dans la porte lorsqu'il voulait le faire venir et comme promis, Nefrea ne mettait jamais un pied hors du demi cercle dessiné par le dragon de l'autre côté du mur. Puis il ressortait lorsqu'il l'exigeait. Lorsqu'il n'était pas avec Samug, il dormait dehors, vagabondait autour de la montagne pour la voir elle et sa région. Ce pic était vraiment incroyable. Objectivement, ce n'était pas la plus haute montagne qu'il ait vu, loin de là. Mais le fait qu'elle se dresse seule ainsi au milieu de ces collines rocheuses la rendait monumentale à voir. D'ordinaire, on ne voyait pas l'entièreté d'une telle montagne, les pieds se confondant dans une chaîne. Cela et il fallait ajouter l'altitude de base qui ici était basse pour une montagne. Elle était donc proprement royale lorsqu'on la regardait. Il se plut à en faire le tour, transplanant pour revenir à l'entrée lorsqu'il voulait se reposer.

Toujours, il sentait l'attention de Smaug sur lui mais c'était normal. Le dragon était extrêmement protecteur, possessif et exclusif lorsqu'il s'agissait de son domaine. Cela semblait d'ailleurs obsessionnel chez lui. Il se laissait faire ayant vite noté de ne pas faire de bêtise avec cela pour ne pas le mettre en colère. Il imaginait bien Smaug gober sans discussion celui qui entrerait sans permission. Il scrutait et analysait la région, se promenant, testant sa magie, s'amusant un peu avec, sortant des livres qu'il n'avait jamais eu le temps de lire dans ses cavales, s'instruisant un peu plus. Il alla aussi visiter les ruines de la ville proche qu'il avait vu. Mais il n'y avait plus rien là bas, l'endroit détruit depuis longtemps semblait-il.

Il restait bien quelques objets de métal, des armes en pagaille dans une vaste armurerie, des pièces ou outils qui avaient mieux résistés que le reste mais il n'avait pas d'intérêt pour ces choses. Certaines jarres pleine d'or et d'argent auraient pu faire office de coffre au trésor. Dans un premier temps, il les avait ignoré avant de reconsidérer la chose. Il avait de l'or et des richesses en pagaille dans son anneau mais peut-être que des pièces et des objets précieux de ce monde seraient plus adéquat si un jour il avait besoin d'argent ici. Il décida donc de rassembler tout ce qui avait de la valeur et de le ranger dans son anneau au cas où.

Cela lui appris néanmoins que les systèmes de monnaie existaient bien ici aussi, que l'or, l'argent et le cuivre semblait être les trois métaux avec lesquels on faisait les pièces, potentiellement précieux suivant les mentalités de ce monde. Ils pouvaient avoir de la valeur en tant que matière comme n'être qu'un support auquel on en donnait à l'image des billets moldus dans son ancien monde. Il avait donc rassemblé ce qu'il avait trouvé, sa magie le guidant efficacement vers les choses cachés. Cela lui servirait peut-être plus tard. Lui n'était pas avide d'argent, de richesse mais c'était malheureusement une constante incontournable dans les sociétés qui y accordaient de l'importance.

Visiter entièrement la ville fut long alors qu'il fouillait et prenait son temps. Cela avait dû être une très belle ville autrefois, riche certainement, médiévale assurément mais il ne restait rien. Et à en juger par les pierres et les charpentes noircies et fondues par endroit, Smaug n'y était peut-être pas pour rien. Ça ne le surprenait pas, ayant déjà compris que le dragon n'aurait pas supporté telle présence près de son antre. Ce n'était probablement pas lui qui avait construit cette œuvre dans la montagne. L'avait-il conquis ou prise parce qu'elle avait été abandonné ? Impossible à savoir mais il avait visiblement rayé la ville de la carte en arrivant. Elle devait être là avant lui puisqu'il n'aurait pas laissé sa construction avoir lieu en sa présence et il doutait qu'un peuple censé s'incruste sur les terres d'un tel titan s'il avait été connu d'eux. Si l'idée que la ville ait été ainsi anéantie par Smaug, probablement avec de nombreux morts, le pinçait un peu, il ignorait pourquoi c'était arrivé. Il ne jugerai donc pas. Il n'était plus aussi sensible à la mort, surtout maintenant qu'il connaissait bien la mort et ses secrets.

De temps en temps, Smaug le faisait venir et ils discutaient. Ou plutôt, Smaug posait des questions et exigeait des réponses sans rien dire lui même. Il voulait savoir à quoi ressemblait son ancien monde à la fois par curiosité mais aussi pour s'assurer qu'il avait un discours cohérent et donc, qu'il n'avait pas menti. De toute évidence, il cherchait à le cerner lui et ses intentions. Il répondait sans parler de lui même ou de son propre vécu. Il avait fallu de nombreuses rencontres et bien des détails sur son ancien monde pour que Smaug soit enfin convaincu qu'il disait la vérité. Seulement alors, l'ambiance commença à se détendre entre eux. Lorsqu'il y était invité, Nefrea entrait, s'installait assis en tailleur dans son demi cercle et Smaug prenait place en face, assez près pour le gober si l'envie lui en prenait. Il s'était pourtant détendu, s'allongeant confortablement au sol.

Ce jour là, lorsqu'il entra, Nefrea était proprement frigorifié. L'hiver était venu et bon sang, il était glacial ici. Bien sûr, il pouvait se protéger avec sa magie mais les objets enchantés et les sorts de réchauffe avaient des limites et s'il ne risquait pas l'hypothermie, il avait froid quand même. La vue de Smaug, de son aura chaude et flamboyante, la perception de la chaleur physique qu'il dégageait n'avait jamais été aussi belle. Peu importait que le dragon menaçait de le manger, il avait envie d'aller se blottir contre lui. Mais il ne pouvait pas évidemment. Aussi, il se contenta de s'asseoir au sol en le saluant, resserrant sa cape et sa couverture enchantée autour de lui. Au moins ici, il était à l'abri du vent.

- Excusez moi mais puis-je faire un feu ? demanda-t-il.

Il évitait de le faire dehors pour ne pas attirer l'attention. Là encore, il pouvait se cacher de sa magie mais il ignorait s'il existait ici quel que chose pouvant le trouver quand même, percer sa magie et il ne voulait pas s'attirer d'ennui. Quand il voyait Smaug et sa puissance, il se disait qu'il devait y avoir d'autres êtres de ce calibre dans ce monde. Autant ne pas faire de bêtise sans être près à tout. Faire un feu dans l'antre du dragon serait invisible aux yeux des autres et si quelqu'un pouvait quand même voir ou sentir la chose dans la montagne, on le confondrait certainement avec l'imposant dragon.

- Aurais-tu froid ? s'amusa-t-il.

- L'hiver est rude, je déteste le froid et l'humidité et en plus, je suis une âme du feu alors oui, j'ai froid.

- Une âme du feu ? releva-t-il intrigué.

- Oui. Bien des êtres, des âmes, qu'ils le sachent ou non sont liés par nature profonde à un élément naturel. C'est le feu pour moi.

- Tu sais décidément bien des choses sur les fondements du monde que la majorité des autres ici ignorent, remarqua-t-il visiblement parfaitement au fait de cela. Allume donc ton feu si cela te fait plaisir. Ou je peux l'allumer pour toi si tu le désires, s'amusa-t-il avec la fausse menace de le brûler avec sous son souffle dévastateur.

Souvent, il cherchait à l'impressionner ou à lui faire peur, sans succès jusque là. Cela l'avait d'abord vexé, d'autant plus lorsqu'il avait compris que Nefrea en était conscient et s'en amusait. Mais finalement, il semblait trouver ça digne de respect désormais, comme s'il était impressionné par son attitude tout à fait normale sans peur ni arrogance face à lui.

- Je vous remercie mais ce ne sera pas nécessaire, rit-il en faisant apparaître un globe de verre enchanté.

Il le déposa devant lui, l'activant. L'objet lévita à quelques centimètres du sol avant de s'enflammer tel un feu de camps magique. Ravi, Nefrea se dandina pour s'en rapprocher, écartant un peu cape et couverture devant lui pour laisser la chaleur l'atteindre plus vite.

- Merci, ça fait du bien, sourit-il.

- D'où viennent toutes ces choses que tu fais apparaître ? questionna le dragon en s'installant non loin.

- D'une sorte de dimension magique qui m'accompagne. C'est… une sorte d'armoire magique qui me permet de stocker et de garder à porté de main tout ce que je veux. Toutes mes possessions s'y trouvent et je peux ainsi y accéder quand je veux et où je veux. Cela est bien utilise pour voyager sans être chargé comme un âne, dit-il en tirant un ricanement au dragon.

- Y-a-t-il une limite à ce que cela peut contenir ?

- Non, pas vraiment. Ou plutôt, la limite est si loin que je doute fort de l'atteindre de si tôt. Tout ce que je possède y est.

- Possèdes tu beaucoup ? Des richesses ? questionna-t-il avec intérêt.

- Pour mon ancien monde, je faisais parti des plus riches, avoua-t-il. Mais j'ignore si la notion est la même ici ou si ce que je possède a de la valeur en ces lieux.

- L'or, les pierres précieuses, l'argent, les métaux précieux, les objets magiques, les ouvrages… Tout cela a beaucoup de valeur pour bien des peuples de ce monde de bien des façon. En as-tu ?

- Oui.

- Beaucoup ?

- Oui, à mes yeux tout du moins, dit-il sans manquer l'intérêt de Smaug pour cela.

- Recherches-tu plus de richesses ? De l'or ? demanda-t-il alors que son regard semblait vouloir le transpercer.

- Non. Je n'ai que faire de ce genre de chose, répondit-il en haussant les épaules et en avançant ses mains vers les flammes.

- Pourtant tu dis que tu es riche, releva-t-il.

- Oui mais il s'agit de l'héritage de ma famille de mon ancienne vie. Je n'ai pas cherché délibérément à l'être. Je n'en veux pas plus, je me fiche de cela. L'intérêt de ce genre de chose pour moi n'est que parce qu'il me faudra peut-être interagir avec des peuples avec lesquels cela a de l'importance, est nécessaire. Je garde ce que j'ai dans cette optique mais je m'en fiche. J'ai bien plus qu'il faut et si les peuples n'étaient pas d'une telle cupidité, ne donnaient pas une telle place à la richesse, une telle nécessité, je m'en passerais volontiers. Mes richesses resteront enfermées sauf si un jour je n'ai pas d'autres choix que de m'en servir. Normalement, ma magie et mes pouvoirs me permettent d'obtenir facilement ce dont j'ai besoin, ce que je veux mais je ne suis pas à l'abri d'une surprise, d'avoir besoin de commercer avec d'autres. Je ne recherche pas la richesse ou les biens, ce n'est pas important à mes yeux.

- Alors qu'est-ce qui est important à tes yeux ? Que recherches tu ?

- La paix, sourit-il. La paix, la tranquillité, la liberté de faire ce que j'ai envie de faire, quand j'ai envie de le faire, de prendre mon temps, de choisir, de contempler. J'aimerai un foyer chaud et doux, un endroit où être en sécurité et j'aimerai faire plus de magie.

- Plus de magie ?

- Oui. Si vous me demandiez quel était mon plus grand trésor, ce serait cela : ma magie. J'adore ma magie, toute la magie, sourit-il largement. Jusqu'ici, je n'ai pas eu l'occasion de m'y plonger totalement. Je voudrai le faire, l'étudier, tenter de nouvelles choses, m'amuser avec, en apprendre plus sur elle… J'ai toujours pu compter sur ma magie. Elle est la seule chose qui ne m'ait jamais trahis, jamais laissé tomber, toujours protégé, toujours émerveillé. Alors c'est à elle que je veux me consacrer. C'est elle qui est ma véritable richesse et mon bien le plus précieux.

- Un être censé, ricana-t-il. Chose rare.

- L'or, l'argent, cela est-il important en ce monde ? questionna-t-il avec intérêt.

Smaug n'avait pas encore répondu à ses questions mais il tentait régulièrement et cette fois, il répondit :

- Cela l'est au-delà de toute raison. Les hommes, les elfes et ces maudits nains cupides ne jurent que par l'or, les joyaux et des fruits de la terre, gronda-t-il avec fureur en le faisant soupirer.

- Désespérant, nota-t-il. Mais pas surprenant. J'ai vu des pièces d'or, d'argent et de cuivre dans les ruines de la ville dehors. Est-ce cela qui est utilisé comme monnaie ici ?

- Oui même si les pièces sont frappées de diverses manières suivant les peuples.

- Je vois. Vous avez parlé de nains et d'elfes ? Je n'ai croisé que des hommes jusqu'ici.

- Vermine pleurnicharde, grommela-t-il.

Pourtant, il consentit à lui parler des peuples qu'il y avait ici. Il commença par les elfes, les plus anciens, immortels, les décrivant comme des guerriers et des artisans, se moquant en expliquant qu'ils avaient une réputation de sage intelligents et bienveillants. Puis il continua avec les autres. Ainsi, il apprit qu'il y avait bien des espèces en ces terres. Les hommes, les elfes, les nains qu'il semblait ardemment détester. Mais il parla également d'ordures pestilentielles et répugnantes appelées orcs, gobelins, trolls, des ogres… Une fois lancé, il se mit à parler sans réticence, l'air d'aimer exposer son savoir et il l'écouta attentivement. Il était amusant de voir que tout autre peuple que celui des dragons était misérable et stupide à ses yeux même si Nefrea se doutait qu'il n'était pas très objectif.

À partir de ce jour, une véritable discussion s'engagea entre eux, Smaug répondant à ses questions. Après plusieurs arrivées de l'istari gelé priant pour un feu dans l'hiver et son explication du pourquoi il ne le faisait pas dehors, le dragon avait eu pitié de lui et l'avait laissé rester à l'intérieur même lorsqu'il s'en allait. La seule consigne était de rester dans son demi cercle mais il lui avait permis de rester, de laisser son feu et de se dresser un camps plus confortable. Nefrea en avait été ravi. Smaug repartait régulièrement, s'enfonçant dans la montagne même s'il avait passé plusieurs jours à le surveiller pour s'assurer qu'il restait en place. Il le fit, profitant d'être au sec avec un feu agréable, lisant, observant la titanesque construction où il se trouvait. Smaug avait dit que c'était l'œuvre des nains et d'après sa description, au moins physiquement, ils étaient exactement ce qu'il s'imaginait d'un nain. De toute évidence, ils étaient des bâtisseurs et des artisans hors pair avec un certain sens de la grandeur des choses.

S'il avait terriblement envie d'analyser la montagne de sa magie, il ne le fit pas, comme promis. Il s'était contenté de regarder avec sa perception magique, de regarder son âme et son aura. Comme tout dans la zone, elle semblait endormie mais aussi affaiblie, blessée et sombre. Il se demandait pourquoi. Smaug était cependant bien trop protecteur de son domaine pour qu'il puisse espérer une explication tout de suite.

Il passait donc son temps à lire, à jouer avec sa magie autour de lui, à regarder, à réfléchir, à ne rien faire aussi. Il analysait toutes les informations que Smaug lui donnait et il avait commencé un journal pour les noter, tentant de se faire une idée de ce monde au milieu des propos partiaux du dragon. Et dans un même temps, il apprenait à connaître Smaug, observant son aura pour voir ses réactions et sentiments. Il l'aimait bien. Il était amusant. Il était arrogant et orgueilleux, cela ne faisait aucun doute. Il était possessif, protecteur de ses biens et de son domaine. Il était aussi très intelligent et vif d'esprit, rusé, très curieux et avide de savoir, d'histoires. Il était franc. Sa susceptibilité était assez marquée. Il se vexait pour un rien d'une manière presque enfantine qui faisait rire intérieurement le magicien. Dans la logique de la chose, il aimait être flatté. Il adorait ça mais contrairement à tout les autres qui avaient été ainsi qu'il avait rencontré autrefois, Smaug ne se laissait pas avoir, endormir ou attendrir, soudoyer par la flatterie. Bien au contraire. Il la savourait autant qu'il savourait de faire remarquer que ça ne changeait rien à ses yeux. C'était vrai et c'était rare.

Smaug avait un caractère à priori exécrable et détestable mais il fallait regarder plus loin. Smaug était vrai, entier, sans doute, sûr de lui, déterminé, combatif. Il était conscient de la valeur de ce qu'il possédait et le protégeait farouchement. Il n'avait pas honte d'être lui même et s'il paraissait froid, ce n'était pas vraiment cela. Il obéissait juste à d'autres règles que les espèces à forme humaine ou avec des mentalités approchant. Son respect de la vie n'allait pas aux choses marchant sur la terre mais à la terre elle même, comme lui d'ailleurs et ils s'étaient vite rejoins et compris sur ce point. Smaug était un être complexe, peut-être d'apparence dure et cruelle, froid et sanguinaire mais ce n'était pas la réalité si on sortait de la position que tenait les autres peuples pour lui : du bétail ou des nuisibles. Et si on prenait son point de vu, les hommes ne traitaient pas forcément mieux ce qu'ils voyaient ainsi. C'était donc acceptable et compréhensible pour lui. Et puis, il savait, il sentait, il voyait dans son âme, son aura et sa magie qu'il n'était pas mauvais dans le sens réel qu'il donnait à ce terme. C'était un personnage amusant, éclatant, intéressant, unique et il aimait ça. Il se félicitait d'être venu et au plus le temps passait, au plus il se disait qu'il s'agissait que la meilleure rencontre de sa vie.

- Smaug ? interpella-t-il après un moment de flottement dans leur échange du jour.

L'hiver commençait à toucher à sa fin et il avait pu le passer à l'abri dans la montagne même s'il n'avait pas pu aller bien loin. Son petit camps était bien installé avec son feu, sa couche ainsi que bien des livres et des objets éparpillés qu'il avait sorti. Pour s'en servir ou pour montrer au dragon curieux qui le demandait. Il avait réclamé de pouvoir voir des représentations des créatures de son ancien monde qu'il lui décrivait et il avait été amusant de voir le titan venir se pencher tout près de lui avec grand intérêt pour regarder les images de ses ouvrages. La chose avait commencé peu avant et elle avait tendance à se répéter. Il appréciait quand le dragon était proche avec sa chaleur et son énergie brute pleine de magie élémentaire sauvage et puissante.

- Hum ? répondit-il.

- La première fois que nous nous sommes parlés, tu m'as dit que je sentais le mithril.

Il avait commencé à tutoyer son hôte. Il avait tenté à leur dernière discussion, se doutant qu'il ne le proposerait jamais lui même. Mais il voulait se rapprocher de lui et briser un peu plus la glace. Et puis, Smaug le tutoyait depuis le début. Alors il avait essayé. Le dragon l'avait de toute évidence remarqué immédiatement mais il n'avait pas protesté, n'avait fait aucune remarque et le laissait faire. Il avait donc saisi la permission, sachant que si cela ne lui avait pas plus, il l'aurait fait savoir sur le champs avec possiblement une menace d'être dévoré ou brûlé vif comme il aimait le faire.

- Qu'est-ce que le mithril ? demanda-t-il très curieux à ce sujet.

- Tu connais l'or, l'argent, le cuivre, l'étain, le fer, le plomb mais pas le mithril ? remarqua-t-il.

- J'imagine qu'il y a en ce monde des éléments qui n'existaient pas dans mon ancienne vie, répondit-il. Je n'ai jamais entendu le mot mithril. Si tu le compares à ces métaux, s'en est un je suppose ?

- Oui. Un métal très précieux, très rare qui a la couleur d'un argent très clair, presque blanc. Il scintille. Il est à la fois extrêmement léger et très résistant. Le plus solide. C'est très précieux. Il a aussi une certaine affinité avec la lune. On l'utilise pour faire de l'ithildin qui sert à dans les inscriptions et runes lunaires, qui réagissent et se révèlent à la lumière de la lune. On en fait aussi des bijoux, des vêtements, des armes, des armures, des objets divers… Mais c'est très rare et cela vaut des fortunes.

- Et j'en ai l'odeur ? remarqua-t-il.

- Oui. Tu as une odeur de mithril plus pur que je ne l'ai jamais senti. Tes ongles, tes dents, tes bijoux incrustés dans le front et à la base de ta gorge, comme tes cheveux, ils sont tous fait de mithril c'est certain même s'il n'y a pas que cela pour que ce soit vivant sur toi. Tes yeux ont la couleur du mithril comme ce reflet sur ta peau. Tu as beaucoup de mithril en toi et donc tu sens le mithril.

- Je vois. Est-ce courant ? demanda-t-il innocemment.

Smaug eut un moment d'immobilité avant d'éclater de rire, la chose à la fois amusante et inquiétante avec un tel dragon et sa voix tonitruante et profonde faisant vibrer l'endroit tout entier.

- Non ce n'est pas courant, ricana-t-il en se calmant. Jamais telle chose n'a été vue. Jusque là, le mithril ne pouvait être trouvé qu'en de rares endroits au cœur de la terre. C'est une des choses qui m'intrigue chez toi. Tu as dit que ce corps avait probablement été fait pour convenir à ton être et ta magie à ta naissance ici. Il faut croire que tu as une profonde affinité avec le mithril et donc la terre.

- Cela m'en fait trois alors, sourit-il.

- Trois ?

- Trois éléments privilégiés. J'ai le feu par nature primordiale, l'air par préférence et passion et maintenant la terre avec ceci.

- L'air ?

- Oui, sourit-il avec bonheur. J'adore cet élément. Il a ma préférence. J'adore voler. Dans mon ancien monde, il y avait des objets enchantés permettant de voler. Cela a été une révélation pour moi. J'aime tellement ça, cette liberté et cette vue sur le monde. L'air est l'élément que je maîtrise le mieux même s'il n'est pas ma nature fondamentale.

- Tu peux voler ? s'étonna-t-il. Voilà qui semble amusant.

Nefrea rit légèrement, voyant d'ici ce qui passait dans la tête du dragon : lui en train de voler et Smaug entrain de le chasser pour le gober. La discussion revint ensuite sur le mithril et l'istar observa ses cheveux, peinant à croire qu'ils pouvaient être fait de cette matière si précieuse.

Le printemps était revenu et malgré ça, Smaug ne l'avait pas mit à la porte, le laissant rester à l'intérieur, plus détendu à son égard maintenant après deux saisons passées à faire connaissance. Il fut pourtant très heureux de voir revenir des nuits claires et il l'était d'autant plus qu'il commençait à manquer d'énergie astrale. Il était donc sorti prendre la lumière de la nuit et Smaug s'était demandé ce qu'il faisait. Il lui avait expliqué et le dragon avait grommelé que les elfes l'aimeraient pour ça, vénérant cette lumière eux aussi.

Finalement, Smaug avait été assez en confiance avec lui pour retourner dormir vraiment au fond de sa montagne, profondément. Il dormait plusieurs jours entre leurs rencontres et Nefrea s'en satisfaisait, respectant les règles imposées à l'intérieur. Lorsqu'il avait envie de bouger davantage, il sortait de la montagne pour aller vagabonder dans la région. De plus en plus, il avait envie d'aller voler en tant que dragon mais il n'osait pas. Smaug avait dit que les dragons étaient crains de tous ici et donc se montrer comme tel n'était peut-être pas une bonne idée. Son, oserait-il le dire, ami ? Son ami lui avait expliqué qu'il était un dragon de feu, les plus anciens, les plus puissants, les plus grands. Mais il était le dernier. D'après lui, il existait cependant d'autres espèces de dragons, plus petits et moins puissants qui vivaient loin d'ici dans des terres désolées. Ils étaient crains et vus comme mauvais et maléfiques. Le tableau habituel des dragons en encore plus fort que dans son premier monde. Il ne voulait pas s'attirer d'ennuis surtout en sachant qu'il pourrait être vu de la ville sur le lac. On la voyait facilement d'ici.

Le printemps avait coulé très vite pour lui. Le temps passait à toute vitesse dans cette paix et cette simplicité. Il passait rapidement et sans tracas quand on n'avait pas de soucis. C'était enfin son cas. Il avait le temps de lire, de vagabonder, de dormir, de faire de la magie, d'observer la nature, de profiter des astres de la nuit, de se blottir près de son feu… Le temps ne comptait plus, surtout avec son immortalité. Il n'était pas en manque de temps loin de là. L'été était arrivé et il avait pu estimé qu'une année ici était équivalente à une année de sa première vie, avec ses quatre saisons. Smaug lui avait confirmé. les choses étaient bien plus simples et plus belles quand on n'avait plus à s'inquiéter, à se presser et il espérait garder cette vie. Smaug lui demandait souvent ce qu'il recherchait, ce qu'il voulait dans la vie, comme doutant qu'il avait dit la vérité auparavant. Son discours ne changeait pourtant jamais et il lui avait expliqué un peu plus ce à quoi il aspirait. Bizarrement, pour il ne savait quelle raison, le dragon restait dubitatif, comme s'il était certain qu'il était là pour autre chose et pas simplement pour faire sa connaissance. Mais il n'expliquait pas clairement et Nefrea ne demandait pas, le sujet sensible de toute évidence vu la tension qu'il suscitait chez son ami.

Ce fut à l'automne, environ un an après leur rencontre, que Smaug se décida à poser une question qui le titillait depuis un moment. Il devait avouer qu'il était surpris par la tournure que les choses avaient pris avec l'étrange istar qui s'était présenté chez lui sans prévenir. Bien sûr, sa première idée avait été qu'il était là pour le trésor, pour son trésor, pour sa montagne. Seulement, sa curiosité avait été telle qu'il avait concédé un peu de temps pour en savoir plus. Le petit être qui avait la forme d'un elfe sans en être un était fascinant. Jamais il n'avait vu ou entendu parler d'une telle créature à la peau plus noire que l'obsidienne. Il sentait le mithril pur, la magie sauvage et puissante, le feu, la terre et l'air. Aucun être n'avait cette odeur profondément ancrée aux fondements du monde. Et sa magie, son énergie… Elle était si puissante et éclatante, plus qu'il ne l'avait jamais croisé, plus que la sienne s'il était honnête. Elle était sauvage, naturelle, élémentaire, forte et enivrante. Il avait voulu percer ce mystère.

Avec le temps et les discussions, il avait été certain qu'il ne mentait pas en parlant de son ancienne vie et de son arrivée ici. Pas une fois l'istar n'avait eu l'odeur du mensonge ou la moindre trace de cela sur lui. Son discours était parfaitement cohérent, les choses dont-il parlait si précisément et qui n'existaient pas ici très convaincantes. Ses questions pour découvrir ce monde relevaient de la logique quand on venait d'y débarquer et que l'on avait besoin du nécessaire d'information pour y vivre. Il ne mentait pas et cela lui offrait une source de distraction nouvelle et rafraîchissante. Sa personnalité était tout aussi attrayante. Il était calme et doux, assuré, sans peur ni arrogance, fort et très solide, respectueux, poli, sincère. Il était intelligent, chose qu'il ne reconnaissait pas chez les êtres à deux jambes comme lui d'ordinaire. Il ne se laissait pas impressionner ou tromper. Il n'était ni blanc ni noir, sans jugement préconçu, voyant plus loin, comprenant plus loin. Il avait eu du mal à le croire mais après un an, il commençait à accepter que le magicien n'avait pas de vue sur son trésor. Les richesses l'indifféraient et pas une fois il n'avait cherché à sortir de sa petite zone, à user de sa magie pour espionner son repère. Le magicien était attiré par la magie, le savoir et la tranquillité, la chaleur et la sécurité. Doucement, il était convaincu et il mentirait s'il disait que sa compagnie ne lui plaisait pas, comme ses histoires et ses discussions. Nefrea répondait à ses questions et il en avait une un peu plus personnelle aujourd'hui, personnelle pour un istar.

- Nefrea ? interpella-t-il alors que le magicien lisait près de son feu contre la muraille de l'entrée.

- Smaug ? rendit-il avec amusement en posant son ouvrage.

- Est-ce toi qui a façonné ton bâton ainsi ? demanda-t-il avec un regard pour son outil posé près de lui.

- Non, il m'a été offert tel quel à ma naissance, répondit-il sans hésitation.

- Avec la tête de dragon ?

- Oui, approuva-t-il en comprenant où cela menait.

- Pourquoi ? Les dragons ne sont clairement pas un symbole qu'un istar aurait pour un objet aussi intime que son bâton.

- Parce qu'ils sont le mal ? Les ennemis des istari ? soupira-t-il.

- Oui.

- Cela n'a pas de résonance en moi comme je te l'ai déjà expliqué. Et puis, il serait vraiment stupide pour moi de haïr les dragons parce qu'ils sont des dragons, s'amusa-t-il plus légèrement. Ce serait… contre nature.

- Contre nature ?

- Oui. Il existait une forme de magie particulière dans mon ancien monde, une forme de magie que j'ai maîtrisé et conservé ici comme tout mes autres pouvoirs. Elle permettait de changer de forme pour prendre l'apparence d'un autre être, de devenir un autre être. Elle offre la possibilité de se transformer en une créature plus fondamentale née de la nature.

Il ne voulait pas utiliser le terme d'animal au risque de vexer Smaug en sous entendant que les dragons étaient des animaux. Ce qui n'était absolument pas le cas ici.

- Mais avec cette magie, on ne choisi pas la forme que l'on prendra et il ne peut y en avoir qu'une seule à jamais. On ne choisit pas et on ne peut pas le prévoir. La forme prise illustre notre nature profonde, celle de notre âme, de notre magie, celle qui nous correspond le mieux. Cette magie s'appuie sur notre nature véritable pour nous permettre de prendre une autre forme, d'une autre espèce de créature de la nature. Certains se transforment en sourie ou en insecte, sourit-il en le faisant ricaner. Mais moi, je suis un dragon, lâcha-t-il en le faisant taire subitement sous sa surprise. Cette tête de dragon, c'est la mienne dans ma forme élémentaire. En fait, je suis autant ce que tu as sous les yeux, ma forme primordiale, qu'un dragon, ma forme élémentaire. Mon bâton rend hommage à ma seconde forme.

Il y eut un instant de silence, Smaug réellement stupéfait par cette information qui semblait déclencher quelque chose en lui.

- Tu es un dragon ? finit-il par demander.

- Oui.

- Comment est-ce possible d'être deux choses à la fois ?

- J'aime penser que je ne suis pas deux choses mais qu'un seul corps, une seule apparence ne suffit pas à exprimer toutes les facettes de mon être. Je suis le même dans une forme ou une autre même si les instincts, les besoins et les manières changent un peu avec le corps. Je ne suis pas deux choses, c'est un tout en moi.

- Tu n'as pas le caractère ou les envies d'un dragon, posa-t-il.

- Peut-être pas puisque je ne suis pas qu'un dragon. Mais j'en ai les fondements les plus précieux : l'attachement à la terre, à la magie, aux éléments, à la nature. Toi aussi tu y es attaché n'est-ce pas ?

Smaug ne répondit pas mais il connaissait la réponse.

- Je ne suis pas un dragon exactement comme toi c'est certain, ni comme ceux de mon ancien monde et certainement les autres de ce monde. Mais j'en suis un fondamentalement. D'ailleurs, ma forme de dragon a un peu changé depuis mon arrivé ici. Le mithril s'y est ajouté et je suis plus grand qu'avant.

- Montre moi, pria son hôte presque gentiment pour une fois.

- Es-tu sûr ? Cela ne te dérange pas d'avoir un autre dragon ici ? Nous n'avons jamais trop parlé de ton peuple. Je ne voudrai pas que tu le ressentes comme une attaque de ton domaine ou de ton territoire.

- Ce ne sera pas le cas. Mon peuple peut vivre seul mais aussi en communauté. Nous avons une structure sociale bien plus élaborée que les autres ne l'imaginent et nous ne sommes pas véritablement des solitaires. Les autres pensent que nous nous battons dés que nous sommes en contact mais c'est totalement faux. Ce n'est pas un problème et je le demande. Montre moi.

- Très bien, approuva-t-il en se levant. Tu veux bien reculer un peu ? Je vais devoir sortir de mon camps. Je ne suis pas aussi grand que toi mais je m'en approche.

- Fais, autorisa-t-il alors que son aura exprimait sa curiosité et son enthousiasme devant la chose.

Nefrea s'avança donc un peu alors que Smaug reculait et il se transforma en un clin d'œil, son bâton disparaissant pour s'intégrer à cette forme. Subitement, Smaug eut l'air bien moins grand et imposant. Il était à son échelle désormais. Définitivement, il était plus petit que lui mais pas de manière disproportionné. Smaug était plus long d'une trentaine de mètres semblait-il, comme son envergure. Il resta sagement immobile devant lui, calme, se laissant observer alors qu'il en faisait de même avec lui. Dans cette forme, Smaug était encore plus attirant pour lui. Il percevait son odeur draconienne avec encore plus de force, comme son feu et sa puissance. Sa part de dragon voulait aller se blottir contre lui, heureuse de trouver un semblable à sa hauteur.

Pour une fois, Smaug ne cachait ni sa surprise, ni sa fascination. Il le scruta de ses yeux d'or, cherchant chaque détail, venant humer son odeur. Nefrea sourit intérieurement en sentant son appréciation, se détendant en confirmant qu'il ne provoquait aucun malaise. Smaug ne parlait pas trop de son peuple et il avait crains qu'il soit aussi territoriaux et solitaire, féroce avec ses semblables que ceux du monde sorcier. Mais ça ne semblait pas être le cas et avec cette intelligence, leur structure sociale était certainement beaucoup plus élaborée. Ce fut longuement que Smaug l'analysa, l'air un peu ému. Mais s'il était vraiment le dernier des siens et qu'il n'était pas aussi solitaire qu'il l'avait pensé, peut-être était-il heureux de voir un autre dragon.

- Peux-tu cracher le feu ? questionna-t-il finalement.

Pour toute réponse, il déversa une langue de son feu d'argent clair, la chose émerveillant un peu plus Smaug qui plongea sa tête dans sa flamme pour mieux la sentir, l'air d'aimer ça alors que cela ne lui faisait aucun mal.

- Alors tu es un dragon de feu comme moi. Nous seuls pouvons faire cela, posa-t-il lorsqu'il referma la gueule. Seuls les dragons de feu peuvent avoir une flamme si puissante et sauvage, pure. Parle moi de cette forme, demanda-t-il.

Il se rallongea au sol et Nefrea en fit de même devant lui, s'installant confortablement. Puis il assouvit la curiosité de son ami, décrivant ses pouvoirs, ses sensations, ses sens, ses caractéristiques dans ce corps. Et cela confirma à Smaug qu'il était bien un vrai dragon. La discussion fut longue puis Smaug s'en alla, l'air perplexe et en pleine réflexion. Nefrea reprit sa forme primordiale, comprenant qu'il avait besoin d'avaler ça tranquillement, espérant que ça favoriserait leur relation paisible.

Samug mit plus de temps à revenir vers lui après ça mais il revint, plus calme et moins prompt à se moquer ou à jouer avec lui. Il était mieux disposé et Nefrea s'en réjouit. Il se mit à prendre sa forme de dragon près de lui, cela semblant le détendre et être plus simple pour lui. Il préférait cette apparence de toute évidence et c'était compréhensible puisque les peuples humanoïdes n'étaient pas sa tasse de thé. Lorsqu'il était dragon, Smaug le voyait comme l'un des siens et c'était très agréable pour lui qui n'avait plus eu de sentiment d'appartenance à quoi que ce soit depuis longtemps. Cela fait, leurs échanges se firent plus apaisés, plus spontanés, plus détendus et cette fois, Nefrea en fut certain : ils devenaient amis.

Ce fut quelques temps après cela, en plein hiver, que Nefrea se décida à parler du sujet du vol avec lui. Ils étaient installés au même endroit qu'à l'habitude, lui dans sa forme de dragon face à Smaug, juste devant lui.

- Est-il possible de voler dehors dans cette forme ? demanda-t-il. J'ai terriblement envie d'y aller, d'autant plus que je n'ai pas vu les étoiles et la lune depuis longtemps avec ces nuages. Mais je ne voudrais pas attirer l'attention et je ne sais pas si ma magie peut me cacher de tout ici. Vas-tu voler parfois ?

- Je ne suis pas sorti depuis longtemps. J'ai passé beaucoup de temps à dormir avant ton arrivée. Et puis pour sortir, je devrais défoncer l'entrée et le sceller à nouveau à chaque fois est trop fastidieux. C'est le seul passage que je puisse prendre.

- Si tu veux, je pourrais utiliser ma magie pour reconstituer de vraies portes et les enchanter pour qu'elles répondent à ta volonté, pour que tu sois le seul à pouvoir les ouvrir et les fermer à ta guise.

- Tu peux faire cela ? Personne ne pourra entrer ?

- Oui je peux et non, personne ne pourra entrer. Je n'en suis pas tout à fait sûr cependant. Je n'en sais pas encore assez sur la magie et les utilisateurs de magie de cette terre pour assurer que mon enchantement ne pourrait être forcé ou brisé.

- J'en doute. Ta magie est bien plus puissante que celle des autres en Terre du Milieu. Même les autres istari ne font pas de la magie comme toi. Tu les bats de loin. Tu serais à la hauteur des Valar que ça ne me surprendrait pas.

- C'est rassurant, remarqua-t-il en percevant sa sincérité.

- Peux tu faire ces portes ?

- Bien sûr si tu le souhaites. Tu pourras sortir en les scellant derrière toi et elles s'ouvriront pour toi à ta commande. Tu pourras aller et venir comme bon te semble.

- Alors fais le. Aller me dégourdir les ailes de temps en temps me tente bien si ma demeure reste bien close en attendant.

- Est-ce dangereux pour nous de voler dans la zone ?

- Non. On nous verra mais ce n'est rien. Cela ne fera que terroriser ces insectes mais nul ici n'est assez fou pour venir importuner un dragon et moi encore moins. Personne ne viendra même si on nous voit. Tu peux aller voler sans crainte. Surtout si tu y vas de nuit. Avec tes écailles noires, tu te confondras dans la nuit et sans lumière, le mithril ne brillera pas. Si la nuit est couverte, personne ne te verra.

- C'est une excellente nouvelle, se réjouit-il en se retournant vers le mur.

Il repassa dans sa forme primordiale avec son bâton, allant poser une main sur les pierres scellant l'entrée. Il y infiltra sa magie, entrant en contact avec la roche en lui soumettant son souhait, ce qu'il voulait faire, lui donnant une image mentale ainsi que la magie nécessaire pour le faire. Et il en donnait aussi un peu plus en cadeau de remerciement. Immédiatement, sous le regard de Smaug, la pierre se mit à changer. L'entrée de la montagne autrefois défoncée et rebouchée grossièrement se transforma en une grande et épaisse double porte de pierre entièrement sculptée de dragons et de flammes. Sa forme était irrégulière et asymétrique, brut, comme si la roche l'avait naturellement construite d'elle même. Il fallut plusieurs minutes pour que cela soit terminé puis Nefrea recula, observant le résultat dans toute son ampleur avant de se tourner vers lui :

- Est-ce que cela te convient ? Esthétiquement ? En taille ?

- C'est très bien et je préfère ce motif aux lignes sans imaginations de ces vermines de nains, remarqua-t-il. Comment cela fonctionne ?

- Il faut d'abord y insuffler ton énergie pour qu'elle te reconnaisse. Un contact ou un jet de flamme fera l'affaire. Elle n'aura plus d'autre maître ensuite. Tu n'auras qu'à lui ordonner tout haut ou d'une pensée pour qu'elle s'ouvre et se ferme. Rien d'autre ne pourra le faire.

Lorsqu'il vit que Smaug allait déverser son feu sur la porte et que son camp était dans le chemin, il s'empressa de faire disparaître ses affaires, s'écartant. Puis le feu baigna les lieux et la porte qui s'illumina un moment avant de reprendre son aspect normal.

- Je suis désolé, fit Nefrea quand le dragon referma sa gueule. Je suis sorti du camp.

- Ce n'est rien, s'amusa-t-il.

Il se concentra ensuite sur la porte, l'ouvrant, la refermant, l'ouvrant, la refermant, l'ouvrant, la refermant… Cela sembla l'amuser un peu et la porte obéissait parfaitement, bougeant toute seule.

- Et qu'est-ce qui me dit que je ne serai pas enfermé dehors ? demanda-t-il.

Malgré tout, il restait une pointe de suspicion en lui même si la chose était désormais bien moindre.

- Je n'ai que ma parole à donner, concéda-t-il. Mais j'imagine que si tu as défoncé cette entrée une fois, tu pourras le refaire au besoin.

- C'est vrai, ricana-t-il. Il fait nuit. Passe devant et allons voler que je vois ce dont tu es capable, fit-il l'air joueur.

Radieux à cette idée, Nefrea ne se fit pas prier, courant à l'extérieur, Smaug le suivant. Ils sortirent et le maître des lieux referma la grande porte, admirant un moment les sculptures de dragons impérieux et puissants qui s'y trouvaient. Puis il se tourna vers lui et Nefrea prit sa forme élémentaire. Joueur lui aussi, sautillant d'enthousiasme, il ouvrit ses ailes et prit une impulsion pour gagner le ciel. Smaug le suivit de près et la suite fut un tourbillon d'euphorie pour les deux créatures des cieux en mal de vol. Ils volèrent, enchaînant les figures, tout deux se valant dans l'exercice. Après un moment à appréhender les mouvements de l'autre, Nefrea sentit l'aura joueuse de Smaug qui se jeta sur lui en simulation de chasse. Mais il n'y avait pas d'envie d'attaquer réellement, juste de s'amuser et de se défouler. Il comprenait puisqu'il avait lui même ce besoin et avoir un comparse avec qui voler était enthousiasmant. Il roula dans les aires pour l'esquiver, entrant à son tour dans la danse.

Ils continuèrent ainsi longuement, jusqu'à plus soif, puis Nefrea monta en piquet et Smaug suivit. Quelques instants et ils émergeaient au dessus de la masse de nuage, les étoiles et la lune faisant leur apparition. Nefrea stabilisa son vol, absorbant avec joie l'énergie astrale, le mithril sur lui s'illuminant. Smaug vint voler à ses côtés, l'observant attentivement. La vision avait l'air de lui plaire et il le laissa en profiter, planant avec lui. Ce ne fut qu'au petit matin qu'ils regagnèrent la terre, se posant devant les portes de la montagne, Smaug le premier. Nefrea le rejoignit, surpris lorsque Smaug vint frotter sa tête contre la sienne avec douceur et délicatesse, clairement affectueux cette fois. Il lui rendit pourtant sans un mot, heureux et touché. Puis le maître de la montagne ouvrit les portes et entra sans remarque sur son geste, à l'aise avec lui même, apaisé et bien. Il le suivit, les portes se refermant après lui.

- Tu voles bien, remarqua Smaug sans aucune trace de sarcasme ou de moquerie.

- Toi aussi, répondit-il. Je n'avais jamais volé avec un autre dragon. Sauf une fois mais j'étais chassé alors, s'amusa-t-il. J'aime ça, confia-t-il.

- Nous retournerons voler plus tard. Je vais dormir. Déplace ton camps hors du chemin, choisi la place qu'il te plaira alentours.

- Dors bien, répondit-il en le regardant s'en aller.

Il reprit sa forme primordiale et il s'attela à se réinstaller un camp un peu plus loin près de la porte, refusant de s'inviter ailleurs sans permission. Smaug était assurément tatillon là dessus et il ne voulait pas le contrarier. Il sentait à quel point son domaine était important pour lui. Peut-être qu'un jour, Smaug l'emmènerait voir d'autres lieux de la montagne mais il attendrait son bon vouloir. Il remit son camps en place, ravi par ce vol. Il s'était amusé au-delà du possible et Smaug s'était largement détendu et apaisé avec cela. Cela avait vraiment été vivifiant et il y avait eu ce petit geste avant de rentrer. Il avait été surpris mais il avait adoré. Parce qu'il avait de l'affection pour le dragon, qu'il voulait être proche de lui, être en paix avec lui… Et depuis quand n'avait-il pas eu un contact doux avec un autre être ? Depuis quand n'avait-il pas eu d'affection ? Il ne s'en souvenait plus. Alors c'était agréable et il espérait qu'il y en aurait d'autres.

Cet épisode ne fit qu'améliorer sa relation avec Smaug qui sortait peu à peu de ce comportement agressif, moqueur et supérieur pour quel que chose de beaucoup plus calme et tranquille. L'enchantement des portes était revenu dans leur discussion suivante, le dragon intrigué par sa magie.

- C'est différent des autres, posa-t-il. Les autres plient les choses à leur volonté. Toi, c'est différent. La roche que tu as manipulé est même en bien meilleure santé maintenant, vive et solide.

- Parce que je ne fonctionne pas comme les autres. Lorsque j'ai commencé à apprendre la magie élémentaire, c'était dans les livres et ils disaient aussi qu'il fallait plier les choses à la force de sa volonté. Mais l'expérience m'a prouvé que ça ne fonctionnait pas bien en plus de faire du mal aux éléments que l'on manipule. Alors j'ai testé d'autres choses, j'ai cherché et appris. La nature n'a pas a être commandé. Elle doit-être respectée, chérie, aimée… Elle aide et participe volontiers quand on prend soin d'elle. Donc je ne lui ordonne rien, je ne l'oblige à rien. Je lui transmet mon souhait, je lui demande si elle veut bien m'aider, je lui montre ou je lui fais savoir ce que j'aimerai faire, obtenir et je lui donne la magie nécessaire pour le faire. Mais c'est la roche elle même qui l'a fait au final, d'elle même parce qu'elle a accepté ma demande. Et cela fait qu'elle s'est réagencée d'elle même comme cela était bien pour elle, pour être bien. Je décris ce que j'aimerai, je donne la magie, je demande gentiment et je laisse faire les éléments. Ils savent mieux que moi quoi faire. Ils acceptent toujours joyeusement quand on fait ainsi et même s'ils refusaient, je respecterai. Cela leur permet de ne pas être blessé dans l'acte magique, bien au contraire. Et pour terminer, j'offre toujours un peu de magie en plus en remerciement. Pour un élément qui n'avait pas été modifié comme ici par les nains, cela relève presque du jeu pour eux, mais dans un cas comme ici ou des mains physiques ont forcé leur forme en altérant leur santé et leur circulation d'énergie, cela leur permet de se guérir avec ma magie.

- Je vois. Peux tu faire cela sur de grandes zones ? Guérir la pierre ?

- Oui mais suivant la taille et la masse, ce qu'i faire, cela peut me prendre beaucoup de temps. Surtout si je dois faire des pauses pour ne pas épuiser ma magie et me mettre en danger.

- C'est intéressant. Ces maudits nains ont fait beaucoup de mal à cette montagne, gronda-t-il. Ils appellent ça de l'art et ils trouvent ça beau, dit-il en regardant la vaste salle. Mais pour eux, la pierre et le terre sont sans vie et sans esprit, sans âme. Ils la fracassent avec leurs outils et la forcent à prendre la forme qu'ils veulent sans se soucier de ses souhaits et de sa santé, fit-il avec colère. Et ils disent que je suis cruel…

- Est-ce pour cela que toute la région s'est endormie ? Je n'ai pas regardé ta montagne mais j'imagine que ce n'est pas mieux que la région autour.

- C'est pire. Elle s'est endormie parce que ces nuisibles lui ont fait trop de mal. Je suis venu pour ça. Elle a appelé. Alors j'ai fait déguerpir ces vermisseaux et j'ai permis à la terre de s'endormir pour se reposer.

- Je comprend. C'est bien. Elle en a besoin visiblement. Si tu le désires, je pourrais essayer de voir ce que je peux faire pour elle quand tu le voudras.

- Nous verrons. Fais-tu ainsi avec tout les éléments ?

- Oui quand je sollicite ceux qui vivent par eux même. C'est différent s'il n'y a pas d'âme ou d'esprit propre. Là c'est ma volonté entière qui manipule les choses. Cela arrive dans des zones mortes ou s'il s'agit d'un élément créé par un autre magicien avec la magie. Ils n'acquiert pas d'âme et d'esprit dans ce cas. Et je peux aussi user de ma magie pour générer mes propres éléments comme avec ma flamme et c'est encore un cas dépendant de ma volonté. Mais si je m'adresse à des éléments ou à la nature existante et vivante, je fais ainsi.

- Si seulement d'autres le faisaient aussi, soupira le dragon. Est-ce pareille pour les autres formes de magie ?

- Rarement. Seulement quand je sollicite une magie sauvage et naturelle. Sinon, cela se fait avec ma propre magie personnelle et donc, cela ne dépend que de moi. Fondamentalement, je fonctionne comme je te l'ai expliqué avec tout ce qui est doté d'âme, d'esprit, de vie. Pour le reste, c'est à la force de ma volonté. Les premiers sont conscients et vivants, je les traite comme tel, comme des êtres à mon image. Le second cas relève d'un outil et je m'en sers comme tel.

- Encore faut-il voir ce qui vit et ce qui ne vit pas, comprit-il.

- Oui. Beaucoup trop de gens pensent que la terre, le feu, l'air, l'eau, les plantes… ne vivent pas vraiment comme des êtres, n'ont pas d'âme ou d'esprit. C'est faux, ils sont juste très différents. Ce n'est pas une raison pour ne pas les voir, les reconnaître comme tel et les respecter, les considérer.

- Je pourrai pas être plus d'accord, répondit-il sombrement.