NDA 27/072021/ : Bonsoir vous tous, je reviens en effet, comme annoncé dans mon profil, avec une nouvelle fanfiction Harry Potter. Je sais que j'ai tendance à poster des nouveaux trucs alors que les autres ne sont pas finis, mais celle-ci est particulière, parce que c'est aussi ma toute première SI… C'est un style que j'adore lire jusque-là, mais que j'ai décidé de changer un peu. Car si je conçois qu'on puisse avoir des capacités d'adaptation, je refuse de croire que ce soit automatique. J'ai donc décidé de m'insérer dans cet univers, mais avec tous mes défauts et mes travers. On sera vraiment loin des Mary Sue qu'il nous arrive de croiser, et il est probable, que ce récit soit un peu lourd et violent… Et très différent de ce que vous avez l'habitude de croiser. Ceci dit, j'aime les dramas, ça, vous vous en êtes rendus comptes. J'espère que celui-là vous plaira autant que moi, j'aime l'écrire.

Je rappelle que l'œuvre originale appartient à JKR, et que je ne suis pas payée pour écrire, hélas ~

Rating T maximum, bien sûr, parce que vous me connaissez.

Je sais que je vous le demande souvent, et que les reviews sont devenus une sorte de luxe que très peu se voient recevoir, mais s'il vous plait… Si vous passez sur cette histoire, n'hésitez vraiment pas à la commenter. Même si vous la trouvez nulle, dites-le, je ne m'offusquerai pas… Mais votre avis compte beaucoup pour moi.

Chapitre 1 : Quelques secondes d'avance

Des cris retentissaient dans le lointain du réveil de l'enfant. Dans son lit de bébé, il se mit debout sur ses jambes encore peu stables, bascula et retomba lourdement sur le derrière. Les bruits continuaient et intrigué, l'enfant se redressa péniblement et s'agrippa aux barreaux.

"Pas Harry, pas Harry, je vous en supplie, pas lui !" Implorait sa mère

Une voix aiguë, glacée, répondit agacée.

"Pousses-toi, espèce d'idiote... Allez, pousse-toi..."

Deux personnes déboulèrent avec fracas dans la pièce, faisant cligner des yeux le bébé.

"Non, pas Harry" criait la femme, "je vous en supplie, tuez-moi si vous voulez, tuez-moi à sa place..."

L'enfant perçut des mouvements, des gestes désespérés d'un côté, exaspérés de l'autre.

"Non, pas Harry, je vous en supplie ! Ayez pitié... Ayez pitié..."

Un bruit insolite, un rire froid, parvint aux oreilles du bambin. Puis une lumière verte l'éblouit. Sa mère hurla, et il n'entendit plus rien.

Des larmes d'inquiétude et d'incompréhension embuèrent ses yeux, et comme il le faisait à toutes ses siestes au grand damne de ses parents, il escalada la barrière de son lit, l'enjamba et se laissa tomber doucement de l'autre côté.

La présence de l'Autre le gênait.

A petit pas bancals, le bébé avança jusqu'au corps étendu de sa mère tomba assis au niveau de son visage, auquel il commença à faire la conversation dans une sorte de tristounet babillage interrogatif.

L'Autre s'avança de la longue et venteuse silhouette noire, prononça deux mots dans lesquels l'enfant reconnu son nom, s'approcha. Il s'approcha jusqu'à ce que le bébé puisse sentir son souffle froid sur son visage, jusqu'à ce qu'il doive plisser les yeux, gêné par la lueur rouge des siens, jusqu'à ce qu'il le regarde de cet air apeuré et avec ces yeux humides qu'avaient la plupart de ses victimes, et là, il leva la baguette.

Un sort vert la quitta pour tracer tout droit sur l'enfant, et au dernier moment, les yeux du lord s'écarquillèrent de terreur. Le sort ricocha contre un bouclier d'une blancheur éclatante, et percuta le mage noir de plein fouet. L'homme encapuchonné disparu dans un tourbillon de fumée, Tandis que la maison tremblait, et que le toit s'effondrait sur la petite chambre de l'enfant.

Je me suis éveillée brusquement, éjectant mes draps d'un coup sec pour quitter le lit, et m'enfuir dans le couloir qui menait à la salle de bain. C'était la cinquième ou sixième fois que je faisais ce foutu rêve. J'étais habituée aux cauchemars, mais celui-là était récurrent, qui plus est, je n'arrêtais pas de changer de point de vue.

D'abord j'étais un homme qui prenait cet éclair vert en disant à sa femme de prendre l'enfant et de partir, m'étalant sur le sol de tout mon long pour ensuite observer mon corps vu d'en haut et mourir… Puis la femme en question, demandant au meurtrier d'épargner son fils en boucle, n'y parvenant pas malgré la demande de la tuer à la place, puis prenant tout de même l'éclair vert, et regardant le petit la fixer sans comprendre, tandis que son âme s'élève aussi pour disparaitre de là. J'ai eu plusieurs fois le point de vu de l'enfant, les cris, la mort… Une seule fois, je me suis retrouvée dans la peau du meurtrier, mais celui-là… Me rendait plus triste encore que tout le reste… C'était comme si, tout ce qu'il faisait, même tuer cette famille visiblement pitoyable, tirait de l'instinct de survie.

Je secouais la tête et me passais un coup d'eau sur le visage. Ma température corporelle est trop basse… Meleth nin doit avoir chaud… Même si j'ignore ce qu'il fait, et où il se trouve… Nous sommes presque en été ici, alors forcément, mourir de froid dans une maison où il fait 24 degrés, ce n'est pas très normal.

« Sélène, tu es réveillée ? » Entendis-je en direction de la chambre. C'était une voix presque pâteuse et hésitante. Ma camarade se rapprocha alors, son pyjama noir de travers, et la capuche aux oreilles de chien recouvrant totalement sa tête. Je pouvais à peine apercevoir son nez et sa bouche, percée d'un anneau.

« Oui Pluton… C'était un autre cauchemar… Je suis désolée. » La susnommée se rapprocha encore et posa sa tête endormie sur mon épaule avec douceur.

« Ce n'est pas grave… C'est ton don, ton fardeau… Je sais ce que c'est… » Oui… Nous savons toute ce que c'est.

« Tu devrais retourner te coucher, Pluton, je vais noter ce que j'ai vu pour le cours de demain, et je reviendrais moi aussi. » J'essuyais mon visage avec la petite serviette éponge de la salle de bain, et replaçais ma propre capuche, grise, avec des oreilles félines. Nous dormions toutes avec ces pyjamas étranges, comme les enfants, mais nous étions des originales de nature.

« Il est six heures… C'est un peu tard pour se recoucher… Je vais plutôt aller réveiller Mars… ça lui apprendra à se coucher trop tard pour parler à son copain… »

« Et sinon, laisser le couloir allumé, réveillant tout le monde au passage, c'était voulu ? » Je grimaçais. Neptune… Une pimbèche qui s'assume totalement.

Pendant que Pluton engageait un combat verbal avec l'ainée de notre promotion, je repensais à mon arrivée dans ce couvent.

Oh nous ne sommes pas des religieuses, quoique… C'est un petit peu plus compliqué. Nous sommes des héritières… Du moins c'est comme ça qu'on appelle les gens avec des capacités anormales. On dit que dans notre monde, avant l'arrivée des sciences et de la technologie, lorsque l'Europe toute entière était encore sous le joug romain, les druides, maitres de l'ancienne religion, formaient des jeunes enfants pour le combat, leur accordant des dons magiques pour défendre le pays de l'invasion romaine.

Ensuite, c'est devenu le mythe des sorcières et de Salem. Maintenant, c'est juste quelques réminiscence… Et rien de plus. Les rares à avoir un don sont pris pour des fous, enfermés à l'asile, ou bien le répriment jusqu'à la fin de leur jour.

Le couvent de Ste Catherine était à l'image de toutes les écoles privées, une très grande maison accolée à une petite chapelle assez austère. Sauf que le pensionnat ne pouvait accueillir que douze élèves, n'avait que trois professeurs, et que nous n'avions pas le même âge non plus. Nous n'apprenions plus les mathématiques ou le français, ni même les sciences, non… Nous apprenions à contrôler ce que nous étions, pour mieux le cacher après.

À mon arrivée, c'est sœur Catherine qui s'est occupée de moi, elle m'a donné un nom en rapport avec mon souci nocturne, Sélène, déesse de la lune et de l'illusoire, du rêve. Je suis censée avoir le don de la seconde vue… Seconde vue inutile qui bousille seulement mes nuits. Tout ça pour dire qu'elle m'a renommée, m'a expliquée que je n'étais pas folle en jouant les psys, puis m'a présentée à mes camarades de chambre.

Il s'est avéré que je connaissais déjà deux d'entre elles. J'avais rencontré Pluton lorsque j'étais au lycée, nous avons eus un ex commun, qui nous as toutes deux blessées au possible, et humiliée. C'était à cause de lui que nous nous étions rencontrés, et ces évènements nous ont aussi rapprochée. Elle s'appelait Lyanna avant de devenir Pluton, et elle possédait ce que l'on pouvait appeler une des sept merveilles de la magie. Le don de descendre aux enfers…

Petite, avec des formes généreuses, elle est rousse aux yeux verts moucheté de bruns, très pâle, et avec des taches de naissance un peu partout de la taille d'un CD sur les épaules et les bras. Très excentrique, vive, et active, elle a beaucoup d'humour malgré son don terrible dont elle ne contrôle que le retour. Elle a 25 ans depuis le premier Mai, mais reste la plus petite d'entre nous, et surtout, la plus forte, avec treize ans de rugby derrière elle.

J'étais ravie de croiser Elena, ici aussi. Plus grande d'une tête, elle était brune aux yeux noisette, le teint doré, assez ronde aussi, mais toute gentille, taillée en sablier et surtout, incroyablement douce et attentive. Elle a été renommée Mars à cause des incendies qu'elle déclenche sous émotions trop fortes. Elle aussi, pourrait posséder une des sept merveilles, mais aucun des autres éléments ne s'est déclenché, seul le feu semble faire partie de sa vie. Elle avait d'ailleurs déjà eu quelques incidents lorsque nous étions à la faculté d'anglais ensemble.

Sœur Catherine est la seule femme que je connaisse à posséder quatre des sept merveilles, en plus de son don originel, soit de guérison. En dehors de ça, elle a déjà placé tous ses espoirs en Saturne, qui maitrise l'équilibre entre la vie et la mort à la perfection, ainsi que la lecture de l'esprit et son contrôle. Il n'y en a que pour elle, et nos cours se résument à contempler à quel point elle est douée.

La vérité, c'est que nous ne sommes ici que parce que personne ne peut se porter garant pour nous permettre d'avoir un appartement à nous et de travailler correctement. Mais on y vit bien, en échange de quelques heures de cours où l'on apprend le passé druidique, la folie des anciennes religions, et à quel point Sabrina est douée dans ce qu'elle fait, on peut manger chaud, profiter d'une baignoire une fois par semaine en plus des douches quotidiennes, on lave nos vêtements, et on a accès à internet.

Et tout ça, ce n'est plus vraiment négligeable en 2019.

La seule chose pour laquelle nous sommes toutes trois fières dans ce couvent de filles imbues de leurs personnes et accro à l'alcool, la magie et instagram, c'est de savoir que nous avons une longueur d'avance sur certains domaines que jamais, elles ne pourront toucher. Elena est titulaire d'un doctorat en langue étrangère, mais surtout elle dévoile un don d'empathie assez colossal, se liant à sa puissance naturelle. Oui parce que si elle ne maitrise que le feu, elle est tout de même capable d'enflammer 5hectars de forêt en une seconde.

Lyanna est plus subtile, sa descente aux enfers lui permet de ramener parfois quelques esprits immatériels pour la protéger des insultes et coups bas des autres. Comme personne ne peut les voir à part elle – et moi quand je dors, apparemment – personne ne parvient à voir ce qu'il se passe, et elle n'est pas punie lorsqu'elle se venge des garces d'à côté.

Moi ? Je me suis liée à un inconnu par le biais des rêves. Oui, c'est très étrange dit comme ça. Mais j'ai d'abord rêvé de lui, puis nous avons échangés quelques mots en lignes, puis par lettre, textos… Bref, on ne se sépare plus des mots de l'autre. Il est capable de me décrire de la tête aux pieds, m'apprécie pour ce que je suis, mais reste bloqué, et ne veut pas qu'on se voit en vrai.

Ce qui est dommage, c'est que j'ai fini par craquer sur lui, même sans le voir, et que je crains que ce soit son cas aussi… Mais il ne me le dira jamais. Je ressens absolument toutes ses émotions, ses besoins, j'entends sa voix, parfois aussi, et c'est pareil de son coté, même s'il est à des centaines de kilomètre de moi. Lui ? Oui… Je n'ai pas non plus le droit à son nom. Alors je l'appelle Meleth nin, mon amour en sindar, la langue des elfes de Tolkien. Il ne le sait pas, et ça n'est pas plus mal.

Autre détail important mais qui nous lie toutes les trois définitivement, nous sommes toutes accro à la littérature fantastique, les chevalier d'Emeraude, les Everworld, le seigneur des anneaux, tout y passe. Nous avons, dans notre chambre, une collection monstrueuse de livres. Et ça fait toujours rire les garces, mais nous savons que la littérature est très utile. Qui plus est, nous adorons écrire, toutes les trois, sur des forums rpgs, ou encore des fanfictions et récits imaginaires.

Les arts sont notre domaine, musique, dessin, écriture… C'est notre temps libre.

Et il faut bien un peu de beauté dans ce monde de brute, entre les insultes du monde extérieur, les CVs refusés, les boulots mal-payés, ou encore les accidents et vols… Ce monde est plus doux avec ça pour nous apaiser.

« Sélène… Sélène… Sacha bordel, Pluton appelle la lune ! » Je sursautais, croisant les yeux verts de mon amie. « Ça y est, tu te réveilles… ? T'as vu quelque chose ou tu étais juste partie à la plage ? »

« Introspection je crois. La pouf est partie ? » La petite rousse hocha la tête.

« Retournée se coucher. Visiblement, les ratées que nous sommes ne valons pas le coup d'œil aussi tôt. Tu comptes aller courir après rédaction de ton rêve ? » Je hochais lentement la tête, en retournant à la chambre pour récupérer mon carnet. « En ce cas, je réveille El. » Pauvre Elena…

M'écartant un peu de la pièce, je pus voir Pluton prendre de l'élan et se jeter sur le lit de Mars avec violence. Cette dernière poussa un cri étouffé, révélant sa chevelure brune et son pyjama rose aux oreilles de lapins, avant de donner un grand coup de poing sur la tête de la folle qui venait de la réveiller.

Douceur, glamour et délicature, c'est notre devise. Le dernier mot est volontairement dans le néologisme, parce que nous sommes qualifiées de brutes par la majeure partie de notre entourage depuis des années. Je poussais un soupir, et m'asseyais en tailleurs sur mon lit pour me mettre à la rédaction de mon rêve.

Mardi 17 Mai…

Cette nuit encore, le meurtre de la famille du petit Harry me hante. Le rêve s'est déroulé sous le point de vue de l'enfant de nouveau. Je continue de penser que j'ai déjà vu ce regard quelque part, ces prunelles carmines me dérangent, mais pas tant que je regarde au travers des yeux d'un autre. Vivre le rêve à la place du meurtrier me met toujours mal à l'aise. Je n'aime pas cette sensation malsaine de devoir tuer pour vivre, c'est contre ma nature. Ce qui me rassure, c'est que le décor me fait penser à une maison des années quatre-vingt, alors il est possible que ce soit une vision du passé, et pas une prémonition.

Je relevais la tête, mordillant la pointe de mon stylo bic en fixant sans vraiment les voir, les filles. Elles s'étaient changées pour me suivre dans ma course tout à l'heure. Brassière et jogging pour Elena et Lyanna. Moi, je courais en sarouel depuis deux ans maintenant à cause d'un problème… Personnel. Je refermais mon carnet à rêve, et allais me changer à mon tour. Sarouel, brassière et léger pull au cas où, j'étais très frileuse, et ma température pouvait chuter sans prévenir. J'attachais mes cheveux noirs en une queue de cheval haute, avant de jeter un coup d'œil au miroir de la chambre.

Je déteste toujours autant mes yeux. Je subis une hétérochromie légère à l'œil droit. Si c'est une couleur noisette basique, l'œil droit et taché de jaune dans l'iris sur le bas. C'est moche et franchement anormal, mais il parait que ma seconde vue vient de là.

Sans prendre le temps d'aller manger, nous avons quitté la chambre, descendu les escaliers, et quitté l'établissement, pour courir un peu aux alentours et dans le quartier. Depuis que nous sommes ici, nous avons commencé à prendre cette routine. Moi, parce que ça remplace la kiné que je ne peux pas me payer, et les filles, parce que malgré tout ce que je dis, elles restent persuadées qu'elles ne seront belles qu'une fois qu'elles seront en dessous des cinquante kilos.

Le vent était tiède, alors qu'il n'était pas encore huit heures du matin, et la moiteur de l'air me crispait déjà. D'ici peu, je ferais un tour du cadran, histoire de dormir le jour et vivre la nuit, fuir la chaleur le plus possible. J'ai ce qu'on appelle une santé fragile, je ne supporte ni la chaleur, ni le froid, je ne peux vivre correctement qu'aux alentours de vingt degrés, sinon je fais de la rétention d'eau, ou bien je subis le syndrome Reynaud.

J'ai une scoliose monstrueuse qui me donne un coté taillé en sablier, et l'autre raide, ainsi qu'un dos terriblement douloureux, et des difficultés à rester allongée plus de cinq heures, une vue médiocre, un équilibre précaire au naturel, des poumons tellement fragile qu'un rhume se changera en infection pulmonaire… Bref. Je suis toujours la première malade, et la dernière guérie. Ajoutons à cela mon manque de sommeil constant à cause des rêves étranges, et ça explique mon humeur de chien.

Oui, c'est un portrait peu flatteur, mais je m'en fiche un peu, au point où j'en suis, je vivrais probablement des aides de l'état, ne contrôlerais jamais mon don correctement parce que la magie de ce monde s'éteint lentement, et je mourrais jeune d'un incident tout bête. Par moment, nous avons toutes trois espoirs de réussir notre vie dans tous les domaines, tant sur le plan astral, qu'amoureux, ou notre carrière… Et à d'autres, nous sommes persuadés que tout ça va très mal se finir…

Pour être honnête, je crains ne pas tenir les dix ans à venir.

Mon corps s'épuise, ma tête et mes émotions aussi. Je commence à vouloir juste fuir de partout… Je me retiens une fois sur deux de quitter le pensionnat et de retourner chez mon père, où rien n'allait déjà plus. Les filles m'en voudraient… Il m'en voudrait aussi… Mais ça me fait mal de savoir que je ne peux que l'aimer de loin, et que nous voir est impossible pour ne pas briser le lien… Si près et pourtant si loin.

Je me souviens de la prise de conscience, lorsque j'ai compris que j'étais amoureuse de l'âme qui s'était liée à la mienne. Que je ne pouvais plus me passer de ses mots, ni du lien. En le comprenant, j'ai pris la décision que tout ce qu'il me demanderait, je lui cèderais. Ame damnée. C'est ainsi que j'ai toujours aimé… Et c'est ainsi que je vis, aussi. La destinée des étoiles, disait sœur Catherine. Celle des amants liés par un lien céleste choisit par les druides, ceux qui se connaissent par-delà les apparences et les mondes.

Liés par rien d'autre que le manque de l'autre, justement…

Je m'arrêtais au portail du parc Gautier et me posais quelques secondes sur le muret au bord de la sorgue, soufflant comme un bœuf, et une main sur le cœur. Les filles ne tardèrent pas à me rejoindre, faisant de même. Enfin de même… Lyanna a mis ses jambes de l'autre côté du muret, ces dernières se balançant au-dessus de l'eau.

Cela doit faire deux heures que nous courons sans pause tout autour de la ville, allant et venant dans les rues et quartiers différents. Cette nuit, nous irons probablement tous au partage des eaux, comme nous en avions pris l'habitude lorsque je vivais encore chez mon père.

« Sacha, ça va ? » Je tournais la tête vers Elena et hochais la tête faiblement.

« Oui, je n'ai juste pas assez dormi, comme toujours… Je ferais une sieste après les cours. »

La brunette m'offrit un sourire timide, avant de se tourner vers la rouquine, et un sourire bien moins innocent se dessina sur son visage. D'un coup sec, elle poussa Lyanna du muret sur lequel elle était assise, et la rousse se retrouva suspendue dans les airs par… Rien…

« Arrêtez ce n'est pas sérieux ! On pourrait nous voir ! »

« Ou vous entendre ! » Je sursautais brusquement à la voix de sœur Catherine, tandis qu'on entendait un plouf sonore. Visiblement, la créature qui tenait Lucile hors de l'eau a pris peur.

Mon amie, trempée, vociféra contre Elena avec élégance – voir ici une floppée de juron – et se réceptionna sur le bord des escaliers qui menaient jusqu'à nous et le muret qu'elle avait quitté. Elena, le rire contenu derrière une toux faussée, n'osait pas lever les yeux vers notre gardienne, ni les baisser vers Lyanna qui prenait le temps de s'essorer. C'était donc moi qu'elle fixait, les yeux brillants, et menacé par le fou rire qu'elle tentait de contenir.

« Mesdemoiselles, vous ne devriez pas utiliser vos particularités en public, et vous le savez. C'est dangereux. » Elle avait bien évidemment baissé le ton pour parler de nos pouvoirs, mais je sentais bien qu'elle était tendue.

Nous avons toutes les trois hochées la tête, avant de voir qu'elle tenait deux énormes sacs de course d'où dépassaient des céréales et des morceaux de viandes. Mon estomac gronda, bientôt suivit de deux des filles, et nous avons finis par rire sous les yeux courroucé de notre directrice. Finalement, nous sommes reparties avec elle, prenant chacune la lanière d'un sac pour aller plus vite.

Après le repas, que j'avais engloutis tout aussi rapidement que mes amies sous le regard courroucé de Sabrina et ses groupies – voir ici qu'une femme doit se contenter de salade pour être belle – nous sommes allées dans la petite classe d'histoire. Le professeur, monsieur Genet, était pour le moins… Particulier. Imaginez un petit homme chétif et émotif, stressé de tout, sursautant au moindre bruit, puis ajoutez-lui un don de camouflage semblable à celui des caméléons. Vous avez désormais un enseignant qui ne sera absolument jamais respecté, et dont le cours est ignoré du début à la fin.

Bon. J'exagère. Elena suit son cours, mais uniquement par habitude, et parce que Lyanna dessine des vêtements dans un coin de sa feuille, et que moi je fais une sieste. Par acquis de conscience, elle surveille les leçons pour nous aider une fois que c'est terminé. Mais lorsque nous sommes toutes opérationnelles, nous discutons simplement, et nous ne suivons rien. De toutes façons, qui se préoccupe de savoir qu'il existait autrefois un don capable de voyager entre les mondes ? Vu la puissance nécessaire, il est clair qu'avec l'absence de magie aujourd'hui, juste traverser un mur serait impossible.

Bref. Il est donc évident que j'ai dormi durant les deux heures, que Neptune a critiqué les patrons de couture de Lyanna tout en se faisant les ongles, que Lyanna lui a envoyé un Barghest déchiquetant ses affaires – personne ne l'a vu – et Sabrina est intervenue avec sa merveilleuse bonne attitude, et tout ça s'est fini en pugilat. Je me suis réveillée quand monsieur Genet avait atteint les trois quarts de son état de transparence.

Le cours suivant ne nous servait pas plus. Enumérer les rares capacités encore existantes recensées dans le monde, et le pourquoi il est dangereux de les dévoiler. Nous avons aussi eu droit à un sermon, parce que ce n'était pas bien de se battre entre nous. Que nous devions nous serrer les coudes. Mais c'était impossible à accepter. Les humains se cassaient toujours du sucre sur le dos entre eux, et même avec des dons, nous restions profondément humaines. Se prendre des remarques sur nos plaisirs, nos styles vestimentaires, ou notre apparence physique à longueur de temps n'était agréable pour personne.

« Dites… On sort plus tôt ce soir ? » Demanda Lyanna en tenant le sèche-cheveux puissance maximum sur sa tignasse.

« On pourrait manger dehors, on a de quoi avec nos salaires… » Poursuivit Elena.

Je leur lançais un regard en alternance, alors que je prenais d'assaut la douche sans aucune gêne. C'était les filles qui m'avaient ramassé, elles savaient les marques que mon corps portait depuis l'incident. Je n'avais aucune honte face à elle. Mais les autres, en revanche…

Tout en me savonnant, je cherchais une idée. J'avais tout le temps faim, comme si la nourriture ne pouvait pas me rassasier, et je faisais l'inventaire des restaurants sympas en ville. On pouvait se faire un fast food, mais on finissait toujours par en prendre trop, et après c'était culpabilisation sur nos poids. Il y avait un sushi-bar pas très loin qui faisait de supers préparations, et une pizzeria qui composait à la demande.

« Vous avez une envie particulière ? Poulet, poisson ? » Finis-je par demander en augmentant la température de l'eau. Le sourire d'Elena grandit, alors qu'elle ajustait ses piercings.

« Oui. Du poulet. Je veux des nuggets. » Je haussais un sourcil amusé.

« Très précis, dites donc. » la brune me sourit. « On se fait un Mcdo, donc. On le mange sur place ou on emporte au partage des eaux directement ? »

« À ton avis ? » Répliqua Pluton en riant. Elle se planta un pic à cheveux dans la tignasse rousse, et me tendit une serviette.

Nous étions en route moins d'une heure plus tard. Je n'ai jamais compris trop pourquoi, mais alors que nous pouvions sortir habillées n'importe comment pour le sport, aller manger, même dans un fast food, il nous fallait être mieux apprêtées. Bon, on est loin des tenues de Neptune et compagnie qui coute un mois de salaire pour 2cm de tissus. Elena portait un pantalon serré bleu, avec un t-shirt plus large en dentelle, blanche, découvrant ses épaules et la naissance de ses seins. Des sandales à talons compensées, en toile imitation jeans, et une armada de bracelets de pierres taillées. Je sais que l'un d'eux évite les débordements émotionnels, mais je ne sais plus lequel.

Lyanna avait opté pour son habituelle robe moulante rouge à poids, avec un décolleté monstrueux, de très hauts talons ouverts noirs, et un blouson en cuir par-dessus. Et moi, j'avais optée pour une robe volante entièrement noire, avec des manches en dentelles transparente, un collant polaire, et des escarpins tout aussi sombre.

C'est étrange à dire, mais je me suis toujours sentie mieux lorsque je portais du noir. Comme si ça me permettait de faire disparaitre le regard et les paroles des autres. Nous étions sur le chemin pour nous rendre au fast food. À pied, il fallait compter 20 minutes, parce qu'il était dans la zone commerciale extérieure à la ville. Les filles plaisantaient sur leurs derniers rps, mettant en scène un trafiquant d'armes Ishval et une serveuse en brasserie sur l'univers de fullmetal alchemist. Moi, j'avais mal à la tête, et je savais que ça ne venait pas d'une migraine normale.

C'était une douleur qui pulsait juste au-dessus de mon oreille. Celle d'une fracture qui ne s'est pas résorbée, et dont les éclats osseux se propagent sous la pression. Mais ce n'était pas ma fracture du rocher. Je n'étais pas tombée en Mai dernier d'une falaise de calcaire… Mon amour en revanche… Il avait mal, et je partageais sa douleur. La tête en feu, je suivais les filles d'un pas de plus en plus lent. C'était comme si, à mesure que j'avançais, la source de la douleur augmentait.

Nous étions arrivées au super U, soit la moitié du trajet, lorsque j'ai dû m'appuyer contre un arbre. Elena se rapprocha de moi vivement et posa sa main sur mon front pour essayer de prendre ce que je subissais et me soutenir. Dans mon dos, Lyanna tentait de voir pourquoi j'étais si mal.

« Bordel, tu es gelée. Lya, je crois qu'elle fait une crise ! » Je sentis qu'on posait un blouson sur moi, celui de Pluton, mais je secouais la tête.

« Non. Pas moi. Lui… Je le sens… Il est mal… Son cœur, il bat trop vite. » Articulais-je en compressant ma main sur ma tempe gauche.

« Il faut vraiment que cet abruti se soigne, sinon vous allez y passer tous les deux. » Grommela Mars. Et puis, elle fronça les sourcils en me relâchant légèrement. « Une minute, je croyais que tu ne pourrais entendre son cœur que s'il était près de toi… ? »

J'ai blêmi. Il était tout près d'ici… Il n'aurait pas dû être ici. Lui qui mettait un point d'honneur à ne pas me voir, ce n'était pas possible. Pourquoi ne m'avoir rien dit ? Je prenais mon téléphone, et lançais l'application discord pour voir si j'avais un message. J'en avais plus d'un, de beaucoup de monde, des gens issus de forums rp, de serveurs d'écriture… Mary… L'ex de mon amour qui avait un jour usurpé son compte discord pour savoir qui j'étais, et qui s'en était créé un pour me garder sous la main comme informatrice…

Et lui.

Pardonne moi…

J'ai relevé la tête. C'était comme si tout semblait ralentir autour de moi, et que le silence s'emparait des vrombissements des autos. Il n'y avait plus qu'un son, rapide, un battement de cœur fragile. Le sien. J'ai entendu soudainement les crissements de pneus qui freinaient, et j'ai ressenti le choc comme si j'y étais. Tremblante et nauséeuse, je repoussais l'aide des filles vivement, et me mettais à courir.

Je leur ai abandonné mon sac, et j'ai perdu le blouson de Lyanna en cours de route. Il y avait un rond-point, à environs deux cent mètres, qui était dangereux pour les piétons. C'était là-bas que je me rendais. Il fallait que j'y ailles, et plus je me rapprochais, plus j'entendais ce cœur exploser à chacun de ses coups dans mes oreilles. La douleur était telle que je savais que je ne tiendrais pas longtemps. Mon propre cœur battait trop vite, j'avais froid et chaud, et des taches de couleur parsemaient ma vue.

Je me sentais malade.

C'est en dépassant le rond-point que je l'ai aperçu. Il arrivait sur la route principale, l'air semblait devenir flou autour de sa silhouette, et il portait un étui à violon sur son épaule gauche. L'autre main massait sa tempe. Ses pas étaient irréguliers, comme s'il allait perdre conscience et s'écrouler. J'allais faire de même si je ne le prévenais pas. Mais aucun son ne franchit ma bouche. Alors je me suis élancée à sa rencontre.

Mes talons me rendaient encore plus instable dans ma course, et je n'entendais plus rien du tout à part le cœur de Meleth Nin se rapprocher du mien. Je n'ai rien vu venir, ni d'un côté ni de l'autre. J'ai seulement réussi à prononcer le nom que je lui avais donné de moitié, et croiser son regard fiévreux alors que je l'atteignais. Les mains en avant, je l'ai saisi, et poussé sur le côté le plus violement possible.

Il faisait noir avant même que la voiture ne me percute.