Chapitre 6 :

Nefrea le Noir

Nefrea s'avança vers la grande porte, sa détermination à protéger Erebor et tout ce qu'elle contenait plus flamboyante que le soleil. Il scruta et écouta ce qu'il se trouvait juste derrière. C'était un petit groupe constitué des nains, de cet être porteur de cet objet néfaste qui était entré le premier, d'un homme, de l'istar et d'un autre qu'il supposait être un elfe. Le reste de ce qui était vraisemblablement une armée était un peu plus loin derrière et à Dale, il y avait les civils. Cela faisait déjà bien du monde mais il savait que plus arrivait. Il devait déjà s'occuper de cela avant que la situation n'empire. Il écouta ce qu'il se passait de l'autre côté :

- Erebor est totalement close, fit la voix grondante d'un nain.

- N'avez vous pas tenté de forcer cette porte ? demanda une voix chantante et moqueuse qui devait être l'elfe. Vu vos manières, je suis surpris de voir cette porte toujours entière et intacte.

- Bien sûr que nous avons essayé de l'ouvrir, fit un autre nain vexé. Mais elle résiste à tout. Cette porte n'est pas celle des nains.

- Cette chose disgracieuse n'est qu'une insulte de plus faîte à notre peuple, ragea celui qu'il reconnu comme Thorin. Le sceau de l'infamie du dragon sur notre royaume.

- Avez-vous tenté de toquer simplement ? demanda l'homme.

- Pourquoi faire ? Smaug mort, il n'y a plus rien à l'intérieur.

- Alors pourquoi est-ce fermé ? demanda l'elfe sarcastique.

- Cette porte est magique et très puissante, posa gravement l'istar. Je doute que quoi que ce soit puisse la forcer si facilement.

- L'œuvre du dragon ? demanda le petit être qu'il n'avait toujours pas identifié.

- Non. Ceci ne peut être l'œuvre de Smaug. Un autre pouvoir est à l'ouvrage ici.

Nefrea se décida alors à se montrer, comprenant que quoi qu'il soit dit, aucun d'entre eux ne partirait ou ne renoncerait à la Montagne si facilement. Cela était évident dans leurs auras et il devait tenter de les faire partir au plus vite. Il transplana pour réapparaître bien en vue sur le balcon de garde, dans toute sa splendeur, froid et assuré, calme. Le craquement attira immédiatement l'attention générale et son apparence atypique fit régner le choc. Bien sûr, il était unique en Terre du Milieu alors le voir devait surprendre. Il les balaya du regard, pouvant enfin les voir de ses yeux et mettre une apparence sur les énergies et les voix qu'il avait déjà perçu. Les nains furent reconnus facilement, comme l'istar et l'homme sur son cheval, la présence de l'elfe confirmée d'un clin d'œil, un personnage important et ancien vu ses ornements et son aura. Il était monté sur un grand élan. Le dernier petit personnage, il l'identifia en le voyant. Il connaissait son nom, Bilbon, pour l'avoir entendu et il comprit qu'il s'agissait d'un hobbit en le regardant avec sa petite stature, ses oreilles et ses grands pieds nus poilus. Il en avait vu dans ses livres et il devina rapidement. Derrière eux, il y avait belle et bien une armée d'elfes en armures et quelques hommes, des villageois s'improvisant guerriers. Il les balaya de son regard de mithril rapidement, analysant tout avant de baisser les yeux vers le groupe tendu et prudent qui le scrutait aussi. Il prit la parole en langue commune, sa voix magique impérieuse résonnant loin, faisant vibrer la terre de la montagne qui le soutenait :

- Que voulez-vous vous qui osez assiéger le royaume de Smaug le Doré ? tonna-t-il.

- Ce n'est pas le royaume de cette limace, se vexa immédiatement Thorin furieux. C'est le royaume des nains ! dit-il appuyé par les siens.

- Non, claqua-t-il, ça ne l'est pas. Erebor est à Smaug.

- Smaug est mort ! fit Écu de Chêne.

Nefrea prit la déclaration comme un coup de poignard en plein cœur mais il ne laissa rien paraître, froid d'apparence, se tenant droit, tranquille et impérieux, ignorant son envie furieuse de réduire ce nain au silence.

- Peu importe, répondit-il. Ce royaume reste le sien et je le défendrai jusqu'au bout en son absence. Partez. Vous n'aurez rien.

Les nains semblèrent près à exploser de fureur mais l'istar intervint, le regardant prudemment.

- Qui êtes-vous ? Qu'êtes-vous ? questionna-t-il.

- Lorsque l'on est poli, on se présente en premier lieu avant de demander une telle chose, rétorqua-t-il. Mais je ne m'attend pas à la moindre éducation de ceux venant piller cet endroit. Vous vous doutez déjà de ce que je suis magicien, vous pouvez le sentir comme je le sens pour vous. Je suis un istar, révéla-t-il en choquant plusieurs. Je suis Nefrea le Noir.

- Le Noir ? releva celui qui était vraisemblablement le Gris maintenant qu'il le voyait. Il n'y a pas de Noir, il n'y en a jamais eu.

- Il y en a un désormais, répondit-il. Je suis le sixième a avoir été envoyé en Terre du Milieu. Il y a peu par rapport aux cinq premiers je le reconnais. Mais il n'en n'est pas moins que je suis istar moi aussi.

- Les istari ne travaillent pas avec les forces du mal, rétorqua-t-il.

- C'est exact Gandalf le Gris, approuva-t-il. Mais savez-vous seulement ce que sont les véritables forces du mal ?

Cette question laissa le vieil homme perplexe et il se tut.

- Vous vous êtes faufilés dans Erebor pour nous voler notre bien en profitant de notre victoire sur Smaug ! claqua Thorin furieux.

- Simple d'esprit, se moqua-t-il sans rater le fait qu'il amusait l'elfe par la même occasion. Je vis ici auprès de Smaug depuis des décennies, révéla-t-il. J'étais là lorsque vous avez osé vous introduire ici pour voler l'Arkenstone Thorin Écu de Chêne. Vous n'avez même pas eu le courage de venir vous même. Vous avez envoyé monsieur Sacquet à la place et vous avez eu l'arrogance de croire pouvoir vous mesurer à Smaug ? Vous êtes la cause de tout les malheurs qui ont frappé ces terres ces derniers jours par votre convoitise pour Erebor et son trésor.

- Il appartient aux nains ! s'exclama-t-il.

- Il n'a jamais appartenu aux nains. Vous êtes ceux qui l'avez volé en premier lieu, trancha-t-il froidement. Mais je ne suis pas là pour débattre de cela avec vous. Erebor est et restera le Royaume de Smaug le Doré. Je le défendrai jusqu'au bout s'il le faut. Pas une poussière ne quittera la Montagne et je ne la céderai à personne. Vous ne pourrez entrer, même si vous vous acharniez encore et encore. Ma magie est impénétrable pour vous. Vous n'avez même pas égratigné la porte, remarqua-t-il.

- Est-ce vous qui avez défiguré Erebor de la sorte avec cette chose immonde et insultante ? demanda un autre nain en désigna l'entrée.

- Défiguré ? Immonde ? Moi je la trouve magnifique et bien plus belle que ce qu'il y avait avant. Smaug l'aime beaucoup aussi. Et oui, j'en suis l'artisan. Quoi qu'il en soit, vous n'aurez pas ce que vous voulez. Partez.

Tout en parlant, Nefrea n'avait pas manqué de voir les nains bouger pour cacher l'un d'entre eux. Comme il ne manqua pas ce qu'il préparait. Il ne fut donc pas surpris lorsque les nains s'écartèrent subitement, qu'un arc se leva, qu'une flèche fut tirée et qu'elle fila vers lui, visant sa tête. Elle stoppa pourtant net loin de lui en rencontrant la barrière magique qui protégeait le balcon de garde. Elle s'immobilisa et tomba, surprenant le groupe.

- Partez, ordonna-t-il une dernière fois avec un regard noir pour les nains.

Il transplana ensuite dans un craquement, retournant à la galerie au sol d'or, se laissant tomber au centre pour éclater en sanglots, épuisé. Tout devenait si difficile sans Smaug… Il mit un moment à se reprendre et à se calmer, reportant alors son attention sur ses assiégeants. Il usa de ses perceptions pour voir ce qu'il se passait désormais. Le groupe avait quitté les abords de la grande porte. Quelques nains restaient là, ayant dressé un camps et en les écoutant, il sut qu'ils voulaient s'assurer que personne n'entrerait avant eux et tenter de l'abattre encore s'il se remontrait.

Les autres, Thorin et Bilbon inclus, avaient regagné Dale, discutant de la situation. Nefrea écouta sans vergogne, devant savoir à quoi il devait s'attendre. Les mauvaises relations entre les parties étaient évidentes. Bard, l'homme, et Thranduil, le roi elfique, s'entendaient de manière précaire dans un certain respect, tenant du même côté visiblement. Thorin était l'ennemi public des deux, détesté par l'elfe, abhorré par l'homme pour avoir réveillé Smaug et conduit à la destruction d'Esgaroth. Thorin ne faisait rien pour arranger cela, haineux et vindicatif avec l'elfe, supérieur et dédaigneux avec l'homme. Et il ne cessait de vouloir les faire partir aussi, répétant souvant qu'il ne les laisserait pas toucher à une seule pièce du trésor des nains. L'homme lui répondait alors qu'il avait donné sa parole au peuple d'Esgaroth en échange de leur aide et qu'ils en avaient besoin pour survivre et rebâtir leur vie. Cela permit à Nefrea de commencer à comprendre ce qu'il s'était passé, confirmant encore plus que Esgaroth avait aidé par convoitise pour le trésor. Thorin semblait pourtant déterminé à ne pas tenir sa parole, grondant qu'il n'avait pas eu d'autre choix que de faire cette promesse en échange de leur liberté et de leurs droits. Pour lui, elle ne valait rien et cela ne faisait qu'envenimer les relations. Thranduil refusait de renoncer à un bijou se trouvant dans la Montagne, appartenant à son peuple et ayant été volé par les nains d'après lui.

Au milieu de tout cela, Gandalf tentait de ramener un semblant de paix et de raison. Son inquiétude à lui était pour la position stratégique et les armées ennemies qui approchaient. Il tentait de les rallier pour qu'ils se battent ensemble. Il voulait visiblement remettre les nains à Erebor pour qu'ils défendent cette place. Et il y avait le hobbit un peu perdu au milieu de cela. Il restait près de Thorin mais il ne parlait pas beaucoup. Ce qu'il portait semblait rester relativement calme et cela soulageait Nefrea qui ne voulait pas avoir à gérer un puissant artefact de magie viciée en plus du reste.

Un autre sujet brûlant était bien entendu sa personne. On avait demandé à Gandalf s'il était vraiment un istar et s'il avait trahi pour passer à l'ennemi. Le Gris semblait perplexe à ce propos, ne croyant pas réellement qu'il puisse être un istar. En revanche, il reconnaissait facilement qu'il était magicien et qu'il était très puissant, mettant les autres en garde à ce sujet, recommandant de ne pas le provoquer et de tenter de parlementer à nouveau. Thranduil et Bard semblaient être de cet avis aussi, à l'opposé complet de Thorin qui voulait l'abattre comme un chien. Tous semblaient penser qu'il voulait le trésor pour lui et qu'il s'agissait là de sa seule motivation.

Une autre question était de savoir ce qu'il était avec cette apparence unique. Ils étaient surpris, aucun d'entre eux ne pouvant témoigné d'avoir vu un être pareil dans le passé. Sa peau noire comme l'onyx était un critère suffisant pour faire de lui un être du mal aussi absurde que cela soit. On le prenait pour un sorcier des ténèbres. Cela ne pouvait être que cela puisqu'il disait avoir vécu et être allié au dragon. Gandalf craignait de toute évidence qu'il tente de tenir la Montagne jusqu'à l'arrivée de l'armée de Dol Guldur, pour leur céder. Lorsqu'il avait mis cela en évidence, tous s'étaient mis à craindre la même chose.

Le jour suivant, les nains s'étaient remis à tenter de forcer la porte, aidé des hommes qui vinrent en voyant que le sorcier ne se montrait pas. Nefrea restait dans la galerie d'or, observant de loin, pleurant encore, peinant à tenir, blottit contre le sol doré, au plus près de l'énergie de son aimé. S'il avait espéré qu'ils partiraient en voyant Erebor scellée, il avait su aussi que cet espoir était naïf et que ce ne serait pas si simple. Tous convoitaient sa maison pour une raison ou une autre et aucun n'était près à partir de là. Il réfléchissait à comment gérer cela. Mais si cela durait trop, les hordes malfaisantes arriveraient et il y aurait une bataille qu'il ne voulait pas voir. On ne tenterait que plus de percer la Montagne et sa magie serait mise à l'épreuve.

Il pouvait rester barricadé mais il ne pouvait permettre aux forces malfaisantes de s'emparer de la zone, ne sachant que trop ce que cela signifiait. Si le mal reprenait la région, c'était la porte ouverte vers le nord. Cela ne ferait qu'accentuer ses ennuis et sa terre en pâtirait alors qu'elle était déjà mal en point. La désolation serait bien réelle cette fois et il ne pouvait le tolérer. Comme Gandalf, il avait conscience de la valeur stratégique de ce point et il comptait le défendre. Il ne pouvait pas ignorer la menace des forces du mal, ce n'était pas dans sa nature. Il était libre, il n'était ni blanc ni noir mais il n'était pas pour l'anéantissement et la souffrance infinis promis par ces êtres immondes. Aussi, il était bien décidé à ne pas les laisser faire. Comment ? Il n'en n'était pas encore certain. Il ne pouvait tuer mais il y avait bien des manières de chasser les nuisibles de sa maison.

Les nains et les hommes ne parvinrent à rien, ne dérangeant même pas ses protections magiques. Ils ne le réalisaient pas mais ils ne touchaient pas la porte, sa magie la recouvrant ne permettant pas cela. Gandalf était venu observer la chose à la tombé du jour et il avait compris. Ce soir là, il expliqua aux autres que la magie qui faisait barrage était trop puissante, qu'ils ne la perceraient pas. Lorsqu'ils lui avaient demandé si lui pouvait le faire de ses pouvoirs, il avait reconnu que non. L'évidence s'était alors imposée : ils devaient lui parler et tenter de le convaincre. Thorin émit la possibilité de tenter de le piéger mais quoi qu'il en soit, le dialogue était leur option suivante. Le groupe avec qui il avait parlé la première fois fut de retour le lendemain aux alentours de midi sous le ciel toujours gris en cette saison. L'hiver était à son début maintenant et le froid s'installait. Ils vinrent, se demandant comment l'appeler alors que dans la galerie, Nefrea se forçait à se reprendre, à se relever, à mettre de l'ordre dans son apparence et à se reconstituer une image froide et assurée.

- Nefrea le Noir ! scanda finalement le magicien. Nous souhaiterions vous parler !

Il transplana sur le balcon de garde pour aussitôt voir une volé de flèches naines venir vers lui. Cela fit bondir tout les autres autour des nains, visiblement ignorant de leur intention. Aucune ne l'atteignit, arrêtées de loin par sa protection. Thranduil, Bard, Gandalf et Bilbon rabrouèrent les nains qui s'en vexèrent.

- En voilà des manières de saluer les gens, remarqua platement Nefrea pas du tout perturbé.

- Cela n'est que le fait des nains, assura Thranduil l'air furieux.

- Je le sais roi Thranduil, répondit-il. Cela m'importe peu. Ce n'est pas comme si l'un de ces nains avait une chance de me toucher. Que voulez-vous ? demanda-t-il au magicien.

- Parler, expliqua celui-ci. L'heure et grave, la situation ne peut rester ainsi.

- En effet. Il ne tient qu'à vous de la changer en partant et en oubliant toute prétention sur la Montagne, remarqua-t-il.

- C'est impossible.

- Comptez vous livrer Erebor à l'ennemi ? tonna Thorin. Garder ce trésor pour vous seul ?

- Vous ne savez rien de moi et de ce que je pourrai vouloir Thorin Écu de Chêne. Gardez vous de croire que vous pouvez me comprendre, ce n'est pas le cas. Gandalf le Gris, appela-t-il en le regardant. Entrez et discutons, mais ce sera seul à seul.

Il frappa le sol de son bâton et sous les yeux ébahis des autres, la grande porte s'ouvrit docilement sans un bruit. Aussitôt, les nains se précipitèrent pour entrer, percutant durement la barrière magique se trouvant là. Elle les renvoya à plusieurs mètres de là dans un bel ensemble, refusant de laisser passer ce que Nefrea refusait de voir passer.

- Entrez Gandalf, répéta Nefrea. Personne d'autre ne pourra passer comme vous venez de le constater. Je garantie votre sécurité autant que ma parole puisse avoir de la valeur pour vous.

Le magicien consulta gravement les autres du regard, tendu et hésitant. Puis il prit sa décision, déterminé et il avança, entrant sous le regard de mithril de Nefrea. Celui-ci frappa à nouveau le sol de son bâton et la porte se referma derrière le vieil homme. Il transplana alors pour apparaître à quelques pas de lui, le surprenant. Il fit apparaître deux fauteuils de bois face à face et prit place dans le sien, élégant, noble et fermé, son bâton dans sa main tenu droit près de lui. Le magicien prit place de même, l'étudiant attentivement.

- Je sais que vous doutez du fait que je sois un istar Gandalf, commença-t-il. Mais que vous l'acceptiez ou non, vous et moi savons que vous le sentez en vous, comme je peux le sentir pour vous.

- Il n'y a pas d'istar noir et les istari n'agissent pas ainsi.

- Il y avait cinq istari à l'origine qui furent envoyés en Terre du Milieu pour veiller sur elle et la guider. Jamais il n'a été dit que d'autres ne pourraient pas être envoyés. Je suis Istar et Maia comme vous, que cela vous plaise ou non, que vous le compreniez ou non. Quand à mes agissements, que savez-vous d'eux au juste ?

- Vous avez dit avoir vécu auprès d'un dragon, vous défendez cet endroit en son nom, vous refusez à un peuple libre et légitime de récupérer son royaume et son bien et vous mettez en danger ce monde en offrant une occasion aux forces du mal.

- C'est ce que vous voyez et ce que vous pensez avoir compris, mais ce n'est pas la vérité, répondit-il. Votre vision est superficielle Olorin. Vous êtes l'istar de Manwë et Varda, je m'attendais à mieux de votre part. J'ai vécu auprès d'un dragon et je défend et défendrai toujours ce lieu en son nom, assura-t-il fermement. Les nains sont un peuple libre et légitime j'en conviens mais cette montagne n'est pas leur royaume et ce qui s'y trouve ne leur appartient pas, ne leur appartiendra jamais et ne leur a jamais appartenu. Comme moi vous savez que si j'agissais pour le mal mon bâton me serait retiré et mon pouvoir serait sur le déclin. Hors, il est plus éclatant que jamais, mon bâton, le plus solide des six car je sais voir au-delà. C'est une des raisons qui m'a valu d'être là : celle d'être capable de voir par delà les illusions des croyances établies pour atteindre une vérité plus juste. Sachez, Olorin, que mon protecteur a approuvé mes actions, que les Valar approuvent mes actions et en vous, vous le savez que cela vous plaise ou non, que vous le compreniez ou non. Vous ne savez pas tout et vous pensez tellement savoir où se trouve le mal que vous négligez de regarder vraiment.

- Vous devez savoir que Sauron est de retour.

- Je le sais. J'ai perçu son ombre à Dol Guldur depuis très longtemps et j'ai gardé un œil sur lui. Le Mordor se réveille et ne s'est jamais vraiment endormi. J'ai senti la bataille qui vient d'avoir lieu dans l'ancienne forteresse et je sais que le spectre de Sauron s'est enfuis vers le Mordor. Comme vous, j'ai pour devoir de veiller sur cette terre et je le ferai à ma manière.

- Azog et son armée ont vidé Dol Guldur et viennent par ici. Ils seront bientôt là. Les nains doivent récupérer Erebor pour pouvoir défendre cette place. Ce n'est pas une question de trésor mais il en va du destin de la Terre du Milieu. Si l'ennemi venait à prendre cet endroit, ce serait la porte ouverte à la reconquête d'Angmar et les peuples libres tomberaient les uns après les autres. Vous ne pouvez ignorer cela si vous êtes ce que vous dîtes.

- Je ne l'ignore pas, claqua-t-il durement. Seulement, vous vous ignorez encore tellement des conséquences de tout ceci. Vous ne voyez que ce que vous voulez voir sans chercher plus loin. Il y a plus en jeu. Je sais que l'armée d'Azog remonte de Dol Guldur. Je suis sa progression et je sais qu'ils arrivent. Et puisque vous ne semblez pas être au courant, sachez qu'une autre armée avance par ici en provenance de Gundabad, expliqua-t-il en l'horrifiant. Ils seront là à quelques heures d'écart si mes estimations sont exactes. Je sais qu'ils ne doivent prendre cette place sous aucun prétexte. Je ne suis pas fou et j'ai bien l'intention de défendre ces terres contre les hordes malfaisantes. Je vous l'ai dit : personne n'aura cette montagne et quand je dis personne, cela vaut pour les nains, comme pour les orcs. Je n'ai pas besoin des nains pour cela et je ne compte pas céder.

- Vous ne pourrez jamais tenir cette position seul aussi puissante que votre magie soit.

- Cela, c'est à moi d'en juger. Je ne suis pas comme vous Gandalf, ni comme les autres istari. Nous sommes très différents mais il n'en reste pas moins que je sais ce que j'ai à faire. Si d'autres veulent se battre pour défendre cette terre, qu'ils le fassent mais qu'ils renoncent à toute prétention sur Erebor et ce qu'elle contient, sur cette région. S'ils le font ce sera sincèrement sans rien attendre d'autre que la satisfaction d'avoir aidé contre les hordes du mal. Ils n'auront rien de plus et c'est pourquoi je ne demanderai pas leur aide. S'ils sont capables de le faire, pour le moment, aucun d'eux ne fera ce qu'il faut sans obtenir la récompense convoitée et je ne le tolérerai pas. Je défendrai cette place seul s'il le faut et je la tiendrai je vous le garanti. Rien ne s'appropriera ce royaume et je n'ouvrirai pas la porte vers le nord.

- C'est de la folie. C'est impossible.

- Impossible est un mot que je n'emploie jamais et dont le sens m'est inconnu, rétorqua-t-il. Cela sera ainsi Gandalf. Les nains ne récupéreront jamais ce royaume. Jamais vous m'entendez ? Il ne leur appartient pas. Il est à Smaug et il demeurera à Smaug aussi longtemps que j'aurai mon mot à dire, donc, aussi longtemps que je vivrai. Vous avez le choix : accepter cette vérité et agir en conséquence ou la dénier, vous battre contre elle et risquer de faire plus de mal encore. Pour ma part, cette région est sous ma protection et je ne laisserai rien la souiller ou la revendiquer. Sur ce, fit-il en se levant, tout est dit.

Il frappa le sol de son bâton et la grande porte s'ouvrit derrière le Gris, faisant entrer plus de lumière. Les nains tentèrent d'y pénétrer une fois encore, repoussés par sa magie et Gandalf se leva lourdement, soupirant mais comprenant qu'il n'avait pas le choix. Il sortit, la porte se referma et Nefrea retourna se blottir sur la dalle d'or pour se reposer, surveillant et écoutant de loin. Le groupe repartit vers Dale en silence et une fois là bas, ils discutèrent. Gandalf leur relata leur entretien, les horrifiant en confirmant que le Noir était conscient de l'arrivée d'Azgog et de son armée et qu'il avait ajouté qu'une autre arrivait de Gundabad. Nefrea s'était bien gardé de lui dire qu'une troisième, naine cette fois, faisait aussi route par ici depuis les Monts de Fers à l'est. S'il l'avait fait, le Gris l'aurait répété aux nains qui n'auraient fait que plus de bêtises. La nouvelle les choqua, certains tentant de réfuter en disant qu'il voulait gagner du temps, leur faire peur pour laisser l'ennemi arriver ou les faire partir.

S'il garda pour lui ce qu'ils s'étaient dit sur les istari et les Valar, Gandalf leur raconta le reste, plus ou moins convaincu qu'il n'avait pas l'intention de céder la Montagne à la noirceur. Et très vite il fut qualifié de grand arrogant orgueilleux, avare et avide, cupide à vouloir garder le trésor pour lui et à croire qu'il pouvait défendre la région seul. Thranduil ne semblait pas disposé à mettre les siens en danger pour défendre Erebor. Les hommes qui n'avaient rien de guerriers terrorisés à cette idée et les nains obstinés dans leur volonté à récupérer la Montagne coûte que coûte. Il ne pourrait visiblement compter sur aucun d'eux pour faire ce qui était vraiment important : protéger ce monde contre la malfaisance.

Ils en discutèrent longuement et Nefrea s'en désintéressa, cela tournant en rond et ne servant à rien. Cependant, on avait compris qu'il était relativement raisonnable et disposé à parler. Thranduil avait alors décidé de venir, s'avançant seul avec sa monture, vite invectivé par les nains montant la garde devant la porte. Il les ignora pourtant, stoppant non loin :

- Nefrea le Noir ! Je souhaite n'entretenir avec vous ! lança-t-il.

Nefrea qui l'avait senti venir était déjà dans le grand hall, près. Il ouvrit les portes et projeta sa voix à travers elle :

- Mettez pied à terre et entrez roi Thranduil. Je garantie votre sécurité.

Le roi s'exécuta, posant une main sur son épée comme une mise en garde. Seulement, il se retrouva avec les nains devant lui refusant catégoriquement qu'il mette un pied dans la montagne.

- Ce ne sont pas les nains qui font loi en ces terres, tonna Nefrea depuis l'intérieur en écartant les nain de la route du roi de sa magie.

Celui-ci sourit moqueusement pour eux et se remit en route. Les nains purent beugler autant qu'ils le voulaient, le roi elfique entra et les portes se refermèrent derrière lui, le silence se faisant. Il se retrouva alors face à l'istar se tenant quelques mètres plus loin, le saluant d'un élégant signe de tête qui lui fut rendu.

- Que voulez-vous Thranduil ?

- J'espérai qu'il serait possible de négocier, répondit-il. Nous n'avons aucune raison d'être ennemis.

- En effet et je ne suis pas votre ennemi mais cela ne veut pas dire que vous aurez ce que vous voulez. Je vous écoute. J'imagine que vous êtes là pour me réclamer les gemmes blanches de Lasgalen ? supposa-t-il en le surprenant.

- C'est tout ce que je veux ici mais n'y renoncerai pas. Ce bijou est l'héritage de mon peuple et lui a été arraché par les nains, posa-t-il calmement. Je souhaite simplement que mon bien me soit restitué, contre paiement si vous le désirez. Je suis près à donner deux fois plus qu'il ne vaut pour compenser. Je partirai ensuite avec mon armée.

- Pourquoi voulez-vous tant ces gemmes ? Ce n'est pas le seul objet elfique qui soit ici, qui soit précieux et qui pourrait être réclamé. Je connais ce trésor par cœur. Alors pourquoi ces gemmes en particulier. Je sens qu'elles vous tiennent à cœur, profondément. Pourquoi ?

Le roi hésita à répondre, mais il le fit finalement, ses émotions claires pour Nefrea. Et il semblait vouloir jouer la sincérité et la corde émotionnelle avec lui. Peut-être pour l'amadouer.

- Ce bijou appartenait à un être cher aujourd'hui disparu. Il a été arraché à sa dépouille. Je souhaite le récupérer en souvenir. Il a une immense valeur sentimentale aux yeux de ma famille.

- Il appartenait à votre moitié, comprit-il en lisant son aura. Votre épouse.

- Oui, confirma-t-il en retenant avec mal son émotion de toute évidence. Je ne veux rien d'autre.

- Je compati à votre souffrance Thranduil, assura-t-il la voix un peu plus douce. Moi aussi je connais la douleur atroce de la perte de l'amour véritable, dit-il en sentant que le roi était touché. Seulement, rien ne quittera cette Montagne, posa-t-il fermement, pas une poussière.

- Pourquoi ? demanda le roi plus froid. Ce n'est qu'un collier qui n'est rien comparé à l'immensité de ce trésor. Pourquoi accumuler une telle quantité de richesse ? C'est bien plus que ce que n'importe qui pourrait dépenser en une vie aussi longue soit-elle. Je paierai pour le reprendre avec plaisir, en compensation.

- Je ne suis pas les nains, je ne suis pas les hommes, je ne suis pas les elfes… Je ne suis comme aucun en Terre du Milieu. Je ne suis pas cupide même si tous le penseront. Je n'en n'ai que faire. Tous vous ne voyez en ce trésor que ce que vous voulez y voir que ce soit en terme de richesse ou d'attachement sentimental. Mais ce pourquoi il est gardé ici et restera gardé ici est au-delà de ces considérations. La valeur pécuniaire de ce trésor m'indiffère. Je n'ai pas l'intention de m'en servir, d'en retirer la moindre pièce. Je me contenterai de le garder, de le protéger et de le laisser dormir dans la montagne. Parce que c'est ainsi que cela doit être. Les gemmes blanches de Lasgalen font parti de ce trésor et j'ai juré de ne jamais en soustraire quoi que ce soit. Je tiens toujours ma parole.

- Êtes-vous cruel au point de faire souffrir les autres juste pour cela ? Ce trésor pourrait aider bien des gens.

- Juste pour cela ? releva-t-il plus froidement. Vous ignorez ce que cela est de toute évidence. Ce trésor est désormais maudit par la magie de Smaug. Nul n'y touchera. Ce que vous en pensez m'est égal. Moi, je sais quelle valeur cela a et pourquoi je le fais. Les peuples, aussi sages qu'ils se pensent être, n'ont d'attention que pour leurs intérêts et leurs envies, leurs besoins sans voir les maux et les ravages qu'ils provoquent autour d'eux s'ils obtiennent satisfaction. Actuellement et en agissant ainsi, je m'emploie à réparer les ravages causés par d'autres. Je comprend parfaitement pourquoi vous souhaitez si désespérément reprendre ce collier. Je comprend et je suis désolé pour votre perte, plus que vous ne pourriez l'imaginer. Mais sachez ceci : récupérer ces gemmes ne vous aidera pas. Même s'il est porteur de souvenir, il n'atténuera pas votre souffrance. Vous vous focalisez sur elles pour vous trouver un but pour affronter la douleur, vous persuadant qu'elle s'envolera quand vous les aurez. Mais il n'en n'ai rien. Elle ne s'envolera pas et si je vous les donnais maintenant, la seule chose que vous ressentiriez serait une douleur plus grande encore. Parce que sans ce but pour occulter la vérité, vous serez forcé d'affronter en face la perte de votre épouse comme la réalité qu'elle est et que vous tentez de renier.

Il marqua un temps de silence, le roi un peu déstabilisé devant lui. Et il comprenait tellement son calvaire, parce qu'il le vivait aussi. Il ne pouvait qu'être empathique à son égard.

- Je suis sincèrement désolé seigneur Thranduil mais la vérité est là. Ces gemmes ne vous feront pas de bien en elle même. La seule chose qui le pourrait, c'est vous. Je ne prétend pas savoir comment surmonter cette douleur. Par les Valar j'aimerai le savoir, dit-il avec une furtive expression de souffrance que Thranduil ne manqua pas. Seulement je sais que ces gemmes n'aideront pas. Les souvenirs qu'elles contiennent, vous les avez déjà en vous et nul objet ne remplacera sa présence. Rien ne le pourra hélas. Je ne vous les donnerai pas, parce que j'ai juré de ne pas le faire et parce que je sais que leur place est ici. Mais je peux peut-être faire autre chose pour vous aider.

Thranduil le regarda l'air perplexe, un peu déstabilisé bien qu'il n'en montre rien. Nefrea leva sa main portant l'anneau d'or et la Pierre de Résurrection. Cela, il pouvait le faire. Il ne s'en était servi qu'une seule fois à la veille de la première bataille de Poudlard. Lui ne l'utilisait jamais parce qu'il savait qu'il ne servait à rien de parler aux morts. Ils étaient partis pour toujours et s'accrocher à des fantômes faisait plus de mal qu'autre chose. Il avait pensé essayer de voir Smaug avec elle mais il s'y était refusé, il ne devait pas interférer s'il voulait conserver son espoir. Cette Pierre mal utilisée était une malédiction parce qu'elle enfermait dans la douleur et le chagrin, dans une illusion. Cependant, utilisé correctement, elle pouvait être une bénédiction. Parfois, un dernier au revoir était nécessaire et il savait comment l'offrir à d'autres désormais. La Pierre s'illumina et pulsa d'une magie puissante sous le regard du roi resserrant sa prise sur son épée. Un instant plus tard, une silhouette lumineuse et vaporeuse apparut devant l'istar, faisant face à l'elfe qui resta choqué. L'apparition était une elfe blonde absolument magnifique qui sourit tendrement à Thranduil.

-Bonjour mon amour, dit-elle doucement en elfique.

- Je ne peux permettre une longue entrevue, fit Nefrea. Alors savourez chaque seconde. Cela ne se reproduira jamais.

La dame approuva et il s'éloigna respectueusement pour laisser le couple. Il se refusa à regarder. Par décence mais aussi parce qu'il avait le cœur en miette, priant pour revoir son propre compagnon qui lui manquait tant, atrocement. Il avait l'impression que son âme et son cœur avaient été arraché, liés à une machine de torture et supplicié depuis ce qui paraissait être des siècles. Il ne pouvait que saisir la souffrance de Thranduil et vouloir l'aider à l'apaiser. Si quelqu'un avait pu l'aider à apaiser la sienne, il aurait été reconnaissant. Ce tourment était le pire qu'il ait jamais vu ou qu'il ait pu imaginer.

Il ne sut combien de temps cela dura mais la magie de la Pierre s'évapora finalement, indiquant que la dame était partie. Il laissa encore un peu de temps passer, se doutant que Thranduil devait avoir besoin d'un moment. Il le sentait d'ici. L'aura du roi avait radicalement changée. Elle était passée par bien des émotions : choc, doute, méfiance, espoir, tendresse, amour, douleur, bonheur… Maintenant, elle était teintée d'une immense tristesse, toujours en souffrance. Une souffrance qui resterait probablement à jamais. Cependant, il était aussi beaucoup plus calme, reconnaissant, heureux, détendu…

- Nefrea ? appela-t-il après quelques minutes.

L'istar se retourna alors et s'avança à nouveau vers lui, reprenant sa place.

- Merci de tout cœur, fit-il une main posée sur la poitrine avant de s'incliner légèrement. Elle m'a dit que vous étiez l'istar du seigneur Mandos ?

- Oui, et par cela, j'ai accès à ses Salles où séjournent les morts. Il est courant qu'ils y restent longuement, surtout quand leur trépas les séparent d'un être ardemment aimé. Votre épouse s'y trouve encore. Elle va bien, elle est en paix et son âme chérie et apaisée en la demeure de mon protecteur. Inutile de vous inquiéter pour elle. Un jour, vous la retrouverez sûrement dans ces Salles ou réincarné à Valinor si vous décidez tout deux de poursuivre vos vies plutôt que d'en commencer d'autres. Toutefois, je ne referai jamais une telle chose. C'est exceptionnel et j'apprécierai que vous le gardiez pour vous.

- Bien entendu. Merci.

- Je ne saurai que trop vous conseiller de ne plus avoir de vue sur ce royaume, cette montagne et tout ce qu'elle contient. Nous serons en paix si vous respectez cela comme je respecterait votre domaine et votre autorité là bas. Nous sommes voisins, mieux vaut nous entendre. Est-ce acceptable pour vous ?

- Cela l'est. Le royaume de la montagne sera respecté par les elfes de la Forêt Noire aussi longtemps qu'il ne sera pas une menace pour nous.

- Bien, c'est entendu alors. Maintenant partez et retirez votre armée. Cela sera vite un enfer ici et il est inutile que vous mettiez les vôtres en danger.

- Ne réclamerez vous aucune aide pour défendre la montagne ?

- L'aide ne se réclame pas, elle s'offre. Trop donnent leur aide en échange d'un paiement, le paiement évident ici et comme je l'ai dit, je ne céderai rien de cette montagne et du trésor de Smaug. Alors il me faudra la défendre par moi même. Dîtes à cet homme, Bard, de venir me voir demain. J'ai à lui parler également. Qu'il vienne avec son cheval. Une fois encore, je garanti sa sécurité. Allez maintenant et attendez vous à être reçu par une horde de nains en colère derrière ces portes.

Le roi sourit d'amusement, s'inclina légèrement pour le saluer alors qu'il ouvrait la grande porte. Puis, sans un mot de plus, il s'en alla, beaucoup plus serein avec lui même. Comme avancé, à l'extérieur, il retrouva Thorin et sa compagnie furieux qu'il soit entré dans la montagne, cherchant à savoir ce qu'il y avait fait, ce qu'il avait pu y prendre, l'insultant copieusement. Le roi les ignora superbement, remontant sur son élan pour partir. S'il fut questionné sur son échange avec Nefrea, il ne dit rien et ne dirait jamais rien de ce qu'il avait vécu ce jour là, à personne. Il se contenta de passer le message à Bard avant de commencer à retirer son armée à l'incompréhension totale des autres. Seulement, il ne s'en alla pas vraiment. Il éloigna les siens et les mit en sécurité mais son armée était encore assez proche pour revenir rapidement. Cela et de petits groupes de ses guerriers se mirent à se relayer pour venir surveiller la vallée devant Erebor.

Thranduil avait visiblement, et très raisonnablement, décidé de garder un œil sur les évènements, inquiet de ce qu'il pourrait se passer. Cela tombait sous le sens étant donné que son royaume serait le premier en péril si la Montagne tombait entre de mauvaises mains. Il resta donc, un peu à l'écart, veillant et compte tenu du fait qu'il ne retira pas réellement son armée, il ne devait pas encore être décidé sur le fait de participer ou non à la défense. Ce fut une avancée positive pour Nefrea désormais certain de ne pas avoir les elfes contre lui. Peut-être n'aideraient-ils pas mais au moins, ils ne s'ajouteraient pas au reste.

Comme il l'avait demandé, le lendemain, Bard se présenta à la grande porte sur son cheval, l'homme seul, désarmé et très tendu naturellement. Il était pourtant là et il s'annonça. Nefrea vint ouvrir la porte, lui ordonnant d'entrer avec sa monture et il obéit sagement, les nains montant la garde le laissant passer en grommelant. Il fut bientôt là, face à l'istar noir avec son cheval, la porte se refermant. Sans attendre et sans demander permission, Nefrea entra dans son esprit, dés qu'il capta son regard. Cet homme était celui qui avait tué Smaug et si cela relevait du cauchemar, il voulait voir ce qu'il s'était passé. Mais il voulait aussi voir qui était cet homme et ce qui l'avait poussé à cet acte innommable.

Cela ne lui prit qu'une seconde pour tout voir et lorsqu'il se retira, l'homme porta une main à sa tête, un peu perdu et confus mais parfaitement bien. Cela donna le temps à Nefrea de lui tourner le dos pour qu'il ne puisse voir son visage tordu de souffrance et de tristesse, ses dents serrées après cette vision de la mort de son amour. Sa colère et sa douleur le poussèrent à haïr cet homme dans leur réaction toute instinctive. Pourtant, il ne pouvait pas. Il ne pouvait pas parce qu'il comprenait, il l'avait vu et senti en lui. Bard n'avait jamais voulu faire cela, en arriver là. Il avait tout fait pour empêcher les nains d'aller à Erebor, il avait tout fait pour persuader sa communauté de ne pas les aider, les mettant en garde contre le danger. Il savait pertinemment que le trésor était maudit et qu'il n'était pas à eux. Ce qu'il avait fait, il l'avait fait pour protéger les siens, sa famille, ses enfants. Pour l'avoir fait lui même, pour le faire encore à cet instant, il ne pouvait que comprendre.

Il avait lu en lui, il voyait son aura, son âme, son esprit. Bard était un homme bon, humble, simple, généreux, soucieux des autres et de la paix, courageux, bienveillant, respectueux, ouvert d'esprit… C'était un homme comme il n'en n'existait que peu, une âme précieuse. Il n'était pas là pour le trésor, il n'était pas là par avidité. Tout ce qu'il voulait était ce qui était nécessaire pour permettre à son peuple de survivre et de commencer à reconstruire décemment. Il ne demandait rien de plus et il n'avait nulle autre solution, aucune aide à attendre de personne. Il était là pour tenter de sauver les siens et là encore, Nefrea ne pouvait qu'admirer. Des personnes comme lui feraient des mondes plus beaux si elles étaient plus nombreuses. Aussi, il mit sa force et sa raison à réfréner sa rage instinctive contre lui. Bard avait tiré sur Smaug mais il n'était pas responsable. Les nains l'étaient, il en revenait encore et toujours à cette conclusion. Il prit une grande inspiration et reconstitua un visage calme et froid alors que l'homme parlait :

- Vous avez demandé à me rencontrer ? commença-t-il prudemment et tranquillement.

- En effet. Avant tout, sachez que la vie que vous avez prise, celle de Smaug, m'est précieuse. Extrêmement précieuse.

- J'en suis désolé, répondit-il sincèrement. J'en suis désolé mais je ne vous dirai pas que je regrette.

- Ce serait mensonge, remarqua l'istar. Toutefois, je sais pourquoi vous l'avez fait et par qui vous y avez été poussé. Vous avez tiré mais sachez que je ne vous considère pas responsable de cette tragédie. Vous ne pleurerez pas Smaug et je ne pleurerai pas ceux de votre peuple qui ont péri dans ses flammes. Tous nous avons enduré une grande souffrance avec cela. Mais nous ne pouvons nous y attarder pour le moment. Alors venons en au fait. Vous êtes ici pour réclamer une part du trésor pour reconstruire votre peuple. Est-ce bien cela ?

- En effet. C'est ce qui avait été promis.

- Promis par Thorin mais il a promis de vous donner quelque chose qui ne lui appartient pas. Ce trésor appartient à Smaug et comme je l'ai déjà dit plusieurs fois, je le protégerai jusqu'au bout. Pas une pièce ne quittera Erebor.

- Pourquoi ? Vous n'avez pas besoin de tout cet or, fit-il l'air désespéré.

- Comme tout les hommes vous ne voyez que sa valeur matérielle et pécuniaire. Son intérêt à mes yeux est bien loin de cela et complètement différent. De plus, ce trésor ne m'appartiens pas et j'ai juré de ne jamais en soustraire une poussière. Malgré cela, je comprend votre problème. Je vais donc vous aider.

D'un geste de son bâton, il fit apparaître une charrette de bois sur laquelle se trouvait quatre énormes coffres.

- Ceci est pour vous, fit Nefrea.

Curieux et intrigué, Bard approcha des coffres, entreprenant d'en ouvrir un pour voir ce qu'il y avait à l'intérieur. Nefrea en profita pour tendre une main au cheval qui vint joyeusement vers lui, se laissant caresser paisiblement. L'homme était à des lieux de cela lorsqu'il découvrit ce qu'il y avait dans ces énormes malles. De l'or, des pièces d'or à raz bord. Mais ce n'était pas n'importe quel or. C'était des gallions. Des gallions un peu modifiés en prévision de cela. Nefrea avait changé leur apparence, laissant le dragon sur une face, retirant les écrits sur leur valeur et leur provenance et remplaçant le visage de l'autre face par l'image d'une étoile. Il laissa Bard se remettre alors qu'il trouvait la même chose dans les trois autres, puis il prit la parole, continuant à cajoler le cheval noir :

- Ces pièce font deux fois le poids de celles dont vous avez l'habitude. Elles sont faîtes d'un or extrêmement pur et magique et ont énormément de valeur. Alors ne vous faîte pas avoir lorsque vous les utiliserez.

- Je ne comprend pas, remarqua-t-il perdu. Vous avez dit…

- Que je ne céderai pas une seule pièce du trésor de Smaug. Seulement, cet or n'appartient pas à Smaug, à cette Montagne. Cet or vient de mes possessions personnelles que j'avais bien avant d'arriver ici. Je n'ai aucun attrait pour les richesses et cela m'a été offert d'une certaine façon, je n'ai pas cherché à l'acquérir. Je n'en n'ai pas l'utilité mais je l'ai gardé en me disant que cela servirait peut-être un jour. C'est le cas. Je vous l'offre. Prenez le et surtout, éloignez votre peuple d'ici. Bientôt, les hordes maléfiques seront là. Éloignez les, mettez les en sécurité. Retournez vers Esgaroth. Demandez l'aide du roi Thranduil pour obtenir le nécessaire et peut-être un abri pour l'hiver aux abords de sa forêt. Elle est magique, l'hiver y sera supportable pour les vôtres. Je vous dirai bien de réclamer l'aide des nains pour reconstruire Esgaroth puisque que tout ceci est de leur faute mais je doute qu'ils coopèrent. Je vous donne cet or mais en échange, vous faîte partir votre peuple d'ici et vous renoncez à toute prétention sur cette montagne et ce qu'elle contient. Vous n'envahirez plus le Royaume de la Montagne, les Terres Désolées comme vous les appelez. Vous respecterez le royaume comme tout autre et nous serons en paix. Ce sont là mes conditions non négociables.

- Je les accepte, répondit-il sans hésiter avec signe de tête reconnaissant. Merci, vous nous sauvez.

- Ce n'est pas pour vous, c'est pour la paix de ces lieux que je chérie. J'ai enchanté ces coffres. Vous êtes sage et vous dirigez les vôtres, ils ont confiance en vous. Nul autre que vous ne pourra les ouvrir et en retirer de l'or. Et si quelqu'un venait à essayer d'emporter les coffres, de les voler, ils tomberont au sol, se scelleront et ne bougeront plus jusqu'à ce que vous veniez les récupérer. Ainsi, personne ne pourra vous les prendre, prendre cet or. Faîtes en bon usage, utilisez le avec raison, économie, prudence, intelligence et votre ville pourra renaître et prospérer.

- J'y veillerai. Merci.

- Une dernière chose, dit-il en faisant apparaître une bille de verre qu'il passa un moment à enchanter.

Bard regarda l'objet briller dans sa main alors que son bâton s'illuminait. Cela ne prit qu'une minute et l'istar releva le regard vers lui, lui tendant l'objet qu'il vint prendre délicatement.

- J'ai enchanté ceci. Esgaroth avaient des richesses même si elles ont été volées et monopolisées par votre ancien maître.

- Tout a coulé maintenant, déplora-t-il.

- Retournez à Esgaroth et jetez ceci au centre des décombres de la ville. Sa magie vous restituera ces richesses volées et vous pourrez les reprendre pour votre communauté, dit-il en le stupéfiant. Ainsi, vous avez ce qu'il faut pour la suite. Quand à moi, sachez que je défendrai ce royaume et que je ne laisserai pas le mal s'y répandre et passer, assura-t-il avec force.

- Merci, répondit-il à nouveau en serrant la bille dans sa main.

Nefrea lui répondit d'un signe de tête, parlant en elfique au cheval qui alla se mettre en place devant la charrette très docilement. De sa magie, il métamorphosa son harnachement pour qu'il convienne à l'attelage, expliquant à Bard que la charrette était enchantée pour que son cheval puisse tirer cette masse sans mal. Il termina de parfaire l'attelage avant de saluer l'homme, de lui rappeler de faire en sorte que lui et son peuple tiennent parole et s'en aille rapidement pour être à l'abri du danger. Extrêmement reconnaissant, ne croyant pas sa chance, Bard le remercia une dernière fois avant de le saluer respectueusement et de s'en aller lorsque les portes furent ouvertes.

Lorsque les autres apprirent ce qu'il avait obtenu, ils eurent bien du mal à en revenir, n'ayant pas cru un instant que l'istar noir les aiderait. Malgré l'explication de Bard sur la provenance de l'or, les nains étaient persuadés qu'il s'agissait d'une part du trésor d'Erebor, furieux. S'ils le réclamèrent pour eux, Bard et les siens ne se laissèrent pas faire, toujours dans une immense colère pour les nains et ce qu'ils avaient provoqué. La petite compagnie ne faisant pas la poids face à eux, ils furent forcés d'abandonner. Le lendemain, le peuple d'Esgaroth s'en allait avec ses coffres et les vivres que Thranduil avait amené et laissé pour eux.

Nefrea quand à lui, était retourné se blottir sur le sol d'or de la galerie, éreinté mais déterminé, s'accrochant à l'espoir et à sa volonté de protéger leur demeure. Il se forçait à manger et à boire, perçant l'approche progressive des armées naine et orcs. Les nains, le hobbit et le magicien Gris demeurèrent à la porte, tentant encore d'entrer, un peu désespérés de voir que plus personne n'était là pour défendre la Montagne à leur yeux. Pourtant, Nefrea n'était pas décidé à perdre cette bataille, à céder et il y jetterai toute sa volonté.