Chapitre 6
Les équipes de Serpentard et Gryffondor avaient finalement terminé le match sur une égalité terne, de justesse. Alors que le score était de cinquante à cent quatre-vingt-dix points en faveur des lions, Malefoy s'était saisi du vif d'or après une course acharnée avec Potter et avait pensé un instant avoir arraché la victoire. C'était sans compter sur la détermination de Ginny Weasley, qui était parvenue à berner le gardien des verts et argent, Miles Bletchley, pour marquer dix points supplémentaires dans la seconde qui précédait la prise de la petite balle dorée.
En assistant à la rencontre, Hermione avait pris conscience d'un paramètre - outre l'état de surexcitation improbable dans lequel la mettait le Quidditch. La concurrence entre Gryffondor et Serpentard était bien moins marquée que dans son monde d'origine. Hermione avait noté la présence du directeur de la maison Serpentard, sans le reconnaître. C'était un homme maigre, aux cheveux jais. Il avait plutôt de beaux traits, mais paraissait complètement déprimé. Il n'avait manifesté qu'un intérêt limité pour le match, et semblait se ficher complètement du résultat. En revanche, à en croire les regards courroucés lancés par James Potter vers le clan Serdaigle et leur directeur Severus Rogue, le match opposant les deux maisons s'annonçait des plus tendus. C'était sans parler des semaines qui allaient le précéder et où tous les coups seraient permis. À cette pensée, loin d'être intimidée, Hermione se sentait ragaillardie et prête à en découdre. Néanmoins, il faudrait patienter un bon bout de temps avant de mettre ses ardeurs à l'œuvre, car les rouge et or ne rencontreraient pas l'équipe des aigles avant la fin mai.
L'après-midi du dimanche avait été consacrée aux montagnes de devoirs donnés par le professeur Rogue, et ils étaient si complexes qu'Hermione n'eut pas une minute pour mettre le nez hors de sa chambre, et encore moins à la bibliothèque. Être en septième année avait cela de commode que les dortoirs n'étaient partagés que par deux voire trois élèves. Chacune ou chacun disposait non seulement de son lit et d'une armoire, mais également d'un petit bureau et d'un espace de rayonnages où entreposer grimoires et devoirs en cours. Après avoir posé le point final de sa rédaction, Hermione frissonna. Le mois de novembre ne faisait aucun cadeau, et le ciel gris perle menaçait à chaque instant de doucher le monde de ses rinceaux d'eau glacée. En attendant, le vent sifflait contre les fenêtres qui tremblaient sous ses assauts, et les courants d'air saisissaient les chevilles des élèves encore trop optimistes pour avoir sorti leurs chaussettes de laine. Hermione fouilla dans sa malle, qu'elle trouva franchement désordonnée, et en exhuma un pull à grosses mailles gris souris, qu'elle passa sur ses épaules. D'un sortilège rapide, elle replia les vêtements qui se trouvaient en boule, envoya filer vers la corbeille à papier une plume cassée et un parchemin déchiré. Elle classa parmi une jolie collection deux numéros de Balai-Magazine puis replia un exemplaire de la Gazette du Sorcier. L'enveloppe blanche, qui l'avait tant bouleversée, tomba à plat sur ses genoux. Elle lança un regard à la dérobée vers Isobel qui lui tournait le dos, courbée sur son bureau et enterrée sous un amoncellement de châles. Ainsi accoutrée, elle avait un air de Sybille Trelawney. Sa plume crissait régulièrement.
Les mains tremblantes, Hermione relut la lettre et se trouva dans le même état de doute que celui qui l'avait saisie lors de son attente à Sainte-Mangouste. Bien au-delà des sentiments d'injustice et de culpabilité, elle ressentit la solitude, une profonde, lancinante et envahissante solitude. Elle s'insinuait dans tout son être, à la manière de la bise de novembre entre les pierres du château, dans les moindres recoins, irrépressible. Ses yeux s'embuèrent.
- Isobel ? appela-t-elle, tout bas.
- Mmh… quoi ?
Le grattement de la plume se poursuivit.
- On se connaît depuis longtemps, n'est-ce pas ?
La jeune Serdaigle s'immobilisa.
- Evidemment.
Elle reprit sa rédaction.
- Je peux te… faire confiance ? Je... peux te… dire des choses ?
Isobel pivota sur sa chaise et posa sur elle ses yeux menthe, légèrement plissés.
- J'aimerais bien que tu me dises des choses, en effet. Ton comportement depuis quelques temps est vraiment trop bizarre. Sans parler de tes évanouissements. Je me demandais quand tu allais enfin lâcher le morceau.
Hermione se passa les mains à plat sur le visage, referma sa malle dans un claquement étouffé, avant de s'asseoir sur le bord de son matelas. Puis elle regarda l'extrémité de ses pieds. Longtemps.
- Hermione ?
- C'est tellement délicat…
- Tu es malade ? questionna-t-elle, les yeux pleins de sollicitude.
Hermione secoua le visage.
- Non, enfin… non, pas vraiment.
L'autre couina et porta ses mains à sa bouche.
- Tu es enceinte ! s'égosilla-t-elle.
- Quoi ? Non ! Enfin, Isobel ! la rabroua-t-elle vivement.
- Merlin, merci !
Finalement, elle se lança.
- Qu'est-ce que tu dirais si… si je n'étais pas vraiment moi ? Si… si j'étais une autre Hermione, commença-t-elle en se massant les tempes.
La grimace d'Isobel témoigna de son incompréhension totale.
- Bon. Je suis Hermione. Mais je viens d'une…
D'une quoi, au juste ? De quoi venait-elle exactement ? D'une autre dimension ? D'un autre monde ?
- D'une… sorte de réalité parallèle, conclut-elle.
Les sourcils d'Isobel s'étaient perchés si haut qu'ils avaient presque disparu sous les mèches brunes de sa frange.
- Est-ce que tu… as pris une potion, une drogue, Hermione ?
- Oh, laisse tomber.
- Non, non, continue ! Si ce que tu veux me dire peut expliquer tes résultats soudainement brillants, ta répartie face à Zabini, le fait que tu termines tes devoirs plus rapidement que moi sans copier mes parchemins, tes endormissements inexplicables et ton comportement étrange, pitié, continue.
- Je viens d'une réalité qui ressemble à celle-ci mais qui est aussi… complètement différente. Où Harry Potter et Ronald Weasley étaient mes meilleurs amis.
Isobel pouffa.
- Où Tom Jedusor se faisait appeler Voldemort…
- Vol de quoi ?
- Où il était surpuissant, avait presque vaincu la mort et faisait régner la terreur. Nous le combattions, bien sûr. Il y a eu une guerre, une guerre des sorciers. Harry devait être celui qui le tuerait, c'était écrit, cela avait été annoncé par une prophétie. Tout était différent, Isobel… Ta tante enseignait la métamorphose à Poudlard, le professeur Rogue était agent double, James Potter et Lily Evans avaient été assassinés par Voldemort. Peter Londubat n'existait même pas, puisque ses parents avaient été torturés jusqu'à en perdre la raison peu après la naissance de son aîné, Neville. Et j'ai dû imposer de faux souvenirs à mes parents pour que les sbires de Voldemort ne les recherchent pas. Ils m'ont oubliée.
- C'est horrible…
- J'ai vécu l'enfer, vraiment…
Elle déglutit avec difficulté. Son cœur battait si fort qu'il en devenait presque douloureux, et sa gorge lui faisait mal à force de se serrer.
- Quant à toi… ton père a été tué par les serviteurs de Voldemort.
Isobel plaqua à nouveau ses mains sur sa bouche et étouffa un couinement.
- Tu n'existais même pas.
Hermione appuya ses pouces contre ses paupières fermées. Le silence avait envahi la pièce, épais, dense, collant.
- Nous avons gagné la guerre. Il y a eu des morts, beaucoup de morts. Et moi… je ne m'en suis pas remise. J'ai préparé cette potion et j'ai… pensé me suicider.
- Hermione !
- Et je suis arrivée ici. Pendant le cours de potions, sur la métamorphose du rat jaune. Incroyable, hein ? Je comprendrais que tu penses que je suis folle.
À présent, incrédulité, curiosité et surprise se mêlaient dans le regard d'Isobel, qui avait lâché sa plume et se cramponnait au dossier de sa chaise.
- Mais alors… où est… où est Hermione ? questionna-t-elle un peu bêtement.
- C'est le cœur du problème… il faut que je revienne dans mon monde, et que cette Hermione puisse reprendre sa place. J'ai… j'ai ses souvenirs, et les miens. Je suis elle, mais pas complètement. Isobel, je suis Hermione Granger, mais je ne peux pas…
Elle secoua la lettre de sa mère pendant un instant.
- … je ne peux pas décemment prendre la place de cette Hermione auprès de ses amis, de ses parents. Je dois rentrer.
- Mais comment est-ce que tu peux revenir dans… ton monde ?
Sa voix ne tremblait pas. Était-elle décidée à l'aider ? À cette pensée, à l'idée de ne plus être seule, Hermione sentit une frénésie s'emparer de ses méninges.
- Je dois trouver le nom de la potion que j'ai prise car… je n'en ai aucune idée.
- Vraiment ?
- Oui, je sais… c'est… c'est imprudent.
- Carrément suicidaire !
- Je te rappelle que c'était le but, rétorqua Hermione.
Isobel ne broncha pas.
- Je dois trouver le nom de cette potion, et ensuite l'antidote.
- Il y a des tonnes de livres de potions à la bibliothèque, indiqua la jeune Serdaigle.
- Attends… c'est plus compliqué.
Isobel fronça les sourcils, comme si la situation avait déjà atteint le sommet de sa complexité, et qu'elle ne pouvait pas l'être davantage.
- Parfois, je retourne là-bas, quand je m'évanouis. Mon corps y est comme… endormi. J'ai vu des choses. Cette potion… c'est une potion de Magie Noire.
Alors qu'elle pensait que l'autre allait s'étrangler une fois de plus, elle lui jeta un regard d'incompréhension, comme si elle se faisait du souci pour pas grand-chose.
- Et alors ? Il y a des tonnes de livres de potions… de Magie Noire, à la bibliothèque.
La cervelle d'Hermione carbura alors encore plus vite. Cela serait peut-être facile, finalement !
- Tu veux bien me montrer ?
L'expression de l'écossaise changea du tout au tout et elle sembla presque gênée d'être si facilement percée à jour.
- Je… commença-t-elle en baissant les yeux. J'ai encore beaucoup à faire pour mon devoir de potions. Sans compter mon arithmancie et mes runes.
- Je peux t'aider, si tu veux ! proposa Hermione spontanément.
- Non, merci. Ça ira.
Elle était soudain devenue froide et opaque comme un loch. C'était peut-être logique, puisqu'elle venait d'apprendre que sa meilleure amie ne l'était en fait plus vraiment. Pire, qu'une étrangère la lui avait ravie. Cependant, Hermione restait décidée à préserver sa relation avec Isobel. Elle lui était nécessaire. Elle était la seule à savoir. La seule… digne de confiance.
- Merlin ! Il est déjà dix-sept heures cinquante !
Une fois encore, Hermione se pointa à la porte de la salle de potions juste à temps pour ne pas être en retard. Rogue ne commenta pas, pas plus qu'il ne revint sur leur échange de la nuit du vendredi précédent. Hermione n'en parla pas non plus, bien qu'elle resta persuadée que le professeur Rogue en savait bien plus qu'il ne voulait l'admettre. Elle fut chargée, ce soir-là, de la préparation du stock de Pimentine de l'infirmerie pour l'hiver à venir. Le professeur Rogue ne revint pas sur la perfection de sa potion, et n'admit pas non plus à quel point il était abasourdi par ses progrès et l'étendue de ses connaissances. En fait, il fit juste exactement comme si de rien n'était.
Tous les temps libres d'Hermione furent ensuite consacrés au passage en revue des livres de potions noires qu'elle avait dénichés. Elle avait été sidérée de constater que la bibliothèque ne comportait aucune réserve. Les grimoires de Magie Noire côtoyaient les volumes classiques, sans distinction. Elle ne sut pas si elle trouvait l'idée géniale ou terrorisante. Après tout, ne craignait-on pas ce que l'on ignorait ? Étudier la Magie Noire… cela ne pouvait-il pas lui ôter toute dimension sordide ? En quelques dizaines de minutes à peine, Hermione s'était entourée de tous les recueils possibles et à peine imaginables traitant de potions noires. Ils regorgeaient de recettes répugnantes ou effrayantes, voire les deux. Les tables des matières ne comportaient pas toujours de clef de recherche par ingrédient, et elle avançait lentement, très lentement… A présent, on s'était habitué à la voir filer de la Grande Salle son petit déjeuner à peine terminé, en direction du quatrième étage. Plus personne ne s'étonnait de voir Hermione Granger crouler sous les parchemins, de l'encre au coin des lèvres, les cheveux en bataille à force de trop se triturer le crâne. Quelle que soit sa motivation, la plupart des habitants Poudlard avaient fini par admettre qu'elle était bel et bien décidée à décrocher les deux ASPICs auxquels elle prétendait. Même le maître des potions ne levait plus le regard quand elle passait devant la table des professeurs, tellement absorbée par ses notes qu'elle manqua, un jour, de se prendre les pieds dans le tapis du hall.
Le mois de novembre galopait, charriant son lot de rédactions, de mémoires d'études, de comptes-rendus d'expériences, de retenues… L'air glacé de la fin d'automne rendait les entraînements de Quidditch de plus en plus épuisants. Hermione passait un temps fou à la bibliothèque et ne trouvait rien. Toujours rien, jamais rien. Pas un indice sur une potion qui regrouperait les ingrédients qu'elle avait glanés dans son monde d'origine.
Elle soupira et posa ses yeux bouffis sur sa montre dorée, il était déjà presque dix-neuf heures, et elle avait l'impression que minuit approchait. Elle relut ses notes concernant un philtre de désir incontrôlable, l'Aphrödelirium, qui comportait aussi l'usage du psilocybe et de la belladone. Mais cette potion n'avait rien en commun avec celle qu'elle avait ingérée… et il n'était pas mentionné l'usage du sang. Et puis… elle ne ressentait pas un désir si irrépressible qu'il pourrait la conduire au viol. Elle grimaça. Autour d'elle, les allées se vidaient et les chuchotements se faisaient rares. Elle ne croisait de toute façon pas grand monde pendant ses recherches, car elle avait pris soin de s'installer un peu à l'écart, au petit bureau le plus instable et le moins prisé. Il était caché entre les rayonnages les plus poussiéreux, ceux de la sections Moldus et des objets magiques. Le sang palpitait sous ses tempes. Elle plissa les paupières et se laissa retomber contre le dossier de sa chaise en se massant le front. Un "bonsoir" bien connu lui rouvrit les yeux de force. Le professeur Rogue venait de saluer Mme Pince, dans le hall de la bibliothèque, un peu plus loin. Il balaya la pièce du regard, mais ne vit pas Hermione. Ce n'est qu'après s'être avancé vers l'étagère derrière laquelle elle était à demi-dissimulée qu'il la remarqua.
- Bonsoir, Miss Granger.
Il se planta devant sa table et se saisit du volume : "Faire le bien avec le mal", qu'il feuilleta rapidement.
- Vaste programme…
Il posa de nouveau les yeux sur elle, et la détailla un bon moment. Elle ne chercha pas à éviter son regard. De toute façon, elle n'avait rien à cacher. Et puis… la légilimancie serait vaine, puisqu'elle était bien trop épuisée pour penser à quoi que ce soit.
- Vous avez… de l'encre… là.
Le professeur Rogue passa son index à la commissure de ses propres lèvres qui restèrent entrouvertes un court instant, toujours sans la quitter des yeux. Bêtement, par mimétisme, elle l'imita, et essuya du pouce le coin de sa bouche. Puis elle secoua la tête, un peu perturbée par cet échange saugrenu. Par le long regard qu'elle avait laissé traîner sur les lèvres du professeur Rogue, aussi. Elle y avait même entrevu la pointe de sa langue. Bon Dieu, il faisait chaud.
- Vous devriez faire une pause, suggéra-t-il, la voix rauque.
- Sans aucun doute, acquiesça-t-elle en rassemblant livres, plumes et parchemins un peu trop brusquement, comme si elle avait été prise la main dans le sac.
Le maître des potions lui tendit "Faire le bien avec le mal", dont elle se saisit sans vraiment faire attention. Quand elle percuta qu'il ne lâchait pas l'ouvrage, elle leva les yeux. Les sourcils du professeur Rogue s'étaient légèrement haussés, et il désigna du regard la couverture du volume qui titrait à présent : "27 novembre, Glanmore Peakes, 17h05"
Le front d'Hermione se plissa. Que pouvait bien être Glanmore Peakes ? Une ville ? Un nom ? Elle était persuadée d'avoir déjà lu ces mots quelque part… Elle chercha une explication dans le regard du maître des potions. Sans lui en fournir aucune, il tourna les talons, et elle conserva les yeux sur le volume qui avait à présent repris son titre initial.
- Bonsoir professeur, salua une voix masculine.
- Au revoir, Weasley, l'entendit-elle répondre.
Hermione leva les yeux.
- Tiens, salut Granger.
Ronald Weasley était apparu à l'angle du rayonnage consacré aux objets magiques. Il tenait sous son bras un gros volume : "Vie et mœurs des Moldus de Grande-Bretagne".
- Salut, Ron, lança-t-elle sans y penser.
- Ron, depuis quand est-ce que tu m'appelles Ron ?
Le rouquin écarta bruyamment la chaise qui se trouvait près d'Hermione et s'y laissa tomber, un sourire fourbe collé sur le visage.
- Quoi ?
Il eut un rire malin.
- Tu sais, Granger, tu es beaucoup plus jolie depuis que tu fais moins la maligne.
La bouche d'Hermione s'entrouvrit de surprise et elle prit un air ouvertement scandalisé. Seulement, voilà, son cerveau fonctionnait au ralenti tant il avait été mobilisé pour décrypter des recettes plus complexes les unes que les autres. Sans crier gare, Ron passa un bras autour de ses épaules. Son sang ne fit qu'un tour.
- Mais qu'est-ce que tu fous Weasley ? Lâche-moi ! s'exclama-t-elle à voix basse.
Ils étaient dans la bibliothèque, tout de même. Pas question d'y faire un scandale.
- Oh, ça va, ça va ! se défendit le rouquin en regardant autour de lui, peut-être pour vérifier que personne n'avait été témoin de la scène.
- Ne refais plus jamais ça, cracha Hermione. Essaie plutôt de draguer des filles qui sont intéressées. Pour ma part, tu me dégoûtes franchement.
- Quoi ? s'écria-t-il. Mais tu prends tes désirs pour des réalités, Granger ! Te draguer, moi !
Il se releva et lissa son uniforme, la mine outrée.
- Franchement, un boudin comme toi !
Hermione était sur le point de répliquer, quand on s'exclama :
- Mais tu n'as pas honte ?
La face de Ron s'affaissa. Quelqu'un était apparu derrière Hermione, et ce quelqu'un semblait décidé à prendre sa défense. Et, vue son énergie, elle lui en était reconnaissante. Elle se retourna sur sa chaise. Ginny se tenait là, le visage plein de mépris.
- Tu te comportes vraiment comme un gros dégueulasse, ajouta-t-elle sans broncher davantage.
Elle était droite et avait l'air si digne et si scandalisée qu'elle fut un instant le portrait craché de sa mère.
- Mais… c'est Granger, elle est complètement hystérique.
Ginny leva un doigt vers son frère.
- N'essaie pas de me prendre pour un Scroutt à pétard, Ronald Weasley, j'ai tout vu ! Et tu ferais mieux de la laisser tranquille. Granger ne t'a rien fait du tout, tu es plus lourd qu'un Éruptif !
- Oh, ça va. Mêle-toi de ce qui te regarde, bafouilla Ron, écarlate.
Et il s'éloigna, sans même poser les yeux sur Hermione, qui se retourna vers Ginny.
- Merci, lança-t-elle.
La rousse soupira et secoua la tête.
- Pas de quoi.
Et elle s'éloigna à son tour, laissant Hermione plus vide que jamais, Ron se comportait exactement comme le goujat qu'il avait toujours été, et Ginny était toute aussi droite et fidèle que dans son monde d'origine. Pour autant, elle n'était pas son amie, et le gouffre qui les séparait était tel qu'elle ne le serait probablement jamais. A cette pensée, ses yeux s'embuèrent légèrement, et elle sursauta à l'annonce quotidienne, monotone et menaçante de Mme Pince : "Il est dix-neuf heures cinquante, la bibliothèque fermera ses portes dans dix minutes. N'oubliez pas vos emprunts, les retards seront sanctionnés, tout élève traînant dans la bibliothèque après vingt heures sera convoqué chez le Directeur".
