Epilogue
Le hall de l'école était bondé d'élèves et de valises qui traînent. Les grandes portes battantes du château étaient ouvertes sur le parc, et de nombreuses personnes s'embrassaient déjà, ou se souhaitaient de bons résultats. Harry Ron et Hermione attendaient en compagnie des autres quatrièmes années, les diligences tirées par les sombrals qui les mèneraient à la gare de pré-au-lard. C'était une belle journée d'été, et il ferait très certainement chaud à l'arrivée à Privet Drive.
« Où sont tes valises ? » demanda Hermione en voyant Sacha arriver, les mains vides.
« Quelqu'un les a rétrécis pour toi déjà ? » Questionna Ron à son tour.
La demoiselle redressa la tête vers eux. Semblant reprendre vie, ou plutôt, faisant semblant de reprendre vie. Elle maquillait encore plus ses yeux de noir, et le mince trait était devenu aussi large qu'un crayon. Qui plus est, là où tous les autres portaient encore l'uniforme de l'école, Sacha l'avait délaissé pour une longue robe volante noire avec d'épaisses bretelles en cache-cœur. Bien que plus mince qu'à son arrivée, elle gardait des formes généreuses et ces dernières étaient indiquées par le pendentif bleu en forme de larme qui pendouillait entre ses seins. L'ensemble lui donnait un style de déesse grecque… des enfers.
Les seules touches de couleurs se trouvaient à ses poignets et son cou. Les pierres qu'elle ne quittaient plus s'étaient dédoublées. Calcédoine, pierres de soushan, pierre de lune, améthyste et obsidienne se côtoyaient, rappel de son besoin de contrôle et de calme.
« Tu ne viens pas avec nous, c'est ça… ? » Supposa Harry en la détaillant.
« Non. J'attends que tous les élèves soient partis… Gringotts a… les gobelins ont envoyé une délégation pour moi et… » Elle ne termina pas sa phrase. Ce n'était pas nécessaire.
« Oh… ça va aller ? Tu es sûre que tu ne veux pas qu'on attende un peu avec toi ? »
« Ça ira, Hermione. Mais c'est gentil. » Sacha déglutit, puis étira un sourire très faux. « Et je crois que Viktor t'attends, regarde…» En effet, le Bulgare s'approchait à pas lents, pour les laisser discuter, sûrement.
« Sacha ? » Demanda tout à coup le rouquin.
« Oui ? »
« Tu… Tu seras là, l'année prochaine, pas vrai ? » La noiraude se crispa une seconde, et tous trois purent voir l'incertitude et la douleur traverser son regard noisette.
« Bien sûr, qu'est-ce que c'est que cette question ? J'ai quand même la théorie à apprendre. Je suis douée en potion et botanique, je peux toujours en faire quelque chose. » Et cette tirade leur parut comme le mensonge le plus visible qu'elle ait jamais dit depuis leur arrivée en début d'année scolaire. « Je venais juste vous dire au revoir, puisque je ne pars pas en même temps, c'est tout. »
Et toujours aussi faussement, Sacha approcha d'Hermione, la serrant faiblement entre ses bras. L'étreinte était forcée, tremblante, et pourtant, la demoiselle sentit à quel point l'oracle essayait de transmettre quelque chose de doux. Aussi, la lionne lui offrit un grand sourire pour la rassurer.
« On s'écrira. » Sacha hocha la tête, avant d'enlacer Ron, qui était bien plus grand qu'elle. Elle se retrouva donc contre son torse, et lui, tapota maladroitement son dos.
Ce fut au tour de Harry, qui la serra comme il put, avant de se rendre compte qu'elle l'agrippait plus longtemps que les deux autres.
« Ne lâche pas l'obsidienne, d'accord ? Même quand tu dors, gardes la… Garde la toujours sur toi… Et bon courage pour cet été… » Elle se recula ensuite, avant de s'écarter et remonter les quelques marches qui menaient aux différents couloirs et salles de classes.
« Tu as salué les jumeaux, déjà ? » Demanda finalement Ron, avant qu'elle ne soit totalement partie. Sacha se figea sur les marches et inspira longuement avant de faire un demi-tour.
« Non, je ne les aie pas croisés. Ni Luna, ni Ginny… Mais… Embrassez les pour moi, d'accord… ? » Et dans un sourire mensonger, elle poursuivit sa lancée et disparue au détour d'un couloir.
Le trio échangea un regard, se jurant d'en discuter une fois dans le train et à l'abri des oreilles indiscrètes. Hermione s'éloigna un instant en compagnie de Viktor, et si Ron parut légèrement jaloux, il n'en dit rien. Lorsqu'elle revint cependant, elle les informa de la disparition d'un élève de Durmstrang, probablement en même temps que Karkaroff. Un élève qui avait eu des liens avec Sacha.
Arman Jorgensen s'était volatilisé, ne laissant aucune trace.
Sacha quant à elle, fila rejoindre le bureau de Rusard, où elle s'enferma en attendant son ami. Assise sur son fauteuil, Miss-teigne ronronnait sur ses genoux et patouillait, bienheureuse. La chatte écaille de tortue avait espoir d'apaiser un peu l'âme tourmentée de sa jeune humaine. Mais c'était sans effet. Et pourtant, elle avait même tenté le coup de se mettre sur le dos et lui donner accès à son ventre pour des gratouilles.
Un plateau de thé apparut sur le bureau, suivit de celle qui l'avait envoyé. Nora gardait toujours le magnétophone à sa taille, au cas où Sacha chanterait, mais son amie était plus qu'éteinte depuis le décès de monsieur son cousin, ce qui était normal. En soi. Mais cette apathie l'inquiétait. Une déprime pareille, alors qu'elle subissait déjà toutes sortes de malaises, ce n'était pas bon. La petite elfe craignait pour la vie de la jeune femme.
« Miss Sacha ? Je vous ai préparé un thé au jasmin… Essayez de le boire pendant qu'il est chaud. D'accord ? »
« D'accord… Merci Nora… » Répondit la demoiselle d'une voix atone.
Nora eut mal au cœur de l'entendre ainsi. Et elle n'avait pas envie de la laisser rentrer toute seule non plus. Il fallait qu'elle aille voir le directeur, même si jamais aucun elfe n'avait tenté de faire ça, elle, elle le devait. Peut-être était-ce Dobby et ses théories sur la liberté qui l'avait infecté, peut-être que ça venait de l'étrange association de l'élève Granger. Toujours est-il que Nora ne voulait plus travailler uniquement à Poudlard.
Elle voulait prendre soin de Sacha O'Nigay comme un elfe prend soin de sa famille. Elle allait demander une audience. Il fallait faire le plus vite possible.
oOoOoOo
Lorsque les cloches du château sonnèrent dix-sept heures, un large carrosse noir aux allures baroques se posa dans la cour. Aux quatre coins de l'habitacle se tenait une lanterne gothique, et à l'arrière, sur un porte-valise, était gravé la devise de la banque. Le véhicule funéraire était tiré par sept sombrals fournis d'une épaisse crinière tressée avec des perles en argents.
Maître Barbald en sorti accompagné de cinq autres gobelins. Tous très bien habillés. Albus Dumbledore avait été prévenu de leur arrivée, mais ce fut Argus qui les accueillit en premier. L'adulte leur serra la main solennellement, avant de les guider jusqu'au corps de Cédric qui reposait sous un sort de stase à l'infirmerie.
Sacha les y attendait.
Toujours vêtue de sa robe grecque, elle était cependant livide et tenait un mouchoir imbibé de sang sur son visage. Si personne ne fit de commentaire, Argus posa sur elle un regard mi- inquiet mi- sévère. Elle avait essayé d'utiliser le pouvoir de Perséphone pour ramener son cousin pendant qu'il discutait avec l'infirmière. Et le processus l'avait non seulement blessée, mais aussi vidée de son énergie. La laisser sans surveillance devenait dangereux.
Argus espérait sincèrement que la séance devant le magenmagot se passe bien et qu'elle puisse s'émanciper de la famille O'Nigay, ainsi, il la prendrait sous son aile et pourrait l'entrainer et l'aider à l'abri des regards.
« Êtes-vous prêtes, miss O'Nigay ? » Demanda Maître Barbald de sa voix forte.
Entourés des professeurs McGonagall, Rogue, Flitwick et Chourave, ainsi que de l'infirmière, du directeur et de Rusard, le gobelin s'apprêtait à faire une première lecture du testament de Cédric. C'était d'ordre privé mais nécessaire pour que le corps soit emporté.
« Oui… »
« Messieurs, dames ? » Demanda à nouveau le gobelin. Les nombreux hochements de têtes et acquiescements furent suffisant. « Bien. Greffier, le testament. » Il tendit sa main griffue et récupéra un cylindre en argent duquel il sorti un parchemin de l'école, signe que le papier en lui-même était récent. Descellant le cachet de cire d'un coup de griffe, maître Barbald commença sa lecture.
Je soussigné Cédric Fabien Diggory, né le 11 Octobre 1977 au manoir O'Nigay dans le comté de Monaghan, et demeurant au 7 Loutry Sainte-Chapoule, établis par la présente, mes dernières volontés.
Que toutes dispositions concernant mon compte à la banque Gringott ainsi que la finalité de mon être soient confié à Sacha O'Nigay, née le 16 Octobre à Avignon, en Provence Française. Je lui cède par ailleurs tous mes vinyles, ma collection de livres et encyclopédie, ainsi que mon balai de course.
Que ma baguette magique, frêne et crin de licorne, 30.5cm, soit confiée à mes parents, Amos et Marlène Diggory (née O'Nigay.) Afin qu'ils puissent faire leur deuil convenablement.
Je désigne maître Gobelin Barbald Legrand comme exécuteur testamentaire dès l'ouverture de ma succession. Il sera chargé de veiller à l'exécution de mes volontés exprimées à travers le présent testament et dans tout acte séparé ainsi que prendre les mesures conservatoires qui lui apparaitront nécessaire.
Fait le 24 Février à l'école de sorcellerie Poudlard. Ecosse.
Sacha continuait de tourner les perles de son bracelet en pierre de lune, quand bien même la lecture soit terminée. Cédric avait composé ce testament le soir suivant l'épreuve du lac. Après qu'elle ait faillit se noyer… Il avait changé ses plans pour elle. Encore. Il avait tout laissé pour elle. Y compris le fardeau de décider quoi faire de son corps. Et c'était le plus cruel tout en étant le plus beau.
Cédric Fabien Diggory. Elle ne savait même pas que son second prénom était celui-là. Pire encore, il avait fini par obtenir sa véritable date de naissance. Comment ? Elle n'en savait rien. Seul Argus était au courant, à moins qu'elle n'en ait parlé en rêve, vu qu'il la surveillait encore de temps à autre. Il lui manquait…
« Tout me semble en ordre… » Annonça Dumbledore d'une voix grave.
« En ce cas, nous emportons le corps et mademoiselle O'Nigay aux pompes funèbres de la banque. » Annonça le Gobelin sans un regard de plus pour le directeur. « Désirez-vous un accompagnateur, Miss ? »
« Non. C'est bon… Allons y… » Répondit-elle. Ne désirant pas épuiser Argus plus que nécessaire.
Elle avait bien vu qu'il avait des cernes terribles sous les yeux et qu'il boitait encore de sa course après elle pour sauver Potter du faux Maugrey. Qui plus est, tous deux s'étaient dit au revoir dans le bureau, à l'abri des regards indiscrets. L'étreinte s'était voulue chaleureuse et sincère, bien que mêlée d'angoisse quant au départ prochain.
Les quatre gobelins les plus musclés s'emparèrent de la civière recouverte d'un dôme en verre teinté, et se mirent en route. Sacha se ressaisit et leur emboita le pas, ses affaires étant portées par le professeur Rogue, qui suivit le cortège funèbre jusqu'à la cour de l'école.
Lui non plus, n'aimait pas cette situation. D'un côté, l'obscuriale avait du matériel pour devenir encore plus instable, et de l'autre, il allait devoir retourner auprès de Voldemort et jouer les espions. Il fallait cacher l'existence de Sacha O'Nigay au seigneur des ténèbres, et cette évidence surgissait avec autant de vigueur que la peine qu'elle masquait sous cet air vide.
Lorsqu'il eut déposé la valise sur le porte-bagage du carrosse, Severus posa ses yeux noirs sur la demoiselle sur le point de monter dans l'habitacle. Il la vit s'arrêter à mi-chemin, le pied levé, et le regard perdu dans le vague. Les iris noires s'écarquillèrent ensuite de stupeur, lorsque la jeune fille descendit la marche pour venir le rejoindre et le serrer dans ses bras.
Lui, garda les siens raides le long de son corps.
« Faites attention à vous, Severus Rogue… Votre vie compte toute autant que celle d'un autre. »
Et Sacha grimpa la petite marche pour rentrer dans le carrosse. La porte fut refermée par le greffier qui s'installa à l'avant et s'arma d'un long fouet. Un claquement plus tard, le cortège funèbre s'élançait sur le chemin de gravier avant de s'envoler dans le ciel. Et il le suivit des yeux jusqu'à ne plus voir qu'un point noir au milieu du bleu.
Severus passa sa main sur son ventre, là où la tête de Sacha O'Nigay s'était posée lors de l'étreinte, et frissonna. Jamais un élève n'aurait osé l'enlacer. Jamais. Et pourtant, l'impossible venait de se produire.
Il fut soudain pris d'un doute au sujet de l'adolescente qu'il avait côtoyé toute l'année. Certes, elle était revenue amnésique, mais un changement aussi radical… Ces dons. S'il craignait toujours le changement de nature, quelque chose d'autre s'immisça dans son esprit. Un doute qui avait commencé à germer en comprenant qu'Alastor Maugrey n'était pas du tout l'auror à la retraite, mais un mangemort sous polynectar. L'adolescente en était-elle vraiment une ?
Pouvait-elle être une autre personne que la jeune fille issue de la 13e famille sacrée d'Irlande ? Une personne lui ressemblant sans pour autant être-elle ? Des jumelles qui s'ignorent, mais portent le même nom ? Quelque chose lui disait que cette version-là était plus âgée, dans ses traits plus fins, dans son regard noisette plus sombre et… Severus se crispa.
Fouillant ses propres souvenirs, il se rendit compte de son erreur. Sacha O'Nigay, celle de l'année précédente, cette fille aux bavardages incessants qui détestait les potions et se moquait de ses camarades, n'avait jamais eu les yeux noisette. Elle partageait, tout comme Cédric, ce trait propre aux héritiers O'Nigay qui ressemblait le plus à Paulette, la matriarche.
Les yeux gris.
Et absolument personne n'y avait fait attention. À quel point pouvaient-ils tous être idiots ? Cette jeune femme ne pouvait pas être l'élève accidentée. Il y avait une histoire vraiment pas claire là-dessous, et ce n'était pas bon signe. Car une telle ressemblance - sans magie - était signe d'un lien du sang malgré tout.
Cette sorcière-là ne faisait pas de magie, du moins pas de la magie conventionnelle, le côté obscuriale était beaucoup trop présent pour qu'il surgisse uniquement maintenant. À moins d'avoir été continuellement sous emprise, mais même là, un don d'oracle n'apparaissait pas soudain sans raison. Un horrible pressentiment le saisit aux tripes. Et si les deux filles avaient été échangées sans le savoir ? À quel point la famille O'Nigay était-elle néfaste ?
Il lui restait deux mois pour le découvrir.
