15. Un Plan Futé

Inquiets que nous puissions avoir été découverts, nous rampâmes en arrière sur la pierre, loin des yeux scrutateurs de la mystérieuse inconnue. Une fois que nous fûmes descendus de notre perchoir, bien à l'abri des regards, nous commençâmes à discuter de notre prochaine action. Nous venions à peine de commencer nos discussions quand Hugo fit remarquer que Mme Étrange-Dame-en-Rose pourrait s'éclipser discrètement. Même si nous nous étions assurés qu'elle ne puisse pas nous voir, cela signifiait également que nous ne pouvions pas la voir non plus.

Lily, qui avait commencé à s'agiter dès l'instant où nous avions commencé à planifier, se porta volontaire pour se faufiler de l'autre côté de la pierre pour garder un œil sur EDR. James promut immédiatement sa sœur comme 'surveillante en chef' et lui confia cette importante tâche. Sachant que nous n'avions pas longtemps avant que Lily ne s'ennuie, le reste d'entre nous concocta rapidement notre plan.

James et Henry trouvèrent l'idée. Je pensais qu'elle était brillante, tout comme Hugo. Rosie et Al étaient moins enthousiastes sur le rôle qu'ils y joueraient. Rosie fit silencieusement comprendre qu'elle ne voulait pas des responsabilités implicites de baby-sitter, mais elle ne formula pas ses objections. Si elle l'avait fait, Hugo aurait piqué une colère.

Al avait une récrimination bien plus pratique. "Ne jamais se séparer," observa-t-il sérieusement. "Nous devons rester tous ensemble."

"On ne se sépare pas vraiment," dit James à son frère. "C'est une prise en tenaille. Une équipe de quatre et une équipe de trois. Les Aurors travaillent en équipes de trois, souviens-toi. Et tu ne peux pas faire partie du groupe d'assaut frontal, Al. Tu ressembles trop à Papa. On sait que c'est une sorcière, donc c'est trop risqué."

"Il n'y a rien de mal à ressembler à Papa !" La protestation marmonnée d'Al portait à présent plus sur son apparence que sur le plan.

"Je n'ai pas dit que ça l'était ! Mais il est célèbre. Sa photo est toujours dans les journaux, et tu as ses yeux, et ses cheveux étaient de la même couleur que les tiens avant. Elle observe notre maison. Ça doit vouloir dire qu'elle sait qui on est c'est obligé qu'elle te reconnaisse," souligna James. "Je suis inquiet qu'elle puisse me reconnaître aussi, c'est pour ça que je vais m'assurer qu'elle ne me voit pas."

"Je pourrais…" commença Al.

"Ouais, tu pourrais, mais on est plus tout petits, maintenant, ça serait risqué. J'ai besoin aussi que vous gardiez tous les deux un œil sur Lily-Lou. Vous savez comment elle est, et il y a plus de chances qu'elle vous écoute vous que moi ! Essayez de faire en sorte qu'elle ne fasse rien de stupide."

"Elle ne le fera pas," protestais-je.

"Elle pourrait, Annie," me rappela Al. "Tout particulièrement si elle perd son calme."

Je ne pouvais pas contrer cet argument.

Notre discussion terminée, nous rappelâmes notre surveillante en chef. Lily nous rapporta que EDR avait bougé, mais pas très loin. Elle avait déplié un siège et était désormais assise dans la bordure ombragée du bois, ses Multiplettes fixées sur Drakeshaugh.

Henry expliqua rapidement son plan et Lily fut heureuse de s'y joindre. Ce fut alors au tour de James de parler. S'accroupissant devant sa sœur, il la regarda droit dans les yeux. "Sois prudente, Lily, et toi aussi, Hugo. Rosie et Al vont commander, mais gardez un œil sur eux pour moi, d'accord ?"

"Bien sûr," lui assura Lily sérieusement. Hugo hocha la tête.

Se levant, James tourna son attention sur Rose. "Je ne pense pas qu'il y ait des problèmes, Rosie. EDR n'a pas l'air très dangereuse, si ?"

"Non," approuva Rose. "Mais Maman et Papa non plus, surtout Papa ! Et tu sais ce qu'ils ont fait."

"Je n'avais pas pensé à ça," admit James. "Vous feriez mieux d'être prudent."

"Tu ne penses pas qu'elle nous attaquera, quand même ?" demanda Rose.

James secoua la tête. "Non, on est trop nombreux," la rassura-t-il. "Mais même si elle le faisait, on a tous la Trace sur nous. Si on lance des sorts pour nous défendre, le Service des Usages Abusifs de la Magie préviendra très rapidement nos parents."

"Vrai," approuva Rose. "Et on peut aussi appeler à l'aide avec nos Miroiphones." Elle se tourna vers son équipe. "Allons-y."

Gardant la tête baissée et restant bien en retrait de la crête, Rose mena Al, Lily et Hugo en direction du Bois de l'Ouest. Je restais en arrière à la Drakestone, gardant un œil sur eux, pendant que Henry et James la contournaient prudemment pour observer EDR.

Je suivais des yeux le groupe de prise en tenaille pendant qu'ils se faufilaient à travers les broussailles jusqu'au bois. Quand ils y parvinrent, Lily leva le bras. C'était le signal que j'attendais. Pendant qu'ils s'enfonçaient plus profondément dans le bois, je levais mes deux pouces vers Lily et rejoignis James et Henry. Quand je sortis de l'autre côté de la pierre, mon frère était tapi derrière un rocher. James, cependant, n'était visible nulle part.

Regardant suspicieusement aux alentours, j'écoutais soigneusement. N'entendant rien de plus que le chant des oiseaux, le vent sifflant dans les frondaisons et le faible bêlement lointain de moutons, je parlais. "Ils ont atteint la forêt," dis-je doucement à mon frère. "Où est James ? Il est encore ici ?"

Henry secoua la tête. "Non. Il a pensé qu'il serait mieux qu'il soit devant nous, plutôt que derrière. Tu es prête ?"

Je hochais la tête, mais restait sur mes gardes. Je savais que, s'agissant de James, je ne pouvais être certaine que mon frère soit honnête avec moi. James était probablement devant nous, comme Hen le disait, mais je savais qu'il pouvait être n'importe où. Lançant mes bras devant moi, je les écartais sur les côtés et sautais en tournant sur moi même.

"Contente ?" demanda Henry en secouant la tête.

"Carrément, ouais," souris-je, comprenant délibérément sa question de travers. "J'ai le droit d'être insolente !"

Henry et moi commençâmes à descendre la pente couverte de rochers. Nous nous dirigions vers le chemin de graviers qui contournait Drakeshaugh, un chemin qui nous ferait passer très proche d'EDR. Je n'étais pas inquiète. Quatre membres de notre groupe étaient dans les bois, essayant de passer derrière elle, et notre arme secrète était invisible quelque part devant nous. Henry et moi ne fîmes aucun effort pour rester discrets. Cela aurait parut suspect.

"On devrait avoir l'air de parler entre nous," me dit Henry.

"On le fait, maintenant," soulignais-je sarcastiquement. "Et ne regarde pas directement vers elle, Hen !" Je pointais du doigt les collines à l'horizon. "Si tu tournes ta tête vers Cold Law et Gills Law, tu devrais être capable de la voir du coin de l'œil sans être aussi bêtement flagrant."

"Elle a toujours ses jumelles collées sur la figure et, comme Lily l'a dit, elles sont fixées sur Drakeshaugh," observa-t-il dédaigneusement. "On devrait pouvoir s'approcher bien plus d'elle avant qu'elle ne nous remarque."

"Même, on devrait pas montrer aussi clairement qu'on sait qu'elle est là," ergotais-je. "On doit regarder, sans avoir l'air de regarder." Je tremblais d'excitation et mon cœur tambourinait dans ma poitrine. Ce n'était pas un jeu. C'était une vraie aventure, comme dans les histoires. C'était la chance pour mon frère et moi d'affronter une vraie et, l'espérions-nous, peu méfiante sorcière. Cela pouvait être dangereux.

"D'accord," approuva Henry.

"Alors, si on doit parler, de quoi est-ce qu'on pourrait parler ? Je pense que Scorpius Malfoy et Rosie sont amoureux, tu en penses quoi ?" demandais-je, essayant de chasser de mon esprit les doutes grandissants sur la sagesse de nos actions.

Henry ignora le sujet que je proposais. "On s'en fiche de Scorpius, et toi alors ! Qu'est-ce que tu voulais dire, quand tu parlais de James ? Est-ce qu'il te plaît, Annie ?"

"Personnellement, j'ai trouvé Scorpius un peu bizarre," essayais-je de dérouter Henry. "Même pour un sorcier."

"James aura seize ans en octobre, et tu n'as que treize ans." Henry ignora mon commentaire et continua d'insister. "Il a deux ans et demi de plus que toi, Annie. C'est bien trop vieux. Imagine ce que tu dirais si je me mettais à draguer une des filles de ta classe."

"Laquelle te plaît ?" demandais-je. "Est-ce que c'est Sheera ?"

"Sheera ? Qui diable est Sheera ?" dit-il. "Arrête d'essayer de changer de sujet, Annabel May."

"Tu sais qui elle est !" protestais-je, agacée par son utilisation de mon nom complet. "Et elle te plaît, Henry John, j'en suis sûre. Tu l'as défendue."

"Je l'ai fait ? Quand ? Oh !" Il fit enfin le lien. "Une gamine ronde, avec une vilaine acné, un peu fofolle, avec un appareil dentaire. C'est elle ?"

"Ouais," dis-je. "Et maintenant tu lui as tapé dans l'œil !"

"Tout ce que j'ai fait c'est de dire aux deux autres gamines de la laisser tranquille !"

"C'est suffisant !" lui dis-je.

"Plus que suffisant, apparemment," répondit d'un ton moqueur Henry. "Après tout, James t'a presque tué et il te plaît toujours."

"C'est pas James qui a fait ça. C'était cet enfoiré de Craig !" protestais-je. Le sourcil levé de Henry suffit à me faire comprendre que, pour la toute première fois, défendre son meilleur ami n'était pas la chose la plus sage que je puisse faire. J'amendais mon propos.

"J'essayais simplement d'embêter Lily !" me plaignis-je . "Elle a dit : 'Personne n'ayant l'air aussi mignon ne peut être complètement mauvais,' et elle parlait de Craig ! Comme je l'ai dit, c'est Craig qui m'a presque tuée. Et de toute façon, l'apparence et la personnalité sont deux choses différentes, donc ce que Lily a dit était carrément débile, non ?"

"Ouais, mais…"

"Je n'aurais peut-être pas dû utiliser James comme exemple," protestais-je. "Mais qui d'autre j'aurais pu choisir ?"

"Eh bien, j'ai toujours pensé qu'Al et toi étiez proches," observa doucement Henry.

"On l'est," dis-je. "Mais Al est mon ami, Hen. Il ne me plaît pas !"

"Ah ha ! 'Il ne me plaît pas !' C'est une dénégation directe, sœurette." Henry bondit sur mes paroles. "Et tu sais ce qui est intéressant là-dedans ? Tu n'as pas dit la même chose de James. Quand je mentionne James, tout ce qui tu fais c'est de tergiverser."

"Tergiverser !" dis-je dédaigneusement. "Des fois j'ai l'impression que tu restes assis à lire le dictionnaire."

"Et c'est encore une non-réponse," me dit-il allègrement. "Je ne suis pas un abruti complet, tu sais. Est-ce que James te plaît, oui ou non ?"

"Ton ami James peut être un véritable casse-couille," dis-je."

"Tout comme toi, Annabel. Surtout quand je te pose une question simple en oui ou non et que tu refuses de me donner une réponse directe. Comme je l'ai dit… Tergiverse, tergiverse !" Il prit une voix de Dalek de Dr Who.

"Et tu es amuuureux du Docteur !" répliquais-je. "Tu aimes les blondes, hein ? Tu n'es qu'un pathétique geek !"

"C'est le mieux que tu puisses faire ?" demanda avec mépris Henry. "J'attends toujours, et tu n'as toujours pas nié !"

"Peut-être que je joue avec toi, Hen," lui dis-je. "Ou peut-être que je suis simplement inquiète que James soit en fait juste à côté de nous, et je ne veux pas donner à ce trou du cul arrogant la moindre chance de se moquer de moi."

"Mince ! On a parlé tellement fort qu'elle nous a entendu," dit Henry. "Elle nous regarde. Ne mentionne pas Jamie."

"Je suis pas bête," lui dis-je vertement.

Je regardais en direction de EDR, qui n'était plus qu'à une cinquantaine de mètres à peine de nous. Elle avait laissé tomber ses jumelles et nous regardait fixement. Souriant, je hochais poliment la tête et profitais de l'opportunité pour l'observer soigneusement. Le tailleur de tweed rose qu'elle portait était mal ajusté et son serre-tête rouge vif aurait paru malvenu même si elle avait eu trente ans de moins. C'était une grosse femme qui avait vécu des jours difficiles. Ses bajoues flasques, son menton ballotant et son visage pâle donnaient l'impression de quelqu'un qui n'avait pas beaucoup vu le soleil, ni fait beaucoup d'exercice, depuis de nombreuses années.

Alors que nous nous approchions, elle sourit, ou du moins ses lèvres serrées tentèrent de se tordre aux commissures. C'était peine perdue, ses petits yeux porcins montraient combien elle nous haïssait. À son expression, on aurait pu croire qu'elle examinait une crotte de chien sous sa semelle, pas deux adolescents souriants. Il était évident que son seul but était de nous éliminer sans se souiller elle-même. Tout en la dévisageant, je me demandais si son air nous était réservé comme intrus, si c'était parce que nous étions des Moldus, ou si c'était une détestation globale de tous les jeunes.

À quinze mètre d'elles, nous étions au plus proche que nous puissions d'elle, sauf à quitter le chemin et de marcher dans le bois, en approche directe. "Cha va être drôle," dis-je doucement à mon frère. Je fis un signe du bras à la femme. Elle parut horrifiée, mais parvint à forcer le sourire le plus faux du monde sur son visage. Il était évident qu'elle n'avait pas beaucoup d'entraînement en sourires. "À fond en Geordie, selon toi ?"

"Fais marcher eul' magie, Annie," m'encouragea Henry.

Je courus devant lui, traversant les flaques de boues en éclaboussant.

"Bonjour, petite fille." Sa voix était haut perchée et enfantine. "Tu dois être loin de chez toi."

"Nan." Je secouais la tête et passais à plein régime. "J'vis d'là, juste haut d'eul route. T'peux ver clair d'là-bô, hein. Quoi t'fais, ma'ame ? Cha ch'est d'drôle d'jumelles qu't'as lô. Quoi qu'tu r'ga'de avec chô ?" Comme je m'y attendais, elle n'avait aucune idée de ce que j'avais dit.

"Parle français, fillette," ordonna-t-elle.

"Ch'est quoi qu'euh j'fais, hein," lui dis-je, appuyant encore plus l'accent. "Dirait qu'tu 'r'ga'de Drakeshaugh ? Pourquoi qu'tu r'ga'de Drakeshaugh ?"

"Drakeshaugh ?" dit EDR. "Je ne sais pas de quoi tu parles." Sa voix était montée dans les aigus et elle essayait de rire de ma question. Cela ne fonctionna pas. Elle paraissait encore plus mal à l'aise en pleine nature que mon oncle Paul, et il était du genre à se sentir déplacé dans Regent's Park à Londres.

"Ch'te maijon là-bô," dis-je savamment en la pointant du doigt. "Ch'est Drakeshaugh, qu'ch'est. 'Lors, ch'est quoi qu'tu r'ga'de, ma'ame ? Ch'uis Annie, au fait."

"Je suis une observatrice d'oiseaux, Annie," répondit la femme les dents serrées. "Et tu fais beaucoup trop de bruit. Tu effraies les oiseaux. Sois silencieuse, s'il te plaît, et laisse-moi tranquille."

J'aurais probablement dû m'attendre à sa réponse après tout il y avait plusieurs explications innocentes au fait de s'asseoir pour regarder fixement à travers des jumelles. Bien que j'aie essayé d'accomplir ma mission, qui était d'obtenir son nom, sa réponse fut une offrande que je saisis des deux mains.

"Ch'est bon, Henry," lançais-je à mon frère. Il contournait prudemment les flaques dans lesquelles j'avais pataugé. "E' r'ga'de pas les Potter, ch't'une obchervatriche de z'oiseaux."

Le visage de Henry s'éclaira. "Qu'est-ce que vous avez vu pour le moment ?" lui demanda-t-il.

"Les Potter ?" demanda-t-elle.

"L'gens qui z'habitent dans eul' maijon qu'tu r'ga'de," dis-je, certaine que sa surprise était due au fait que je connaissais le nom des résidents de Drakeshaugh.

"Je te l'ai déjà dit, je ne regarde pas la maison." Elle essayait désespérément de garder sa colère sous contrôle. Sa bouche n'était plus qu'un fin trait sur son visage. Elle la gardait droite et ferme, mais ses joues et son menton tremblaient de rage contenue.

"Alors, quels oiseaux vous avez vu pour le moment ?" redemanda Henry.

Il était évident que c'était une question à laquelle elle ne voulait pas répondre.

"Pas grand-chose… Des… merles," suggéra-t-elle avec hésitation. "Mais pas grand-chose d'autre."

"C'est parce que vous êtes ici," lui dit savamment Henry. "Vous devriez pas vous asseoir là."

Je vis l'anxiété dans son expression et insistait dans mon offensive. "Henry l'est très intelligent, il chait des tas et des tas d'trucs sur les z'oiseaux," lui dis-je fièrement. C'était vrai, mais son intérêt pour les oiseaux était une chose dont je me moquais usuellement. Je n'avais jamais été élogieuse à ce sujet. Le renâclement derrière moi était, je le savais, sa tentative de masquer sa surprise face à mon compliment.

"Tu d'vrais l'écouter, ma'ame…" poursuivis-je, m'interrompant pour lui donner une autre opportunité de lui faire donner son nm. Elle ne la saisit pas. Je baissais les yeux sur les doigts boudinés de sa main gauche. Il n'y avait aucune bague sur son troisième doigt, je retournais donc le couteau dans la plaie. "Oh, pardon, m'selle…" ajoutais-je. "Chans v'loir t'blesser. M'man m'a dit l'aut' jour qu'y d'romb plus âgées qu'aiment pô qu'on les appelle ma'ame." Elle parvint à garder le silence face à mon attaque, mais son œil gauche commençait à trembloter.

"Il y a des étourneaux partout et au moins un nid de pies dans le Bois de Drakeshaugh, mais vous le verrez pas d'ici." Henry continuait d'être insupportablement affable. "Vous feriez mieux de vous retourner. Il y a des faucons qui nichent dans le bois derrière vous, et j'ai entendu un pivert. J'en ai aussi vu plusieurs l'autre jour, mais ils sont difficiles à repérer." Il était heureux qu'elle ne se retourne pas pour voir, ainsi qu'il l'avait suggéré, car Rosie et les autres approchaient furtivement par-derrière.

"Faucon !" ricanais-je. "Henry lui l'est pas un faucon, l'en est un vrai, hein ?"

"Ne sois pas si puérile, Annie," sermonna Henry. Je suis désolé pour ma sœur," s'excusa-t-il auprès de la femme. "Elle ne s'intéresse pas vraiment aux oiseaux. Mais c'est pas un bon endroit, juré."

"Il est assez bon pour moi, jeune homme," dit-elle fermement. "Mais j'aimerais être laissée en paix, s'il vous plaît."

Ce fut au tour de Henry de la distraire. Il saisit l'opportunité qu'elle lui avait offert.

"Vous devriez venir avec moi," suggéra Henry, indiquant du doigt le sommet du côté de la pierre. "Si on monte vers la crête, vous aurez aussi une belle vue sur les marais. J'ai vu un merlin… un émerillon, et des vanneaux, et un épervier là-haut j'ai même vu un crave à bec rouge, une fois."

"Je suis très bien ici, merci beaucoup," dit-elle fermement. Ses lèvres bougèrent à peine lorsqu'elle parla.

EDR avait été incapable de masquer son inquiétude lorsque Henry avait dit 'merlin', ni son soulagement lorsqu'il avait continué sa liste, ou son manque total de connaissance lorsqu'il mentionna le crave. Je pouvais encore me souvenir de son excitation le jour où il avait vu le crave je savais que EDR aurait dû être aussi impressionné que Maman l'avait été. Au lieu de ça, elle approchait de son point d'explosion. Mieux, du fait qu'elle soit focalisée sur nous, elle n'avait pas remarqué à quel point Rosie et les autres s'étaient rapprochés. Ils bougeaient très silencieusement à travers les arbres et seraient rapidement suffisamment proche pour voir correctement son visage.

"Papa a dit qu'il avait vu un grand pingouin le week-end dernier," essaya de nouveau Henry. Je savais que Papa en connaissait aussi peu que moi sur les oiseaux. Maman était la fille de la campagne, l'experte. Alors que Henry parlait, une conversation à demi oubliée à propos des dodos me fit penser que les grands pingouins avaient disparus. EDR ne cilla même pas lorsqu'il les mentionna. Cela ne me laissa aucun doute sur le fait que, comme Papa, elle était une citadine. Contrairement à Papa, en revanche, elle semblait entièrement ignorante de son ignorance.

"Allez-vous-en !" craqua-t-elle. "Comment est-ce que je pourrais observer les oiseaux si des enfants stupides bavardent et les font fuir !"

"On va partir, dans une minute," lui assurais-je. "Mais mes amis Lily et Al Potter 'splorent la forêt avec leurs cousins. Y sont juste derrière vous."

Le visage blême de la femme vira au gris. Dans sa hâte de se lever pour se retourner et leur faire face, elle fit basculer son siège pliant, se prit les pieds dans le pied de la chaise et termina à quatre pattes par terre. Henry avança pour l'aider, mais elle lui fit furieusement signe de s'éloigner.

"C'est de ta faute !" me dit-elle. "Tu m'as fait sursauter, maudite fillette !"

"Salut Annie, bonjour Henry," lança Lily. "Ça faisait longtemps. Qui est votre nouvelle amie ?"

"J'ai cru qu'elle espionnait vot' maison, Lily, mais elle dit qu'elle est juste une observatrice d'oiseaux," répondis-je. "Mais elle veut pas nous donner son nom, alors p't'êt' ben qu'c'est une espionne."

La bouche de EDR s'ouvrit et se referma comme un poisson rouge se nourrissant et, à l'instar d'un poisson rouge se nourrissant, aucun son n'en sortit.

"Peut-être que je devrais appeler Maman," dit doucement Al.

"Ce n'est pas nécessaire, Al," dit EDR, peinant à se relever. "Je suis simplement ici pour observer les oiseaux. Je n'espionne personne."

"Comment vous savez qu'il est AL ?" demanda avec sagacité Rosie.

"Cette fille vient juste de me le dire !" rougit EDR, essayant de fuir la question.

"Non, elle a dit 'Lily et Al et leurs cousins'," souligna Al.

"Comment vous savez que je ne suis pas Al ?" demanda poliment Hugo. "Ça pourrait même être moi," suggéra Lily. "Peut-être que mon nom est Alison !" Elle manqua passablement son effet en me faisant un clin d'œil.

"Ne soyez pas ridicules, je sais… combien cette question est impertinente !" Son éclat de voix et sa tentative pathétique pour dissimuler sa bévue, fut suivie d'un silence. Nous observâmes tous en silence alors qu'elle tentait hâtivement de penser à une excuse, et vîmes l'air de triomphe lorsqu'elle y parvint. "Al a dit 'Maman'. Et cette personne, Annie, a dit que les Potter vivent dans cette maison !" dit-elle triomphalement. Alors qu'elle s'adressait à Hugo, elle pointa Al du doigt et essaya de réajuster son faux sourire sur ses lèvres. "Logiquement, il s'agit d'Al. Et qui es-tu, jeune homme ?"

"Je suis Hugo Granger-Weasley, et c'est ma sœur, Rose," lui dit Hugo. Quand elle entendit ce nom, la panique d'EDR devint évidente. Elle se décala doucement en tentant de nous garder tous à l'œil. Nous nous séparâmes pour l'encercler, rendant cela impossible.

"Est-ce que je vous connaîs ?" C'était au tour de Rosie de poser une question. "Vous observiez la maison d'Oncle Harry et vous semblez vaguement familière. Est-ce qu'on s'est rencontré ?" Elle nous regarda avec insistance, puis revint sur la femme.

"Je n'ai aucune idée de qui vous êtes ou de quoi vous parlez," protesta-t-elle, tremblant visiblement. "Laissez-moi simplement tranquille, s'il vous plaît."

"D'accord," dit abruptement Al. "Comment ça va à l'école, Annie ?"

"En-nuy-eux," dis-je dédaigneusement. "Vous êtes de retour de votre pensionnat pour les vacances de Pâques, Al ?"

"Ouais," dit-il. "Est-ce qu'on monte à la pierre, comme on le faisait toujours quand on était petits ?"

"Je pense qu'on devrait probablement rentrer à la maison et parler à Maman," dit Lily. Elle lança un regard insistant à EDR. "Pourquoi vous voulez pas nous dire votre nom ?"

"Parce que ce n'est pas vos affaires," craque la femme."

"Ouais, je pense qu'on devrait clairement aller le dire à Tante Ginny," conseilla Hugo.

"Ce n'est pas nécessaire, jeune homme," dit-elle désespérément. "Si vous voulez le savoir, mon nom est… Cracknell." Elle essaya de garder son sourire en parlant, mais elle cracha ce nom comme si elle en avait honte. Prenant une profonde inspiration, elle força son sourire à rester sur son visage. "Je suis Do… rothée Cracknell. Voilà, pourquoi est-ce que vous ne partiriez pas pour me laisser faire mes observations d'oiseaux en paix ?" Son sourire était désespéré. Elle se tourna vers moi. "Tu vas pouvoir aller jouer avec tes amis, petite fille. Est-ce que ce ne sera pas bien ?"

"J'ai treize ans, pas six !" lui dis-je furieusement. Regardant au-delà de la femme, dont le nom n'était clairement pas Dorothée Cracknell, je consultais Rosie. Elle hocha la tête et lança un regard entendu en direction de la Drakestone.

"Au revoir, m'selle Cracknell," dis-je poliment. "Ça a été un vrai plaisir de te rencontrer. J'espère qu'tu verras des macareux ou des fous de Bassan ou des cormorans ou 'ch'ais pas quoi et oublie pas d'compter les pies ! Une pour la peine, deux pour la joie…"

"Comment tu as dit que tu t'appelais, jeune fille ?" demanda-t-elle sèchement, interrompant ma chanson.

"Annie," dis-je.

Ses yeux se plissèrent."Et quel est ton nom de famille, Annie ?" demanda-t-elle mielleusement.

"Ben dis-cha don, dame," dis-je insolemment. "Ch't'a dit min nom, Ma t'la oublié. Bizarre euq'tu t'souviens d'chui d'Al, hein ?" Me retournant, je levais le poing et criais : "Drakestone !"

"Drakestone," hurla Lily en suivant. Les autres se joignirent à nous dans notre clameur.

J'attendis que nous soyons à mi-chemin de la Drakestone avant de ralentir pour marcher.

"Alors ?" demanda Henry. "Qu'est-ce que vous pensez tous de Mademoiselle Cracknell ?"

"Elle a carrément, totalement, inventé ce nom," dit Hugo. "Elle n'est plus EDR maintenant ! Elle est Face de Crapaud."

"Non, elle est Mademoiselle Vilaine Grosse Figure et c'est une menteuse, son nez est tout allongé !" dit Lily.

"Alors c'est Mademoiselle Vilain Très Gros Nez !" suggérais-je.

"Annie !" protesta Rosie. Al, Hugo et Lily rirent. Mon frère gémit.

"C'est clairement une sorcière, Rosie," dit Lily. "Elle regardait Drakeshaugh à travers une paire toute neuve de Multiplettes McClarté Super-Zoom quinze fois. Elles coutent très cher ! Elles ont à la fois des fonctions de répétition et de sauvegarde du son et de l'image. C'est une sorcière et elle nous a reconnu. Je ne crois absolument rien de ce qu'elle nous a dit. Et toi non plus !"

"Aucun de nous ne l'a fait, Lils," assura Al à sa sœur. "C'était vraiment des McClarté Super Zoom ? C'est ce que les Aurors utilisent."

"Je croyais qu'elles fonctionnaient comme des jumelles. Comment est-ce qu'on peut enregistrer des choses avec ?" demanda Hen.

"Par magie, espèce de bouffon !" Je lui donnais un petit coup moqueur en lui rappelant. Hen était toujours bien plus perplexe de la magie que moi. "Tu dois juste l'accepter ! Tu as vu la cape de James bien assez souvent."

"Ouais, c'est seulement de la magie." Al me sourit, puis se tourna vers mon frère. "Tu dois simplement nous croire, Henry. Comme je te crois au sujet des oiseaux. Je n'y connais rien du tout, mais elle non plus, n'est-ce pas ?"

"Absolument rien," lui dit mon frère avec certitude. "Elle doit pouvoir différencier un hibou d'une mouette, mais j'aurais facilement pu la démolir sur le sujet. J'aurais aussi pu la questionner sur ses jumelles bizarres. Vous avez tous pu bien la voir de près. Mission accomplie. Est-ce que quelqu'un l'a reconnue ?"

"On ne connaît pas tous les sorciers et sorcières du pays, Hen," objecta Rosie. Malgré ses protestations, elle avait un air pensif. "Mais… je l'ai en quelque sorte reconnue."

"Moi aussi." Al hocha la tête.

"Qu'est-ce que vous voulez dire, vous l'avez en quelque sorte reconnue ?" demandais-je.

"Je ne suis pas sûre. C'est plus qu'une simple sensation, mais…" Rosie était profondément dans ses pensées.

"C'est comme si… C'est comme si je l'avais déjà vue, mais que je ne l'avais jamais rencontrée," essaya d'expliquer Al. "Peut-être que je l'ai vue en photo."

"C'est ça !" Rosie hocha avec excitation la tête. "J'ai vu sa photo quelque part."

"Eh bien je ne l'ai pas reconnue du tout," observa pensivement Lily. "Peut-être qu'elle est dans un de vos livres de troisième année, Al."

"Non." Hugo secoua fermement la tête. "Parce que je suis aussi sûr de l'avoir vu quelque part, Lils."

"Peut-être qu'elle était dans la Gazette," suggéra Al. "Et si tu ne l'as pas reconnue, Lily, on peut au moins être certains d'une chose…"

"Si elle était dans la Gazette, elle n'était pas dans la rubrique Quidditch." Hugo bondit sur la chute, tandis qu'Al nous faisait un clin d'œil.

"Vrai," approuva Lily en souriant.

"Donc, qu'est-ce qu'on va faire ?" demanda Henry. "Elle nous a menti en disant observer les oiseaux, elle a des jumelles magiques, donc c'est une sorcière et elle espionne Drakeshaugh. Est-ce qu'on essaye de découvrir qui elle est nous-même, ou est-ce qu'on le dit à tes parents, Al ?"

"On attend que James revienne," intervins-je avec force. "Avec toute l'agitation qu'on a causée, il a probablement réussi à se glisser jusqu'à être juste à côté d'elle. Il pourrait déjà savoir qui elle est."

"Elle a ses Multiplettes tournées vers nous," avertit Hugo. "On ferait mieux de se taire."

Nous nous retournâmes tous pour regarder, mais elle se tourna pour regarder ailleurs.

"Depuis quand ?" demanda Rosie.

"J'sais pas," admit Hugo. "Je me suis tourné pour la regarder et elle regardait directement vers nous."

Lily remonta ses lunettes sur son nez et plissa les yeux en direction de face de crapaud. "Maintenant elle regarde pour voir si on la regarde toujours." Elle lui fit un signe.

"Mieux vaut se taire jusqu'à être de retour à la pierre," suggéra Henry.

Nous accélérâmes le pas et gravîmes la côte parsemée de pierres. Rapidement, nous fûmes en sécurité derrière la pierre. Henry se tourna vers Rosie.

"Est-ce qu'elle peut vraiment nous entendre à travers ces Multiplettes-machin ?" demanda-t-il.

"Oui." Rosie hocha la tête. "Mais seulement si elle peut nous voir. On devrait être à l'abri ici."

"C'est notre ennemie !" déclara Lily. "La nôtre ! On doit la surveiller, pour être sûrs qu'elle ne s'enfuie pas." Elle croisa mon regard et indiqua de menton la pierre. "Viens, Annie !"

Lily escalada rapidement la pierre. Malgré les protestations de Rosie, je la suivis de près. Une fois au sommet, Lily et moi avançâmes sur la surface inégale et baissâmes les yeux vers la vallée. La femme n'était plus là où nous l'avions vue la dernière fois.

"Alors, où est Dory Grospif, Lils ?" demandais-je.

Lily pointa le bois du doigt.

Derrière moi, j'entendis les autres grimper sur la pierre.

"Elle s'est enfoncé un peu plus loin dans la forêt," indiqua Lily. "Elle ne nous regarde pas, ni Drakeshaugh. Je ne peux pas voir ce qu'elle fait."

"Elle est pas importante, où diable est Jamie ?" demanda Henry.

"James peut être n'importe où," dis-je. "Il se plaint que les autres ne sont pas fiables, mais il est pas mieux. Il aurait dû laisser quelqu'un d'autre venir avec lui sous sa cape."

"S'il n'arrive pas bientôt, on devrait mettre Tante Ginny au courant," dit avec inquiétude Rosie.

"Je suis là," annonça James en retirant sa cape. "Et je sais qui elle est !"

"Qui ?" demandâmes-nous en chœur.

"Elle vient juste de sortir d'Azkaban et elle était en prison depuis vingt ans," commença James. "Son nom est…"

"Dolorès Ombrage !" Rose, Al et Hugo parlèrent à l'unisson.

Il y eut trois craquements sonores et Ombrage arriva au pied de la pierre. Il y avait deux hommes d'allure patibulaire avec elle.

"Elle pointa sa baguette vers James, qui cria "Baissez-vous !" et plongea au sol. Le jet de lumière écarlate frappa mon frère en pleine poitrine, le faisant basculer en arrière loin de la pierre. Les autres obéirent, je me contentais de regarder la femme qui avait attaqué mon frère.