Fanfiction semble avoir un problème de statistiques. Autrement dit, je ne vois pas si je suis lues ou pas depuis un bon mois. Ce qui est un peu déprimant, soyons honnête. N'hésitez pas à me laisser un commentaire, ne serait-ce qu'un "j'ai lu.". Ça fait toujours plaisir!
Bonne lecture!


Sa pommette le lançait terriblement et il avait mal à peu près partout. Plissant les yeux, Rorkalym se découvrit allongé sur une banquette froide dans une grande cellule sombre.
La grille n'était pas fermée, et il entendait des grondements d'effort venant d'un peu plus loin.

Prudemment, il bougea chacun de ses membres, puis se tâta le torse. Rien de cassé. Peut-être une ou deux côtes fêlées, et cette pommette atrocement douloureuse.

Il se sentait pâteux et faible. Pour l'instant, il était au calme, et en relative sécurité. Mais pour combien de temps ? Fermant les yeux, il décida d'en profiter pour se reposer autant que possible.

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Zen'kan aurait bien voulu continuer à être empli de haine contre la bande de connards qui les avaient agressés. Mais c'était difficile de rester énervé alors qu'il peinait à suivre le rythme infernal de l'exercice qui leur était imposé à tous.

Des enchaînements de mouvements sans fin, travaillant force, rapidité, équilibre et endurance, sans pause ni ralentissement, depuis ce qui lui semblait des heures.

C'était visiblement la punition imposée par les « maîtres du couvain » en représailles de la rixe, qu'il n'avait certainement pas commencée, mais à laquelle il avait participé, et avec véhémence.
Ils y avaient tous été forcé, les plus récalcitrants aiguillonnés de quelques coups d'un genre de pique à bétail énergétique. Tous excepté Rory, qui – assommé par un mauvais coup – avait été mis au repos un peu plus loin.

C'était non sans fierté que Zen avait fait plus de dégâts qu'il n'en avait subi. Il était peut-être petit, mais il n'était ni lâche ni faible !
Quoi qu'il en soit, il se réjouissait que cette journée d'enfer prenne fin et qu'il puisse rentrer, retrouver un bon lit, une bonne douche et ses proches !
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« Maman ! T'es enfin là ! »
Abandonnant son petit-déjeuner, Ilinka courut rejoindre sa mère qui venait d'arriver.

« Bonjour mon cœur. Qu'est-ce qui se passe ? »
« Rory et Zen, il leur est arrivé un truc horrible ! »
« Quoi ? »
« Ils ont été enfermés et se sont fait tabasser, et Rory a été gravement blessé, et ... »
« Wow, wow, wow ! Du calme ! Reprends tout depuis le début et lentement, s'il te plaît. »

Inspirant à fond pour se calmer, elle obéit, alors que sa mère se servait une grande tasse de thé.

« OK. De ce que tu me dis, j'imagine qu'ils doivent être avec la dernière couvée de Silla. Ce sont de jeunes guerriers de presque huitante ans qui ont été épargnés lors de la purge des couvains, car jugés assez âgés pour servir la nouvelle reine. Delleb a eu l'idée de les entraîner pour en faire ta future garde rapprochée. Je suppose donc qu'il a été décidé de les mettre tous ensemble pour les entraîner. Et comme en dehors de Rory, ce sont tous des guerriers de Silla, avec la délicatesse, la patience et la subtilité qu'on leur connaît... je devine que ça a dégénéré... J'avoue ne pas avoir eu le temps de me renseigner sur le sujet, mais je peux demander, si tu veux ? »
« Oui ! Et tu peux aussi mettre Milena et Selk'ym au courant ? »
« Bien sûr. Mais dépêchons nous de déjeuner. Delleb est la reine des programmes surchargés. »

Ilinka n'avait pas faim, mais elle obéit et termina son petit bol de gruau.

« Maman ? »
« Oui ? » répondit l'artiste, la bouche pleine.
« C'est quoi le programme pour moi ? »
Sa mère eut une petite grimace.
« Excellente question ! Delleb veut évaluer « l'étendue des dégâts ». Autrement dit, elle veut savoir à quel point on n'a pas fait de toi une garce égocentrique et vaniteuse... Mais comme elle est coincée avec moi jusqu'à nouvel ordre, je suppose qu'elle vas envoyer quelqu'un pour venir te voir. Tu n'as rien à craindre. J'ai déjà prévenu tout le monde, Delleb y compris, que si qui que ce soit lève la main sur toi, il aura affaire à moi, puis à ton père... »
Elle opina, guère rassurée.
« Il est où, papa ? »
Sa mère haussa les épaules.

« J'en sais rien. Il a très vite disparu. Je suppose qu'il s'occupe de ses affaires de son côté. »
Pourquoi se sentait-elle abandonnée ?
Rosanna, sa dernière bouchée avalée, se redressa, s'essuyant la bouche.

« Tu repars déjà ? » demanda-t-elle, le cœur gros.
« Oui, désolée, mon cœur. J'ai énormément de travail. »
« On se revoit quand ? »
« Probablement ce soir pour le souper. »
« OK... Bonne journée. »

Elle aurait voulu lui demander de rester. De ne pas la laisser seule. Mais c'était impossible, et elle le savait.
Se retournant, sa mère vint la serrer dans ses bras.

« Courage, Ilinka ! Je t'aime. Et je vais voir pour Zen et Rory, promis.»
« Merci maman. Je t'aime aussi. »
A nouveau seule, elle fit tristement tourner le fond de son thé dans sa tasse. Elle se sentait tellement seule, perdue et coincée dans un tourbillon terrifiant qui l'aspirait inexorablement.

Un instant, elle envisagea de retourner se coucher. D'enfouir sa tête sous les couvertures et de tout oublier. Peut-être qu'avec un peu de chance, elle se réveillerait à la maison, dans son lit, avec son oreiller et son couvre-lit en patchwork, et Pipeau couché dessus.

Un sanglot la secoua, se bloquant dans sa gorge et, enfouissant son visage dans ses mains, elle se mit à pleurer.
Elle voulait juste se réveiller. Que ce cauchemar prenne fin ! Elle voulait juste se réveiller !

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« Mademoiselle ? Êtes-vous présentable ? Le commandant Zil'reyn demande audience. »
Debout dans le couloir, Zil'reyn laissa Azur l'annoncer et aller à la rencontre de la princesse.

La jeune femelle était effrayée et déboussolée, ses craintes comme une brume empoissant tous les alentours de l'Esprit.
Elle était aussi familière des humains. Bien plus que de ses propres congénères. Envoyer sa servante pour établir le contact était sans doute la meilleure méthode pour l'apprivoiser.

« Elle vous attend, Monseigneur. » lui apprit bientôt Azur, reparaissant.

Il se laissa guider jusqu'au petit salon de réception de la suite qu'elle occupait avec ses parents.

La princesse était assise dans un des fauteuils, tripotant l'ourlet de sa jupe ocre, l'air d'un petit animal apeuré, à moitié cachée derrière ses longues mèches noires.

« Bonjour, mademoiselle. Je suis le commandant Zil'reyn de Delleb. La grande régente m'a envoyé à votre rencontre afin qu'elle puisse se faire un avis sur vous. J'aimerais vous poser quelques questions. Puis-je m'asseoir ? » la salua-t-il, s'inclinant comme il convenait devant une jeune reine.

Ilinka opina.

« Bonjour, monsieur. »

Lissant les pans de son manteau, il s'installa.

De premier abord, toutes les craintes de sa reine semblaient se confirmer. La petite était insignifiante. Aussi docile et effacée qu'une esclave humaine.

Mais c'était au premier abord. On lui avait signalé l'esclandre qu'elle avait provoqué aux petites heures de la nuit, allant jusqu'à sortir un de ses officiers de son travail pour le forcer à s'enquérir de la situation des deux jeunes mâles qui l'avaient accompagnée sur Terre.
Rosanna Gady aussi savait se donner l'air docile et insignifiant, et elle était pourtant la personne la plus estimée par sa noble reine !

Il décida de commencer par quelques questions inoffensives. Pour la mettre en confiance et peut-être briser un peu la glace.

« Comment s'est passé votre voyage ? »
« Ç'a été. »
« Et ces quartiers sont-ils à votre goût ? »
Elle opina timidement, se mordillant les lèvres.

« Ce doit être très différent de ce à quoi vous avez été habituée. Si je peux faire quelque chose pour vous aider à vous sentir plus à l'aise, n'hésitez pas à le demander, princesse. »
Elle lui jeta un petit regard, comme si elle le jaugeait.

« Qu'est-ce que vous attendez de moi ? »
«Je suis juste venu vous poser quelques questions. Pour en savoir plus sur vous. »
« Alors posez-les. »
Il opina. Visiblement, tourner autour du pot n'amènerait à rien.

« Soit. Commençons par le plus simple, votre éducation. Êtes-vous capable d'écrire ? En wraith ? »
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La journée avait été éreintante. Zen'kan se sentait vidé. Trop épuisé pour avoir l'énergie de protester lorsque on le poussa avec les autres dans la grande cellule dont la porte se referma avec un chuintement humide.
Assis par terre à côté de Rory qui, un œil au beurre noir et de larges hématomes plein le corps, mangeait en silence le bol de gruau insipide qu'on lui avait donné en guise de repas, il réalisa avec un certain dégoût que sa mère était complice de cette torture. Du moins en partie. Elle savait qu'il n'allait pas rentrer ! C'était pour ça qu'elle lui avait fait ses adieux larmoyants !

Est-ce qu'elle savait comment ils allaient être traités ? Ce qu'ils allaient subir ?

Il l'ignorait.

Un des guerriers fit mine de s'avancer vers Rory. Retroussant les lèvres, il lui signifia d'un grognement que s'il ne faisait qu'essayer, il aurait affaire à lui !
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« Bonsoir mon cœur. Comment vas-tu ? »
« Ça va. »
Ni un mensonge, ni une vérité.

« Tu as des nouvelles de Zen et Rory ? » demanda Ilinka à son tour.
« Oui. J'avais deviné juste. Ils vont être évalués par le maître des couvains, et ensuite, ils verront la meilleure manière de les former. Ce qui c'est passé aujourd'hui était un tragique accident. Je suis personnellement descendue à la pouponnière pour m'assurer que les responsables ne laissent plus ce genre d'incident se répéter. Les habitudes ont malheureusement la vie dure... »

« Des habitudes ?! »
« La société wraith n'est gentille et douce envers personne... » répondit sa mère avec une grimace.

« Super... »

« Si tu me parlais plutôt de ta journée ? »
« Le commandant Zil'reyn est venu me poser plein de questions. Je crois que je l'ai déçu... »

Rosanna pouffa.

« J'en doute. Zil'reyn est une des personnes les plus posées et les plus réfléchies que je connaisse. Si Delleb lui a dit de venir se faire un avis sur toi, c'est ce qu'il a fait. Il n'est certainement pas venu avec des idées préconçues... »

L'adolescente lui jeta un regard malheureux, qui lui arracha un sourire réconfortant.

« Tu l'a sûrement surpris. Et Delleb te trouvera tous les défauts du monde. Mais ça n'a aucune importance. Quoi qu'il en soit, avec ton père, on est très très fiers de toi et de la personne que tu es devenue. Et, qui que tu décides d'être dans le futur, on sera là pour toi. »

Ilinka opina tristement.

Rosanna soupira. Il lui fallait une idée pour remonter le moral de sa fille, et vite.

L'inspiration vint enfin.

« Après le repas, j'aimerais te présenter quelqu'un. Je suis sûre que vous allez très bien vous entendre. Tu es d'accord ? »
« Me présenter quelqu'un ? »
« Absolument, mais d'abord, à table ! Je meurs de faim. »

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« Alors ? » s'enquit Delleb.

Zil'reyn inclina la tête.
« Vous voulez la version courte ou longue ? »
« Commencez par la courte. »

« Rosanna Gady n'a pas menti. Ilinka est gentille, douce, généreuse et sensible. »
La reine ne put retenir un grincement. C'était le risque, à laisser une reine être élevée au milieu des humains !

« Vous pensez que c'est rattrapable ? »
« Elle n'a même pas deux décennies, Madame. Et vous savez mieux que personne qui sont ses géniteurs, et qui sont ses... éducateurs. »
Delleb acquiesça d'un sifflement.

« Quoi d'autre ? »
« Outre son caractère, le manquement le plus flagrant est la culture. Elle n'a que quelques notions très vagues de comment fonctionne notre société. Elle se comporte comme on pourrait l'attendre d'une humaine. Parle, bouge, s'habille et se coiffe comme le ferait une humaine. Mais elle est intelligente. Son esprit est vif. Elle peut apprendre. »

Delleb réfléchit quelques instants.
« En admettant que cette larve puisse un jour être mise sur le trône, ce ne sera dans tous les cas pas avant des années. Quoi qu'il en soit, d'ici-là, il faut que Rosanna Gady s'y assoie. Et pour ça, il va me falloir quelques semaines de travail. Dans l'intervalle, c'est vous que je nomme responsable de l'éducation d'Ilinka. Je me chargerai d'essayer de tirer quelque chose d'un tant soit peu royal d'elle. Tâchez avant cela d'en faire une
wraith passable. »
« A vos ordres, Majesté. »

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Elle avait suivi sa mère dans l'infini dédale aveugle de couloirs et de salles de la ruche, jusqu'à une pièce plus chaude, plus sèche et beaucoup plus lumineuse que le reste du vaisseau.

L'endroit fourmillait de vie, des dizaines d'artisans humains occupés à coudre, broder et raccommoder des piles d'uniformes de cuir sombre parmi lesquels, criardes de couleurs, ressortaient quelques tenues excentriques et chatoyantes.
« Votre Majesté, c'est un honneur de vous revoir ! » salua avec superbe un grand wraith, vêtu d'un uniforme si parfaitement ajusté qu'il semblait ne faire qu'un avec son porteur, et dont la longue chevelure était soigneusement retenue en un chignon haut couvert d'un filet d'argent.

« Ilalymn, voici ma fille, Ilinka. Ilinka, voici Ilalymn de Silla, le maître tailleur de la ruche. »
Le wraith s'inclina avec élégance, faisant voler les pans de son manteau.

« Bonsoir, monsieur Ilalymn de Silla. »

« Quelle exquise politesse ! Tellement exotique. » s'extasia-t-il avec un sourire ravi.

Était-ce une insulte ou un compliment ? Difficile à dire.

Le tailleur se redressa.

« Que puis-je faire pour vous, Majesté ? »
« Pourriez-vous nous faire visiter vos ateliers, et montrer quelques-unes de vos créations à Ilinka ? »
« Mais avec joie ! Venez, Madame, princesse... » lança-t-il, tourbillonnant sur lui-même pour les emmener vers le fond de l'atelier où, bien caché derrière une porte, se trouvait un second local, dans lequel étaient réunis les artisans aux talents les plus précieux, occupés à concevoir avec une minutie extraordinaires des tenues sublimes.

Ilalymn, rayonnant de fierté, leur présenta sa meilleure brodeuse de perles – une femme âgée de presque mille trois-cents ans mais qui en paraissait trente –, ses dentellières – présentement occupées à créer un motif pour une robe destinée à Delleb – ainsi que son apprenti, un wraith à l'air rêveur qui, un jour, quand il le jugerait prêt, partirait exploiter son propre atelier sur une autre ruche ouman'shii.
Il leur montra aussi les tenues qu'ils confectionnaient, allant des ensembles de toile des serviteurs de bas rang, aux robes superbes pour la grande régente, en passant par les uniformes de cuir de la plupart du personnel, et des tenues colorées commandées par certains wraiths pour leurs adorateurs marqués.
Plus succinctement, il leur exposa une partie des collections de bijoux qu'il récupérait auprès de l'atelier de joaillerie afin de parachever les tenues qu'il créait, et finalement – tout en insistant bien sur l'importance de la collaboration de sa mère dans le domaine – il étala les innombrables carnets de croquis pleins de modèles et de patrons de créations passées, présentes et futures.

Pendant un moment, Ilinka oublia ses soucis, transportée par la passion et l'enthousiasme du tailleur pour son art, et sa curiosité alimentée par l'immense savoir de ce dernier dans le domaine.