Chapitre 2
L'homme lui sourit doucement et marcha dans sa rangée entre les fauteuils pour se diriger vers la sortie gauche de l'amphithéâtre. Drago le suivit dans la même direction dans sa propre rangée. Il dut attendre qu'un couple de sorciers âgés sortent devant lui pour rejoindre le couloir de l'entrée.
La lumière était beaucoup plus vive lorsqu'il déboucha sur le vaste hall. Il cligna des yeux pour s'habituer tout en cherchant son interlocuteur. Il l'attendait juste devant le grand comptoir de l'entrée, toujours avec son doux sourire. Drago se sentait à la fois curieux et déçu, presque en colère que cet homme ne soit pas Harry alors que le parfum ne pouvait pas le tromper. Mais vraiment cet homme était radicalement différent de Harry Potter.
L'homme le voyant s'approcher se redressa un peu et jeta un œil vers l'extérieur à travers la grande verrière de la façade, avant de fixer Drago.
- « Il y a une brasserie à cent mètres d'ici. J'y ai pris le petit-déjeuner ce matin et j'ai également réservé pour 13h. Voulez-vous déjeuner avec moi ? Nous pourrions discuter ainsi sans perdre de temps avant le début des conférences de cet après-midi.
- Pourquoi pas, c'est effectivement une bonne idée et j'avoue ne pas avoir pensé à réserver un restaurant. Je ne pensais pas qu'il y aurait autant de monde.
- Il y a également une très grande cafétéria qui sert des plateaux repas de l'autre côté du hall. Mais il y aura énormément de brouhaha et nous risquons d'être dérangés par nos confrères pendant notre conversation, reprit l'homme en souriant secrètement. Si j'essaie de vous convaincre de m'accompagner à la brasserie, reprit-il, c'est aussi parce que ce matin, j'ai été tenté par le cuisinier qui préparait de magnifiques lasagnes, c'est la raison pour laquelle j'ai réservé. Et son sourire monta jusqu'à ses yeux qui se mirent à briller de plaisir.
- Très bien, je vous suis, répondit poliment Drago bien qu'amusé par le comportement assez enfantin de l'homme. »
Ils partirent presque exactement au même moment et se trouvèrent devant les portes ensemble sans savoir qui allait ouvrir cette dernière et la tenir à l'autre. Alors l'homme se mit à rire d'un seul coup, il se recula et laissa passer Drago qui poussa la porte vers l'extérieur avant de la retenir pour laisser passer son compagnon. Il était presque figé, son souffle et son cœur retenus pour mesurer ce rire. Cette musique, ce rythme, cette petite chanson… Ce rire était presque celui de Harry excepté qu'il était nettement plus grave, plus profond. Il se ressaisit d'un coup et suivi son collègue tout en gardant à l'esprit d'être plus attentif à cet homme qui se faisait appeler Thomas Craven. Mesurant son léger retard, il marcha plus vite pour tenter de rejoindre son compagnon. Il s'aperçut alors que l'homme boitait très légèrement, mais très vite il se retourna vers Drago pour l'attendre et régler son pas sur celui de Drago le long du trottoir qui descendait vers le boulevard. L'homme entama la conversation.
- « Alors qu'avez-vous pensé de cette introduction ?
- C'était passionnant et j'ai hâte d'entendre les autres chercheurs développer leurs théories, répondit franchement Drago.
- Oui je suis d'accord avec vous. J'espère même quelques échanges avec certains d'entre eux car je trouve des divergences dans leurs approches. J'ai lu de nombreuses publications les concernant avant de venir ici et je voudrais vraiment discuter avec eux sur certains sujets. »
Il s arrivèrent très vite devant une petite brasserie et l'homme entra le premier cette fois-ci et invita Drago à le suivre.
Ils s'assirent à une petite table dans un angle. La chaleur les entoura, et ils se mirent à l'aise. Rapidement le serveur leur apporta une bouteille d'eau pétillante. Alors qu'ils attendaient leurs plat de lasagnes, Drago laissa Thomas Craven engager la conversation.
- « Je suis impatient d'écouter le spécialiste turque, car il semble qu'il ait détecté l'utilisation de charmes qui participaient à la guérison au Moyen-Orient au X ième siècle avant même que la peste n'atteigne les côtes nord de la méditerranée. J'ai entendu que ses prochaines publications allaient être sensationnelles, donc j'imagine qu'il va nous dévoiler de grandes découvertes cet après-midi.
- J'ai entendu la même chose que vous. Et mes recherches m'ont également amené à penser que des charmes étaient utilisés en Europe du Nord et en Grande Bretagne dès le début du XIV ième siècle. Peut-être que ce sont des charmes similaires ou qui ont des liens de parenté.
- Vous êtes Maitre des potions, allez-vous intervenir ou êtes-vous venu comme moi en spectateur?
- Oui tout à fait, j'interviens après-demain avec un chercheur néerlandais avec qui je forme une équipe de recherches sur les potions. Nous avons fait quelques avancées intéressantes que nous proposons de partager et ainsi ouvrir le débat. D'ailleurs cela vous intéressera surement car nous y parlerons de charmes également. »
Leur conversation s'interrompit lorsque le serveur déposa devant eux deux belles assiettes fumantes et magnifiquement garnies. Thomas s'installa profondément dans sa chaise et prit rapidement sa fourchette dans sa main. Ses yeux pétillaient de joie puérile et lorsqu'ils se fixèrent sur Drago, il fut totalement charmé par ce regard intense.
- « Bon appétit ! Voyez, je ne vous ai pas menti quand je vous disais qu'elles étaient magnifiques ces lasagnes ! Il enfonça sa fourchette profondément dans son plat et regarda sa fourchetée avec gourmandise.
- Merci et bon appétit aussi, répondit Drago amusé par le comportement de son collègue. »
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Le silence s'installa pendant qu'ils mangeaient avec appétit. Bientôt les assiettes furent propres et la conversation se réinstalla. Ils discutèrent du programme de l'après-midi. En effet Drago allait écouter une conférence sur la botanique et son application au cours du moyen-âge dans les couvents alors que Thomas allait écouter une conférence sur l'utilisation de la magie ancienne pour dater des sarcophages.
Ils convinrent de se retrouver devant le grand amphithéâtre à la fin de la journée pour aller diner ensemble et partager les éléments importants de leurs conférences respectives.
Durant tout le repas, Drago n'avait cessé d'observer l'homme et il y avait des petits moments étranges ici ou là qui amenait Drago à penser que c'était Harry Potter devant lui, et beaucoup d'autres moments ou ses attitudes l'en éloignaient.
Drago était sûr que l'homme n'utilisait pas de polynectar car ils ont bu à partir de la même bouteille et à aucun moment Thomas n'avait quitté la table alors que cela faisait largement plus d'une heure qu'ils étaient ensemble. Drago en tant que Maitre des potions savaient qu'aucune avancée technique n'avait permis d'allonger le temps du polynectar. Donc cet homme n'était pas Harry Potter, mais bien Thomas Craven. De toute façon, jamais Harry Potter n'aurait proposé de manger avec Drago ou même discuter avec lui avec autant d'aisance et de facilité. D'autre part, c'était un chercheur accompli, pas un gestionnaire d'aurors arrogant ou même énervant ! Au contraire discuter avec Thomas était facile. Sa conversation enjouée était captivante. Lorsqu'il parlait de ses recherches, il était passionnant. Tout son corps était transformé et il rayonnait. Leurs discussions expertes étaient d'une très grande richesse et ils avaient dû s'interrompre brutalement lorsqu'ils avaient réalisé qu'il était temps de partir pour les conférences de l'après-midi.
Alors qu'ils marchaient en direction du centre des congrès, Drago découvrit qu'il avait passé un très bon moment avec cet homme. Que pour la première fois, il pouvait partager un colloque avec quelqu'un de son pays qui ne le regardait pas avec mépris ou agressivité. Il espérait que pour son exposé, les autres chercheurs anglais présents se comporteraient de la même manière que Thomas Craven et que le débat qui s'en suivra, sera positif pour la recherche mondiale plutôt que malveillant comme cela arrivait encore parfois après ses conférences dans les assemblées où les Anglais étaient très présents.
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Au cours des jours suivants, leurs échanges, leurs discussions se sont enrichies de toutes les découvertes détaillées lors des conférences. Celle de Drago s'était extrêmement bien passée. Ses analyses scientifiques et magiques pour comprendre les mécanismes oubliés et la re-création de la potion utilisée au cours du XIV ieme siècle par les sorciers pour se protéger de la peste ont été très bien accueillies. Les recettes partielles écrites dans de vieux documents en latin et l'analyse des ingrédients de vieilles potions séchées sur des tessons de verre trouvés dans des restes de laboratoires sorciers mis au jour dans des couches archéologiques ont permis à Drago de soumettre plusieurs essais au laboratoire de sciences expérimentales sorcières d'Amsterdam où le reste de l'équipe de chercheurs est arrivée à des résultats très concluants avec le bacille Yersinia pestis.
Evidemment ce qui a le plus enthousiasmé Thomas était la démonstration et les hypothèses de Drago à propos du fait que beaucoup de sorciers du Moyen-Age étaient éduqués et capables de réaliser des potions dans de très nombreuses familles. Certains intervenaient directement auprès des malades et des prêtres qu'ils soient moldus ou sorciers. Ils se protégeaient alors avec un masque en forme de bec contenant des herbes aromatiques infusées de potion contre la peste très concentrée mais également d'un charme de purification très complexe qui était décrit partiellement dans un vieux document d'un marchand de Venise trouvé dans les archives moldues d'Amsterdam. Le masque contre les odeurs, le charme de purification pour nettoyer le pus et tuer par la même occasion des parasites tel que les puces, devaient sans aucun doute protéger les sorciers qui intervenaient auprès des malades. De plus son hypothèse à la suite de la création d'un de ses échantillons de reconstitution de la potion était qu'elle pouvait être facilement diluée dans l'eau des puits et ainsi protéger tout un village. Ce qui expliquerait que la peste pouvait frapper certaines paroisses d'une région mais pas d'autres.
Ce soir-là, après un colloque épuisant mais très enrichissant, Drago et Thomas prirent leur dernier repas ensemble. Leurs discussions furent plus calmes et le silence s'installa souvent entre eux, pendant qu'ils prenaient le temps d'enregistrer l'immenses quantités d'informations qu'ils venaient de collecter au cours des trois jours intenses. Ce moment plus paisible permit à Drago de retrouver une sérénité et du soulagement. Préparer son intervention avait nécessité un grand investissement et il était fatigué.
- « Est-ce que tu vas bien, Drago ? Tu as l'air éreinté mais satisfait. Demanda Thomas alors qu'il l'observait depuis quelques minutes.
- Oui ça va, je te remercie. Ton analyse est juste. Je suis très heureux. Je pense que je n'ai jamais éprouvé autant de satisfaction dans ma vie. Je vais encore avoir beaucoup de travail pour finaliser avec l'équipe la publication que nous allons soumettre le mois prochain, mais globalement je suis comblé.
- Si tu le souhaites, tu peux m'envoyer des ébauches que je peux relire pour t'aider. Lui indiqua Thomas avec un regard volontaire.
- Ce sera avec plaisir. Merci Thomas. Je voulais d'ailleurs te demander si tu voulais que nous correspondions par email pour discuter différents points. Je voudrais effectuer des recherches sur certains sujets à propos desquels nous n'étions pas d'accord et aussi sur des éléments plus historiques que nous avons découverts au cours du colloques.
- Oui Drago, je serai ravi de collaborer ainsi avec toi, se réjouit Thomas. Cependant, je tiens à préciser que je ne dispose pas d'autant de temps que je le voudrais pour effectuer mes recherches. Donc je ne serais peut-être pas un rédacteur régulier.
- Pareil pour moi, je dois produire des potions pour les différents apothicaires que j'approvisionne. J'ai des retards sur les commandes et aussi sur la production des bonbons que je conçois, soupira Drago en se souvenant de toutes les commandes en attente.
- Tu produits des bonbons ? Est-ce que je les connais ? S'enthousiasma Thomas.
- Je ne sais pas si tu les connais, car ils sont plutôt destinés aux enfants. Ce sont des bonbons avec des plantes aromatiques et des remèdes simples pour permettre de soulager des petits maux sans le goût amer des potions que les enfants détestent. C'est Honey-Dukes qui les vend à Pré-au-Lard et les Friandises de Bonbec sur Le Chemin de Traverse.
- Ne te fait pas prier, rit Thomas. Dis-moi quels sont les bonbons que tu fabriques et je te dirai si je les connais, reprit Thomas avec un sourire chaleureux.
- Et bien… Drago posa un petit silence pour le suspense et se sentit léger d'un seul coup. Tout le stress du colloque s'envola et il sourit narquoisement avant de poursuivre. J'ai commencé ma carrière de confiseur par des bonbons à la violette antitussifs, puis j'ai continué avec les Fils aux Sucres à la marjolaine pour calmer les spasmes des bébés et des anxieux et par les Caramels à la Mélisse relaxante, grosse vente à Pré-au-lard avant les examens, soit dit-en passant, et les plus rigolos, les P'tits Obus Venteux aux choux qui donnent de l'énergie et combat l'anémie pendant les mois d'hivers grâce à leur cocktail de vitamines. Les P'tit Obus sont très appréciés des farceurs et le magasin de farces et attrapes des Weasley m'en commande un énorme stock juste avant la rentrée scolaire si tu vois ce que je veux dire. Drago éclata de rire, entrainant Thomas avec lui.
- je connais les P'tit Obus, mon filleul en a acheté au moins 500 grammes à la rentrée avec son argent de poche. Sa grand-mère n'a pas fouillé correctement sa malle avant son départ ou il les avait très bien cachés mais quoi qu'il en soit, il a reçu une détention en cours de métamorphose après en avoir avalé cinq juste avant de rentrer en classe. Thomas ne pouvait plus cacher son amusement et poursuivit. Je vais lui écrire pour lui dire que j'ai rencontré le créateur du bonbon au colloque, il sera fasciné et surpris car il trouve mes recherches barbantes. »
Les yeux de Thomas brillait de plaisir. Et Drago se prit à penser qu'il avait beaucoup de charisme, alors qu'il n'était pas un bel homme. Son regard chaleureux et sa joie de vivre était communicatifs. Drago se sentait accepté par cet homme. Il pouvait se laisser aller à être lui-même sans jugement.
Quand Drago rentra à son hôtel, la joie l'entourait de toute part, son esprit bourdonnait de plaisir et son pas dansait sur le trottoir. Il espérait qu'il avait trouvé un égal, peut-être un ami en Thomas.
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à suivre
